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07/07/2022 | FRANCE | N°20/00371

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 20/00371


RUL/CH













[C] [Y]





C/



S.A.S.U. PATI-PRESTIGE BOURGOGNE prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège



































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 07 JUILLET 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00371 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRMF



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section INDUSTRIE, décision at...

RUL/CH

[C] [Y]

C/

S.A.S.U. PATI-PRESTIGE BOURGOGNE prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 07 JUILLET 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00371 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRMF

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section INDUSTRIE, décision attaquée en date du 22 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 17/00487

APPELANT :

[C] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S.U. PATI-PRESTIGE BOURGOGNE prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, et Me Nicolas MAGUET de la SCP MAGUET & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [Y] a été embauché par la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à compter du 8 juin 2009 dans le cadre de missions temporaires puis par un contrat à durée indéterminée du 19 octobre 2009 en qualité de chauffeur et assistant de conditionnement, catégorie ouvrier, département production, échelon n° 2.

La convention collective nationale applicable est celle des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993.

Consécutivement à la fermeture du site situé en Bourgogne, un accord majoritaire a été signé entre la société et les syndicats FO et CGT aux termes duquel M. [Y] a reçu de la part de son employeur une lettre de proposition de reclassement.

Le salarié a opté pour le contrat de sécurisation professionnelle et la rupture du contrat de travail pour motif économique lui a été notifiée le 6 octobre 2016.

Par requête du 18 juillet 2017, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin notamment de :

- faire juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

- faire juger que l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre et le condamner à lui verser 19 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- faire juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de formation et le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 7 000 euros à titre de rappel d'indemnité de préjudice.

Par jugement du 22 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Dijon a jugé que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes à l'exception d'un rappel d'indemnité légale de licenciement.

Par déclaration formée le 18 octobre 2020, M. [Y] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 5 avril 2022, l'appelant demande de :

- infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE de sa demande reconventionnelle et en ce qu'il l'a condamnée à lui verser la somme de 155,49 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à lui payer les sommes suivantes :

* 19 000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 155,49 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

* 4 664,60 euros au titre du préavis, outre 466,46 euros au titre des congés payés afférents,

- juger que la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE n'a pas respecté son obligation de formation,

- la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- annuler le chapitre VI de l'annexe I du PSE de l'accord collectif majoritaire du 21 juillet 2016,

- condamner la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à lui verser les sommes suivantes :

* 7 000 euros à titre de rappel d'indemnité de préjudice,

* 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées, à savoir une attestation pôle emploi et une fiche de paie,

- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 12 avril 2021, la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE demande de :

- déclarer non fondées et injustifiées les demandes formées à son encontre,

- constater la cause réelle et sérieuse de la rupture pour motif économique du contrat de travail de M. [Y],

- constater l'absence d'obligation d'application des critères d'ordre de licenciement,

- constater l'absence de démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité relativement à l'obligation de formation,

- constater l'absence de démonstration, de manière générale, d'un quelconque préjudice,

- constater la présomption de justification et l'absence de tout caractère discriminant de l'accord collectif majoritaire conclu le 21 décembre 2016,

- constater la date d'entrée de M. [Y] au 19 octobre 2009,

- confirmer le jugement déféré,

- rejeter les demandes de M. [Y],

- le condamner à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appels distraits au profit de la SCP Soulard Raimbault.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le bien fondé du licenciement pour motif économique :

Dans le cas d'espèce, M. [Y] conteste son licenciement économique sur trois fondements :

- le motif économique.

- le fait que si le site de [Localité 5] a été fermé, il ne s'agirait pas d'une cessation d'activité car il a été transféré sur l'autre site de la société PATI-PRESTIGE,

- l'obligation de reclassement.

A - Sur le bien fondé du motif économique :

Aux termes de l'article L.1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L1233-3 du code du travail, dans sa version applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il incombe à l'employeur d'établir le motif économique invoqué, lequel s'apprécie à la date de la rupture du contrat de travail.

M. [Y] soutient que :

- si le chiffre d'affaires de la société a connu une forte décroissance, celle-ci serait consécutive à la décision du groupe HAFNER de fermer le site de [Localité 5] et de transférer les clients et l'ensemble du matériel sur la société PATI-PRESTIGE RHONE ALPES,

- le groupe HAFNER , au moment du rachat des sociétés PATI-PESTIGE BOURGOGNE et PATI-PRESTIGE RHONE-ALPES, connaissait la situation économique de celles-ci et avait uniquement un objectif de rentabilité afin de supprimer purement et simplement l'activité située en Bourgogne. Le groupe HAFNER aurait ainsi précipité la chute de la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE pour n'en faire qu'une seule entité,

- le périmètre d'appréciation des difficultés économiques s'est limité aux seules sociétés PATI-PRESTIGE alors que la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE appartient à un groupe constitué par le groupe HAFNER et le groupe PATI-PRESTIGE qui relèvent tous deux du même secteur d'activité.

Pour justifier de ses difficultés économiques, la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE soutient pour sa part que :

- au terme de l'exercice clos le 30 septembre 2013, elle a connu une perte d'exploitation de 827 303 euros et une perte nette de 883 201 euros,

- au terme de l'exercice clos le 30 septembre 2014, le rapport du commissaire aux comptes a conclu que "les difficultés liées à la crise économique ont entraîné une forte dégradation des performances économiques : pertes courantes de 357 187,00 euros et pertes nettes de 373 892,00 euros",

- l'activité était en baisse de 8,9 % entre les exercices 2013 et 2014,

- elle a procédé à des opérations de recapitalisation les 13 mars 2012 et 26 mars 2014 par le biais d'augmentations de capital par incorporation de comptes courants détenus par la société JMCP dans la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE, et ce à hauteur de 1 963 349,64 euros,

- le groupe PATI-PRESTIGE cumulait au 30 septembre 2014 des déficits reportables à hauteur de 1 804 791 euros et connaissait un déficit fiscal de 529 218 euros, (pièce n° 1)

- le groupe PATI-PRESTIGE a sollicité du tribunal de commerce de Chambéry une mesure de conciliation destinée à mettre fin à ses difficultés et par ordonnance du 27 novembre 2014, un conciliateur a été désigné afin de conclure un accord amiable avec les divers créanciers du groupe, ce qui a été fait le 28 avril 2015 permettant la suspension et le décalage pour une durée d'un an du remboursement des dettes du groupe (accord homologué le 6 mai 2015 par jugement du tribunal de Commerce de Chambéry (pièce n° 33),

- un plan de redressement a été présenté aux membres du comité d'entreprise et du CHSCT le 31 mars 2015 préconisant plusieurs mesures (suppression du travail le samedi, réduction des heures de nuit, réorganisation du travail en pâtisserie, réorganisation du travail au conditionnement et préparation commande, réduction de la durée du travail et redéfinition/suppression de divers postes, (pièces n° 2, 3 et 4)

- au terme de l'exercice clos le 30 septembre 2015, elle a connu une perte nette de 102 933 euros et le montant des déficits reportables cumulés du groupe PATI-PRESTIGE s'élevait à 2 023 352 euros pour un déficit fiscal de l'exercice d'un montant de 218 561 euros. Le chiffre d'affaires était en outre en recul de 9,04 %, (pièce n° 5)

- le 19 octobre 2015, une note d'information a été établie à l'attention du comité d'entreprise de la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE dans le cadre du rapprochement opéré avec le groupe HAFNER. Au terme de cette note, il était constaté une très forte baisse du chiffre d'affaires depuis 2012 à hauteur de 20 %, une dépendance vis-à-vis des deux clients principaux (Intermarché et Carrefour), une forte concurrence des produits surgelés, des résultats du groupe négatifs et une baisse de rentabilité ne permettant plus le moindre investissement, (pièce n° 6)

- au 31 décembre 2015, l'endettement total du groupe PATI-PRESTIGE était supérieur à 6,3 millions d'euros, outre un crédit-bail immobilier à rembourser de 4 276 499 euros, soit un total de 10,5 millions d'euros, (pièce n° 8)

- malgré la reprise, le 21 décembre 2015, du groupe PATI-PRESTIGE par le groupe HAFNER par le biais de la holding HAFNER ENTREPRISE qui procédait à l'acquisition de 100 % du capital de la Société FINANCIERE DE SAINTE-HELENE (pièces n° 7 et 34), le chiffre d'affaires respectif des sociétés PATI-PRESTIGE BOURGOGNE et PATI-PRESTIGE RHONE ALPES a continué de diminuer et les résultats d'exploitation fin mai 2016 étaient négatifs (- 59 400 euros pour la société PATI-PRESTIGE RHONE- ALPES, - 196 800 euros pour la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE),

- deux circonstances particulièrement négatives ont aggravé les difficultés :

* la fin du plan de conciliation ayant permis la suspension et le décalage pendant un an d'une partie des échéances de remboursement, les dettes devenant à nouveau exigibles à compter du mois d'avril 2016,

* la politique commerciale d'Intermarché (près de 50 % de l'activité de l'usine de [Localité 5]) qui a déréférencé la gamme éclair fabriquée par la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE au profit d'un produit surgelé d'une sous-marque lui appartenant, et étendu cette stratégie à tous les produits commercialisés par société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE, représentant une perte d'activité conséquente,

- fin mai 2016, la perte prévisionnelle pour le groupe PATI-PRESTIGE s'établissait autour de un million d'euros.

C'est sur cette base que la décision de regrouper l'activité "pâtisserie fraîche" sur un seul site de production et de fermer le site de [Localité 5] aurait été prise, assortie de la suppression des 82 emplois existants sur ce site, seuls les activités feuilletage et macarons, occupant 6 salariés, étant transférées au sein de la société PATI-PRESTIGE RHONE ALPES qui ne fournissait pas ces deux produits.

Ce choix aurait été motivé par le fait que le site de [Localité 5] faisait l'objet d'un bail commercial simple et ne bénéficiait d'aucune réserve foncière, contrairement au site exploité par la société PATI-PRESTIGE RHONES ALPES. (pièces n° 9 et 10)

La lettre de rupture pour motif économique adressée à M. [Y] vise tant les difficultés économiques que la restructuration impérieuse et nécessaire afin d'assurer la pérennité de l'activité « pâtisserie fraîche ». (pièce n° 13)

Il résulte des développements qui précèdent que l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement est avérée.

En outre, les éléments produits par la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE contredisent l'affirmation du salarié selon laquelle la fermeture du site résulterait uniquement d'un objectif de rentabilité et la baisse du chiffre d'affaires de la société serait la conséquence de la décision de fermeture prise par le groupe HAFNER, preuve étant rapportée que les difficultés économiques sont la cause de la décision de fermeture et non sa conséquence.

Néanmoins, il est constant que le périmètre d'appréciation des difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée.

Il incombe alors à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

A cet égard, la spécialisation d'une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d'activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques.

Sur ce point, la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE soutient que si elle appartient à un groupe constitué du groupe HAFNER et du groupe PATI-PRESTIGE, ces deux entités interviennent sur deux secteurs d'activité différents :

- le groupe HAFNER, qui détient quatre filiales comprenant chacune un site de production (société BISCUITS HAFNER, société DUFOUR INDUSTRIE, société HAFNER SEPTEUIL, toutes trois situées en France, et la société HAFNER CANADA) est spécialisée dans la fabrication d'avant-produits de pâtisserie dits « prêt à garnir » ou « ambiant », à base de savarin, de génoise, de pâte sablée, de pâte à chou, de fonds de tarte, et de coupes dessert'.

La convention collective nationale applicable est celle des cinq branches industrie alimentaire diverse du 21 mars 2012.

- le groupe PATI-PRESTIGE, constitué de la holding FINANCIERE DE SAINTE-HELENE détenant la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE et la société PATI-PRESTIGE RHONE ALPES, intervient sur le secteur d'activité des produits finis de pâtisserie, dits « prêt à vendre » ou « pâtisserie fraîche », comptant une centaine de références différentes en éclairs, tartes, tartelettes, flans, entremets, mille-feuilles, religieuses, macarons, bûches', avec plusieurs conditionnements disponibles.

La convention collective nationale applicable est celle des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993.

Il convient néanmoins de relever qu'il résulte de la reprise, le 21 décembre 2015, du groupe PATI-PRESTIGE par le groupe HAFNER par le biais de la holding HAFNER ENTREPRISE qui procédait à l'acquisition de 100 % du capital de la société FINANCIERE DE SAINTE-HELENE que les domaines d'activités "fabrication d'avant-produits de pâtisserie" d'une part, et "produits finis de pâtisserie, dits « prêt à vendre » ou « pâtisserie fraîche » d'autre part permet en réalité de regrouper, au sein d'un seul groupe de sociétés, la fabrication d'une matière première (avant-produit) et celle du produit fini (pâtisserie), rationalisant de ce fait le processus de fabrication par une meilleure coordination, une meilleure définition des orientations à prendre et de faciliter le développement de nouveaux produits.

Il s'en déduit que les activités respectives du groupe HAFNER et du groupe PATI-PRESTIGE auquel appartient la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE relèvent, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché, d'un même secteur d'activité et que c'est au niveau du secteur d'activité commun à la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude, que doit s'apprécier la cause économique du licenciement.

Dès lors, nonobstant les difficultés économiques avérées de la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE, il ne résulte pas des pièces produites d'informations utiles sur la situation économique du secteur de l'activité "avant-produits de pâtisserie dits « prêt à garnir » ou ambiant".

La réalité de difficultés économiques au niveau du groupe relevant du secteur d'activité à prendre en considération n'est donc pas démontrée, de sorte que sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré du non respect de l'obligation de reclassement ou du fait que le transfert du site ne s'analyserait pas comme une cessation d'activité, il y a lieu de considérer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Il s'en déduit également que la demande de la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE aux fins de constater l'absence d'obligation d'application des critères d'ordre de licenciement est sans objet et sera donc rejetée.

B - Sur les demandes pécuniaires afférentes :

Sur la base d'un salaire moyen de référence fixé à 2 332,30 euros et une ancienneté de plus de 7 années, M. [Y] sollicite les sommes suivantes :

- 19 000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE oppose que le montant sollicité, représentant 8,14 mois de salaire moyen mensuel, n'est aucunement justifié par le salarié et rappelle qu'il a déjà bénéficié d'une indemnisation de préjudice à hauteur de 2 000 euros au moment de la rupture de son contrat de travail.

A titre subsidiaire, il soutient que la somme allouée devra être limitée à 6 mois de salaire mensuel brut fixé à 2 332,30 euros.

Au regard des pièces produites et des circonstances de la rupture, il sera alloué à M. [Y] la somme de 13 993,80 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- 4 664,60 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 466,46 euros au titre des congés payés afférents :

Le salarié signataire d'un contrat de sécurisation professionnelle ne perçoit pas d'indemnité compensatrice de préavis.

Néanmoins, en l'absence de motif économique du licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est tenu à l'obligation de préavis et de congés payés afférents.

En application des articles L1234-1 du code du travail et 37 de la convention collective nationale applicable un salarié justifiant de plus de deux années d'ancienneté bénéficie d'un préavis d'une durée égale à deux mois.

Au regard des pièces produites, il sera alloué à M. [Y] la somme de 4 664,60 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 466,46 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- 154,49 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement pour non prise en compte de l'ancienneté lorsqu'il était en contrats de mission temporaires :

Nonobstant le fait que le salarié ne mentionne pas le fondement de sa demande, l'employeur acquiesce à cette demande.

Au regard des pièces produites, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [Y] la somme de 154,49 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement.

II - Sur l'obligation de formation :

Au visa de l'article L.6321-1 du code du travail, lequel dispose que "l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret", M. [Y] soutient que depuis son embauche il n'a suivi aucune formation, ce qui caractérise selon lui une faute de l'employeur lui ayant nécessairement causé un préjudice car si tel avait été le cas, il aurait pu retrouver un travail beaucoup plus facilement sur un emploi similaire et en tous les cas dans une entreprise similaire à la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE. En l'état il travaille comme conducteur receveur au sein de la société KEOLIS.

La société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE oppose que M. [Y] ne justifie d'aucune faute qui lui serait imputable, d'aucun préjudice et d'aucun lien de causalité entre les deux et conclut au rejet de la demande.

En l'espèce, il ne résulte pas des pièces produites ni des écritures des parties d'élément de nature à contredire l'affirmation de M. [Y] selon laquelle il n'a jamais suivi de formation durant la relation de travail.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, M. [Y] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice résultant du fait d'avoir du s'adapter à un travail différent faute d'avoir été formé. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

III - Sur la demande de rappel d'indemnité de préjudice :

M. [Y] soutient que le chapitre VI de l'annexe I du plan de sauvegarde de l'emploi de l'accord collectif majoritaire signé le 21 juillet 2016, en ce qu'il prévoit que les salariés qui ont un présentéisme inférieur à 80 % sur la période allant du 1er janvier 2016 jusqu'à la rupture du contrat de travail percevront la somme de 2 000 euros alors que les salariés qui ont 5 années et plus d'ancienneté et un présentéisme supérieur à 80% perçoivent 9 000 euros, est discriminatoire pour les salariés qui ont été absents pour cause de maladie. (pièce n° 2)

Il en sollicite donc l'annulation et l'octroi de la somme de 7 000 euros au titre de l'indemnité de préjudice que l'employeur ne lui a pas réglé.

La société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE oppose que M. [Y] dénature la stipulation en question en omettant que l'indemnité de préjudice est basée sur deux variables : l'ancienneté du salarié et le présentéisme depuis le 1er janvier 2016 jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

Elle ajoute que les différences de traitement entre catégories professionnelles, et donc salariés, opérées par voie d'accord collectif sont présumés justifiés et il appartient à celui qui les conteste de démontrer que la rupture d'égalité est étrangère à toute considération de nature professionnelle, ce que M. [Y] ne ferait pas.

S'il est constant que les différences de traitement entre catégories professionnelles, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, il n'en résulte pas une présomption générale de justification de toutes différences de traitement entre les salariés opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs.

La présomption de justification d'une différence de traitement résultant des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, est écartée lorsque cette différence a pour fondement l'un des motifs visés à l'article L 1132-1 du code du travail, lequel concerne les discriminations en raison notamment de l'âge, du sexe, de l'état de santé, de l'appartenance syndicale ou encore des convictions religieuses.

En l'espèce, il résulte de la stipulation querellée que la différence de traitement entre salariés articule un double critère : d'une part l'ancienneté dans l'entreprise, d'autre part le présentéisme depuis le 1er janvier 2016 jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

A cet égard, nonobstant le fait que M. [Y] cite à titre d'exemple le cas de salariés absent pour cause de maladie, il convient de relever que cette considération liée à l'état de santé d'un salarié n'est pas exprimée par la clause concernée, laquelle ne vise aucun motif spécifique d'absence, seulement un temps de présence au sein de l'entreprise.

Il en résulte que le caractère discriminatoire ou non de l'octroi de l'indemnité pour préjudice n'est pas en lien avec l'âge, le sexe, l'état de santé, l'appartenance syndicale ou encore les convictions religieuses des salariés concernés, de sorte que la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE peut se prévaloir de la présomption de non discrimination des dispositions de la convention collective applicable.

Or M. [Y] ne justifie d'aucun élément de nature à renverser cette présomption.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre.

IV - Sur les demandes accessoires :

- Sur les intérêts au taux légal :

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Il sera dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

- Sur la remise d'une attestation pôle emploi et d'une fiche de paie :

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

La société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE sera condamnée à remettre à M. [Y] une attestation Pôle Emploi et une fiche de paie conformes à la présente décision.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 22 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Dijon, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à payer à M. [C] [Y] la somme de 154,49 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

- rejeté la demande de dommages-intérêts pour non respect par l'employeur de l'obligation de formation,

- rejeté la demande de rappel d'indemnité de préjudice,

- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour motif économique de M. [C] [Y] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à payer à M. [C] [Y] les sommes suivantes :

- 13 993,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 664,60 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 466,46 euros au titre des congés payés afférents,

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

REJETTE la demande de la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE aux fins de constater l'absence d'obligation d'application des critères d'ordre de licenciement,

CONDAMNE la société PATI-PRESTIGE BOURGOGNE à remettre à M. [C] [Y] une attestation Pôle Emploi et une fiche de paie conformes à la présente décision,

REJETTE les autres demandes,

REJETTE les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les parties supporteront la charge de leur propres dépens d'appel.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00371
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.00371 ?
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