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07/07/2022 | FRANCE | N°20/00063

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 20/00063


OM/FF













[H] [M]





C/



E.U.R.L. [6]

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Saône et-Loire (CPAM)













































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 07 JUILLET 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00063 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FNJR



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de MACON, décision attaquée en date du 02 Janvier 2020, enregistrée sous le

n° 17/00328









APPELANT :





[H] [M]

...

OM/FF

[H] [M]

C/

E.U.R.L. [6]

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Saône et-Loire (CPAM)

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 07 JUILLET 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00063 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FNJR

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de MACON, décision attaquée en date du 02 Janvier 2020, enregistrée sous le

n° 17/00328

APPELANT :

[H] [M]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté par Maître Charles RICHARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉES :

E.U.R.L. [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Sylvain THOURET de la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocat au barreau de LYON substituée par Maître Alice CERF-MUNIER, avocat au barreau de LYON

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Saône et-Loire (CPAM)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par M. [R] [L] (Chargé d'audience) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

M. [M] (le salarié) a été engagé par la société [6] (l'employeur) le 12 octobre 2015.

Le 27 mai 2016, le salarié a déclaré avoir été victime d'un accident du travail, la veille, en subissant une coupure à l'avant-bras droit en utilisant une meuleuse équipée d'un disque de diamant.

La caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels et lui a notifié, le 5 avril 2019, un taux d'IPP de 22 % à compter du 27 octobre 2018.

Le salarié a recherché la faute inexcusable de l'employeur et, après échec de la phase amiable le 9 juin 2017, a saisi le tribunal qui, par décision du 2 janvier 2020, a rejeté la demande du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ainsi que ses autres demandes.

M. [M] a interjeté appel le 27 janvier 2020.

Il demande l'infirmation du jugement, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la fixation au maximum de la rente allouée à compter du 31 octobre 2018, date de consolidation de son état, l'organisation d'une mesure d'expertise, avant-dire droit et le paiement des sommes de :

- 20 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation complémentaire de son préjudice,

- 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour son conseil.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour son conseil.

La caisse s'en remet à la sagesse de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable et rappelle les conséquences légales de cette faute à l'égard de l'employeur.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties reprises à l'audience du 7 juin 2022.

MOTIFS :

Sur la faute inexcusable :

L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que : 'lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants'.

La faute de l'employeur a le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il a ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Ces critères sont cumulatifs.

La conscience du danger exigée de l'employeur s'apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.

Il incombe à celui qui s'en prévaut, de rapporter la preuve de la faute inexcusable.

En cas de faute inexcusable retenue, la majoration de la rente due en application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale est fixée au maximum.

La victime est fondée à obtenir l'indemnisation des préjudices énumérés à l'article L. 452-3 du même code mais aussi la réparation de l'ensemble des dommages non-couverts par le livre IV du code précité.

En l'espèce, le salarié indique qu'il faisait tout sur le chantier, qu'il suivait les consignes de MM. [P] et [N] et que la société et M. [P] ont été condamnés définitivement par le tribunal correctionnel pour trois infractions liées à des manquements en matière de sécurité.

Il précise qu'il ne bénéficiait que d'un escabeau à trois marches et de tréteaux métalliques et non d'un échafaudage pour effectuer un tronçonnage en hauteur d'un carré de plâtre pour mettre en place un linteau, que la meuleuse utilisée lors de l'accident était dépourvue d'un carter de protection, qu'aucun plan d'utilisation n'a été prévu pour prévenir le risque de coupure en cas d'utilisation de cet engin et que l'employeur n'a pas organisé de formation pratique et appropriée à la sécurité lors de l'embauche ni des actions d'information et de formation ni encore la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Il ajoute que le dépassement de la durée maximale de travail effectif résulte de l'initiative de l'employeur qui avait prévu de compenser les heures supplémentaires effectuées par un repos compensateur.

Le salarié se reporte au procès-verbal dressé par le contrôleur du travail le 15 septembre 2016 et à la condamnation pénale prononcée.

L'employeur rappelle l'autonomie de la notion de faute inexcusable, indique qu'il effectuait un suivi régulier du chantier M. [N] s'étant rendu une dizaine de fois sur le chantier comme le confirme M. [Z], que le salarié avait la qualité de chef d'équipe et donc possédait une certaine autonomie, qu'il n'existe pas de formation particulière pour l'outillage portatif comme une meuleuse, que le document unique d'évaluation des risques a été établi et que l'investissement pour un échafaudage a été effectué, le salarié ayant reconnu à la barre du tribunal correctionnel ne pas avoir utilisé cet échafaudage car il était encombré d'autre matériel.

Il précise que la meuleuse avait été acquise neuve et que le carter de protection était dans la boîte de rangement, comme le salarié l'a confirmé dans sa déclaration.

M. [Y], le propriétaire des lieux, déclare, dans le procès-verbal dressé par la police, que le salarié lui a indiqué que l'accident était entièrement de sa faute et qu'il était survenu alors qu'il ne devait pas réaliser seul le travail effectué ce jour.

Enfin, il est rappelé que le dépassement des heures de travail par jour incombe au seul salarié qui souhaitait montrer sa capacité à gérer le chantier en contrepartie de la formation de conducteur de travaux en maison individuelle qui devait commencer en octobre 2016.

Il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 4-1 du code de procédure pénale l'absence de faute pénale non-intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1241 du code civil ...ou en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie.

Il en résulte que la faute inexcusable s'apprécie de façon distincte par rapport aux éléments constitutifs d'une infraction.

En conséquence, la décision du tribunal correctionnel de Nanterre du 11 février 2019 ne lie pas la cour dans l'appréciation de la faute inexcusable alléguée.

Il incombe au salarié de démontrer les critères cumulatifs précités.

Ici, la réalité de l'accident du travail est reconnue par les parties et M. [Z] a été témoin des faits.

Il est justifié que des réunions hebdomadaires étaient réalisées pour le suivi du chantier, que MM. [N] et [P] étaient joignables au téléphone et venaient régulièrement sur le chantier, celui-ci étant pourvu d'un échafaudage et de l'outillage nécessaire, dont une meuleuse.

Par ailleurs, cet outil était muni d'un carter, dans la boîte de rangement, et le salarié a admis avoir retiré cette protection lors de l'utilisation de l'outil, le jour de l'accident.

De même, il a reconnu lors de son audition par la police, avoir utilisé un escabeau pour un travail nécessitant un échafaudage pourtant présent sur le chantier.

De plus, il n'est pas établi que le non-respect de la durée de travail journalière incombe à l'employeur, alors que le salarié, selon les propos rapportés par M. [Y], a admis avoir effectué seul la découpe à l'origine de l'accident et qu'il devait effectuer ce travail à deux, M. [P] lui ayant demandé de l'attendre le lendemain.

Cependant, l'absence de formation pratique et appropriée à la sécurité lors de l'embauche et des actions d'information et de formation est avérée, peu important que le salarié ait occupé une fonction d'artisan, dans le même domaine, avant son embauche ou ait été recruté comme chef de chantier.

Ayant ainsi méconnue une des mesures prévues à l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé.

Il reste au salarié à démontrer que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé.

Il en est ainsi dès lors que l'employeur visitait régulièrement le chantier, qu'il devait s'assurer de ce que le salarié utilisait correctement l'outillage fourni et du respect, par ce dernier, du temps de travail accompli dans la limite légale de la durée journalière et hebdomadaire de travail.

La faute inexcusable sera donc retenue et le jugement infirmé.

Une mesure d'expertise sera donc ordonnée selon les modalités précisées ci-après.

Une provision de 5 000 euros sera allouée au salarié, à valoir sur l'indemnisation future des préjudices subis et sera avancée par la caisse.

Sur les autres demandes :

Il sera sursis à statuer sur toutes les autres demandes ainsi que celles formées au visa de l'article 700 du code de procédure.

Les dépens seront réservés, mais sans application, dès à présent, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dès lors que la représentation par avocat n'est pas obligatoire devant la cour d'appel, en cette matière.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Infirme le jugement du 2 janvier 2020 ;

Statuant à nouveau :

- Dit que la société [6] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont a été victime M. [M] le 25 mai 2016 ;

Avant dire droit, sur l'indemnisation des préjudices, ordonne une mesure d'expertise confiée au docteur [T] [E], domicilié [Adresse 8], expert près la cour d'appel de Dijon avec mission, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents et toutes pièces utiles qui seront annexés en copie à son rapport, et entendu au besoin tout sachant, de :

- convoquer par lettre recommandée avec accusé de réception les parties et les entendre,

- à partir des déclarations de la victime, au besoin de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins,

- recueillir les doléances de la victime, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

- procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

- à l'issue de cet examen analyser dans un exposé précis et synthétique :

* le déficit fonctionnel temporaire,

* la perte de chance de promotion professionnelle,

* les souffrances endurées (physiques et morales) non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (atteintes aux fonctions physiologiques, perte de la qualité de vie, troubles ressentis dans les conditions d'existence),

* le préjudice esthétique,

* le préjudice d'agrément,

- établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport et dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

- répondre aux dires des parties ainsi qu'aux observations qu'elles formuleront après communication des premières conclusions de l'expert, un délai d'un mois leur étant laissé à cette fin,

Fixe à la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros), comprenant le coût de l'expertise et la TVA applicable, le montant de la somme à consigner par avance par M. [M] avant le 7 octobre 2022, délai de rigueur, à la régie d'avances et de recettes de la cour d'appel de Dijon et dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités ci-dessus mentionnées, la désignation de l'expert sera caduque, sauf prolongation de délai ou relevé de caducité décidé par le magistrat chargé du contrôle des expertises,

Rappelle que l'expert sera tenu de présenter une demande de provision complémentaire s'il constate au cours de sa mission que ses frais seront d'un montant supérieur à l'avance fixée dans la présente décision et qu'à défaut, le montant de la consignation initiale constituera sa rémunération définitive,

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la chambre dans un délai de six mois à compter de sa saisine à charge pour lui d'en adresser une copie à chacune des parties,

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance,

Commet le magistrat de la chambre sociale en charge du suivi des expertises pour surveiller le déroulement des opérations,

Fixe à la somme de 5 000 euros le montant de la provision due à M. [M], à valoir sur l'indemnisation de son préjudice à caractère personnel,

Rappelle que la provision sera directement avancée par la caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire qui en récupérera le montant auprès de la société [6] ;

Y ajoutant :

- Sursoit à statuer sur toutes les autres demandes y compris celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Réserve les dépens d'appel, mais sans application, dès à présent, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dès lors que la représentation par avocat n'est pas obligatoire devant la cour d'appel, en cette matière ;

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00063
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.00063 ?
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