MFR/CH
SAS MEDIAGROUP agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
C/
[M] [Z]
[J] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire
S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES, ès-qualités d'administrateur Judiciaire
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS CHALON SUR SAONE
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
MINUTE N°
N° RG 19/00848 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FMK3
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAÔNE, section INDUSTRIE, décision attaquée en date du 27 Novembre 2019, enregistrée sous le n° 17/00440
APPELANTE :
SAS MEDIAGROUP agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-François MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉS :
[M] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Me Fabien KOVAC de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Alexis FAIVRE, avocat au barreau de DIJON
[J] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Miléna DJAMBAZOVA de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES, ès-qualités d'administrateur Judiciaire
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Miléna DJAMBAZOVA de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS CHALON SUR SAONE
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 8]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Françoise ROUX, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
Marie-Françoise ROUX, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Emmanuelle GLAUSER,
GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par arrêt en date du 17 février 2022 auquel se réfère la présente décision en ce qui concerne les faits de la cause et les prétentions initiales des parties, la cour, au vu du courrier que lui a adressé la société Mediagroup aux termes duquel elle l'informait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon en date du 17 décembre 2021, a révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 16 Septembre 2021, renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état et réservé les dépens de la procédure.
Par acte en date du 6 avril 2022 Madame [Z] a fait assigner, en intervention forcée dans la procédure, l'AGS-CGEA de [Localité 8].
Par conclusions reçues au greffe par voie électronique le 1er mars 2022 la SAS Mediagroup, la SELARL AJ partenaires, prise en la personne de Maître [E], en sa qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Maître [F] en sa qualité de mandataire judiciaire, ont sollicité l'infirmation du jugement déféré, sollicitant qu'il soit jugé que le licenciement de Madame [Z] était justifié par une faute grave et qu'elle soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée à leur verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe par voie électronique le 25 mars 2022, Madame [Z] demande à la cour :
- De dire que sa demande d'intervention forcée de l'AGS-CGEA de [Localité 8] est bien fondée,
- De dire que la SAS Mediagroup est mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses demandes,
- De dire qu'elle-même est bien fondée en son appel incident et, réformant le jugement déféré et statuant à nouveau,
* De fixer sa créance à l'encontre du redressement judiciaire de la SAS Mediagroup à la somme de 28 888,08 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pou licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* De condamner Maître [E] du cabinet AJ Partenaires en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Mediagroup à lui remettre, sous astreinte, une attestation pôle emploi rectifiée, conforme à l'arrêt,
* De dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête,
* De confirmer le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
- D'écarter des débats la pièce adverse n° 11,
- Fixer sa créance à l'encontre du redressement judiciaire de la SAS Mediagroup à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA-AGS de Chalon-sur-Saône n'étant ni présent, ni représenté à l'audience, la présente décision sera réputée contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la procédure
Il y a lieu de donner acte à Madame [Z] de ce qu'elle a fait assigner le CGEA-AGS de Chalon-sur-Saône en intervention forcée dans la cause.
- Sur la demande tendant à ce que la pièce numéro 11 produite par la société Mediagroup, représentée par Maître [F], mandataire judiciaire, soit écartée des débats
A l'appui de ses prétentions la société Mediagroup, représentée par Maître [F], mandataire judiciaire, a versé aux débats une pièce numéro 11 consistant en des photographies extraites de la video-surveillance installée dans les locaux de l'entreprise que Madame [Z] demande à la cour d'écarter des débats au motif que la société viole la réglementation en vigueur et que les salariés n'ont pas été informés de la mise en place de ce dispositif.
Or, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L1222-4 du code du travail, qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance, la société Mediagroup ne justifie pas, ni d'ailleurs n'allègue pas, avoir informé ses salariés de la mise en place d'un dispositif de surveillance au sein de ses ateliers.
En conséquence la pièce n° 11 produite par la société Mediagroup, représentée par Maître [F], mandataire judiciaire, doit être écartée des débats.
- Sur le licenciement
Madame [Z] a été licenciée pour faute grave par lettre en date du 14 février 2017 rédigée de la manière suivante :
«'Je vous ai reçue le 08 février 2017 à 15 heures pour un entretien préalable au licenciement que j'envisageais de prononcer à votre encontre.
'
Malgré les explications que vous m'avez fournies, j'ai décidé de vous licencier. En effet, je vous rappelle que dans la nuit du 26 au 27 janvier 2017, à 2 heures du matin très exactement le 27 janvier, vous vous êtes absentée et vous avez abandonné votre poste de travail, quittant l'entreprise avec votre compagnon, au demeurant votre chef d'équipe.
'
Au cours de l'entretien préalable au licenciement, vous avez évoqué une raison de santé, à savoir la nécessité pour vous de vous rendre à votre domicile pour prendre possession de médicaments que vous auriez oubliés, cette raison de santé n'étant appuyée par aucun élément.
'
Je rappelle en effet que cet incident s'est produit le 27 janvier 2017 à 2 heures du matin mais n'a été porté à la connaissance de votre employeur que le 08 février 2017, jour de l'entretien préalable.
'
A aucun moment vous n'avez fait état de quelconques problèmes de santé auprès de la Direction, ni à la fin de votre nuit de travail, ni avant la convocation à l'entretien préalable au licenciement, ni même lors de la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable, ni même avant le déroulé de l'entretien préalable.
'
Je note qu'au jour des présentes, et alors que vous avez fait état de cette situation depuis maintenant plus de 5 jours, vous ne m'avez remis aucun élément justifiant la raison médicale que vous invoquez, de sorte que cette raison médicale ne constitue en rien une quelconque exonération de la faute que vous avez indubitablement commise.
'
Au demeurant, vous n'établissez en rien le caractère urgent de votre départ, accompagné de votre compagnon.
'
Les caméras de vidéo surveillance qui enregistrent les évènements tant au sein de l'entreprise qu'à l'extérieur, et pour lesquels vous avez informés par affichage réglementaire démontrent au demeurant parfaitement que votre départ n'était en rien précipité puisque c'est vous-même qui avez remis des consignes à votre collègue en vue de votre prochain départ.
'
De la même manière, votre départ comme votre retour, ne démontrent aucune précipitation mais permettent de constater qu'il s'agit bien d'une absence totalement injustifiée et concertée avec un autre salarié, laquelle absence non autorisée en dehors du site constitue une faute grave qui rend impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. [...]'»
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur de l'établir.
Madame [Z] ne conteste pas avoir, le 27 janvier 2017, à 2 heures du matin, alors qu'elle était en pause, quitté l'entreprise, avec Monsieur [C], son chef d'équipe, qui l'a accompagnée, en voiture, à son domicile, afin de prendre un médicament anti-douleur, pour apaiser son mal de jambes.
Elle fait valoir qu'avant de partir elle a informé ses collaborateurs de son absence au sein des locaux pendant son temps de pause.
Elle verse aux débats deux ordonnances datées, l'une du 3 janvier 2017 et l'autre du 7 janvier 2017 émanant du docteur [V], chirurgien-dentiste, sur lesquelles était mentionnée la prescription d'anti-douleur et explique s'être rendue à son domicile pour prendre ce médicament.
Elle soutient encore, aux termes de ses écritures, qu'elle a toujours respecté les règles scrupuleusement et qu'elle a toujours pris ses pauses seules et en alternance avec les autres opérateurs.
Il résulte des affirmations de Madame [Z] qu'elle connaissait les règles en ce qui concerne les pauses, étant observé que son contrat de travail prévoyait en son article 6, que, en cas d'absence imprévisible, elle devait en aviser la société et en donner le motif dans un délai de 2 jours.
Or, Madame [Z], qui n'a pas informé la société ni n'a donné le motif de son absence de l'entreprise, durant la période de pause, dans la nuit du 27 janvier 2017, dans le délai de 2 jours, ni même avant que soit engagée la présente procédure, ne verse par ailleurs, aux débats, aucun document médical justifiant l'urgence de son déplacement à son domicile.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Madame [Z] a, en ne respectant pas les consignes, dont elle avait connaissance, relatives aux pauses, manqué à son obligations résultant de son contrat de travail.
Ce manquement caractérise de sa part, une faute, laquelle, toutefois, ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise mais justifiait le prononcé de son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré doit être, par conséquent, infirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de Madame [Z] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Mediagroup à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être déboutée de cette demande indemnitaire.
Le jugement doit être également infirmé en ce qu'il a ordonné à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités éventuellement versées à Madame [Z] dans la limite de six mois et en ce qu'il a condamné la société Mediagroup à verser à Madame [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Fixe aux sommes suivantes les créances de Madame [Z] à l'encontre du redressement judiciaire de la société Mediagroup, outre intérêts à compter du 1er février 2018, date de la signature par la société Mediagroup de l'accusé de réception de sa convocation devant le conseil de Prud'hommes :
- 2 222,16 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents,
- 6 592,40 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 111,08 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, compte tenu de ce que son licenciement pour faute grave n'est pas retenu, étant observé que ces sommes ne sont pas discutées, dans leur montant, par la société Mediagroup, représentéée par Maître [F], ès-qualités de mandataire judiciaire,
Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2018 date de la signature par la société Mediagroup de l'accusé de réception de sa lettre de convocation devant le conseil de Prud'hommes.
La remise d'une attestation Pôle emploi rectifiée, conforme à l'arrêt, doit être ordonnée sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l'arrêt de la cour du 17 Février 2022,
Donne acte à Madame [Z] de sa mise en cause du CGEA-AGS de Chalon-sur- Saône,
Ecarte des débats la pièce n° 11 produite par la société Mediagroup, représentée par Maître [F] en sa qualité de mandataire judiciaire,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement de Madame [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Mediagroup à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a ordonné à la société Mediagroup de rembourser les indemnités éventuellement versées à la salariée, dans la limite de six mois, à Pôle Emploi, en ce qu'il a assorti d'une astreinte l'obligation faite à la société Mediagroup de remettre à la salariée une attestation Pôle Emploi conforme à l'arrêt et en ce qu'il a condamné la société Mediagroup à verser à Madame [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Madame [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Madame [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande au titre de ses frais irrépétibles engagés en première instance,
Fixe aux sommes suivantes la créance de Madame [Z] à l'encontre du redressement judiciaire de la société Mediagroup, outre intérêts à compter du 1er février 2018, date de la signature par la société Mediagroup de l'accusé de réception de sa convocation devant le conseil de Prud'hommes, sous réserve des dispositions de l'article L.622-28 du code du commerce :
- 2 222,16 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents pour 222,21 euros,
- 6 592,40 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 111,08 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de préavis et 111,10 euros au titre des congés payés afférents,
Dit n'y avoir lieu de condamner la société Mediagroup, représentée par Maître [F] en sa qualité de mandataire judiciaire au remboursement des indemnités éventuellement versées par Pôle Emploi à la salariée dans la limite de six mois,
Y ajoutant,
Ordonne à Maître [F] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Mediagroup de remettre à Madame [Z] une attestation Pôle Emploi rectifiée, conforme à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte,
Fixe à 500 euros la créance de Madame [Z] à l'encontre du redressement judiciaire de la société Mediagroup au titre de ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel,
Condamne la société MJ Synergie prise en la personne de Maître [E], ès-qualités de liquidateur de la société Médiagroup aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION