OM/FF
[Z] [B]
C/
EPIC SNCF RESEAU pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
MINUTE N°
N° RG 19/00821 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FMB3
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du
05 Novembre 2019, enregistrée sous le n° 18/00289
APPELANT :
[Z] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-baptiste GAVIGNET de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
EPIC SNCF RESEAU pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Cécile PESSON de la SARL OCTOJURIS - MIFSUD - PESSON - AVOCATS, avocat au barreau de LYON, Maître Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
Marie-Françoise ROUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [B] a été engagé, le 11 janvier 1993, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent d'entretien qualifié par la société SNCF aux droits de laquelle vient désormais l'établissement public local à caractère industriel et commercial SNCF réseau (la SNCF).
A compter de 2010, il a exercé ses activités à « l'Infralog national » en tant que gestionnaire de personnel chantier.
Il a fait l'objet, le 2 novembre 2017, d'un « dernier avertissement » avec mise à pied de 9 jours et d'un déplacement, par mesure disciplinaire, à l'établissement « Infra-pôle Bourgogne Franche-comté » comme gestionnaire du personnel et ce, à compter du 1er février 2018. Ce déplacement a entraîné une baisse de sa rémunération.
Par requête du 14 mai 2018, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir, d'une part, l'annulation des mesures disciplinaires prononcées à son encontre le 2 novembre 2017 et sa réaffectation au sein de « l'Infralog national de Caen », sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, le paiement de diverses indemnités.
Par jugement du 5 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration enregistrée le 4 décembre 2019, M. [B] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2020, il demande à la cour de :
- le dire et juger recevable en son appel,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 5 novembre 2019,
Et, statuant à nouveau :
- annuler la sanction prononcée à son encontre le 2 novembre 2017,
- condamner l'EPIC SNCF réseau à lui payer les sommes suivantes :
* à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral : 5 000 euros,
* à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus, sauf à parfaire : 89 253,48 euros,
- condamner l'EPIC SNCF Réseau à le réaffecter sur le site Infralog de [Localité 6] suite rapide n°2 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner l'EPIC SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal dans la procédure,
- condamner, enfin, l'EPIC SNCF réseau à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- eu égard à la nature du litige, ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir (sic).
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er décembre 2021, l'EPIC SNCF réseau demande à la cour de :
- juger irrecevables les demandes de l'appelant tendant à :
« Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 05 novembre 2019 en ce que :
- Il a dit et jugé que l'EPIC SNCF réseau a fait une parfaite application des règles disciplinaires applicables à l'entreprise
- Il a dit et jugé que la procédure initiée est parfaitement conforme et justifiée
- Il a dit et jugé que la sanction prononcée à l'encontre de Monsieur [B] était juste et proportionnée à la gravité des faits
- Il a débouté Monsieur [B] de ses demandes tendant à voir annuler la sanction prononcée à son encontre le 2 novembre 2017, à voir condamner SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 24 621,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus, à voir condamner SNCF réseau à le réaffecter sur le site Infralog de [Localité 6] suite rapide n°2 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à voir condamner SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal dans la procédure,
Statuer à nouveau »,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [B] à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera liminairement relevé que le jugement attaqué n'est pas remis en cause en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [B] au titre d'un prétendu licenciement (indemnité légale). Le salarié ne reprend pas cette prétention à hauteur de cour.
SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR
La SNCF (l'employeur) se prévaut de l'article 910-4 du code de procédure civile pour conclure à l'irrecevabilité des demandes de l'appelant qui n'auraient pas été présentées dans ses conclusions visées à l'article 908 du même code mais auraient été formées pour la première fois dans ses conclusions n°3 notifiées le 22 octobre 2020.
M. [B] ne répond pas à ce moyen.
L'article 910-4 du code de procédure civile, applicable depuis le 1er janvier 2020 et aux instances en cours à cette date, soit au présent litige, dispose que : « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
En l'espèce, M. [B] a, le 4 décembre 2019, interjeté un appel limité aux chefs du jugement déféré ayant :
- dit et jugé que l'EPIC SNCF réseau a fait une parfaite application des règles disciplinaires applicables à l'entreprise,
- dit et jugé que la procédure initiée est parfaitement conforme et justifiée,
- dit et jugé que la sanction prononcée à l'encontre de M. [B] était juste et proportionnée à la gravité des faits,
- débouté Monsieur [B] de ses demandes tendant à voir annuler la sanction prononcée à son encontre le 2 novembre 2017, à voir condamner SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 24 621,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus, à voir condamner SNCF réseau à le réaffecter sur le site Infralog de [Localité 6] suite rapide n°2 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à voir condamner SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal dans la procédure.
Dans ses premières conclusions notifiées le 4 mars 2020, il a demandé à la cour de :
- le dire et juger recevable en son appel,
- annuler la sanction prononcée à son encontre le 2 novembre 2017,
- condamner la SNCF réseau à lui payer les sommes suivantes :
* à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral : 5 000 euros,
* à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus, sauf à parfaire : 89 253,48 euros,
- condamner la SNCF réseau à le réaffecter sur le site Infralog de [Localité 6] suite rapide n°2 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner la SNCF à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal dans la procédure,
- condamner enfin la SNCF réseau à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Ces demandes sont identiques à celles formulées dans ses conclusions n°3 saisissant la cour, sauf à y avoir ajouté :
« Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 5 novembre 2019 en ce que :
- Il a dit et jugé que l'EPIC SNCF réseau a fait une parfaite application des règles disciplinaires applicables à l'entreprise
- Il a dit et jugé que la procédure initiée est parfaitement conforme et justifiée
- Il a dit et jugé que la sanction prononcée à l'encontre de M. [B] était juste et proportionnée à la gravité des faits
- Il a débouté M. [B] de ses demandes tendant à voir annuler la sanction prononcée à son encontre le 2 novembre 2017, à voir condamner SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 24 621,65 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus, à voir condamner SNCF réseau à le réaffecter sur le site Infralog de [Localité 6] suite rapide n°2 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à voir condamner SNCF réseau à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal dans la procédure,
Et statuant à nouveau ».
M. [B] a, ce faisant, régularisé ses premières écritures qui avaient omis de le préciser. Il ne s'agit pas là de prétentions nouvelles au sens des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile. Les prétentions de l'appelant dans ses conclusions n°3 sont identiques à celles figurant dans ses premières écritures et tendent strictement aux mêmes fins, sans étendre, au surplus, la saisine de la cour telle qu'elle ressort de la déclaration d'appel. M. [B] a donc bien présenté l'ensemble de ses prétentions sur le fond dès ses premières conclusions, sans rajouter de demandes nouvelles dans ses dernières écritures. Il les a simplement complétées sans en changer le contenu.
Il convient, en conséquence, de déclarer M. [B] recevable en ses demandes.
SUR LA NULLITE DE LA SANCTION DISCIPLINAIRE
En suite d'une agression verbale et physique dénoncée sur sa personne par M. [F], salarié de la SNCF, dans la nuit du 20 au 21 juin 2017 au sein de la base de vie de [Localité 9] située à [Adresse 8], M. [B] a fait l'objet dune mesure conservatoire d'éloignement, dès le 22 juin 2017, puis s'est vu notifier, par écrit du 27 juin 2017, une mesure conservatoire pour une affectation à [Adresse 5]. Le 2 novembre 2017, un avertissement (DA) avec mise à pied (MAP) de 9 jours et déplacement par mesure disciplinaire (DMP) lui ont été notifiés. Le salarié a vainement exercé un recours contre cette décision par courrier du 6 novembre 2017. Il a finalement été muté, à compter du 1er février 2018, au titre de la mesure disciplinaire, au sein de l'établissement Infra-pôle Bourgogne Franche-Comté avec pour lieu d'affectation [Localité 7], en tant que gestionnaire du personnel.
I - M. [B] conteste, en premier lieu, la régularité de cette sanction.
Il prétend, d'une part, que la mise à pied conservatoire a été décidée par une personne n'ayant pas qualité pour l'ordonner, en l'occurrence M. [K], alors que seul le directeur d'établissement était compétent pour ce faire, à savoir M. [M].
Il expose, d'autre part, qu'il n'a pas eu la possibilité de s'expliquer lors de l'entretien préalable.
Il se prévaut, en dernier lieu, du défaut de convocation d'un représentant du personnel lors de la réunion du conseil de discipline et, par suite, de l'irrégularité de l'avis rendu par ce dernier.
En réponse, la SNCF excipe de la régularité de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre du salarié. Elle soutient que M. [K] a reçu délégation de M. [M] qui lui a demandé, par téléphone, de prendre une mesure conservatoire à l'encontre de M. [B]. Elle ajoute que M. [B] a eu la possibilité de se défendre lors de l'entretien préalable. Elle prétend également qu'en cas d'absence d'un délégué du personnel lors de la réunion du conseil de discipline, le vote peut quand même avoir lieu mais fait observer que le conseil de discipline a néanmoins décidé de ne pas faire voter l'un des cadres supérieurs, en accord avec le salarié. en sorte qu'il y a bien eu 4 votants, que la parité a été respectée et que le vote est, par suite, régulier.
Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige le juge apprécie la régularité de la procédure et si les faits sont de nature à justifier une sanction.
En l'espèce, M. [B] est agent cadre permanent et soumis, à ce titre, au statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel. Les dispositions relatives aux garanties disciplinaires et sanctions sont prévues au chapitre 9 du statut (RH0001).
Ainsi, il ressort de l'article 2 du RH0001, chapitre 9, que l'employeur est habilité à prendre des mesures conservatoires à l'égard d'un salarié. L'article 2 .1 précise que « l'autorité habilitée à prononcer la mesure conservatoire est le directeur d'établissement pour les agents d'établissement ». L'article 4 fixe quant à lui les mesures à suivre antérieurement au prononcé d'une éventuelle sanction.
Concernant le passage en conseil de discipline, les articles 4.8 et 4.9 dudit chapitre 9 prévoient : « Lorsque la décision est prise, par l'autorité habilitée à prononcer la sanction, de présenter l'affaire devant le conseil de discipline, l'intéressé doit en être avisé par écrit ». « Dans tous les cas où le conseil de discipline est appelé à donner son avis, le dossier de l'affaire est communiqué à l'agent concerné ainsi qu'à son défenseur, en principe au siège du conseil, 8 jours calendaires au moins avant la réunion du conseil de discipline ».
L'article 6 dispose, quant à lui, que le conseil de discipline comprend un président qui n'a qu'une voix consultative, trois cadres supérieurs et trois représentants du personnel appartenant au même collège que l'agent traduit. Ce dernier peut être assisté par un défenseur de son choix pris parmi les salariés de l'entreprise. L'article 6.5 précise que : « Lorsqu'un ou plusieurs délégués du personnel dûment convoqués pour siéger à un conseil de discipline ne se présentent pas à la convocation ou refusent de prendre part aux délibérations du conseil, les délibérations prises en leur absence sont et demeurent valables ».
Il est constant qu'aucune forme particulière ne s'impose en matière de délégation mais il importe que celle-ci soit certaine et dépourvue d'ambiguïté. Le délégataire doit, en outre, avoir la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires pour accomplir sa mission.
De plus, il est admis que le non-respect d'une procédure disciplinaire conventionnelle ou, prévue par le règlement intérieur, rend la sanction (autre qu'un licenciement) nulle lorsque celle-ci constitue une garantie de fond.
Au cas présent, il n'est pas contesté que M. [K] a notifié oralement à M. [B] son changement d'affectation, à titre provisoire, dès le 22 juin 2017, alors qu'il n'était pas le directeur d'établissement. Or, la SNCF excipe et justifie (pièce 20) d'une délégation de pouvoir donnée par téléphone par M. [M] à M. [K] en raison de l'urgence de la situation, de sa volonté d'assurer la protection de M. [F] et ce, en attendant l'issue d'une procédure disciplinaire.
Il est ensuite établi que le conseil de discipline a statué en l'absence d'un représentant du personnel que l'employeur ne justifie pas avoir convoqué. Pour autant, il est avéré que le conseil de discipline a décidé de ne faire voter que deux cadres supérieurs, en accord avec le salarié. Ainsi, l'avis du conseil, signé notamment par les délégués du personnel, mentionne expressément qu'« un représentant du personnel étant absent, un représentant de l'entreprise n'a pas pris part au vote, en accord avec l'agent et son défenseur ». De plus, ce document précise qu'il y a bien eu 4 votants et non 5, comme l'affirme à tort M. [G] qui ne prétend au demeurant pas qu'il s'agirait d'un faux. Ses deux témoignages sont en réalité sujets à caution en raison de ses affirmations erronées, comme il vient d'être relevé. Il y a lieu d'ajouter que l'intéressé affirme que le cadre qui a été écarté du conseil aurait participé au vote alors, d'une part, qu'aucune pièce ne vient l'établir et que, d'autre part, M. [G] n'était pas membre du conseil de discipline ni ne participait pas aux délibérations, de sorte qu'il ne peut attester, sans autre élément de preuve à l'appui, de l'irrégularité des modalités de vote. De même, contrairement à ce qu'il déclare, M. [M] n'a pas proposé la révocation ou la radiation des cadres lors de l'entretien préalable mais un « dernier avertissement avec une mise à pied de 12 jours avec déplacement par mesure disciplinaire ». Dès lors, les deux attestations de M. [G], de surcroît non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, ne permettent pas d'établir que M. [B] aurait été privé du droit de se défendre lors de l'entretien préalable.
En conséquence, compte tenu du respect de la parité des votes du conseil de discipline et à défaut de violation d'une liberté fondamentale du salarié, la sanction disciplinaire ne saurait être frappée de nullité, étant ajouté que le conseil de discipline s'est tenu le 13 octobre 2017 en présence de M. [B] et qu'il n'est pas démontré que ce dernier, assisté d'un défenseur syndical, ait été privé de la possibilité d'assurer utilement sa défense devant la dite instance.
II - M. [B] conteste, en second lieu, le bien-fondé de la sanction prononcée à son encontre en niant les faits de violence qui lui sont reprochés.
En vertu de l'article L. 1333-1 précité, l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin une mesure d'instruction. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais alors dans ce dernier cas de nature volontaire, fait imputable au salarié et constituant de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
En l'espèce, il sera liminairement précisé qu'il importe peu que le procureur de la République n'ait engagé aucune poursuite pénale à l'encontre de M. [B] au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée, la juridiction prud'homale n'étant pas liée par cette décision de classement sans suite.
Il appartient à la cour d'apprécier souverainement les faits de l'espèce et de déterminer si M. [B] s'est livré ou non à un comportement fautif légitimement sanctionné par son employeur.
Il sera à cet égard rappelé que les fautes reprochées au salarié consiste dans le fait, le 21 juin 2017, d'avoir de première part pris à partie et proféré des injures à l'encontre de M. [F], d'avoir de seconde part porté des coups à la tête de ce dernier pendant que M. [W] le tenait par le poignet et le cou et d'avoir, de troisième part, présenté un taux d'alcoolémie de 0,10 mg/l à l'embauche (pièce 12 de l'intimée).
Il ressort des déclarations mêmes de M. [B] (pièce 6 de la SNCF) qu'il a rejoint M. [W] devant la porte du bungalow de M. [F], lieu d'hébergement de la SNCF dans lequel ce dernier dormait, et qu'il l'a injurié pour les avoir dénoncés comme étant trop bruyants lors de la soirée festive qu'ils avaient organisée. Le rapport du CHSCT (pièce 19 de l'employeur) et les déclarations de M. [W], également mis en cause dans les violences contre M. [F], confirment les injures proférées par l'appelant contre ce dernier (pièce 8 de la SNCF). Ces injures et menaces étaient d'ailleurs suffisamment inquiétantes pour faire craindre à M. [C] un débordement de violence (pièce 3 de l'employeur). Ce dernier explique, en pièce 18 de M. [B], avoir entendu l'équivalent de « y'en a marre de cette balance, va falloir qu'il arrête de nous emmerder car nous on ne lui a rien demandé, sinon on va lui faire comprendre ». Les faits d'injures et de menaces sont donc caractérisés.
Prétendant se sentir menacé par M. [F] qui se serait saisi d'un extincteur, M. [B] a également admis l'avoir poussé des deux mains et l'avoir ainsi fait tomber en arrière. Le contact physique à l'initiative de l'appelant est donc établi, étant précisé que la victime a, en définitive, subi une ITT de deux jours et que les photos produites en pièce 5 par la SNCF montrent des bleus sur l'avant-bras gauche de M. [F] qui a précisé que M. [W] le maintenait par les avant-bras. Or, même à supposer que M. [B] n'ait asséné aucun coup à la tête de la victime, comme celle-ci le prétend, il n'en demeure pas moins que l'appelant a participé à l'altercation et qu'il a adopté un comportement agressif envers M. [F], notamment en le poussant et en le faisant tomber. Il importe peu que ce dernier ait brandi un extincteur en espérant ainsi repousser MM. [W] et [B] qui sont venus, d'initiative, à sa rencontre, sur son lieu d'hébergement, en pleine nuit, pour lui reprocher de les avoir « balancés » parce-qu'ils faisaient du bruit et l'empêchaient de dormir.
Il sera rappelé que l'article 3.1 du référentiel RH-0006 rappelle qu' « une attitude et un comportement corrects sont exigés pour tous les salariés, que ce soit notamment envers les clients, les collègues ' ».
L'enquête menée par deux membres du CHSCT a fait ressortir que, ce soir là, jusque tard dans la nuit (2h30) les mis en cause avaient bien participé à une fête alcoolisée et manifestement bruyante.
Le comportement déloyal de l'employeur (« méthodes inadmissibles ») tel qu'allégué par le salarié n'est pas caractérisé. Le CHSCT a mené régulièrement son enquête et remis son document de travail sur les faits du 21 juin 2017. Aucune pression de l'employeur (dont la teneur n'est du reste pas précisée), ni aucune entrave de sa part dans déroulé de l'enquête du comité ne sont caractérisées, le CHSCT n'ayant d'ailleurs pas jugé utile d'agir en justice pour délit d'entrave.
Il ressort des éléments susvisés que le comportement fautif de M. [B] est établi et qu'il justifie le prononcé d'une sanction disciplinaire à son endroit. De plus, il est suffisamment grave pour légitimer la sanction prononcée à son encontre, étant relevé qu'il aurait également pu être muté sur un site éloigné de son domicile, voire même licencié.
En conséquence, la sanction litigieuse est parfaitement justifiée et proportionnée à la faute commise. M. [B] sera donc débouté de sa demande en nullité de la sanction, de sa demande indemnitaire pour préjudice moral et de sa demande de réintégration subséquentes.
La demande en paiement de la somme de 5 000 euros pour comportement déloyal de la SNCF dans la procédure sera également écartée, aucune faute de l'employeur n'étant démontrée, ni le préjudice qui en serait résulté pour le salarié.
Le jugement entrepris est sur ces points confirmé.
SUR LA PERTE DE REVENUS
S'agissant de la perte de revenus dont M. [B] se prévaut en suite de sa mutation disciplinaire, elle sera également rejetée comme justifiée par l'absence de paiement d'indemnités au titre de sujétions particulières.
Ainsi, le référentiel RH0131 portant sur la « Rémunération du personnel du cadre permanent », en son article 3 définit les règles applicables concernant la rémunération. Cet article concernant les éléments constitutifs de la rémunération dispose que : « Les agents du cadre permanent du Groupe Public Ferroviaire (GPF) reçoivent une rémunération mensuelle payée selon les dispositions légales se composant : a) d'un traitement, b) d'une indemnité de résidence. En outre, ils bénéficient d'une prime de fin d'année égale à une mensualité (a+b) à laquelle s'ajoute une majoration. La prime de fin d'année et sa majoration font l'objet d'un paiement unique à partir du 17 décembre. Le montant de ces éléments correspond à un régime de travail établi sur la base d'une moyenne de 35 heures par semaine. Il peut s'y ajouter : une prime de travail, des éléments complémentaires au traitement, à l'indemnité de résidence, à la prime de travail,des indemnités tenant compte de certaines sujétions particulières, des gratifications, des allocations attribuées à titre de remboursement de frais' (pièce 21 de l'intimée).
Or, force est de constater, avec l'employeur, que M. [B] demande le paiement d'indemnités au titre de sujétions particulières et d'allocations à titre de remboursement de frais alors même qu'il n'établit pas avoir subi ces sujétions (frais de déplacement, primes de nuit). Le RH0131 prévoit, à cet égard, en son article 148, les conditions pour en bénéficier, à savoir que : « Les agents qui sont soumis à la réglementation du travail du personnel sédentaire reçoivent pour les heures de service effectuées entre 21h et 6h, une allocation dont le taux horaire est indiqué à l'annexe 6 de la présente directive (RH0372). » Ainsi, M. [B] ne peut demander le bénéfice des primes de nuit que pour les nuits pour lesquelles il a effectivement travaillé.
De la même façon, l'article 50 du RH-0131 prévoit le versement d'une indemnité pour le travail des dimanches et des jours de fêtes dès lors que les agents ont été en service un dimanche ou un jour de fête légale chômée. Cette indemnité est destinée à compenser la sujétion du travail le dimanche et elle varie d'un mois sur l'autre en fonction du nombre de dimanches ou jours fériées effectivement travaillés. Partant, M. [B] ne peut demander le bénéfice de cette prime que pour les dimanches et fêtes pour lesquels il a effectivement travaillé, dont il doit justifier, ce qu'il abstient de faire.
Le salarié ne peut davantage exiger le paiement de frais de déplacement alors qu'il n'est pas en déplacement effectif, de sorte qu'il ne saurait, faute d'en justifier, être indemnisé de ce chef.
La décision querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande financière de M. [B].
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision dont appel sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [B], qui succombe, doit prendre en charge les entiers dépens d'appel et supporter une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare M. [B] recevable en ses demandes,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [B] et le condamne à payer à la société SNCF réseau la somme de 1 000 euros,
Condamne M. [B] aux dépens d'appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION