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16/06/2022 | FRANCE | N°20/00303

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 16 juin 2022, 20/00303


RUL/CH













[C] [M]





C/



S.A.S. MANPOWER FRANCE



S.A.S. EDIB

































































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 16 JUIN 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00303 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FQRN



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section COMMERCE, décision attaquée en date du 28 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/00674







APPELA...

RUL/CH

[C] [M]

C/

S.A.S. MANPOWER FRANCE

S.A.S. EDIB

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00303 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FQRN

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section COMMERCE, décision attaquée en date du 28 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/00674

APPELANT :

[C] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉES :

S.A.S. MANPOWER FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Baptiste GAVIGNET de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, et Me Anne-Laurence FARROUX, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. EDIB

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie RIGNAULT de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [M] a été embauché par la société MANPOWER sur la base de contrats de mission successifs au profit de la société ÉLIMINATION DÉCHETS INDUSTRIELS BOURGOGNE (ci-après désignée EDIB), entreprise utilisatrice, entre le 19 avril et le 31 octobre 2017, terme du dernier contrat.

Par requête du 23 octobre 2018, il a saisi le conseil des prud'hommes de Dijon d'une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, la requalification de la rupture en licenciement nul pour être intervenu pendant une période d'arrêt de travail pour accident du travail et la condamnation de l'employeur aux indemnités afférentes.

Par jugement du 28 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Dijon a requalifié les contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 avril 2017 et condamné la société EDIB à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents et de dommages-intérêts. Il a en revanche été débouté du surplus de ses demandes, notamment celle de condamnation in solidum des sociétés EDIB et MANPOWER.

Par déclaration formée le 29 août 2020, M. [M] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 3 mai 2021, l'appelant demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* requalifié les contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 avril 2017,

* fixé le montant de l'indemnité de requalification à 1 603,66 euros,

* fixé la somme dûe au titre du préavis à 1 603,66 euros, outre 160,36 euros au titre des congés payés afférents ;

- infirmer le jugement déféré pour le surplus,

à titre principal,

- condamner in solidum les sociétés EDIB et MANPOWER à lui verser les sommes suivantes :

* 9 621,96 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail en violation des règles protectrices des salariés victimes d'un accident de travail,

* 1 603,66 euros au titre du préavis, outre 160,37 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés EDIB et MANPOWER à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,

- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018,

- condamner in solidum les sociétés EDIB et MANPOWER aux entiers dépens.

à titre subsidiaire,

- condamner la société MANPOWER à lui verser les sommes suivantes :

* 1 603,66 euros au titre de la requalification,

* 9 621,96 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail en violation des règles protectrices des salariés victimes d'un accident de travail,

* 1 603,66 euros au titre du préavis, outre 160,37 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MANPOWER à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,

- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018,

- condamner la société MANPOWER aux entiers dépens.

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société EDIB à lui verser les sommes suivantes :

* 1 603,66 euros au titre de la requalification,

* 9 621,96 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail en violation des règles protectrices des salariés victimes d'un accident de travail,

* 1 603,66 euros au titre du préavis, outre 160,37 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EDIB à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,

- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018,

- condamner la société EDIB aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 17 février 2020, la société EDIB demande de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié les contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 avril 2017 et prononcé des condamnations à son encontre,

- constater la régularité des contrats de mission conclu entre M. [M] et la société MANPOWER,

- juger que la société EDIB, entreprise utilisatrice, n'a commis aucun manquement,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières écritures du 15 février 2020, la société MANPOWER demande de :

à titre principal,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la requalification des contrats de mission de M. [M] en un contrat de travail à durée indéterminée et prononcé des condamnations à son encontre,

- juger que l'entreprise de travail temporaire n'est pas visée par les dispositions des articles L 1251-40 et L 1251-41 du code du travail relatifs à la requalification,

- débouter M. [M] de ses demandes à ce titre,

à titre subsidiaire,

- constater la régularité des contrats de mission conclus entre elle et M. [M],

- le débouter de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce quil a mis à la charge de la société EDIB le paiement de l'indemnité de requalification,

- juger que l'indemnité de requalification ne peut être mise à la charge de l'entreprise de travail temporaire,

- constater que M. [M] justifie d'une ancienneté inférieure à 7 mois,

- confirmer le jugement déféré sur le quantum des condamnations prononcées à son encontre,

- débouter M. [M] de sa demande d'indemnité de requalification dirigée contre elle,

- limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à un mois de salaire soit la somme de 1 603,66 euros bruts outre des congés payés afférents d'un montant de 160,36 euros bruts,

- limiter le montant des dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat à la somme de 1 603,66 euros bruts,

en tout état de cause,

- condamner M. [M] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la requalification de la relation de travail :

M. [M] a été embauché par la société MANPOWER par contrats de mission successifs au profit de la société EDIB, entreprise utilisatrice, entre le 19 avril 2017 et le 31 octobre 2017, terme de la relation de travail.

Aux termes de l'article L.1251-40 du code du travail, "lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission".

L'article L. 1251-5 du même code dispose que "le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice".

Suivant l'article L.1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission" et seulement dans les cas limitativement énumérés par ce texte, dont le remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé.

En l'espèce, au soutien de sa demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée présentée à l'encontre des sociétés EDIB et MANPOWER, M. [M] soutient que :

- la société EDIB a eu recours à des contrats de mission successifs pour faire face à un besoin structurel de main d''uvre,

- un très grand nombre de ses contrats n'ont pas été signé,

- le délai légal de carence n'a pas été respecté.

A - Sur l'action en requalification dirigée contre l'entreprise utilisatrice :

L'examen des contrats de mission produits met en évidence que le salarié a occupé, à chaque fois, le poste de tri de produits, rinçage des contenants, préparation de commande et ventilation entrepôt, utilisation du chariot élévateur nécessitant une autorisation de conduite selon un horaire de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 15 heures du lundi au jeudi et de 7 heures à 12 heures et de 13 h eures à 14 heures 30 le vendredi pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.

Les contrats de mission ont pour motif un accroissement temporaire d'activité en lien avec les clients ECODDS et SDED 52.

Pour preuve de l'accroissement temporaire d'activité sur ces périodes, la société EDIB produit deux tableaux de "données déchetteries sur EDIB 2016 et 2017" (pièces n° 1 et 2) démontrant selon elle que le tonnage confié par ces clients augmente chaque année de façon notable durant la période estivale et ce en corrélation avec le nombre d'heures travaillées par les intérimaires au cours de ces périodes (pièce n° 2) et l'évolution des ETP sur les années 2016 et 2017 (pièce n° 3)

Il convient néanmoins de relever que ces tableaux, établis par ses soins, non corroborés par des pièces objectives tels que des bons de livraison, ne font aucun lien avec les clients ECODDS et SDED 52 dont les noms ne sont nullement cités.

En outre, l'accroissement d'activité doit être temporaire or si les données déchetteries de 2016 et 2017 font effectivement apparaître un pic important d'activité au mois d'août, l'activité reste quasi constante sur ces deux années entre mars et octobre/novembre, les mois de décembre à février marquant seulement une baisse plus significative mais limitée dans le temps. Contrairement à ce qui est allégué, ces éléments tendent donc à démontrer que l'emploi de travailleurs intérimaires tels que M. [M] entre mi-avril et fin octobre 2017 répond non pas à un accroissement d'activité mais à un besoin structurel de main d'oeuvre et que l'emploi occupé par le salarié était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

La réalité du motif allégué n'étant pas démontrée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise utilisatrice à compter du 19 avril 2017.

B - Sur l'action en requalification dirigée contre l'entreprise de travail temporaire :

* Sur le défaut de signature des contrats litigieux :

Les articles L 1251-16 et L 1251-17 du code du travail disposent que le contrat de mission liant l'entreprise de travail temporaire et le salarié doit, notamment, être établi par écrit et être transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition. Le non-respect de ces prescriptions d'ordre public entraîne, à la demande du salarié, la requalification du contrat de mission conclu avec l'entreprise de travail temporaire en contrat de droit commun à durée indéterminée.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par la société MANPOWER que :

- le contrat de mission initial du 19 avril 2017 et ses avenants de renouvellement jusqu'au 31 mai 2017 ne sont pas signés par le salarié,

- le contrat de mission initial du 1er juin 2017 et ses avenants de renouvellement jusqu'au 13 juillet 2017 sont signés,

- le contrat de mission initial du 17 juillet 2017 est signé mais ses avenants de renouvellement jusqu'au 15 septembre 2017 ne le sont pas,

- le contrat de mission initial du 18 septembre 2017 et ses avenants de renouvellement jusqu'au 31 octobre 2017 ne sont pas signés. (pièce n° 1).

Ces constatations ne sont pas contredites par l'examen de ces mêmes pièces fournies par le salarié (pièces n° 1 à 6).

Il est constant que la signature des contrats par le travailleur temporaire est une formalité d'ordre public dont le non respect entraîne la requalification en contrat à durée indéterminée.

A cet égard, la société EDIB soutient que le retour d'un exemplaire signé du contrat incombe au salarié qui ne saurait lui faire supporter la responsabilité de sa propre carence.

La société MANPOWER soutient quant à elle que M. [M] s'est délibérément abstenu de signer certains contrats de mission qui lui ont été adressés dans le seul but de se prévaloir ultérieurement de l'irrégularité résultant du défaut de signature.

Il appartient cependant à l'entreprise utilisatrice de vérifier que le salarié a bien signé le contrat de mission avant de commencer le travail et que s'agissant d'une disposition d'ordre public, elle ne peut se prévaloir d'une carence de l'intérimaire pour éviter une requalification.

Il appartient par ailleurs à la société MANPOWER de démontrer que le salarié a agi intentionnellement aux fins d'obtenir la requalification des contrats, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce.

En conséquence, faute de comporter la signature de l'intéressé, les contrats de mission du 19 avril 2017 et ses avenants de renouvellement jusqu'au 31 mai 2017, l'avenant de renouvellement du contrat de mission du 31 juillet 2017 jusqu'au 15 septembre 2017 et le contrat de mission du 18 septembre et ses avenants de renouvellement jusqu'au 31 octobre 2017 ne peuvent être considérés comme ayant été établis par écrit de sorte que la société MANPOWER, en ne respectant pas les dispositions des textes susvisés, s'est placée hors du champ d'application du travail temporaire et se trouve liée au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée pour les périodes considérées.

* Sur le non respect du délai de carence :

Les articles L 1251-36 et L 1251-36-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date de la rupture de la relation de travail, disposent qu'à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1251-5, la convention ou l'accord de branche étendu de l'entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence.

A défaut de stipulation dans la convention ou l'accord de branche conclu en application de l'article L. 1251-36, ce délai de carence est égal :

- au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;

- à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est inférieure à quatorze jours.

En l'espèce, il ressort des écritures des parties et des contrats de mission produits que M. [M] a travaillé :

- du 19 avril jusqu'au 31 mai 2017 (pièces n° 1, 8, 9 et 15),

- du 1er juin au 13 juillet 2017 dans le cadre d'un second contrat de mission renouvelé à deux reprises (pièces n° 1 à 3),

- du 17 juillet au 31 août 2017 dans le cadre d'un troisième contrat de mission renouvelé à deux reprises (pièces n° 4 et 5),

- du 1er septembre 2017 au 15 septembre 2017 (pièces n° 1, 13 et 15),

- du 18 septembre au 31 octobre 2017 dans le cadre d'un quatrième contrat de mission renouvelé à deux reprises (pièces n° 6).

Les durées des contrats de mission, incluant leurs renouvellements, étant supérieurs à quatorze jours (42 jours pour le premier contrat, 43 jours pour le second et le quatrième et 59 jours pour le troisième), le délai légal de carence est de 14 jours entre le premier contrat de mission et le second, 14,3 jours entre le deuxième contrat et le troisième et 19,6 jours entre les deux derniers contrats. Or tel n'a pas été le cas (0 jours entre le premier et le deuxième contrat, 3 jours entre le deuxième contrat et le troisième et 2 jours entre les deux derniers contrats).

Dès lors, si la méconnaissance de l'article L1251-36 précité par l'entreprise utilisatrice ne permet pas au salarié d'obtenir sur le fondement de l'article L1251-40 du même code la requalification du contrat de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée le liant à l'entreprise utilisatrice, il résulte des éléments produits que des contrats de mission se sont succédés sans respect du délai de carence, au profit du même salarié afin de pourvoir, au sein de l'entreprise utilisatrice, le même poste d'agent pour faire face à un accroissement temporaire d'activité. Le motif d'accroissement d'activité ne rentrant pas dans le champ d'application des articles L1251-37 et L1251-37-1 du code du travail L1251-37 et L 1251-37-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à la date de signature des différents contrats, il s'en déduit que l'entreprise de travail temporaire a failli aux obligations qui lui étaient propres et s'est placée hors du champ d'application du travail temporaire, se trouvant de ce fait liée au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée.

Elle a en outre engagée sa responsabilité contractuelle dans ses rapports avec l'entreprise utilisatrice, les obligations de l'article L. 1251-36 du code du travail relatives au respect du délai de carence, lui étant propres.

En conséquence, M. [M] est bien fondé à solliciter la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire à compter du premier contrat de mission, soit le 19 avril 2017.

C - Sur la condamnation in solidum :

La demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée étant accueillie, tant à l'égard de l'entreprise utilisatrice qu'à l'égard de l'entreprise de travail temporaire, et chacune ayant manqué aux obligations qui lui sont propres, les sociétés EDIB et MANPOWER sont tenues in solidum de supporter les conséquences de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

II - Sur les demandes pécuniaires :

M. [M] sollicite :

- à titre d'indemnité de requalification :

L'article L.1251-41 du code du travail prévoit l'octroi d'une indemnité de requalification, à la charge de la seule entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire calculée sur le salaire de base et les accessoires du salaire.

Au regard des pièces produites, en particulier les contrats de mission et bulletins de salaire correspondants, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de M. [M] à hauteur de 1 603,66 euros.

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents :

M. [M] sollicite une indemnité de préavis à hauteur d'un mois de salaire, soit 1 603,66 euros bruts, outre 160,36 euros bruts au titre des congés payés afférents.

La société EDIB conclut au rejet de la demande, tout comme la société MANPOWER à titre principal. A titre subsidiaire, cette dernière conclut à une limitation du montant de l'indemnité compensatrice de préavis à un mois de salaire soit 1 603,66 euros bruts, outre les congés payés afférents.

Conformément à l'article L1234-l du code du travail, il y a lieu de considérer que la créance alléguée par le salarié est établie par les pièces qu'il produit et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accueilli la demande à ce titre.

- à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul :

Au visa de l'article L1226-13 du code du travail, M. [M] soutient qu'ayant été en arrêt de travail pour accident du travail au moment de la rupture du contrat de travail, il est en droit de solliciter une somme de 9 621,96 euros correspondant à l'indemnité légale minimale de 6 mois de salaire, en réparation de son préjudice.

En l'espèce, le contrat de travail tel qu'issu de la requalification des contrats de mission a pris fin le 31 octobre 2017 sans observation de la procédure de licenciement et, notamment, sans énonciation des motifs de cette rupture. Il s'ensuit que cette rupture est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, l'examen comparé du courrier de la CPAM du 23 octobre 2018 (pièce n° 7) et du dernier bulletin de salaire du salarié pour le mois d'octobre 2017 (pièce n° 14) établit que M. [M] a été victime d'un accident du travail et placé en arrêt de travail à compter du 23 octobre 2017, ce qu'aucune des parties ne conteste.

En application de l'article L 122-32-2 du code du travail, la rupture du contrat de travail requalifié intervenu au cours d'une période de suspension consécutive à un accident du travail s'analyse en un licenciement nul.

Il lui sera en conséquence alloué une somme de 9 621,96 euros à ce titre, le jugement déféré ayant fixé ce montant à un mois de salaire brut, soit 1 603,66 euros, étant infirmé sur ce point.

III - Sur les demandes accessoires :

- Sur les intérêts au taux légal :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ÉLIMINATION DÉCHETS INDUSTRIELS BOURGOGNE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

- Sur la remise des documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées :

La demande telle que formulée ne permettant pas à la cour de déterminer la nature des documents concernés, celle-ci sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les demandes des parties à ce titre au hauteur d'appel seront rejetées.

Chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 28 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de DIJON sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande de M. [C] [M] aux fins de condamnation in solidum des sociétés ÉLIMINATION DÉCHETS INDUSTRIELS BOURGOGNE et MANPOWER,

- alloué à M. [C] [M] la somme de 1 603,66 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

DIT que le licenciement de M. [C] [M] est nul,

CONDAMNE la société ÉLIMINATION DÉCHETS INDUSTRIELS BOURGOGNE à payer à M. [C] [M] les sommes suivantes :

- 9 621,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 1 603,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 160,37 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 603,66 euros à titre d'indemnité de requalification,

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ÉLIMINATION DÉCHETS INDUSTRIELS BOURGOGNE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

CONDAMNE la société MANPOWER FRANCE à supporter in solidum avec la société ÉLIMINATION DÉCHETS INDUSTRIELS BOURGOGNE les conséquences de la requalification des contrats de mission, excepté la condamnation au paiement de l'indemnité de requalification,

REJETTE la demande de M. [C] [M] aux fins de remise des documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,

REJETTE les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00303
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.00303 ?
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