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09/06/2022 | FRANCE | N°20/01181

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 09 juin 2022, 20/01181


MW/IC















[V] [N]



C/



[M] [I]



[E] [I]



[D] [I]

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées

aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



N° RG 20/01181 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRJE



MINUTE N°



Décisions déférées à la Cour : au fond du 15 septembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbard - RG : 51-19-0001 et RG 51/19/0002











APPELANT :



Monsieur [V] [N]

né le 30 Juillet 1990 à [Localité 18] (21)

domicilié :

[Adresse 16]

[Localité 7]



Au...

MW/IC

[V] [N]

C/

[M] [I]

[E] [I]

[D] [I]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

N° RG 20/01181 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRJE

MINUTE N°

Décisions déférées à la Cour : au fond du 15 septembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbard - RG : 51-19-0001 et RG 51/19/0002

APPELANT :

Monsieur [V] [N]

né le 30 Juillet 1990 à [Localité 18] (21)

domicilié :

[Adresse 16]

[Localité 7]

Autre qualité : Intimé dans la procédure 20/1225 (Fond)

non comparant, représenté par Me Marine-Laure COSTA-RAMOS, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 117

INTIMES :

Monsieur [E] [A] [I]

né le 25 Février 1957 à [Localité 17] (21)

domicilié :

[Adresse 15]

[Localité 17]

Autre qualité : appelant dans la procédure RG 20/1225 (Fond)

Monsieur [D] [X] [P] [I]

né le 01 Avril 1963 à [Localité 17] (21)

domicilié :

[Adresse 19]

[Localité 17]

Autre qualité : appelant dans la procédure RG 20/1225 (Fond)

comparants, assistés de Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

Madame [M] [U]

née le 24 Février 1934 à [Localité 14] (58)

domiciliée :

[Adresse 19]

[Localité 17]

Autre qualité : appelante dans la procédure RG 20/1225 (Fond)

non comparante, représentée par Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par bail notarié du 8 décembre 2012, M. [E] [I] et M. [D] [I] ont donné à bail rural à M. [V] [N] les fonds suivants, situés commune de [Localité 17] (21) :

* biens appartenant indivisément en nue propriété à MM [E] et [D] [I], et en usufruit à Mme [M] [I], née [U] : ZC n°[Cadastre 3] pour 29ha 18a 90ca, ZC n° [Cadastre 4] pour 1 ha 42a 80ca, ZC n° [Cadastre 5] pour 24a 37ca, ZC n° [Cadastre 12] pour 9a 60ca, ZC n° [Cadastre 13] pour 19a 40ca ;

* biens appartenant en nue-propriété à M. [D] [I], et en usufruit à Mme [M] [I] : ZC n° [Cadastre 2] pour 3ha 59a 86ca ;

* biens appartenant en nue-propriété à M. [E] [I], et en usufruit à Mme [M] [I] : ZC n° [Cadastre 11] pour 1 ha 20a 50ca ;

* biens appartenant en pleine propriété à M. [D] [I] : ZC n°[Cadastre 9] pour 5ha 63a 80ca, ZC n° [Cadastre 10] pour 2ha 59a 30ca, ZC n°[Cadastre 1] pour 1a 08ca, ZD n° [Cadastre 8] pour 55a 90ca et ZC n° [Cadastre 6] pour 6ha 82a 77ca.

Ce bail a été conclu pour une durée de 9 années entières et consécutives, rétroactivement à compter du 1er octobre 2011, pour venir à expiration le 30 septembre 2020.

Par acte d'huissier du 19 novembre 2018, les consorts [I] ont fait délivrer à M. [N], en application de l'article L 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, un congé aux fins de reprise au bénéfice de M. [D] [I].

Le 25 février 2019, M. [D] [I], M. [E] [I] et Mme [M] [I] ont demandé la convocation de M. [N] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbard, aux fins de résiliation du bail.

Les parties ne s'étant pas conciliées, l'affaire a été renvoyée à l'audience de jugement.

Les consorts [I] ont sollicité le prononcé de la résiliation du bail, l'expulsion de M. [N], la réalisation d'une expertise afin de procéder à l'état des lieux de sortie et de chiffrer le coût des travaux nécessaires à la remise en état des biens loués, ainsi que la condamnation de M. [N] à leur payer une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur le coût de la remise en état des fonds. Ils ont exposé que la bonne exploitation des fonds loués était compromise par le défaut d'entretien des bâtiments et chemins, et par la présence sur les parcelles de carcasses d'ovins morts. Ils ont ajouté que les correctifs apportés par le demandeur postérieurement à la saisine du tribunal n'avaient pas à être pris en compte, et que la résiliation s'imposait au vu de l'état des fonds au jour de l'introduction de l'action.

M. [N] a réclamé le rejet des prétentions formées à son encontre, au motif que les demandeurs ne démontraient pas la réalité d'un défaut d'entretien d'une ampleur telle qu'il mette en péril l'exploitation des fonds.

Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux a :

- débouté M. [E] [I], M. [D] [I] et Mme [M] [I], née [U], de l'ensemble de leurs demandes tendant au prononcé de la résiliation du bail consenti à M. [V] [N], pour agissements étant de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, ainsi que des conséquences annexes au prononcé d'une telle résolution, telles que les demandes de provision et d'expertise ;

- débouté les parties de toutes leurs autres prétentions ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

- condamné solidairement M. [E] [I], M. [D] [I] et Mme [M] [I], née [U], aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que les éléments versés étaient insuffisants à rapporter la preuve d'un défaut d'entretien mettant l'exploitation en péril ;

- qu'ainsi, des constatations faites par M. [L] [O] moins d'un an après l'entrée de M. [N] sur les fonds ne permettaient pas d'imputer à celui-ci l'état des terres, ni la vétusté des clôtures ;

- que l'attestation établie par le maire de la commune de [Localité 17] semblait avoir été établie au prix d'une violation de propriété, alors que le rapport établi le 20 décembre 2018 par M. [W] était partiel et imprécis, l'expert n'ayant pas pénétré sur l'exploitation et n'ayant pu visiter celle-ci sur toute sa superficie ;

- que les planches photographiques versées par les demandeurs n'étaient pas datées et ne permettaient pas de déterminer si les bâtiments représentés étaient bien ceux qui avaient été donnés à bail à M. [N], ou s'il s'agissait de ceux dont les bailleurs s'étaient réservés l'usage ;

- que les prises de vue relatives aux carcasses d'ovins représentaient en réalité les deux mêmes animaux pris en photographie plusieurs fois, de sorte qu'elles n'étaient pas probantes au regard du taux de mortalité normal auquel pouvait être confronté tout troupeau ; que M. [N] fournissait au demeurant les factures d'équarrissage ;

- qu'il y avait également lieu d'observer que des plaintes pour mauvais traitement avaient fait l'objet d'un classement sans suite, et que M. [N] justifiait des prix et distinctions qu'il avait obtenues en 2014, 2016 et 2017, lesquels attestaient a minima des compétences professionnelles de l'intéressé et des soins qu'il dispensait aux animaux.

Les consorts [I] ont relevé appel de cette décision le 16 octobre 2020.

Par conclusions responsives récapitulatives n°3 notifiées le 25 mars 2022, et reprises à l'audience, les appelants demandent à la cour :

- de juger l'appel régulier et recevable ;

- d'infirmer le jugement déféré ;

Vu les dispositions de l'article L 411-31 du code rural,

- de prononcer la résiliation du bail passé en l'étude de Me [Z] [K] le 8 décembre 2012 ;

- d'ordonner l'expulsion du preneur, M. [N], ainsi que de tout occupant de son chef ou de son titre avec l'aide, si besoin est, de la force publique ;

- de condamner M. [N] à payer au titre des travaux de remise en état la somme de 49 358,50 euros ;

- au cas où la cour déciderait d'ordonner une mesure d'expertise afin de chiffrer le coût des travaux nécessaires à la remise en état des biens loués, de condamner M. [N] à verser une indemnité provisionnelle de 25 000 euros ;

- de condamner M. [N] à payer une indemnité de 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter M. [N] de ses contestations et demandes ;

- de condamner M. [N] aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 notifiées le 31 mars 2022, M. [N] demande à la cour :

Vu l'article 901-4° du code de procédure civile,

Vu l'article 562 du code de procédure civile, ,

Vu l'article 411-31 du code rural et de la pêche maritime,

A titre principal :

- de dire que l'appel interjeté par M. [E] [A] [I], M. [D] [X] [P] [I], Mme [M] [U] est dépourvu d'effet dévolutif ;

- de dire en conséquence que la cour n'est saisie d'aucune demande, d'aucune sorte ;

En tout état de cause :

- de confirmer le jugement déféré ;

- de débouter les consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Réformant partiellement le jugement déféré,

- de condamner in solidum M. [E] [A] [I], M. [D] [X] [P] [I], Mme [M] [U] à verser à M. [N] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la première instance ;

- de condamner in solidum M. [E] [A] [I], M. [D] [X] [P] [I], Mme [M] [U] à verser à M. [N] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- de condamner in solidum M. [E] [A] [I], M. [D] [X] [P] [I], Mme [M] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'audience du 31 mars 2011, M. [N] a repris ses conclusions n°3, à l'exception de son moyen relatif à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, qu'il a expressément abandonné.

Par ailleurs, le 30 janvier 2020, M. [N] a demandé la convocation de M. [D] [I], de M. [E] [I] et de Mme [M] [I] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbard, aux fins d'annulation du congé qui lui avait été délivré le 19 novembre 2018.

Les parties ne s'étant pas conciliées, l'affaire a été renvoyée à l'audience de jugement.

M. [N] a maintenu sa contestation du congé, en faisant valoir que M. [D] [I] ne remplissait pas les conditions nécessaires à la reprise et relatives à la capacité professionnelle, à l'exploitation du bien, et aux conditions financières.

Les consorts [I] ont sollicité le rejet des demandes formées à leur encontre, la validation du congé et l'expulsion de M. [N]. A titre reconventionnel, ils ont réclamé la réalisation d'une expertise afin de procéder à l'état des lieux de sortie et de chiffrer le coût des travaux nécessaires à la remise en état des biens loués. Ils ont exposé que M. [D] [I] satisfaisait aux conditions de la reprise sollicitée, étant titulaire d'un brevet d'études professionnelles agricoles et justifiant d'une activité agricole depuis 1985 en qualité d'aidant familial, et depuis 991 comme chef d'exploitation. Ils ont ajouté que sa double activité ne faisait pas obstacle à l'exploitation effective des fonds repris. Ils ont par ailleurs indiqué que le preneur n'entretenait pas correctement les fonds.

Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux a :

- débouté M. [V] [N] de sa contestation de congé, valider le congé reprise (sic) délivré le 19 novembre 2018, pour la date du 30 septembre 2020 ;

- ordonné, à compter du 30 septembre 2020, l'expulsion de M. [V] [N], ainsi que de tout occupant de son titre ou de son chef et autorisé si besoin est, M. [E] [I], M. [D] [I] et Mme [M] [I], née [U], à avoir recours à la force publique ;

- débouté M. [E] [I], M. [D] [I] et Mme [M] [I], née [U], eu égard à leur demande d'expertise ;

- débouté les parties de toutes leurs autres prétentions ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rappelé que l'exécution provisoire s'applique à la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que les indemnités allouées dans le présent jugement, bien qu'exigibles par provision, n'acquerront un caractère définitif qu'en l'absence d'appel interjeté dans le délai prévu par la loi et après que ce délai d'appel aura expiré ;

- condamné M. [V] [N] aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que le repreneur justifiait d'un diplôme professionnel agricole et du nombre d'années d'expérience liées à l'exploitation agricole ; qu'il justifiait de sa capacité à pouvoir exercer une double activité en versant aux débats l'attestation de son employeur indiquant qu'il était salarié en CDI depuis le 1er mai 1987 et que, de ce fait, il apparaissait que son activité salariée avait été menée de front avec son activité agricole pendant plusieurs années, jusqu'à la mise à bail ; qu'au surplus, M. [D] [I] justifiait être né le 1er avril 1953 et donc ne pas être atteint par l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite agricole ;

- que, s'agissant des capacités financières de M. [D] [I], il était justifié d'un prêt émanant du Crédit Mutuel pour une somme de 18 400 euros aux fins de reconstitution du cheptel ovin, ainsi que d'une attestation de la même banque s'engageant à suivre un investissement supplémentaire tendant à l'achat de 100 ovins, en plus des 70 acquis au titre du prêt initial, et à le financer ; qu'il était également versé aux débats une attestation d'un proche de M. [D] [I] s'engageant à mettre à sa disposition un tracteur ; qu'il était encore justifié d'un prêt familial entre M. [D] [I] et sa mère aux fins d'acquisition du matériel, visé au devis émanant de l'entreprise [C], pour un montant hors taxes de 15 480 euros ;

- que les conditions de validité du congé étaient ainsi réunies ;

- que, s'agissant de la demande d'expertise, aucune pièce n'était versée s'agissant de l'absence d'entretien reprochée au preneur, alors qu'une autre procédure était pendante à ce sujet devant la même juridiction, et qu'aucune jonction n'avait été prononcée.

M. [N] a relevé appel de cette décision le 8 octobre 2020.

Par conclusions n°4 notifiées le 30 mars 2022, reprises à l'audience, l'appelant demande à la cour :

Vu les articles L 411-47, L 411-59 et L 331-2 du code rural,

- de dire et juger M. [V] [N] recevable et bien fondé en ses demandes ;

- de réformer le jugement déféré ;

- de dire que M. [D] [I] ne satisfait pas aux obligations de l'article L 411-59 du code rural permettant de prétendre à une reprise des biens loués ;

- de dire que M. [D] [I] ne satisfait pas plus aux conditions de l'article L 331-2 relatives au contrôle des structures ;

En conséquence,

- d'annuler le congé signifié le 19 novembre 2018 ;

- de débouter les consorts [I]-[U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- de débouter les consorts [I]-[U] de leur demande d'expertise ;

- de débouter les consorts [I]-[U] de leur demande de remboursement de prétendu frais de remise en état et de leur demande de provision ;

- de condamner les consorts [I]-[U] à verser à M. [V] [N] une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner les consorts [I] aux entiers dépens.

Par conclusions responsives récapitulatives n°4 notifiées le 25 mars 2022, et reprises à l'audience, les consorts [I] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a validé le congé délivré à M. [V] [N] et ordonné l'expulsion de ce dernier ;

- d'infirmer la décision en ce qu'elle a refusé d'ordonner une mesure d'expertise et en ce qu'elle a refusé d'allouer aux consorts [I] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter M. [V] [N] de sa contestation de congé et de l'ensemble de ses demandes ;

- de valider le congé reprise délivré le 19 novembre 2018 pour la date du 30 septembre 2020 ;

- d'ordonner, à compter du 30 septembre 2020, l'expulsion de M. [V] [N]

ainsi que de tout occupant de son titre ou de son chef ;

- d'autoriser, si besoin est, les consorts [I] à avoir recours à la force publique ;

- de condamner M. [V] [N] à verser aux bailleurs les consorts [I] la somme de 49 358,50 euros en remboursement du coût des travaux de remise en état des lieux ;

- à défaut, si la cour ordonne une mesure d'expertise, de condamner dès maintenant M. [V] [N] à verser une provision d'un montant de 25 000 euros à valoir sur le coût des travaux de remise en état ;

- de condamner M. [V] [N] à verser une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner aux entiers dépens.

A l'audience du 31 mars 2022, la cour a proposé la jonction des deux affaires, à laquelle aucune des parties ne s'est opposée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur la jonction

Il convient d'ordonner la jonction des deux procédures d'appel, qui opposent les mêmes parties concernant la résiliation du même bail, et dans lesquelles les consorts [I] formulent certaines demandes communes.

Sur la résiliation du bail

1° Sur le congé délivré le 19 novembre 2018.

A) Sur les conditions de forme

M. [N] soulève en premier lieu la nullité de ce congé pour vice de forme, en faisant valoir qu'en contrariété avec l'article L 411-47 code rural et de la pêche maritime, il ne mentionne pas la profession du bénéficiaire de la reprise, ce qui serait de nature à induire le destinataire du congé en erreur.

Les consorts [I] font pertinemment valoir à cet égard que la nullité invoquée avait été couverte, dès lors qu'elle était soulevée pour la première fois par des conclusions d'appelant n°3, après que M. [N], au cours de la première instance et de ses premières conclusions en appel, ait fait valoir des défenses au fond.

En outre, et en tout état de cause, si le congé ne mentionne pas la profession de M. [X] [I] lorsque celui-ci est identifié comme étant le bénéficiaire de la reprise, sa profession est en revanche indiquée à la rubrique identifiant les auteurs du congé, au rang desquels il figure, de sorte qu'il ne peut exister à cet égard aucune ambiguïté préjudiciable au destinataire du congé.

B) Sur les conditions de fond

L'article L 411-59 code rural et de la pêche maritime dispose que 'Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.'

M. [N] fait grief aux consorts [I] de ne fournir aucune explication sur la manière dont il compte concilier son travail salarié avec l'exploitation envisagée sur les fonds repris.

Si M. [X] [I] soutient qu'il occupe un emploi salarié seulement à mi-temps, force est de constater qu'il n'en justifie aucunement. Le seul document émanant de son employeur consiste en effet en une attestation établie le 9 février 2019 par la société BDMS Distribution, qui se borne de manière lapidaire à indiquer que 'M. [I] [D] (...) est employé en contrat indéterminé au sein du magasin Auchan de Semur en Auxois depuis le 01 mai 1987.' Ce document ne fournit ainsi strictement aucune précision quant au volume d'heures fourni par l'intéressé, ce qui constitue pourtant une information essentielle pour l'appréciation de sa capacité à participer à l'exploitation de façon effective et permanente.

M. [I] ne peut s'affranchir de cette difficulté par la seule affirmation selon laquelle il était déjà parvenu à concilier cette activité salariée avec l'activité d'exploitant agricole qu'il avait exercée jusqu'en 2011. S'il est certes constant que, de 1987 à 2011, l'intéressé a manifestement exercé deux activités de front, rien ne permet cependant, en l'absence de précision quant à ses horaires de travail antérieurs et actuels, quant à l'éventuelle aide de son frère dans son exploitation antérieure, et quant aux raisons l'ayant conduit à cesser celle-ci, de se convaincre que les conditions dans lesquelles ces activités étaient menées à l'époque étaient identiques à celles dans lesquelles elles le seraient désormais.

Il doit en conséquence être retenu que M. [X] [I] ne justifie pas remplir les conditions de l'article L 411-59, sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des griefs formulés par M. [N].

Le congé pour reprise délivré le 19 novembre 2018 sera donc annulé, le jugement déféré étant infirmé en ce sens.

2° Sur la résiliation pour défaut d'entretien des fonds

L'article L 411-31 I 2° du code rural et de la pêche maritime énonce que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

En l'occurrence, les consorts [I] font valoir que M. [N] ne satisfait pas à son obligation d'entretien des fonds loués.

Il sera rappelé que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résiliation s'apprécient à la date à laquelle la juridiction appelée à statuer a été saisie, à savoir en l'espèce le 25 février 2019.

Compte tenu de leur très large antériorité à l'égard de cette date, il convient donc d'écarter comme insuffisamment probants le rapport d'expertise [O] établi en décembre 2012, lequel constitue au demeurant l'état des lieux d'entrée établi lors de la prise à bail par M. [N], de sorte qu'il peut difficilement caractériser un manquement de celui-ci dans des obligations à venir, ainsi que les procès-verbaux de constat d'huissier dressés respectivement les 11 septembre 2013 et 19 septembre 2013.

Les bailleurs produisent en revanche un rapport établi à leur demande par M. [J] [W] le 20 décembre 2018, soit de manière contemporaine à la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux. Certes, comme l'ont relevé les premiers juges, ce rapport n'est pas exhaustif, dès lors que le technicien n'ayant pas eu l'autorisation de pénétrer sur les fonds exploités par M. [N], il n'a procédé qu'à la constatation de l'état d'entretien des parcelles visibles à partir des fonds voisins ou de la voie publique. Pour autant, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal paritaire, cela n'enlève rien à la pertinence des observations faites sur les parties visibles, étant observé que celles-ci ne sont en elles-mêmes pas contestées par M. [N], et qu'elles sont au demeurant corroborées par de nombreuses photographies, mais aussi par plusieurs attestations établies par le maire de la commune de [Localité 17]. S'agissant de ces dernières, c'est vainement que M. [N] leur dénie toute valeur probante au motif que l'attestant n'aurait pas de compétence en matière agricole, alors que le maire d'une commune rurale, indépendamment de ses qualifications professionnelles, est manifestement en mesure, au prix d'un examen visuel, de porter une appréciation sur le plus ou moins bon état d'entretien d'un fonds, rien n'établissant par ailleurs que, comme l'affirme M. [N] sans le démontrer, l'intéressé aurait pénétré sur son exploitation pour faire ses constatations.

Il résulte du rapport établi par M. [W] que les parcelles louées manquent dans leur ensemble d'entretien, ce qui se traduit par des clôtures non entretenues, des haies non élaguées ayant gagné en largeur dans le pré, des zones en friches regagnées par les épines, ronces, orties et autres accrues, le début d'envahissement de certains endroits par des ronds d'orties, et la dégradation du chemin d'accès à la ferme. L'homme de l'art ajoute que ces agissements causent un préjudice à l'exploitation du fonds en ce sens que les surfaces en herbe étaient amputées des surfaces de haie, de friches et d'orties, de sorte que la productivité était affectée par le manque d'entretien, que la valeur des biens loués était affectée par la dépréciation consécutive au manque d'entretien et aux frais à engager en vue de remettre la propriété en état, et que ces agissements étaient d'autant plus nuisibles qu'au fil du temps, la remise en état devenait plus difficile et plus coûteuse.

C'est en vain que M. [N] critique ce rapport en indiquant qu'il n'aurait pas tenu compte de l'état des parcelles lors de leur prise à bail, alors que l'obligation d'entretien du preneur lui impose de supprimer de manière régulière les plantes parasites qui contrarient l'exploitation, peu important que celles-ci aient été présentes lors de la prise à bail, et qu'au demeurant M. [W] prend soin d'observer qu'au vu des photographies annexées aux procès-verbaux de constat d'huissier de septembre 2013, l'état des fonds tel qu'il l'avait constaté en décembre 2018 s'était visiblement dégradé depuis.

Le preneur ne peut pas plus se prévaloir des énonciations d'un rapport établi à sa demande en octobre 2019 par le cabinet [Y]-[G], ce document étant postérieur de 8 mois à la saisine de la juridiction aux fins de résiliation du bail, et ne permettant donc pas de démontrer que les améliorations apportées à l'entretien des fonds l'avaient été à la date de cette saisine.

Dès lors qu'il est ainsi caractérisé un défaut d'entretien des fonds loués de nature à en compromettre l'exploitation, la résiliation du bail devra être prononcée pour ce motif, et, en tant que de besoin, l'expulsion de M. [N] ordonnée.

Le jugement déféré, qui a rejeté ces demandes des consorts [I], sera donc infirmé.

Sur l'indemnisation

Il n'y a pas lieu d'ordonner la réalisation d'une expertise destinée à évaluer le coût de la remise en état des fonds, les pièces produites, savoir les devis et factures, mais aussi le dernier rapport établi par M. [W] le 28 juillet 2021, suite à la reprise des fonds par les consorts [I], étant suffisantes à cet égard.

Il résulte de ce dernier document que la réfection des clôtures est évaluée à 10 978,68 euros TTC, et celle des bâtiments à 13 204,92 euros TTC. Il ne sera pas fait droit au surplus de coût mis en compte par les consorts [I] au titre des bâtiments dès lors qu'ils réclament la prise en charge par M. [N] d'interventions dont la nécessité ne résulte pas de l'analyse détaillée menée par leur propre expert.

M. [N] ne verse quant à lui aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation détaillée de M. [W].

M. [N] sera donc condamné à payer aux consorts [I] la somme totale de 24 183,60 euros TTC.

Sur les autres dispositions

Les consorts [I] supporteront les dépens de première instance et d'appel relatifs à la procédure concernant la contestation du congé délivré le 19 novembre 2018.

M. [N] supportera quant à lui les dépens de première instance et d'appel relatifs à la procédure concernant la résiliation du bail pour défaut d'entretien.

Les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les n° RG 20/1181 et 20/1225 ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbard dans l'instance relative à la contestation du congé pour reprise délivré le 19 novembre 2018 par les consorts [I] à M. [N] ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montbard dans l'instance relative à la demande en résiliation du bail pour défaut d'entretien ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Annule le congé pour reprise délivré le 19 novembre 2018 par les consorts [I] à M. [N] ;

Prononce la résiliation du bail conclu le 8 décembre 2012 entre les consorts [I] et M. [N] ;

Ordonne en conséquence l'expulsion de M. [N] et de tous occupants de son chef des fonds objets de ce bail, avec, en cas de besoin, le concours de la force publique ;

Condamne M. [N] à payer aux consorts [I] la somme de 24 183,60 euros TTC au titre de la remise en état des fonds loués ;

Rejette la demande d'expertise formée par les consorts [I] ;

Rejette les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel engagés dans le cadre de la procédure relative à l'annulation du congé pour reprise seront supportés par les consorts [I] ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel engagés dans le cadre de la procédure relative à la réasiliation du bail pour défaut d'entretien seront supportés par M. [N].

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01181
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.01181 ?
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