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09/06/2022 | FRANCE | N°20/01161

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 09 juin 2022, 20/01161


FV/IC















[A] [H]



C/



S.C.E.A. [R]



[F] [H]



[O] [H]



[W] [B] épouse [H]

































































































Expé

dition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



N° RG 20/01161 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRGK



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 31 août 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Dizier - RG : 51-18-0004











APPELANT :



Monsieur [A] [H]

né le 26 Novembre 1973 à [Localité 17] (52)

domicilié :

[Adresse 18]

[Localité ...

FV/IC

[A] [H]

C/

S.C.E.A. [R]

[F] [H]

[O] [H]

[W] [B] épouse [H]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

N° RG 20/01161 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRGK

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 31 août 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Dizier - RG : 51-18-0004

APPELANT :

Monsieur [A] [H]

né le 26 Novembre 1973 à [Localité 17] (52)

domicilié :

[Adresse 18]

[Localité 19]

comparant, assisté de Me Pierre DEVARENNE, membre de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉS :

S.C.E.A. [R] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social sis :

[Adresse 5]

[Localité 19]

représentée par Me Nadège DUBAUX, avocat au barreau de la MEUSE

Monsieur [F] [H]

né le 25 Juillet 1956 à [Localité 19] (52)

domicilié :

[Adresse 5]

[Localité 19]

non comparant, représenté par Me Nadège DUBAUX, avocat au barreau de la MEUSE

Monsieur [O] [H]

né le 16 Janvier 1929 à [Localité 19] (52)

domicilié :

[Adresse 4]

[Localité 19]

Madame [W] [B] épouse [H]

née le 13 Juillet 1931 à [Localité 19] (52)

domiciliée :

[Adresse 4]

[Localité 19]

non comparants, représentés par Me Olivier DE CHANLAIRE, avocat au barreau de HAUTE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président, ayant fait le rapport,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur [X] [H], décédé le 29 août 2013, laisse pour lui succéder son fils [A] [H]. Dépendent notamment de sa succession :

- des parcelles en pleine propriété d'une superficie totale de 30 ha 12 a 10 ca sises :

- commune de [Localité 19] (52) cadastrées section ZR n° [Cadastre 9] et ZK n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 2]

- commune de [Localité 15] (55) cadastrée YB n° [Cadastre 3]

- commune de [Localité 16] (52) : le quart indivis de la parcelle cadastrée YE n° [Cadastre 8],

- des parcelles en nue-propriété (l'usufruit étant propriété de [O] [H] et son épouse née [W] [B]) d'une superficie totale de 46 ha 83 a 62 ca sises sur la commune de [Localité 19] (52) et cadastrées section ZR n° [Cadastre 1] et ZK n°[Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12].

Monsieur [A] [H] découvre l'existence d'un bail à ferme écrit daté du 23 juillet 2013 que son père aurait conclu au profit de la Scea [R].

Doutant de la signature attribuée à son père, il obtient l'organisation d'une expertise graphologique par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Chaumont du 6 février 2018.

L'expert commis conclut dans son rapport déposé le 25 juillet 2018 que le formulaire a été renseigné manuscritement par Mme [W] [H], et que [X] [H] est l'auteur de a mention 'lu et approuvé' et de la signature dans la partie 'bailleur', mais que l'ensemble attribué à [X] [H] a fait l'objet d'une reproduction par impression numérique à partir d'un autre document.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 novembre 2018, Monsieur [A] [H] saisit le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier d'une procédure à l'encontre de la Scea [R], de Monsieur [F] [H], de Monsieur [O] [H] et de son épouse née [W] [B] aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcer la nullité du document qualifié de 'bail à ferme' en date du 23 juillet 2013,

- dire et juger que l'ensemble des parcelles, représentant au total 76 ha 95 a et 72 ca, est libre de bail,

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] à l'indemniser au titre de la perte d'exploitation de ces parcelles pour la période postérieure au décès de Monsieur [X] [H], soit au titre des années culturales 2013/2014 à 2017/2018 par le paiement de la somme de 143 795 euros à titre de dommages intérêts ( soit 5 x 28 759 euros) sauf à parfaire pour la période postérieure à l'année culturale 2017/2018,

- condamner la Scea [R] à lui payer une indemnité d'occupation au titre des parcelles lui appartenant en propre à concurrence de 30 ha 12 a 10 ca à compter de l'année culturale 2013/2014 , soit pour 5 années sur la base d'un fermage de 116,65 euros par hectare, soit 18 734,57 euros par an

l'ensemble de ces sommes portant intérêts de droit à compter de la saisine du tribunal,

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] au paiement de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune conciliation n'est possible à l'audience du 13 février 2019.

A l'audience du 10 juin 2020, Monsieur [A] [H] demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de

- prononcer la nullité du document intitulé 'bail à ferme' en date du 23 juillet 2013,

- dire et juger en conséquence que l'ensemble du parcellaire pour une surface de 76 ha 95 a 72 ca est libre de bail,

- prononcer l'expulsion de la Scea [R] ainsi que de tous occupants de son chef, sur notification du jugement à intervenir, au titre de l'ensemble du parcellaire,

- dire qu'à défaut de libérer les lieux dans les 15 jours du jugement à intervenir, il sera dû par la Scea [R] une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] à l'indemniser au titre de la perte d'exploitation de ces parcelles pour la période postérieure au décès de Monsieur [X] [H] survenu le 29 août 2013 jusqu'à la date de l'année culturale 2018/2019, soit la somme de 172 554 euros, avec intérêts de droit à compter du 6 novembre 2018,

- condamner la Scea [R] à lui payer une indemnité d'occupation au titre des parcelles lui appartenant en pleine propriété à concurrence de 30 ha 12 a 10 ca selon compte arrêté à la date de l'année culturale en cours 2018/2019 soit la somme de 21 081,68 euros avec intérêts de droit à compter de la saisine du tribunal, soit le 6 novembre 2018,

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire le jugement à intervenir commun et opposable à Monsieur [O] [H] et à Madame [W] [B] épouse [H].

Il conclut également à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle adverse, et subsidiairement à son débouté.

Il fait valoir qu'il est indiscutable que l'acte date du 23 juillet 2013 est un faux et ne peut pas valoir bail à ferme.

Il soutient que la Scea [R] ne peut pas se prévaloir d'un bail verbal, les fermages 2014 et 2015 n'ayant pas été encaissés, et les fermages 2016 à 2018 n'ayant pas pu être honorés par compensation avec une facture de paille.

Sur l'indemnité d'occupation, il expose que le quart indivis de la parcelle YE n° [Cadastre 8] est bien exploité par la Scea [R] et que le montant de 116,65 euros de l'hectare n'est pas discuté.

Il fonde sa demande de dommages intérêts sur l'impossibilité d'exploiter les terres occupées par la Scea [R] alors qu'il remplit les conditions requises.

La Scea [R] et Monsieur [F] [H] demandent au tribunal de :

- déclarer la Scea [R] titulaire d'un bail verbal sur les terres appartenant en pleine propriété, en nue-propriété et en indivision à Monsieur [A] [H],

- en conséquence, débouter Monsieur [A] [H] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- dire que Monsieur [O] [H] et Madame [W] [B] épouse [H] devront les garantir de la condamnation financière mise à leur charge au titre des dommages intérêts,

- fixer à la somme de 4 301,48 euros le montant de l'indemnité d'occupation due de 2014 à 2019,

- condamner solidairement Monsieur [O] [H], Madame [W] [B] épouse [H] et Monsieur [A] [H] à verser à la Scea [R] la somme de 6 900 euros correspondant à la plus-value apportée sur la parcelle ZK n° [Cadastre 7] par l'implantation du bâtiment agricole,

- en tous les cas, condamner solidairement Monsieur [O] [H], Madame [W] [B] épouse [H] et Monsieur [A] [H] à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Ils demandent également à bénéficier de délais de grâce pour libérer les parcelles jusqu'au 30 août 2020 pour les céréales et jusqu'au 30 octobre 2020 pour la récolte du maïs.

Ils ne contestent pas les conclusions de l'expertise graphologique, et soutiennent que c'est Madame [W] [B] épouse [H] qui est l'auteur du faux.

Ils invoquent le bénéfice d'un bail verbal en faisant état de l'occupation à titre onéreux du foncier, du règlement des charges afférentes et de la commune intention des parties.

Ils soutiennent que Monsieur [A] [H] a validé l'existence du bail en s'en servant pour valoriser les parts sociales dans le cadre de la procédure devant le tribunal de grande instance de Chaumont et de l'expertise judiciaire afférente alors qu'il doutait de la réalité du bail et a refusé les chèques qui lui étaient adressés dès 2014.

Ils affirment que Monsieur [A] [H] ne démontre pas qu'il aurait pu exploiter le fonds depuis le décès de son père puisqu'il n'est pas installé, n'a pas d'autorisation d'exploiter et n'a pas d'autorisation des usufruitiers.

Ils ajoutent qu'à tout le moins la perte ne pourrait porter que sur les surfaces dont il est propriétaire et à compter du 1er janvier 2015 sous réserve de justifier d'une autorisation d'exploiter.

Ils contestent devoir une indemnité d'occupation pour le quart indivis, et soutiennent que la seule somme due ne peut concerner que la surface de 18 ha 16 a 90 ca, soit 12 716,48 euros venant se compenser avec une dette de Monsieur [A] [H] envers la Scea [R] de 8 415 euros pour la fourniture de paille, soit un solde de 4 301,48 euros.

Invoquant les dispositions de l'article 555 du code civil, la Scea demande le versement de 6 900 euros en indemnisation du bâtiment agricole qu'elle a bâti à [Localité 19].

Madame [W] [B] épouse [H] demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entend soutenir l'action de Monsieur [A] [H] tendant à l'annulation du bail, et ajoute que cette annulation ne permet pas de ressusciter le bail sous forme de bail verbal.

Elle précise qu'elle a signé le bail sous l'évidente condition que son fils [X] le signe, et qu'elle n'a jamais été informée de la manoeuvre de son fils [F].

Monsieur [O] [H] ne fait valoir aucun moyen de défense.

Par jugement du 31 août 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier :

- prononce l'annulation du bail à ferme daté du 23 juillet 2013 et consenti à la Scea [R] faute d'avoir été valablement signé de Monsieur [X] [H],

- dit que le Scea [R] est titulaire d'un bail rural de neuf ans ayant pris effet le 23 juillet 2013 portant sur les parcelles suivantes :

a) les parcelles détenues depuis le 29 août 2013 en pleine propriété de Monsieur [A] [H] pour un total de 30 ha 12 a 10 ca sises commune de [Localité 19] cadastrées section ZR n° [Cadastre 9] et section ZK n° [Cadastre 13] à [Cadastre 2], commune de [Localité 15] cadastrée section YB n° [Cadastre 3], et commune de [Localité 16] le quart indivis de la parcelle cadastrée section YE n° [Cadastre 8],

b) les parcelles détenues depuis le 29 août 2013 en nue-propriété par Monsieur [A] [H] et en usufruit par Monsieur [O] [H] et Madame [W] [B] épouse [H], pour un total de 46 ha 83 a 62 ca sises sur la commune de [Localité 19] et cadastrées section ZR n° [Cadastre 1], section ZK n° [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12],

- déboute Monsieur [A] [H] de ses demandes en expulsion et d'indemnité d'occupation formées à l'encontre de la Scea [R],

- déboute Monsieur [A] [H] de sa demande en indemnisation de la perte d'exploitation formée à l'encontre de la Scea [R] et Monsieur [F] [H],

- dit n'y avoir lieu de déclarer le jugement commun et opposable à Monsieur [O] [H] et à Madame [W] [B] épouse [H],

- déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Monsieur [A] [H] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

- que toutes les parties s'accordent sur la nullité de l'acte daté du 23 juillet 2013,

- que la Scea [R] était constituée de [X] [H], [F] [H] et Monsieur [D] [M], lequel en est sorti le 1er janvier 1994,

- que [X] [H] est décédé le 29 août 2013,

- que la Scea et [F] [H] soutiennent que [X] [H] avait décidé lorsqu'il a appris sa maladie, dans un souci de pérenniser l'exploitation et n'ayant plus de contact avec son fils, de donner à bail à la Scea le foncier dont il était propriétaire et nu-propriétaire, ce qui est corroboré par un écrit en date du 20 novembre 2013 de [W] [B] épouse [H],

- que la Scea exploite depuis le 23 juillet 2013 les parcelles détenues en pleine propriété et en nue-propriété par [A] [H], ce avec l'accord des usufruitiers s'agissant de ces dernières

- que contrairement à ce que soutient [A] [H], le parcellaire dont il a hérité en pleine propriété n'était pas mis à disposition par son père en qualité d'associé exploitant mais en qualité de bailleur de sorte que la mise à disposition à la Scea n'a pas pris fin avec son décès

- que la Scea justifie avoir payé le fermage tel que fixé dans l'écrit annulé pour les parcelles en pleine propriété en 2013 au notaire, et les fermages 2014 et 2015, l'absence d'encaissement ne valant pas défaut de paiement ; que les fermages 2016 à 2018 ont été payés par compensation en tout ou partie avec une créance détenue sur [A] [H] ; que la Scea démontre avoir réglé les taxes foncières afférentes à la parcelle en indivision sise à [Localité 16]

- que [A] [H] n'a pas remis en cause l'existence du bail rural au profit de la Scea dans le cadre de l'expertise judiciaire aux fins d'évaluation des parts sociales de son père à son décès, laquelle a tenu compte de la valorisation tirée de l'exploitation des terres en cause.

******

Monsieur [A] [H] fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 29 septembre 2020 à l'encontre de toutes les dispositions du jugement sauf en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'acte du 23 juillet 2013.

Par conclusions récapitulatives développées à l'audience, il demande à la cour d'appel de :

' Statuant sur l'appel relevé par Monsieur [A] [H] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier le 31 août 2020.

- Le déclarer recevable et bien fondé,

- L'infirmer en ses dispositions :

- ayant dit que le Scea [R] est titulaire d'un bail rural de neuf ans ayant pris effet le 23 juillet 2013 portant sur les parcelles suivantes :

a) les parcelles détenues depuis le 29 août 2013 en pleine propriété de Monsieur [A] [H] pour un total de 30 ha 12 a 10 ca sises commune de [Localité 19] cadastrées section ZR n° [Cadastre 9] et section ZK n° [Cadastre 13] à [Cadastre 2], commune de [Localité 15] cadastrée section YB n° [Cadastre 3], et commune de [Localité 16] le quart indivis de la parcelle cadastrée section YE n° [Cadastre 8],

b) les parcelles détenues depuis le 29 août 2013 en nue-propriété par Monsieur [A] [H] et en usufruit par Monsieur [O] [H] et Madame [W] [B] épouse [H], pour un total de 46 ha 83 a 62 ca sises sur la commune de [Localité 19] et cadastrées section ZR n° [Cadastre 1], section ZK n° [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12],

- ayant débouté Monsieur [A] [H] de ses demandes en expulsion et d'indemnité d'occupation formées à l'encontre de la Scea [R],

- ayant débouté Monsieur [A] [H] de sa demande en indemnisation de la perte d'exploitation formée à l'encontre de la Scea [R] et Monsieur [F] [R],

- ayant refusé de déclarer le jugement commun et opposable à Monsieur [O] [H] et à Madame [W] [B] épouse [H],

- l'ayant débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'ayant condamné aux dépens.

- Le confirmer en conséquence en sa seule disposition ayant prononcé l'annulation du bail à ferme daté du 23 juillet 2013,

Et statuant à nouveau et faisant ce que le premier juge aurait dû faire (sic) :

- dire et juger que la Scea [R] ne peut se prévaloir d'un bail rural sur l'ensemble du parcellaire pour une surface totale de 76 ha 95 a 72 ca,

- prononcer l'expulsion de la Scea [R] ainsi que de tous occupants de son chef, sur signification de l'arrêt à intervenir, au titre de l'ensemble du parcellaire,

- dire qu'à défaut de libérer les lieux dans les 15 jours de l'arrêt à intervenir, il sera dû par la Scea [R] une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] à l'indemniser au titre de la perte d'exploitation de ces parcelles pour la période postérieure au décès de Monsieur [X] [H] survenu le 29 août 2013 jusqu'à la date de l'année culturale 2020/2021, soit la somme de 230 072 euros, à titre de dommages intérêts avec intérêts de droit à compter du 6 novembre 2018 sur la somme de 143 795 euros, et à compter de l'arrêt pour le surplus,

- condamner la Scea [R] à lui payer une indemnité d'occupation au titre des parcelles lui appartenant en pleine propriété à concurrence de 30 ha 12 a 10 ca selon compte arrêté à la date de l'année culturale en cours 2020/2021 soit la somme de 28 108,91 euros avec intérêts de droit à compter de la saisine du tribunal, soit le 6 novembre 2018, sur la somme de 18 734,57 euros, et avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

Le tout sauf à parfaire concernant la période postérieure à l'année culturale 2020/2021.

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire le jugement (sic) à intervenir commun et opposable à Monsieur [O] [H] et à Madame [W] [B] épouse [H],

- condamner solidairement la Scea [R] et Monsieur [F] [H] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.'

Il reproche au tribunal de ne pas s'être interrogé sur les raisons de l'accomplissement du faux si la Scea bénéficiait d'un bail verbal comme il l'a retenu.

Il soutient que ce faux, convenu entre les parties pour permettre à [F] [H] et à la Scea de poursuivre l'exploitation des parcelles qui devaient lui revenir, s'inscrit dans le contexte particulier de l'hospitalisation de [X] [H] dont le décès est survenu quelques semaines plus tard ; qu'il était en effet urgent de se prémunir de la reprise des parcelles par lui, alors que tant [F] [H] que la Scea savaient qu'il ne pourraient plus, à défaut de ce document, se prévaloir d'une relation contractuelle.

Il souligne les difficultés opposées par la Scea pour produire l'original de l'acte du 23 juillet 2013, et son opposition à l'expertise graphologique alors qu'aujourd'hui elle ne conteste plus le montage et le faux.

Concernant les parcelles lui revenant en pleine propriété suite au décès de son père, il affirme qu'il n'a jamais existé le moindre bail contrairement à ce que le tribunal a retenu en procédant par affirmation ; qu'en effet c'est en sa seule qualité d'associé exploitant que son père [X] a mis ces parcelles à la disposition de la Scea, sans que cette opération puisse être qualifiée de bail rural ; que la perte de la qualité d'associé de [X] [H] est concomitante à son décès et que la mise à disposition a nécessairement cessé dès ce décès.

Il ajoute que [F] [H] et la Scea ne peuvent pas se prévaloir de l'exploitation de ces parcelles depuis le 29 août 2013, puisque ce n'est qu'en considération du document du 23 juillet 2013 annulé que cette exploitation a pu avoir lieu, pas plus que la Scea ne peut s'imposer en lui adressant des chèques abusivement intitulés fermage dont elle reconnaît qu'il ne les a pas encaissés.

S'agissant de l'absence de remise en cause de ce bail lors de l'expertise réalisée pour évaluer les parts sociales de son père dans la Scea, il maintient que ces considérations ne peuvent pas lui être opposées puisqu'il n'a su que le document du 23 juillet 2013 n'était qu'un faux qu'à réception du rapport d'expertise graphologique le 25 juillet 2018.

Il conteste enfin l'existence d'une créance de la Scea à son encontre qui aurait servi par compensation à honorer les fermages.

Sur les parcelles dont il est nu-propriétaire, ses grands parents étant usufruitiers, il reproche au jugement l'absence de toute motivation pour retenir l'existence d'une relation contractuelle au profit de la Scea.

Il ajoute qu'il vient d'être informé par ses grands-parents de l'existence d'un bail à long terme consenti par eux en leur qualité d'usufruitiers au profit de leurs deux fils, [X] et [F] selon acte notarié du 31 décembre 1996 pour une durée de 18 années à compter du 1er janvier 1997 et se terminant donc le 31 décembre 2014, bail portant sur les parcelles ZR n° [Cadastre 1], et ZK n° [Cadastre 7], [Cadastre 6], [Cadastre 10] et [Cadastre 12], seule manquant la parcelle ZK n° [Cadastre 11].

Il en déduit que le faux bail avait pour objectif de contourner l'application des dispositions de l'article L 411-34 du code rural selon lequel, à défaut pour le bailleur de demander la résiliation du bail dans les 6 mois à compter du décès du preneur, le droit au bail passe à sa descendance, et donc à lui-même en l'espèce.

Il conteste les affirmations de [F] [H] et de la Scea selon lesquelles la Scea aurait été finalement bénéficiaire du bail au motif que le bail du 31 décembre 1996 aurait été tacitement résilié par la signature de l'acte du 23 juillet 2013 puisque cet acte étant nul il ne peut pas avoir cet effet.

Il affirme que faute de délivrance d'un congé au terme du bail à long terme, celui-ci s'est renouvelé pour une nouvelle période de 9 années par application de L 411-50 du code rural.

Il conteste également toute possibilité de novation du bail initial, soulignant qu'en alléguant d'une résiliation tacite puis d'une novation, les intimés soutiennent tout et son contraire, et surtout que la novation ne peut résulter que d'une volonté certaine du bailleur qui en l'espèce n'existe pas du seul fait de la nullité de l'acte du 23 juillet 2013.

Il en déduit qu'il est fondé à demander l'expulsion de la Scea et de tous occupants de son chef des parcelles lui appartenant en propre.

Concernant les parcelles sous usufruit de ses grands-parents, il ajoute que le bail à long terme expirait le 31 décembre 2014, et qu'il n'a pas pu se poursuivre pour une nouvelle période de 9 années dès lors que l'un des co-preneurs, [X] [H], était décédé et que l'autre, [F] [H] a pris sa retraite.

Il demande en conséquence l'expulsion de la Scea qui ne justifie pas d'une autorisation au titre de la législation des structures agricoles

Pour les parcelles lui appartenant en propre il demande une indemnité d'occupation pour la totalité de ces parcelles. Il conteste ne pas pouvoir solliciter d'indemnité pour le quart indivis lui appartenant sur la parcelle YE n° [Cadastre 8] au motif qu'elle est bien visée dans l'acte du 23 juillet 2013 comme étant exploitée elle aussi par la Scea.

Il fonde sa demande de dommages intérêts sur l'impossibilité d'exploiter les parcelles du fait de leur occupation indue ( impossibilité en qualité de propriétaire, en qualité de preneur en continuation du bail consenti à son père par ses grands-parents ou impossibilité de bénéficier d'un bail de la part de ses grands-parents sur les parcelles dont il est nu-propriétaire).

Sur leur quantum, il invoque un document établi par CER France et une étude de la coopérative COBEVIM.

Il précise enfin qu'il est titulaire de diplômes agricoles (bac et BTS), qu'il bénéficie d'une autorisation au titre de la législation des structures sur toutes les parcelles, et qu'il est déclaré comme exploitant à la M.S.A. (exploitation d'un élevage caprin et ovin hors sol).

Par conclusions d'intimés déposées le 18 février 2022 et développées à l'audience, Monsieur [F] [H] et la Scea [R] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier le 31 août 2020 en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau,

- Condamner solidairement Monsieur et Madame [O] [H] et Monsieur [A][H] à leur verser 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement pour le surplus,

Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement,

- Condamner Monsieur et Madame [O] [H] à garantir Monsieur [F] [H] et la Scea [R] de la condamnation financière mise à leur charge au titre des dommages intérêts,

- Fixer à la somme de 8 540,31 euros le montant de l'indemnité d'occupation due à Monsieur [A] [H] de 2014 à 2021,

En tous les cas,

- Accorder à la Scea [R] un délai de grâce jusqu'à l'enlèvement de la récolte 2022 et jusqu'au 30 août 2022 au plus tard,

- Condamner solidairement Monsieur et Madame [O] [H] et Monsieur [A] [H] à verser à Monsieur [F] [H] et à la Scea [R] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Ils exposent concernant le bail sous seing privé du 3 juillet 2013 qu'il s'inscrit dans les relations ayant existé entre les parties, [O] [H] et son épouse étant les parents de [X] et [F] et grands-parents de [A] [H] ; que jusqu'en 2014, c'est [W] [H] qui assurait la gestion administrative de la Scea qui était constituée de [X] [H], [F] [H] et [D] [M], lequel en est sorti le 1er janvier 1994 ; que [F] [H] a repris cette gestion, s'attirant ainsi les foudres de sa mère ; que lors de l'hospitalisation de [X] le 19 juillet 2013 pour une leucémie qui l'a emporté dès le 29 août suivant, il a fallu pérenniser l'exploitation compte-tenu de sa mésentente avec son fils [A] avec lequel il n'avait plus de contact et qui l'avait même menacé de mort ; que c'est dans ces conditions que le bail du 23 juillet 2013 portant tant sur le foncier dont il était propriétaire que sur celui dont il était nu-propriétaire a été signé.

Ils affirment que cette volonté de conclure un bail avec la Scea [R] est démontrée par l'attestation émanant de [W] [H] du 20 novembre 2013 où elle explique que c'est à la demande de [X] et en accord avec lui et son mari qu'elle a rédigé un bail au profit de la Scea, lequel a oublié deux parcelles. Ils soulignent que si devant le juge des référés [W] [H] a affirmé ne pas être l'auteur de cette attestation, celle-ci a de ce fait été elle aussi soumise à l'expert qui a exclu toute imitation de son écriture.

Ils confirment qu'ils n'entendent pas contester le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de cet acte sur lequel il s'est avéré que la signature attribuée à [X] résultait d'une copie.

Concernant l'existence d'un bail verbal au profit de la Scea sur les parcelles appartenant en pleine propriété à [A] :

- ils reconnaissent que jusqu'au décès de [X] l'exploitation de ces parcelles par la Scea relevait d'une simple mise à disposition par [X] de ces parcelles au profit de la société.

- ils soutiennent que depuis le décès de [X], la Scea exploite ces parcelles non plus via une mise à disposition, mais directement, et qu'en échange elle verse une contrepartie financière (chèque au notaire de la succession pour le fermage 2013, chèques à [A] pour les fermages 2014 et 2015, compensation avec une facture de paille due par [A] pour les fermages 2016 et 2017 et pour partie du fermage 2018 soldé par un chèque, et chèques pour les fermages 2019, 2020 et 2021) ; que si [A] n'a pas encaissé les chèques qui lui ont été remis, celui remis au notaire et les paiements par compensation sont avérés ; qu'au surplus la Scea règle les taxes foncières pour la parcelle YE n° [Cadastre 8] sur laquelle [A] n'a droit qu'à un quart indivis.

Sur les parcelles dont [A] est nu-propriétaire :

- ils affirment que le bail notarié de 1996 a été tacitement résilié d'un commun accord entre les parties par la signature du bail du 23 juillet 2013 ; que même si celui-ci a été annulé, la commune intention des parties reste comme le démontre l'attestation de [W] [H].

Ils citent en ce sens un arrêt de la cour de cassation de 1961.

- ils soutiennent que même à supposer que le bail de 1996 pré-existe (sic), la Scea exploite les parcelles suite à une novation qui est clairement démontrée par la signature du bail du 23 juillet 2013 et l'attestation du 20 novembre 2013 ; que la Scea règle le fermage afférent à ces parcelles aux nu-propriétaires sans aucune opposition de leur part et qu'elle règle les taxes AFR de Narcy.

- ils ajoutent que lors de l'expertise portant sur la valeur de parts sociales de son père dans la Scea, [A] [H] s'est prévalu du bail pour mieux les valoriser alors même qu'il explique ses doutes depuis l'origine sur ce contrat l'ayant amené à ne pas encaisser les chèques ; qu'en utilisant ainsi le bail, il en a validé l'existence ; que le bail a bien été exécuté par le nu-propriétaire qui s'en est servi lors de la valorisation de ses parts sociales et a donc validé la novation.

- ils précisent que contrairement à ce qu'il soutient, la Scea qui exploite le foncier depuis sa création a l'autorisation nécessaire pour ce faire.

Sur la demande de dommages intérêts :

- ils soulignent que, dans un souci d'apaisement, la Scea a proposé la restitution échelonnée du foncier par courrier du 31 juillet 2017 auquel il n'a pas répondu.

- ils ajoutent que [A] [H] ne démontre pas qu'il aurait pu exploiter le foncier depuis le décès de son père puisque son autorisation administrative n'a été obtenue qu'au 19 mars 2018 ; que pour les parcelles dont il est nu-propriétaire il ne justifie pas de l'autorisation des usufruitiers, lesquels encaissent le fermage que la Scea leur verse ; que tout au plus sa demande pour perte d'exploitation ne peut porter que sur 30 ha 12 a 10 ca et depuis le 19 mars 2018.

- ils estiment que le chiffrage de perte de récolte sur lequel il se fonde est plus que discutable ; qu'au surplus la demande n'est dirigée que contre la Scea et [F] [H] alors que l'instigateur du faux est Mme [W] [H] qui a rédigé le document, qui était en possession du document à partir duquel la copie de la signature de [X] [H] a été copiée, et qui a procédé à son enregistrement aux impôts.

- ils concluent que tout cela relève du règlement de compte familial entre [A] et ses grands-parents contre [F].

Sur l'indemnité d'occupation :

- ils rappellent que pour 2013 le fermage a été réglé entre les mains du notaire.

- pour la parcelle YE n° [Cadastre 8] en indivision, ils maintiennent que [A] ne peut rien demander pour lui seul, seule l'indivision pouvant faire une demande ; que la demande indemnitaire ne peut porter que sur une surface de 18 ha 16 a 90 ca soit à 116,65 euros l'hectare et pour 8 années de 2014 à 2021 un total de 16 955,31 euros qui doit se compenser avec la facture de 8 415 euros due par [A] pour fourniture de paille, soit au maximum un solde de 8 540,31 euros.

Par conclusions déposées le 18 février 2022 et maintenues à l'audience, Monsieur [O] [H] et son épouse née [W] [B] demandent à la cour de :

' - Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Dizier en date du 31 août 2020.

- Prendre acte du souhait des époux [H] de voir la cour faire droit au dispositif des conclusions d'appelant de Monsieur [A] [H] puisqu'ils embrassent totalement ses écritures.

- Condamner la Scea [R] et Monsieur [F] [H] en tous les dépens en ceux compris les frais d'expertise graphologique.'

Ils exposent qu'ils 'se constituent in fine pour régulariser en quelque sorte la procédure puisqu'ils étaient parties devant les premiers juges. Ils n'ont pas changé d'attitude en souhaitant s'associer à la défense de leur petit-fils. Aussi adhèrent-ils totalement aux écritures de [A] [H], en renonçant à commenter les écritures de la Scea [R] et [F] [H], ce qui nourrirait une polémique purement factuelle qui n'apporterait assurément rien au débat juridique parfaitement exposé dans les conclusions dont s'agit.'

MOTIVATION :

Sur l'acte du 23 juillet 2013 :

Le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du bail à ferme daté du 23 juillet 2013 n'est contesté par aucune des parties. Il ne peut qu'être confirmé de ce chef.

Sur l'existence d'un bail verbal au profit de la Scea [R] :

Il doit être liminairement relevé que la Scea [R] est à ce jour composée de Monsieur [I] [H] (fils de [F] [H]) et son épouse née [J] [S], Monsieur [F] [H], et Madame [L] [H] (fille de [F] [H]), et que [I] [H] et son épouse en sont les co-gérants.

Dès lors qu'il est établi que Monsieur [X] [H] n'a jamais signé le document du 23 juillet 2013, il ne peut en être tiré aucune conséquence concernant sa volonté de donner à bail les parcelles visées à la Scea [R].

Il ne peut pas plus être accordé le moindre caractère probant concernant la volonté de [X] [H] au document daté du 20 novembre 2013 établi par sa mère que les intimés qualifient improprement d'attestation, et qui était destiné à l'administration fiscale pour compléter le document écrit du 23 juillet précédent sur lequel deux parcelles avaient été omises, compte-tenu tant de la qualité de partie à la procédure de Madame [W] [H] que du fait qu'elle est l'auteur du faux.

C'est par une inexacte appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont retenu, au surplus par une simple affirmation, que de son vivant [X] [H] mettait les parcelles dont il était propriétaire à la disposition de la Scea dans le cadre d'un bail verbal, alors que cette société et Monsieur [F] [H] reconnaissent eux mêmes que, jusqu'au décès de [X], l'exploitation de ces parcelles par la Scea relevait d'une simple mise à disposition au profit de la société en sa qualité d'associé et expliquent l'établissement du document annulé par la nécessité de pérenniser l'exploitation compte-tenu de sa mésentente avec son fils [A], mésentente que ce dernier conteste.

Si [F] [H] rejette la responsabilité de l'établissement du faux sur sa mère, laquelle admet aujourd'hui l'avoir rédigé mais reste taisante sur l'auteur de la copie de la signature de [X], aucune des parties n'explique ce qui a empêché [X] [H] d'apposer sa signature lui-même sur ce document s'il correspondait à sa volonté.

De manière surprenante par ailleurs il est fait état d'une volonté de [X] de donner à bail à la Scea non seulement les parcelles lui appartenant en pleine propriété, mais également celles dont il n'est que nu-propriétaire, qualité ne donnant pas un tel droit.

Concernant ces parcelles dont [O] [H] et son épouse [W] sont usufruitiers, il est établi que, par acte notarié du 31 décembre 1996 d'une durée de 18 années à compter du 1er janvier 1997 et se terminant le 31 décembre 2014, ils les ont données à bail à leurs deux fils [X] et [F]. Or, ce dernier et la Scea [R] n'hésitent pas à soutenir qu'en juillet 2013, [X] aurait eu la volonté de procéder à une novation de ce bail en les louant verbalement à la Scea, sans faire état du moindre fondement juridique qui permettrait à un preneur de décider à la place des bailleurs un changement de preneur et de procéder ainsi à une novation du-dit contrat.

Ils n'expliquent pas plus pourquoi [X] aurait voulu nover un bail dont son frère [F], par ailleurs membre de la SCEA [R], était co-titulaire.

La cour relève que Monsieur [F] [H] n'a jamais soutenu ni a fortiori établi avoir mis ces parcelles à la disposition de la SCEA, qui en tout état de cause ne pourrait pas prétendre de ce fait être titulaire d'un bail verbal.

Il ne peut être tiré aucune conséquence de l'exploitation par la Scea des parcelles propriété de [A] [H], cette situation résultant qu'un maintien de fait après le décès de [X] [H].

Si un premier paiement de fermage est intervenu entre les mains du notaire chargé de la succession de [X] [H] en 2013, il ne peut pas en être tiré la conclusion que [A] [H] aurait ainsi validé l'existence d'un bail verbal au profit de la Scea.

Son refus d'encaisser les chèques établis postérieurement démontre au contraire ses réserves à reconnaître un tel droit au profit de cette société, laquelle n'établit nullement la réalité de la créance dont elle fait état et qui se serait compensée avec les fermages 2016, 2017 et 2018 pour partie, se contentant de produire un courrier de transmission d'une facture.

Dès lors que [A] [H] n'a eu la certitude du caractère faux du document écrit que ses rédacteurs conservaient et s'opposaient à lui communiquer jusque très tardivement, il ne peut pas être déduit du fait qu'il a argué de son existence lors de l'évaluation des parts de son père de la société une volonté de valider ce bail.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le jugement, en ce qu'il a reconnu l'existence d'un bail verbal au profit de la SCEA [R] tant sur les parcelles appartenant en pleine propriété à Monsieur [A] [H] que celles faisant l'objet d'une nue-propriété de Monsieur [A] [H] et d'un usufruit de Monsieur [O] [H] et son épouse née [W] [B] ne peut qu'être infirmé, et que la SCEA [R] ne peut qu'être déboutée de sa demande de reconnaissance d'un tel bail verbal.

Sur les conséquence de l'absence de bail de la SCEA [R] :

La SCEA [R] étant occupante sans droit ni titre des parcelles litigieuses, le jugement déféré, en ce qu'il a débouté Monsieur [A] [H] de ses demandes d'expulsion, d'indemnité d'occupation et d'indemnisation de la perte d'exploitation doit également être infirmé.

Statuant à nouveau sur la demande d'expulsion, la cour ne peut qu'y faire droit. Il convient toutefois d'accorder à la SCEA un délai jusqu'à l'enlèvement de la récolte 2022 et au plus tard jusqu'au 30 août 2022.

Passé ce délai, il sera dû par la SCEA [R] une astreinte de 200 euros par jour de retard.

Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] ne contestent pas que Monsieur [A] [H] peut à la fois prétendre à leur encontre à une indemnité d'occupation et à des dommages intérêts pour perte d'exploitation des parcelles litigieuses, leurs contestations ne portant que sur le quantum des sommes qui lui sont dues à ces titres.

Concernant l'indemnité d'occupation, ils font à juste titre valoir que Monsieur [A] [H] ne peut prétendre à une telle indemnisation que pour les parcelles dont il est seul propriétaire, et que dès lors qu'il n'est propriétaire qu'à hauteur d'un quart indivis de la parcelle cadastrée YE n° [Cadastre 8], il n'a pas qualité pour agir seul la concernant.

Il s'en déduit qu'ils ne sont tenus envers Monsieur [A] [H] qu'au paiement d'une indemnité sur la base de 18 ha 16 a 90 ca.

Ils ne contestent ni le montant de 116,65 euros l'hectare, ni le fait qu'ils sont débiteurs de cette somme pour la période de 8 années de 2013 à 2021. Ils seront en conséquence condamnés au paiement de la somme de 16 955,31 euros de ce chef.

A tort ils prétendent compenser cette dette avec une prétendue créance au titre d'une facture de paille, facture que non seulement ils ne produisent pas, mais qui au surplus n'est justifiée par aucune autre pièce alors que Monsieur [A] [H] conteste devoir une telle somme.

Monsieur [A] [H] demande l'allocation de 230 072 euros en indemnisation de sa perte d'exploitation du 29 août 2013, date du décès de son père, jusqu'à l'année culturale 2020-2021, en soutenant avoir été privé de l'exploitation tant des parcelles dont il est propriétaire que de celles dont il est nu-propriétaire, soit une superficie totale de 76 ha 95 a 72 ca en invoquant une base annuelle de 28 759 euros.

Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] soutiennent pour leur part qu'une indemnisation ne peut être calculée que sur les parcelles dont Monsieur [A] [H] est propriétaire à l'exception de celles dont il n'est que nu-propriétaire faute d'autorisation des usufruitiers pour qu'il les exploite, et uniquement depuis qu'il a obtenu l'autorisation d'exploiter, soit le 19 mars 2018.

Concernant les parcelles dont [A] [H] n'est que nu-propriétaire, dès lors que [O] [H] et son épouse, usufruitiers, n'ont pas demandé la résiliation du bail du 31 décembre 1996 suite au décès de leur fils [X], ce bail s'est continué à son profit par application de l'article L 411-34 du code rural. Il n'avait donc pas à obtenir une quelconque autorisation de ses grands-parents pour les exploiter.

Par contre, il n'a obtenu l'autorisation d'exploitation que le 19 mars 2018. Il ne peut donc pas prétendre à un préjudice antérieurement à cette date.

Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] ne sont par contre pas fondés à opposer le fait qu'un fermage a été versé aux époux [O] [H] dès lors qu'il s'agit d'indemniser un préjudice subi personnellement par Monsieur [A] [H] qui n'a pas bénéficié de ces versements.

Le montant annuel de 28 759 euros sollicité est justifié par les différents documents produits par Monsieur [A] [H] (étude CER, étude de la coopérative Cobevim, documents de la Chambre d' Agriculture de la Haute-Marn ) dont les conclusions sont convergentes.

Pour la période de septembre 2018 à septembre 2021, soit 3 années culturales, il sera alloué à Monsieur [H] la somme de 86 277 euros, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018, date de saisine du tribunal paritaire des baux ruraux.

Sur la demande de garantie :

Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] demandent la condamnation de Monsieur [O] [H] et de son épouse à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M [A] [H] au motif que Madame [W] [H] serait l'instigatrice du faux bail écrit.

Or non seulement la SCEA [R], alors représentée par [F] [H], est signataire de ce faux document, mais elle en était la bénéficiaire, et encore devant la cour elle soutient qu'il correspondait à la volonté de [X] [H] en expliquant l'objectif visé qui consistait à exclure [A] [H] de ses droits.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que Madame [W] [H] a eu l'initiative de la manoeuvre ainsi que soutenu.

Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] ne peuvent qu'être déboutés de ce chef de prétention.

La présence dans la procédure de Monsieur [O] [H] et de son épouse née [W] [B] rend de facto le présent arrêt opposable à ces intimés sans qu'il soit besoin de statuer spécifiquement sur ce point ainsi que l'a déjà justement retenu le tribunal.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier du 31 août 2020 en ce qu'il a prononcé l'annulation du bail à ferme du 23 juillet 2013,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute la SCEA [R] de sa demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'un bail rural verbal sur les parcelles sises commune de [Localité 19] (52) cadastrées section ZR n° [Cadastre 9] et ZK n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 2], commune de [Localité 15] (55) cadastrée YB n° [Cadastre 3] et commune de [Localité 16] (52) : le quart indivis de la parcelle cadastrée YE n° [Cadastre 8] propriété de Monsieur [A] [H] et sur les parcelles sises sur la commune de [Localité 19] (52) cadastrées section ZR n° [Cadastre 1] et ZK n°[Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] dont [A] [H] est nu-propriétaire.

Ordonne l'expulsion de la SCEA [R] et de tous occupants de son chef de l'ensemble de ces parcelles,

Accorde à la SCEA [R] un délai de grâce jusqu'à l'enlèvement de la récolte 2022 et au plus tard le 30 août 2022 pour quitter les lieux,

Dit qu'à défaut de libération des lieux le 31 août 2022, la SCEA [R] devra verser à Monsieur [A] [H] une astreinte de 200 euros par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

Condamne solidairement Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] à verser à Monsieur [A] [H] :

- une indemnité d'occupation de 16 955,31 euros au titre des parcelles lui appartenant en pleine propriété à l'exception du quart indivis sur la parcelle sise commune de Eurville-Bienville cadastrée YE n° [Cadastre 8] pour les années culturales 2013/2014 à 2020/2021, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018 date de saisine du tribunal paritaire des baux ruraux sur la somme de 10 597 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus,

- 86 277 euros à titre de dommages intérêts pour la perte d'exploitation pour l'ensemble des parcelles exploitées par la SCEA [R] pour la période de septembre 2018 à septembre 2021, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute Monsieur [A] [H] de ses autres prétentions au titre de l'indemnité d'occupation et des dommages intérêts pour perte d'exploitation,

Déboute Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] de leur demande de compensation de leur dette au titre de l'indemnité d'occupation avec une facture pour fourniture de paille,

Déboute Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] de leur demande de garantie à l'encontre de Monsieur [O] [H] et de son épouse née [W] [B],

Condamne solidairement Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] à verser à Monsieur [A] [H] 3 000 euros pour ses frais irrépétibles,

Déboute Monsieur [F] [H] et la SCEA [R] de leur prétention de ce chef.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01161
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.01161 ?
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