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09/06/2022 | FRANCE | N°20/01128

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 09 juin 2022, 20/01128


SD/IC















COMMUNE DE [Localité 8]



C/



S.A.R.L. HARAS DE [Localité 10]



[X] [K]































































































Expédition et copie exécutoire d

élivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



N° RG 20/01128 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRBW



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 31 août 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Dizier - RG : 51-1900001











APPELANTE :



COMMUNE DE [Localité 8] représentée pr son maire en exercice, M. [V] [S], domicilié :

[Adresse 1]
...

SD/IC

COMMUNE DE [Localité 8]

C/

S.A.R.L. HARAS DE [Localité 10]

[X] [K]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

N° RG 20/01128 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRBW

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 31 août 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Dizier - RG : 51-1900001

APPELANTE :

COMMUNE DE [Localité 8] représentée pr son maire en exercice, M. [V] [S], domicilié :

[Adresse 1]

[Localité 8]

représenté par Me Pierre DEVARENNE, membre de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉE :

S.A.R.L. HARAS DE MONTIER dont le siège social est sis :

[Adresse 12]

[Localité 10]

[Localité 8]

non représentée

PARTIE INTERVENANTE :

Maître [X] [K], es qualité de mandataire liquidateur de L'EURL HARAS de [Localité 10], domicilié au siège social sis :

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 5]

[Localité 13]

non comparant, représenté par Me Violaine JEANNIN, avocat au barreau de HAUTE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique reçu le 30 novembre 2016 par Me [Z], notaire à [Localité 13], la commune de [Localité 8] a consenti à la SARL Haras de [Localité 10] un bail rural d'une durée de neuf années à compter du 1er décembre 2016, portant sur un ensemble immobilier comprenant des écuries, essentiellement des boxes et stalles, une cour d'honneur, troix boxes et cinq boxes dans la cour de travail, situé sur la commune de [Localité 8], cadastré section AD n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], pour une superficie de 1 ha 58 a et 82 centiares, moyennant un fermage de 3 000 euros annuel.

Cet ensemble immobilier faisait partie des Haras nationaux et le bail prévoyait que le preneur supporterait toutes les charges d'électricité, télécom, eau, assainissement et autres frais annexes de même nature, avec remboursement au bailleur qui en aura fait l'avance lors du paiement du fermage annuel, et qu'il aurait la libre disposition de locaux non compris dans le bail, conjointement avec l'Institut français du cheval et de l'équitation, selon un planning à mettre en place par la baillereresse, à savoir un hangar pour le fourrage et stockage de matériel, le manège carrière, le rond d'[Localité 4], les paddocks, l'aire de travail et d'attelage, les prairies attenantes.

Il était prévu qu'un avenant au bail serait établi au plus tard dans les deux ans, portant le fermage à 6 000 euros sauf à parfaire ou à diminuer, lorsque l'IFCE aurait laissé les locaux libres de toute location ou occupation.

Par courrier recommandé reçu au greffe le 13 février 2019, la commune de [Localité 8] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier aux fins de résiliation du bail rural consenti à la SARL Haras de [Localité 10] en application de l'article L 411-31 du code rural, arguant du non paiement de fermages à concurrence de 8 902,75 euros.

Le tribunal a constaté l'impossibilité de concilier les parties le 10 avril 2019 et a renvoyé l'affaire à une audience de jugement.

Au terme de ses dernières écritures développées oralement à l'audience, la requérante a demandé au tribunal de :

- prononcer la résiliation du bail,

- dire et juger, qu'à défaut de libérer les lieux dans les 8 jours de la signification à intervenir, il pourra être procédé à l'expulsion de la SARL Haras de [Localité 10] ainsi que de tous occupants de son chef,

- condamner la SARL Haras de [Localité 10] à lui payer la somme de 8 902,75 euros en principal, selon compte arrêté au 23 janvier 2019, avec intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction le 12 février 2019,

- dire et juger que, jusqu'à la libération des lieux, la SARL Haras de [Localité 10] sera tenue au paiement d'une indemnité sur la base du fermage annuel de 3 000 euros, outre sa consommation électrique,

- déclarer irrecevable, et subsidiairement infondée, la demande reconventionnelle de la SARL Haras de [Localité 10] et l'en débouter,

- condamner la SARL Haras de [Localité 10] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La bailleresse arguait de la défaillance du preneur dans le paiement des fermages et des charges d'électricité depuis l'origine du bail et du défaut d'entretien des lieux loués de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Elle s'opposait à l'exception d'inexécution soulevée par la SARL Haras de [Localité 10] en faisant valoir que celle-ci ne justifiait d'aucun manquement contractuel imputable au bailleur, l'avenant prévu au bail relatif à la mise à disposition des intallations au départ de l'IFCE et portant le fermage à 6 000 euros par an n'ayant pu être régularisé en raison de la défaillance totale du preneur dans le règlement des fermages et des charges.

Elle concluait à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles au visa de l'article 70 du code de procédure civile, lesdites demandes ne se rattachant pas au bail rural ni à la demande de résiliation judiciaire, et à leur rejet, faute par le preneur de démontrer sa défaillance dans le respect de ses obligations, ayant mis l'ensemble des lieux loués à la disposition de ce dernier.

La SARL Haras de [Localité 10] a, au visa des articles L 411-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, et 1231 et suivants du code civil, demandé au tribunal de débouter la commune de [Localité 8] de l'intégralité de ses demandes, de la condamner à lui payer les sommes de 120 000 euros au titre de son préjudice d'exploitation, 2 000 euros au titre de son préjudice moral et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner la compensation des créances respectives des parties et de condamner la demanderesse aux entiers dépens.

Le preneur a soutenu que les manquements de la bailleresse à ses obligations et les difficultés rencontrées imputables aux agissements de cette dernière constituaient une raison sérieuse et légitime de non paiement des fermages.

Il a contesté la mauvaise exploitation du fonds reprochée et s'est plaint d'un préjudice constitué par une perte d'exploitation sur les trois années écoulées, résultant des agissements de la bailleresse.

Il reprochait à la commune de [Localité 8] d'avoir manqué à son obligation de délivrance et de jouissance paisible des locaux mis à sa disposition en installant deux nouveaux occupants dans les haras, en apposant des cadenas sur les infrastructures communes et en refusant de contracter avec lui pour l'organisation d'activités périscolaires et de sorties scolaires à l'école d'équitation.

Par jugement du 31 août 2020, le tribunal a :

- débouté la commune de [Localité 8] de sa demande de résiliation judiciaire du bail rural du 30 novembre 2016,

- dit que la commune de [Localité 8] est créancière de la SARL Haras de [Localité 10] de la somme de 6 902,75 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019,

- dit que la SARL Haras de [Localité 10] est créancière de la commune de [Localité 8] de la somme de 1 800 euros en indemnisation de son préjudice moral,

- débouté la SARL Haras de [Localité 10] de sa demande formée contre la commune de [Localité 8] au titre du préjudice d'exploitation,

- ordonné la compensation judiciaire des créances réciproques des parties,

- condamné la SARL Haras de [Localité 10] à payer à la commune de [Localité 8], après compensation, la somme de 5 102,75 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fait masse des dépens de l'instance et dit qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Après avoir relevé que les deux mises en demeure visant le défaut de paiement de fermage délivrées au preneur remplissaient les exigences de l'article L 411- 31 du code rural et de la pêche maritime, le tribunal a considéré, qu'en ne formalisant pas l'avenant convenu au bail et en réduisant puis en interdisant au preneur l'accès aux locaux accessoires des locaux donnés à bail et promis à bail rural au départ de l'IFCE, nécessaires à la pérennité de l'activité du preneur, la baillereresse avait commis des manquements graves à ses obligations contractuelles, et il en a déduit que la SARL Haras de [Localité 10] justifiait de raisons sérieuses et légitimes au non paiement du fermage de l'année 2017, ce qui excluait le prononcé la résiliation du bail rural.

Il a ensuite considéré que la bailleresse ne prouvait pas que le défaut d'entretien du fonds tel que résultant du rapport de la DDCSPP du 25 août 2017 perdurait à la date de la demande en justice, pas plus qu'elle ne démontrait que ce défaut d'entretien compromettait la bonne exploitation du fonds ou son devenir.

Il a enfin indemnisé le préjudice moral résultant du manquement par la bailleresse à ses obligations contractuelles mais débouté la demande d'indemnisation du préjudice d'exploitation invoqué par le preneur, en l'absence de production de la comptabilité de celui-ci.

La commune de [Localité 8] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 24 septembre 2020, portant sur l'ensemble des chefs de dispositif de la décision, à l'exception de celui ayant débouté la SARL Haras de [Localité 10] de sa demande d'indemnisation de son préjudice d'exploitation.

Par acte du 1er mars 2022, signifié en l'étude de Me [P], huissier de justice à [Localité 7], la commune de [Localité 8] a fait assigner en intervention forcée Me [X] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Haras de [Localité 10] aux fins de voir :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- déclarer recevable et bien fondée l'intervention forcée de Me [X] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Haras de [Localité 10],

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

' débouté la commune de [Localité 8] de sa demande de résiliation judiciaire du bail rural du 30 novembre 2016,

' dit que la commune de [Localité 8] est créancière de la SARL Haras de [Localité 10] de la somme de 6 902,75 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019,

' dit que la SARL Haras de [Localité 10] est créancière de la commune de [Localité 8] de la somme de 1 800 euros en indemnisation de son préjudice moral,

' ordonné la compensation judiciaire des créances réciproques des parties,

' condamné la SARL Haras de [Localité 10] à payer à la commune de [Localité 8], après compensation, la somme de 5 102,75 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019,

' débouté la commune de [Localité 8] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fait masse des dépens de l'instance et dit qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie,

Et, statuant à nouveau,

Faisant ce que le premier juge aurait dû faire ( sic ),

Vu l'article L 411-31 du code rural,

Vu l'article L 641-12 2° du code de commerce,

- prononcer la résiliation judiciaire du bail,

- ordonner en conséquence que, sur signification de l'arrêt à intervenir, la société Haras de [Localité 10], représentée par son liquidateur, Me [K], libère la propriété sise sur la commune de [Adresse 9] comprenant :

Ecuries n°2 :

' des écuries comprenant essentiellement des boxes et stalles,

' cour d'honneur,

' trois boxes,

' cinq boxes dans la cour de travail,

L'ensemble cadastré sections AD n° [Cadastre 2] pour 97 a 54 ca et n° [Cadastre 3] pour 61 a et 28 ca,

- ordonner que, subséquemment, la société Haras de [Localité 10], représentée par son liquidateur, Me [K], libère l'ensemble des locaux faisant l'objet d'une libre disposition, selon le bail du 30 novembre 2016, et ainsi décrits à l'acte :

' hangar, fourrage et stockage de matériel,

' manège carrière,

' rond d'[Localité 4],

' les paddocks,

' l'aire de travail de l'attelage,

' les prairies attenantes,

- dire et juger, qu'à défaut de libérer l'ensemble de ces lieux dans les 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir, il pourra être procédé à l'expulsion de la SARL Haras de [Localité 10], représentée par son liquidateur, Me [K], ainsi que de tous occupants de son chef,

- fixer la créance due par la SARL Haras de [Localité 10] à la commune de [Localité 8] à la somme de 15 574,13 euros en principal, selon compte arrêté au 24 janvier 2022, avec intérêts de droit à compter du 13 février 2019 sur la somme de 6 902,75 euros jusqu'à la date du jugement déclaratif du 24 janvier 2022,

Et en cas de maintien dans les lieux postérieurement à l'arrêt à intervenir,

- condamner Me [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Haras de [Localité 10], à lui payer une indemnité d'occupation sur la base du fermage annuel de 3 000 euros, outre la consommation électrique,

- déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de la SARL Haras de [Localité 10],

- l'en débouter,

- condamner Me [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Haras de [Localité 10], à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

A l'audience du 31 mars 2022, l'appelante a présenté les demandes contenues dans cette assignation et non celles contenues dans ses conclusions notifiées par RPVA le 29 mars 2022.

Par conclusions notifiées le 30 mars 2022 et soutenues à l'audience, Me [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Haras de [Localité 10], demande à la Cour de :

Vu les articles L 411-1 et suivants du code rural,

Vu les articles 1231 et suivants du code civil,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a reconnu les fautes de la commune de [Localité 8], considéré qu''il s'agissait de motifs sérieux et légitimes de ne pas payer le fermage et refusé la résiliation judiciaire du bail,

Pour le surplus, infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- débouter la commune de [Localité 8] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la commune de [Localité 8] à payer à l'EURL Haras de [Localité 10] les sommes suivantes :

' 200 000 euros au titre de son préjudice d'exploitation,

' 2 000 euros au titre de son préjudice moral,

' 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner le paiement par compensation entre ces sommes et celles éventuellement mises à la charge de l'EURL Haras de [Localité 10],

- condamner la commune de [Localité 8] aux entiers dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions susvisées.

SUR CE

Par jugement du 24 janvier 2022, le Tribunal de commerce de Chaumont a ouvert la liquidation judiciaire de l'EURL Haras de [Localité 10].

La commune appelante justifie avoir déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire le 7 mars 2022.

Sur la résiliation du bail rural

L'appelante fonde sa demande de résiliation judiciaire du bail sur la défaillance du preneur dans le règlement des fermages et sur ses agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds mais également sur l'article L 641-12 2° du code de commerce.

En application de l'article L 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

L'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de l'EURL Haras de [Localité 10] fait donc obstacle à la résiliation du bail rural pour défaut de paiement des fermages.

L'article L 641-12 du code de commerce prévoit que la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :

2° Lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédée. Il doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.

Or, ces dispositions légales ne dérogeant pas à l'article L 622-21 susvisé, les causes antérieures au jugement de liquidation mentionnées par l'article L 641-12 ne peuvent concerner que des obligations autres que le paiement d'une somme d'argent, soit en l'espèce les agissements de l'EURL Haras de [Localité 10] de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

L'appelante prétend que l'installation louée n'est pas nettoyée, qu'elle est encombrée de paille, d'excréments de chevaux, que la paille et le foin obstruent le passage entre les boxes et que la situation est identique concernant la stabulation, alors que des champignons poussent sur les balles de paille et de foin souillées, ce qu'a constaté la SCP Cailliez [P] le 21 février 2018.

Elle ajoute que, lors de ses inspections, la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations a relevé des non conformités.

Or, comme l'a justement relevé le tribunal, les constatations de l'huissier et le rapport de la DDCS ont été établies plus d'un an avant la demande en justice et rien ne démontre, à supposer qu'il persistât à la date de l'introduction de l'instance, que le défaut d'entretien reproché au preneur compromettait la bonne exploitation du fonds, et le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté la bailleresse de sa demande de résiliation du bail rural.

Sur la créance de fermages et de charges d'électricité

La bailleresse sollicite la fixation au passif de la procédure collective du preneur de sa créance de fermages impayés à hauteur de 15 574,13 euros arrêtée au 24 janvier 2022.

Le preneur conclut à la réduction de cette demande au motif que le fermage est calculé sur la base d'un prix fixé à l'hectare de 1 888,93 euros prenant en compte la totalité des parcelles AD [Cadastre 2] et AD [Cadastre 3] alors qu'il n'a pas pris à bail la totalité des parcelles cadastrées sur lesquelles le site des haras nationaux est implanté.

Il prétend que le fermage doit être réduit à 1 000 euros par an dès lors qu'il n'a pas la jouissance de plus du tiers de la surface totale des installations.

Il conclut par ailleurs au rejet des demandes en paiement des charges d'électricité au motif qu'il ne dispose pas de compteur individuel et que l'électricité ne fonctionne pas dans les bâtiments qu'il occupe, ce dont il ne justifie pas.

Le fermage de 3 000 euros prévu par le bail rural correspond à l'occupation des parcelles données en location, à savoir 97 ares 54 centiares pour la parcelle AD [Cadastre 2] et 61 ares 28 centiares pour la parcelle AD [Cadastre 3], telles que décrites par le bail et comportant des écuries n°2 avec boxes stalles et la cour d'honneur, les accessoires dont le preneur avait la libre disposition et qui ne lui auraient pas été délivrés n'étant pas inclus dans le fermage.

Il était également prévu qu'il supporterait les charges d'électricité.

Au vu du bordereau de situation établi le 18 février 2022, constituant la pièce 16 de l'appelante, la créance de fermages et de charges de la bailleresse sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'EURL Haras de [Localité 10] pour un montant de 15 574,13 euros arrêté au 24 janvier 2022, infirmant sur ce point le jugement entrepris.

Sur les demandes indemnitaires

Me [K], ès qualités, qui forme appel incident, sollicite la condamnation de la commune de [Localité 8] au paiement de dommages-intérêts en réparation de la perte d'exploitation du preneur et du préjudice moral subi par ce dernier, résultant des manquements de la bailleresse à ses obligations, faute par cette dernière de lui avoir délivré les accessoires prévus par le bail en lui imposant des plannings toujours plus restrictifs pour l'utilisation des installations communes, en laissant poser des cadenas sur ces installations sans lui en donner la clé et en supprimant totalement le hangar de stockage de fourrage lors de la réalisation de travaux en 2020, ce qui l'a contraint à stocker son matériel sur une dalle en béton en extérieur et dans un garage inoccupé auprès du manège, lequel a été verrouillé par la bailleresse.

Il ajoute que la cohabitation avec les différents occupants du site est toujours très compliquée depuis 2018, avec notamment des menaces et violences de la part de certains.

L'appelante conteste que l'EURL Haras de [Localité 10] ait été empêchée d'accéder aux infrastructures qui lui étaient données à bail et prétend que celle-ci a, à ce jour, libre accès à l'ensemble des équipements.

Elle relève en outre, qu'à aucun moment, le preneur ne lui a fait part, par courrier, d'une impossibilité d'accéder à ces infrastructures.

Elle précise que le hangar de stockage de fourrage appartenait à l'IFCE, qu'il a été démoli à la suite d'une tempête, qu'aucun cadenas n'a été posé par la commune et que les relations de l'EURL Haras de [Localité 10] avec les autres occupants des lieux ne lui sont pas imputables.

Contrairement à ce que prétend l'appelante, l'EURL Haras de [Localité 10] s'est plainte de la réduction de l'accès aux infrastructures et notamment aux paddocks, aux prés et au manège depuis l'installation de deux autres écuries dans les haras, par courrier du 21 janvier 2019, antérieur à l'introduction de la procédure.

Dans ce même courrier, le preneur se plaignait également de l'apposition de cadenas sur l'ensemble des accès et d'avoir été privé de son stock de fourrage.

Les photographies produites par l'intimé, qui ne sont pas datées, ne permettent toutefois pas de visualiser quelles sont les installations concernées par les cadenas apposés et les constatations de Me [J], huissier de justice à [Localité 6], mandaté par la gérante de l'EURL Haras de [Localité 10] le 16 février 2022, n'établissent pas davantage que le preneur était dans l'impossibilité d'accéder aux infrastructures communes, l'huissier se contentant de rapporter les propos de Mme [M], sans constater le moindre obstacle empêchant l'accès aux équipements communs.

Faute de rapporter la preuve d'un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, l'intimé sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts, infirmant également sur ce point le jugement entrepris.

Les parties succombant partiellement, chacune d'elles conservera la charge de ses propres dépens d'appel et il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 31 août 2020 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier en ce qu'il a :

- débouté la commune de [Localité 8] de sa demande de résiliation du bail rural consenti à l'EURL Haras de [Localité 10],

- débouté l'EURL Haras de [Localité 10] de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice d'exploitation,

- partagé les dépens de première instance par moitié entre les parties et débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau,

Fixe la créance de la commune de [Localité 8] au passif de la liquidation judiciaire de l'EURL Haras de [Localité 10] à la somme de 15 574,13 euros arrêtée au 24 janvier 2022,

Déboute Me [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL Haras de [Localité 10], de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01128
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.01128 ?
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