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09/06/2022 | FRANCE | N°20/00897

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 09 juin 2022, 20/00897


SD/IC















[I] [N]



[E] [N]



C/



[C] [D] épouse [K]



[L] [K]

































































































Expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



N° RG 20/00897 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FQGC



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 10 juillet 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Mâcon - RG : 51-17-0021













APPELANTS :



Madame [I] [N]

née le 16 Février 1957 à [Localité 42] (71)

domicilié :

[Adresse 38]

[Localité 45]



Monsieur [E...

SD/IC

[I] [N]

[E] [N]

C/

[C] [D] épouse [K]

[L] [K]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

N° RG 20/00897 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FQGC

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 10 juillet 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Mâcon - RG : 51-17-0021

APPELANTS :

Madame [I] [N]

née le 16 Février 1957 à [Localité 42] (71)

domicilié :

[Adresse 38]

[Localité 45]

Monsieur [E] [N]

né le 05 Avril 1981 à [Localité 42] (71)

domicilié :

[Adresse 40]

[Localité 33]

comparants, assistés de Me Eric BRAILLON de la SELARL BLKS & CUINAT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉS :

Madame [C] [D] épouse [K]

née le 06 Juin 1932 à [Localité 43] (75)

domiciliée :

'[Adresse 1]'

[Adresse 1]

[Localité 8]

non comparante, représentée par Me Michel DESILETS, membre de la SCP DESILETS ROBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Monsieur [L] [K]

né le 04 Octobre 1956 à [Localité 37] (92)

domicilié :

[Adresse 32]

[Localité 36]

comparant, assisté de Me Michel DESILETS, membre de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié reçu le 17 juin 1992 par Me [F], notaire à [Localité 39], Mme [C] [K], agissant tant en son nom personnel qu'au nom de M. [T] [D], a donné à bail à métayage à M. et Mme [S] [N] un ensemble viticole et agricole situé à [Localité 45], cadastré sections A n° [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16] (partie), [Cadastre 17] à [Cadastre 18], [Cadastre 19] à [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], et [Cadastre 25], section B n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 29], [Cadastre 31], [Cadastre 34], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], et à [Localité 41], cadastré section A n° [Cadastre 7], [Cadastre 30] et [Cadastre 35], pour une superficie totale de 18 ha 26 a 31 ca, comprenant un bâtiment à usage d'exploitation agricole et viticole, une cour, un jardin, des terres, prés, vignes, landes et bois.

Par acte authentique reçu le 9 juillet 1992, M. [T] [D] a cédé la totalité de ses droits indivis sur le fonds loué à Mme [C] [K].

Par acte du 22 décembre 1997, Mme [C] [K] a donné la nue propriété de l'ensemble viticole et agricole à M. [L] [K].

Par acte du 27 mars 2009, les parties au bail ont procédé à l'association au contrat du descendant des preneurs, [E] [N], à effet du 11 novembre 2008, avec réduction de la surface louée à 17 ha 51 a 51 ca, dont 9 ha 27 a 35 ca de terres viticoles avec droits de plantation.

Par courrier du 23 novembre 2015, M. [S] [N] a indiqué faire valoir ses droits à la retraite le 11 novembre 2014, en laissant son épouse et son fils seuls preneurs au bail.

Par acte extra judiciaire du 9 mai 2017, Mme [C] [K] et M. [L] [K] ont notifié aux preneurs un congé pour l'échéance du 11 novembre 2018, sur le fondement des articles L 411-46 et suivants du code rural et de la pêche maritime, en invoquant leurs agissements de nature à compromettre l'avenir de l'exploitation du fonds.

Par acte d'huissier du 18 mai 2017, les consorts [K] ont saisi le Président du tribunal paritaire des baux ruraux de Mâcon statuant en référé d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 29 juin 2017, désignant M. [U] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 21 février 2019.

Par courrier recommandé reçu au greffe le 1er septembre 2017, Mme [I] [N] et M. [E] [N] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Mâcon aux fins de contestation du congé délivré par les bailleurs.

Le tribunal a constaté l'impossibilité de concilier les parties le 10 novembre 2017 et a renvoyé l'affaire à une audience de jugement.

Dans leurs écritures soutenues à l'audience du 12 juin 2020, Mme [I] [N] et M. [E] [N] ont demandé au tribunal de :

- débouter les défendeurs de leurs demandes,

- prononcer la nullité du congé avec refus de renouvellement,

- condamner solidairement les bailleurs à leur payer la somme de 1 456,25 euros,

- condamner les défendeurs à laisser à leur disposition les locaux vendangeurs et le matériel de vinification sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,

- condamner solidairement les défendeurs au paiement d'une indemnité de procédure de 8 000 euros et aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Se fondant sur les dispositions de l'article L 411-53 du code rural et de la pêche maritime, les consorts [N] ont soutenu que les manquements qui leur sont reprochés doivent être appréciés à la date de délivrance du congé, ce qui interdit aux bailleurs de fonder leur refus de renouvellement du bail sur les constatations de l'expert, postérieures au dit congé.

Ils ont prétendu que l'expert a outrepassé en partie la mission confiée par le juge des référés, n'ayant constaté aucune anomalie dans l'entretien et l'exploitation des parcelles classées en [Localité 45], en faisant valoir que la mauvaise croissance des plantations des parcelles classées en Beaujolais village n'était pas dues à des carences nutritionnelles ni à des traitements phytosanitaires et en soulignant que l'expert n'a relevé aucune dépréciation de la valeur de l'exploitation.

Ils en ont déduit que, si certains manquements contractuels leur étaient imputables et pouvaient donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts, ils ne mettaient pas le fonds en péril et ne justifiaient pas la résiliation du bail.

Se fondant sur les dispositions de l'article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime, les demandeurs ont par ailleurs reproché aux bailleurs d'avoir manqué à de nombreuses reprises à leurs obligations découlant du bail à métayage, en s'abstenant de mettre à leur disposition des locaux vendangeurs et un matériel de vinification suffisant, par leurs retards dans les règlements, la reprise de locaux loués, en s'abstenant de leur fournir le matériel végétatif pour le renouvellement des plantations pour les parcelles classées en Beaujolais village, en leur donnant des instructions ambigües pour l'arrachage et le renouvellement des plantations et pour les vendanges, ce qui a entraîné une dégradation des conditions d'exploitation.

Ils ont affirmé que les bailleurs avaient en réalité pour projet de reprendre la gestion directe des vignes en arrachant les parcelles de Beaujolais et de revendre libres de tout occupant les parcelles de [Localité 45].

Ils ont enfin sollicité l'allocation d'une somme de 1 456,25 euros telle que ressortant du compte entre les parties dressé par l'expert et se sont opposés aux demandes indemnitaires des bailleurs.

Les consorts [K] ont conclu à la validité du congé délivré et, à titre subsidiaire, au prononcé de la résiliation du bail, en demandant au tribunal de condamner les preneurs à quitter les lieux donnés à bail dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard.

Ils ont également sollicité la condamnation des consorts [N] à leur payer la somme de 6 807 euros HT au titre du solde créditeur du compte établi par l'expert et de frais indûment remboursés aux preneurs, les frais d'expertise qu'ils ont avancés et une indemnité de procédure de 8 000 euros, ainsi que les dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Ils se sont prévalu du rapport d'expertise révélant le mauvais état d'entretien des vignes pour les parcelles classées en Beaujolais village et les manquements des preneurs à leurs obligations contractuelles qui perdurent depuis l'association au bail de [E] [N] et malgré la délivrance du congé et le rapport d'expertise.

Ils ont ajouté que le défaut de mise à disposition d'un local invoqué par les preneurs n'est qu'un prétexte pour ne pas réaliser les vendanges à la main, alors que les moyens mis à leur disposition, prétendument insuffisants, n'empêchent pas la bonne culture de la vigne.

Ils ont précisé, d'une part, que les bâtiments ont été progressivement restaurés après l'association au bail de [E] [N] et qu'ils n'ont pu être utilisés en raison d'un désaccord des parties sur la prise en charge des abonnements d'eau et d'électricité, et, d'autre part, qu'ils ont mis à disposition des preneurs un second bac à vendanges dès qu'ils en ont eu la demande, ce qui n'a pas amélioré les conditions d'exploitation des parcelles.

Ils ont prétendu que les manquements reprochés sont de nature à compromettre la bonne exploitation des vignes louées, les preneurs ne s'intéressant qu'à l'entretien des parcelles classées en [Localité 45] et souhaitant arracher celles classées en Beaujolais village, en violation de leurs obligations contractuelles, et qu'ils justifient la résiliation du bail du fait de son indivisibilité.

Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal a :

- dit sans effet le congé délivré le 9 mai 2017 par Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] à Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] au titre du bail notarié à métayage conclu le 17 juin 1992, tel que modifié par l'avenant du 27 mars 2009, pour les parcelles sises à [Localité 45] et [Localité 41] pour une superficie totale de 17 ha 51 a 51 ca,

- prononcé la résiliation judiciaire dudit bail à métayage entre Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K], d'une part, et, d'autre part, Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N],

- condamné Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à quitter les lieux de corps et de biens et de tous occupants de leur chef, dans le délai d'un mois à compter de la date de la signification de la présente décision,

- passé ce délai, condamné Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à payer à Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard,

- condamné Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à payer à Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] la somme de 1 592,01 euros HT,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à payer à Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] aux dépens incluant la totalité des frais de l'expertise judiciaire (soit la somme de 9,912,64 euros),

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Mme et M. [N] ont relevé appel de cette décision, par déclaration reçue au greffe le 31 juillet 2020, portant sur les chefs de dispositif ayant prononcé la résiliation du bail à métayage, les ayant condamnés à libérer les lieux sous astreinte et au paiement d'une somme de 1 592,01 euros HT et d'une indemnité de procédure de 4 000 euros, outre les dépens incluant les frais d'expertise.

Par ordonnance du 10 novembre 2020, la Première Présidente, saisie par les consorts [N] d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, après avoir dit que Mme [N] avait qualité et intérêt pour agir, a fait droit à la demande en considérant que l'exécution provisoire du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux risquait d'entraîner pour les requérants des conséquences manifestement excessives.

Au terme de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 18 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience, les appelants demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré sans effet le congé délivré le 9 mai 2017,

Pour le surplus,

- infirmer le jugement déféré,

- débouter les consorts [A] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement Mme [C] [K] et M. [L] [K] au règlement d'une somme de 1 456,25 euros à leur profit,

- condamner Mme [C] [K] et M. [L] [K] à laisser à leur disposition les locaux vendangeurs et le matériel de vinification conformément aux stipulations du bail, et ce sous astreinte de 10 euros par jour à compter de la signification du jugement (sic),

- dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des preneurs le coût de leur défense et condamner les demandeurs solidairement à leur payer la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au terme de conclusions d'intimés n°4 déposées au greffe le 29 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience, Mme [C] [K] et M. [L] [K] demandent à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L 411-31 du code rural,

Vu le congé délivré le 9 mai 2017 d'opposition au renouvellement du bail,

Déboutant de toutes conclusions contraires,

- réformer le jugement en ce qu'il a dit et jugé le congé délivré le 9 mars 2017 non fondé,

Statuant à nouveau,

- dire et juger le congé délivré le 9 mai 2017 valable et fondé,

En conséquence,

- dire et juger que le non renouvellement du bail au 11 novembre 2018 est recevable et fondé,

- dire et juger que le bail a pris fin au 11 novembre 2018,

- ordonner l'expulsion de M. [E] [N] et de Mme [I] [N] occupants sans droit ni titre, au besoin avec l'appui de la force publique dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision par huissier, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

A défaut, si par extraordinaire la cour ne réformait pas le jugement, sur ce qui précède,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Mâcon en ce qu'il a dit et jugé que les preneurs s'étaient livrés à des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué en 2018 et 2019 et encore en 2020 et 2021,

- confirmer la résiliation du bail entre les parties,

En conséquence,

- condamner les preneurs sous astreinte à quitter les lieux dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois de la signification par huissier, au besoin avec le concours de la force publique,

- condamner les preneurs à leur régler la somme de 6 807 euros au titre de la part de frais trop pris en charge par les bailleurs dont il faut encore déduire les frais non justifiés à ce jour,

- condamner Mme [I] [N] et M. [E] [N] à leur régler l'intégralité des frais d'expertise qu'ils ont avancés,

- condamner Mme [I] [N] et M. [E] [N] à leur payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

SUR CE

Sur la validation du congé délivré le 9 mai 2017

Relevant que le congé délivré aux preneur le 9 mai 2017 était motivé par les agissements fautifs de ces derniers constitués par des problèmes récurrents d'entretien des parcelles, l'abandon des vignes classées en Beaujolais village, la violation par les preneurs de leurs obligations contractuelles de replantage et d'entretien des parcelles arrachées et la sous location de certains prés, le tribunal a considéré que la sous location n'était confirmée par aucun élément du dossier et que les autres griefs n'étaient, pour certains, pas caractérisés selon l'expert et, qu'en tout état de cause, ils n'entraînaient pas de dépréciation de la valorisation de l'exploitation selon ce dernier.

Il en a déduit, qu'à la date de délivrance du congé, les manquements des preneurs n'étaient pas de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et il a refusé de valider le congé.

Les intimés, appelants incidents, prétendent que les manquements du preneur compromettant la bonne exploitation du fonds sont établis à la date de délivrance du congé, le défaut d'entretien de certaines parcelles, à savoir celles en appellation contrôlée Beaujolais Villages rouges, moins rémunératrices, qui date au moins des années 2013-2014 selon l'expert, suffisant à caractériser la faute et à justifier le non renouvellement du bail.

Les consorts [N] concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré sans effet le congé délivré le 9 mai 2017 en faisant valoir qu'aucun des agissements fautifs reprochés par les bailleurs dans le congé ne sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Selon l'article L 411-53 du code rural et de la pêche maritime, nonobstant toutes clauses contraires, le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail que s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l'article L 411-31 et dans les conditions prévues audit article.

Aux termes de cet article, sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L 411-32 et L 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition.

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation,

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L 411-27.

Si l'expert a pu constater que certains des manquements invoqués par les bailleurs dans l'acte extrajudiciaire du 9 mai 2017, à savoir le mauvais entretien des vignes, le non respect par le preneur de son engagement de replanter 1,24 hectares de vignes de Beaujolais Villages et d'entretenir les surfaces arrachées et l'absence de taille de la parcelle des [Localité 44], et notamment le mauvais état de la partie sud est de la parcelle A[Cadastre 35] comportant plus de 50 % de pieds morts et des parcelles A [Cadastre 17] et A [Cadastre 21], il n'a pas noté de dépréciation de la valorisation de l'exploitation, en relevant que l'origine de la mauvaise croissance des jeunes plantations ne résidait pas dans des carences nutritionnelles ni dans la présence de résidus de traitements phytosanitaires.

Il résulte par ailleurs des conclusions de l'expert que le remplacement des pieds manquants nécessitait la mise en place d'un protocole d'accord entre les bailleurs, auxquels incombait la prise en charge des fournitures de fumure, plants et palissage, mais également la dévitalisation, le terrassement et le drainage et les analyses de sols, et les preneurs, tenus de procéder au remplacement, et les éléments du dossier, notamment les échanges de courriers entre les parties au bail, ne permettent pas d'imputer l'absence de remplacement des ceps manquants exclusivement aux preneurs, alors que les bailleurs n'ont pas répondu, à plusieurs reprises, aux sollicitations des consorts [N] en vue des replantations.

Comme l'a exactement retenu le tribunal, aucune des pièces du dossier ne confirme la prétendue sous-location de certains prés.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que les manquements des preneurs à leurs obligations, tels que constatés par l'expert, ne compromettaient pas la bonne exploitation du fonds, et qu'ils ont rejeté la demande de validation du congé délivré par les consorts [K] et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation du bail à métayage

Pour conclure à l'infirmation du jugement qui a prononcé la résiliation du bail, les appelants reprochent au tribunal de s'être fondé sur les constatations de l'expert judiciaire qui a outrepassé sa mission en se prononçant sur l'absence de récolte complète d'une faible surface des terres louées sur la base de constatations qu'il a faites seul, après avoir prévenu tardivement les parties, ce qui ne leur a pas permis d'assister aux opérations, et sans procéder au comptage des grappes restant sur pieds après les vendanges.

Ils rappellent que la mission de l'expert était limitée à la vérification d'un défaut d'entretien des sols et de plantations de vignes et au chiffrage du coût des travaux nécessaires à la remise en état des parcelles et au retour à une production normale en cas de dépréciation de la valorisation de l'exploitation.

Ils ajoutent que les constatations de M. [U] ont eu lieu plus d'un mois après les vendanges et qu'il était impossible à ce dernier de déterminer si l'absence de récolte résultait d'une carence ou d'un tri au moment de la récolte, pour écarter les grappes qui n'étaient pas assez mûres, en soulignant que seule la parcelle A [Cadastre 20] visitée par l'expert est décrite et que ce dernier raisonne sur toutes les parcelles plantées en Beaujolais, sans qu'il soit certain qu'il ait vérifié leur état.

Ils relèvent enfin que l'expert a basé son calcul de manque de récolte sur un rendement maximal théorique, sans vérifier le rendement moyen du secteur ni même comparer avec le rendement moyen de l'exploitation.

Ils en déduisent que le rapport d'expertise doit être annulé, sans toutefois formuler cette demande dans le dispositif de leurs écritures.

Les intimés relèvent que la demande d'annulation du rapport d'expertise n'a pas été demandée en première instance et qu'elle n'est pas formulée dans le dispositif des conclusions des consorts [N].

La mission de l'expert, qui incluait la description de l'état des biens loués et qui lui impartissait de préciser s'il existait des atteintes à la pérennité du fonds, lui permettait de procéder à des constatations sur les conditions de réalisation des vendanges.

Les constatations effectuées par M. [U] le 22 octobre 2018, à la demande des consorts [K], ont été précédées d'une information des conseils des parties et de l'accord de ces derniers, qui n'ont pas exigé d'être présents sur les lieux, ni même un report des constatations pour ce faire (page 82 du rapport d'expertise).

L'expert a précisé (toujours en page 82) que ses constatations ont concerné l'ensemble des parcelles de la Balmondière et pas uniquement la parcelles A [Cadastre 20] et il a estimé à 4 grappes par pied le nombre moyen de grappes non vendangées, ce que confirment les photographies qu'il a prises qui établissent que les constatations ont eu lieu alors qu'il faisait encore jour, le 22 octobre 2018 à 18h26.

C'est donc en vain que les appelants font grief à l'expert d'avoir excédé sa mission et violé le principe de la contradiction et qu'ils remettent en cause la force probante des constatations de l'expert sur ce point.

Les appelants prétendent que l'absence de récolte complète retenue par l'expert ne compromet pas la bonne exploitation du fonds.

Ils se prévalent par ailleurs des dispositions de l'article L 411-1 in fine du code rural et de la pêche maritime en vertu desquelles les motifs mentionnés aux 1° à 3° ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes et ils soutiennent que l'expert a relevé de multiples manquements des bailleurs à leurs obligations, notamment en ce qu'ils ont privé les preneurs de locaux de vendangeurs depuis 2014 et d'une seconde benne à vendange, en ce qu'ils ont tardé à régler les frais de récolte leur incombant et en ce qu'ils ont mis à leur disposition un matériel de vinification insuffisant par rapport aux besoins de l'exploitation.

Ils ajoutent que les bailleurs n'ont pas modifié leur comportement et qu'ils continuent à ne pas collaborer à la bonne marche du contrat, ainsi que l'a constaté Me [H], huissier de justice, le 13 janvier 2022, en relevant que le local vendangeurs ne correspond pas aux besoins d'une équipe de vendangeurs, notamment en ce qui concerne les sanitaires et l'hébergement collectif.

Ils affirment que la même problématique se pose pour le renouvellement des plantations en faisant valoir que si l'expert a relevé un nombre important de pieds morts sur les parcelles plantées en Beaujolais Village, le matériel végétatif devait être fourni par les bailleurs qui ne peuvent pas leur reprocher de concentrer leur énergie uniquement sur les parcelles classées en [Localité 45] alors qu'ils ne font pas les investissements minimum sur les parcelles plantées en Beaujolais Village.

Ils considèrent ainsi que les manquements qui leur sont reprochés sont la conséquence des agissements des bailleurs qui ne répondent jamais en temps utile à leurs sollicitations, ce qui exclut le prononcé de la résiliation du bail, en reprochant au tribunal d'avoir minimisé la portée de ces agissements en considérant qu'ils n'empêchaient pas les preneurs de respecter leur obligation d'entretien des vignes.

Les consorts [A] objectent que le défaut de vendange complète est un défaut d'entretien de la vigne qui compromet la bonne exploitation du fonds, et ce d'autant plus que les vieilles vignes produisent qualitativement et que le nombre de manquant est élevé.

Ils se fondent sur le rapport de M. [U] qui a relevé qu'il manquait 32,4 hectolitres de Beaujolais Village dans la déclaration de récolte 2018.

Ils ajoutent que ce manquement a perduré pour les récoltes 2019 et 2021 durant lesquelles les vendanges n'ont pas été complètes.

Ils affirment, qu'en 2021, et pour la quatrième année consécutive, les vendangeurs ne sont pas venus terminer la vendange après leur première journée de travail, laissant non vendangée la majorité des 37 ares sur la parcelle [Cadastre 17], ce qu'ils ont fait constater par huissier le 23 octobre 2021.

Ils estiment que la question des locaux des vendangeurs n'est qu'un prétexte et que la vendange machine est un choix assumé du preneur, économiquement intéressant pour celui-ci dans le cadre d'un bail à métayage.

Ils ajoutent avoir satisfait la demande des preneurs concernant le bac inox manquant pour les vendanges dès qu'elle a été formulée et que les moyens relatifs aux vendanges, à les supposer insuffisants, n'empêchent pas la bonne culture de la vigne.

Il ressort des constats d'huissier des 3 novembre 2017 et 17 septembre 2018 que les vendanges 2017 et 2018 n'ont pas été complètes, des grappes de raisin étant présentes sur un grand nombre de pieds de vignes, ce qu'a pu constater M. [U] le 22 octobre 2018, lequel, en estimant le défaut de récolte à 4 grappes non vendangées par pieds représentant un volume de vin de 43,2 hl pour l'année 2018 et un manque à produire de 32,4 hl, a retenu que le rendement 2018, inférieur au rendement de l'appellation, n'aurait pas eu lieu d'être si l'ensemble des raisins avait été vendangé correctement.

Les procès-verbaux de constat établis les 4 novembre 2019 et 22 octobre 2021 font état de nombreuses grappes encore présentes alors que les vendanges sont terminées, certaines jonchant le sol, sur les parcelles [Cadastre 17] et [Cadastre 20].

C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré, qu'en procédant à une vendange mécanique inadaptée aux parcelles, les preneurs avaient manqué à leur obligation d'entretien et d'exploitation des vignes et que ce manquement, à l'origine d'un rendement de récolte insuffisant, était de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

Si l'expert a constaté que la mise à disposition de matériel de vinification par les bailleurs était insuffisante par rapport aux besoins et que la mise à disposition des preneurs de bâtiments d'exploitation viticole n'était pas assurée par les bailleurs, notamment s'agissant d'un lieu de stockage pour le matériel et d'un bâtiment pour les vendangeurs, ces manquements des bailleurs à leurs obligations n'empêchaient pas les preneurs de respecter leur obligation d'assurer la récolte complète de raisin, notamment en recourant à un prestataire extérieur pour vendanger à la main les parcelles classées en Beaujolais village, le bailleur étant tenu de supporter à hauteur de moitié les frais de vendange et l'attestation de M. [M] ne suffisant pas à elle seule à établir l'impossibilité pour les consorts [N] de trouver un prestataire extérieur pour réaliser le ramassage manuel des raisins.

Les manquements reprochés aux bailleurs ne constituent donc pas des raisons sérieuses et légitimes permettant d'écarter la résiliation du bail et le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il a fait droit à la demande présentée à cette fin par les consorts [A] et aux demandes subséquentes.

Sur le compte entre les parties

Pour conclure à l'infirmation du jugement qui les a condamnés au paiement d'une somme de 1592,01 HT au titre des frais de vendanges 2017 et 2018 avancés par les bailleurs, les appelants soutiennent qu'il résulte du rapport d'expertise que les bailleurs leur sont redevables au titre des vendanges 2018 d'une somme de 1 189,30 euros et que les intimés n'ont jamais formé la moindre demande indemnitaire durant les opérations d'expertise ni critiqué le chiffrage de l'expert, et ils en déduisent un solde de 1 456,25 euros en leur faveur.

Les intimés prétendent que le solde vendanges 2017 et 2018 dont sont redevables les preneurs s'élève à 6 807 euros.

L'expert a retenu, qu'au titre des vendanges de l'année 2017, les bailleurs étaient redevables d'une somme de 3 076,25 euros correspondant aux frais de location de la benne à vendange et à 50 % des frais de prestataires de vendange, les intimés ne justifiant pas avoir réglé la somme de 5 215 euros qu'ils imputent sur ce solde et dont ils n'ont pas fait état lors de l'expertise.

S'agissant de l'année 2018, l'expert a retenu que les bailleurs étaient redevables d'une somme de 2 776,25 euros au titre des frais de prestataires de vendange et que les preneurs étaient pour leur part redevables d'une somme de 1 620 euros TTC correspondant au manque à gagner résultant de la vendange restée sur pied.

Les intimés prétendent avoir réglé la somme de 5 824 euros, ce que les consorts [N] ne contestent pas.

Le compte entre les parties peut donc être établi comme suit :

- dette des bailleurs : 3 076, 25 + 2776,25 = 5 852,50 euros, sur laquelle ils ont réglé 5 824 euros, soit un solde débiteur de 28,25 euros,

- dette des preneurs : 1620 euros.

Les consorts [N] seront ainsi condamnés à payer aux bailleurs la somme de 1 591,50 euros HT, infirmant sur ce point le jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires

Mme [I] [N] et M. [E] [N] qui succombent en leur appel supporteront la charge des dépens.

Il n'est par ailleurs pas inéquitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure exposés en cause d'appel par les intimés et non compris dans les dépens.

Ils seront ainsi condamnés à leur payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité mise à leur charge en première instance au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 10 juillet 2020 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Mâcon en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à payer à Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] la somme de 1 592,01 euros HT,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à payer à Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] la somme de 1 591,50 euros HT,

Y ajoutant,

Condamne Mme [I] [N] née [B] et M. [E] [N] à payer à Mme [C] [D] épouse [K] et M. [L] [K] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les consorts [N] aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00897
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.00897 ?
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