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19/05/2022 | FRANCE | N°19/00781

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 19 mai 2022, 19/00781


DLP/CH













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Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 19 MAI 2022



MINUTE N°



N° RG 19/00781 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FLVS



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section COMMERCE, décision attaquée en date du 02 Octobre 2019, enregistrée sous le n° 18/00159







APPELANT :



[...

DLP/CH

[G] [B]

C/

S.A. SCHIEVER DISTRIBUTION

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 19 MAI 2022

MINUTE N°

N° RG 19/00781 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FLVS

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section COMMERCE, décision attaquée en date du 02 Octobre 2019, enregistrée sous le n° 18/00159

APPELANT :

[G] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Jean-Charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

S.A. SCHIEVER DISTRIBUTION

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [B] a été engagé par la SA Schiever par un contrat à durée indéterminée en qualité de préparateur livreur, le 25 avril 1983.

La convention collective de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire est applicable à la relation contractuelle.

Au dernier état de la relation de travail, M. [B] occupait un emploi de réceptionnaire expert, catégorie employé niveau II B.

Par courrier du 6 mars 2014, la société Schiever a proposé à M. [B] la modification de son contrat de travail suite à la fermeture de l'entrepôt de [Localité 4], prévoyant son transfert au même poste sur le site d'[Localité 3], avec un accompagnement à la mobilité et maintien de sa rémunération.

M. [B] a refusé cette proposition par courrier du 25 mars 2014.

La société Schiever a alors envisagé son licenciement pour motif économique, à l'instar de plus de 10 autres salariés, dont M. [B].

Elle a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi validé par le comité d'entreprise et homologué par la DIRECCTE le 17 juillet 2014.

C'est dans ces conditions que la SA Schiever a proposé à M. [B], le 22 juillet 2014, dans le cadre du plan social homologué par la DIRECCTE, l'ensemble des postes recensés dans le groupe et compatibles avec sa qualification, ainsi qu'une note de synthèse sur le PSE comportant les conditions d'accompagnement dans le cadre des reclassements internes.

Ayant refusé les postes proposés par l'employeur, M. [B] a été licencié pour motif économique le 31 octobre 2014.

Il a accepté le congé de reclassement et n'a pas demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage.

Par requête du 3 juillet 2018, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir diverses indemnités fondées sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Schiever.

Par jugement du 2 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration enregistrée le 8 novembre 2019, M. [B] a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2020, il demande à la cour de :

- déclarer bien fondé l'appel interjeté et, réformant le jugement entrepris,

- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucun motif économique réel et sérieux,

- dire et juger que la SA Schiever ne justifie d'aucune recherche de reclassement,

- condamner la SA Schiever à lui payer les sommes suivantes :

* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois) : 52 151,52 euros,

* à titre de dommages et intérêt pour exécution fautive du contrat de travail : 8 691,92 euros,

* article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

- condamner la SA Schiever en tous les dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 avril 2020, la SA Schiever demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

- condamner M. [B] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT

Pour contester le bien-fondé de son licenciement, M. [B] se prévaut, d'une part, de l'absence de tout motif économique valable et régulier et, d'autre part, du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement. Il soutient, à cet égard, que l'employeur ne justifie d'aucune recherche active, personnalisée et exhaustive de reclassement, ni ne justifie pas du périmètre de reclassement.

En réponse, la société Schiever fait valoir que le motif économique est réel et sérieux comme justifié par la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe et qu'elle a, de plus, effectué des recherches de reclassement sérieuses et loyales. Elle expose, sur ce point, qu'elle a bâti, de façon unilatérale, un projet de PSE en consultant et en informant les membres du comité d'entreprise, qu'elle a recensé l'ensemble des postes disponibles et prévu des modalités d'accompagnement aux reclassements internes. Elle ajoute que la DIRECCTE a homologué le plan social et que M. [B] s'est ensuite vu adresser, le 22 juillet 2014, une liste de postes ouverts dans sa qualification professionnelle, liste qu'elle a réactualisée le 8 août 2014 et qui a été refusée par le salarié qui a indiqué avoir régularisé un CDI avec la société Cayon à compter du 4 août 2014. L'intimée en déduit par ailleurs l'absence de préjudice du salarié en suite de son licenciement.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail applicables aux licenciements notifiés avant le 24 septembre 2017, comme c'est le cas en l'espèce, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

S'il n'existe aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise et si elle appartient à un groupe, l'employeur doit étendre ses recherches de reclassement à toutes les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si ces entreprises n'appartiennent pas au même secteur d'activité.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement et qu'un reclassement était impossible et il revient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

Il est constant que ni l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, quel qu'en soit le contenu, ni le refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail pour cause économique avant l'engagement de la procédure de licenciement ne dispensent l'employeur de son obligation de reclassement. Ainsi, quand bien même le plan aura pu être homologué par la DIRECCTE, le salarié peut à titre individuel opposer l'absence ou l'insuffisance d'offres de reclassement interne le concernant antérieure à la notification du licenciement, l'autorité administrative ne se prononçant pas sur la réalité et le sérieux du motif économique invoqué par l'employeur dans le cadre de la notification du licenciement ni sur le respect de l'obligation personnalisée de reclassement. Il en va de même de l'inspecteur du travail.

Il en ressort, au cas présent, que la société Schiever était tenue, à l'égard de chaque salarié, de M. [B] en particulier, de respecter son obligation de reclassement alors même qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi. L'intimée se devait de rechercher s'il existait des possibilités de reclassement, prévues ou non par le plan de sauvegarde de l'emploi, et de proposer à l'appelant des emplois disponibles, de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification de contrat de travail, en assurant au besoin l'évolution du salarié à l'évolution de son emploi.

M. [B] était donc recevable, nonosbtant l'avis favorable de la DIRECCTE sur le plan de sauvegarde de l'emploi et l'autorisation de licenciement données par l'inspection du travail à contester devant le juge prud'homal l'exécution loyale de l'obligation de reclassement par son employeur.

Or, au regard des éléments d'appréciation dont la cour dispose, force est de constater que la société Schiever, qui gère l'activité logistique du groupe éponyme, ne justifie pas avoir exécuté loyalement son obligation de reclassement vis-à-vis de M. [B]. Elle s'est contentée de soumettre au salarié, le 22 juillet 2014, une proposition individualisée sur une liste de postes, complétée le 8 août suivant, choisis selon des critères non justifiés, et ne correspondant pas à tous les postes de reclassement disponibles selon les principes précités. Elle ne démontre pas que l'ensemble des postes de reclassement disponibles au sein du groupe Schiever distribution a été proposé au salarié. Elle ne produit, au surplus, aucun organigramme des entreprises du groupe au sein desquelles la permutabilité de tout ou partie du personnel était possible. Elle ne communique pas davantage les courriers de recherche de reclassement adressés aux entités du groupe, ni même le registre d'entrée et de sortie du personnel.

La société Schiever ne justifie pas d'une étude sérieuse et personnalisée des profil, carrière, acquis, aptitudes et compétences de M. [B], ni d'une analyse effective, dans le cadre des principes susvisés, de l'adéquation éventuelle de ces éléments individualisés avec les caractéristiques de l'ensemble des emplois disponibles dans le groupe dont elle fait partie, préalable pourtant indispensable dans le cadre d'une recherche loyale de reclassement interne.

La société Schiever n'explique pas, notamment, en quoi M. [B] ne pouvait pas faire l'objet d'un reclassement interne en France sur les autres postes disponibles dans le secteur logistique, voire sur les postes disponibles de cadre, ou intégrant des fonctions d'encadrement, ou même sur des postes disponibles de catégorie inférieure après éventuellement dispense d'une formation non qualifiante.

Au vu des éléments qui précèdent, il n'est pas suffisamment établi que le périmètre de reclassement devait être limité aux postes proposés au salarié, comme retenu par l'employeur. Il s'en déduit que celui-ci ne justifie pas du respect de son obligation de reclassement.

Le licenciement doit donc, par réformation du jugement entrepris, est déclaré sans cause réelle et sérieuse.

SUR LES DEMANDES INDEMNITAIRES

Compte tenu de l'ancienneté de M. [B] (31 ans) dans une entreprise employant plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération (2 173 euros bruts), de son âge ( 54 ans au moment du licenciement), du fait qu'il a bénéficié d'un congé de reclassement pendant 12 mois, d'une formation de 10 jours au poste de formateur des risques liés à l'activité physique dans les secteurs industrie, BTP et commerce, outre une formation de 3 jours concernant le transport de matière dangereuse, de l'absence de justification sur ses recherches d'emploi, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi en raison de son licenciement abusif.

SUR L'EXÉCUTION DÉLOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Il est constant que l'employeur, au même titre que le salarié, a l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi. Il se doit ainsi de respecter les règles légales, conventionnelles, contractuelles ou simplement d'usage dont il a connaissance et est notamment tenu d'une obligation de sécurité de résultat.

La preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur doit être rapportée par le salarié qui l'allègue.

En l'espèce, M. [B] se prévaut de l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Schiever, sans solliciter pour autant sa reclassification. Il expose qu'il a exercé des fonctions de management comme responsable de service et des fonctions de formation qui imposaient la reconnaissance du statut agent de maîtrise. Il estime qu'il a ainsi exercé des responsabilités excédant celles de réceptionnaire expert, statut employé. Il réclame de ce chef une indemnité de 8 691,92 euros.

La société Schiever réplique que les fonctions de réceptionnaire expert de l'appelant ne l'ont jamais amené à une fonction d'encadrement et que le fait d'avoir été formateur SST ne l'a jamais conduit à encadrer une équipe.

Il est constant que, saisi d'une contestation sur la classification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer sans autre considération que sur l'examen des fonctions réellement exercées. La charge de la preuve repose sur le salarié qui invoque l'application d'une qualification supérieure. Il doit démontrer la classification correspondant à la réalité de ses fonctions, avec éventuellement un rappel de salaires conforme au minimum conventionnel en vigueur.

Ici, M. [B] ne justifie pas des compétences (« animer, organiser ou coordonner une équipe »), de la complexité du poste, de l'autonomie, ni de la responsabilité que nécessitait le niveau 6 de la convention collective applicable. Les pièces qu'il produit ne l'établissent pas. Il en ressort, au contraire, qu'il n'avait pas de pouvoir de décision et qu'il est intervenu en qualité d'opérationnel (pièces 22, 24), que les devis étaient signés et validés par M. [R] (pièce 23), que ce dernier était le tuteur des stagiaires (pièce 21), étant ajouté que l'appréciation que le salarié porte sur son travail dans le cadre des évaluations annuelles ne saurait constituer la preuve des responsabilités effectivement assumées, ni même le fait qu'il était formateur SST cette fonction n'impliquant pas nécessairement qu'il faisait partie du personnel d'encadrement. Aucune attestation en ce sens n'est, de surcroît, versée aux débats.

La demande indemnitaire de M. [B] doit donc, par confirmation du jugement déféré, être rejetée.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision dont appel sera réformée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Schiever, qui succombe, doit prendre en charge les dépens de première instance et d'appel et supporter une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [B] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Schiever distribution à payer à M. [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Schiever distribution et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros,

Condamne la société Schiever distribution aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00781
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.00781 ?
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