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12/05/2022 | FRANCE | N°21/00040

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 12 mai 2022, 21/00040


SD/IC















S.A.R.L. H2I



C/



S.A. FORGEAVIA

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL

DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 12 MAI 2022



N° RG 21/00040 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTHZ



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 20 octobre 2020,

rendue par le tribunal judiciaire de Chaumont - RG : 19/00046







APPELANTE :



S.A.R.L. H2I prise en la personne de son gérant en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Jean-Vianney GUIGU...

SD/IC

S.A.R.L. H2I

C/

S.A. FORGEAVIA

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 12 MAI 2022

N° RG 21/00040 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTHZ

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 20 octobre 2020,

rendue par le tribunal judiciaire de Chaumont - RG : 19/00046

APPELANTE :

S.A.R.L. H2I prise en la personne de son gérant en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Vianney GUIGUE, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, vestiaire : 38

assisté de Me François COCHET, membre de la SELURL COCHET, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMÉE :

S.A. FORGEAVIA prise en la personne de son président directeur général en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 10]

[Localité 3]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Edouard BERTRAND, membre de LAMY LEXEL Avocats Associées, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique reçu le 24 décembre 1993 par Me [K], notaire à [Localité 6], la SARL H2I a donné à bail commercial à la SARL Conversat Forges, aujourd'hui dénommée Forgeavia Conversat Forges, des bâtiments à usage industriel situés [Adresse 10] ( 52 ), d'une superficie de 6 440 m², pour une durée de 9 ans à compter du 1er décembre 1993, moyennant un loyer de 120 000 F HT annuels.

Le bail a fait l'objet de trois avenants en date des 24 décembre 1998, 28 décembre 2002 et 27 décembre 2007, le demier prévoyant que le bien loué comprend l'intégralité des terrains et bâtiments appartenant à la société H2I et que le loyer est fixé, à compter du 1er janvier 2008, à la somme annuelle de 87 882,48 euros HT.

Les parties ont conclu un nouveau bail, par acte du 13 mars 2015, pour une durée de neuf années à compter du 1er février 2015 moyennant un loyer annuel de 195 000 euros HT.

A la demande de la société Forgeavia, le tribunal de commerce de Chaumont a, par jugement définitif du 8 janvier 2018, prononcé la nullité du bail du 13 mars 2015 et désigné M. [M] [R], expert, afin notamment de déterminer la valeur locative des locaux loués à la date du 13 mars 2015.

Par acte d'huissier du 21 décembre 2016, la bailleresse a fait délivrer au preneur un congé avec offre de renouvellement du bail pour une durée de 9 ans à effet du 30 juin 2017, moyennant un loyer annuel de 350 000 euros HT.

Cette offre n'a pas été acceptée par la société Forgeavia et, par lettre recommandée du 7 mars 2019, la SARL H2I a notifié au preneur un mémoire aux fins de fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 533 000 euros HT/HC à compter du 1er juillet 2017.

Par acte du 23 avril 2019, elle a assigné la société Forgeavia Conversat Forges devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Chaumont aux fins de voir fixer la valeur locative des locaux loués à la somme annuelle de 533 000 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2017, en conséquence, de voir condamner la société Forgeavia Conversat Forges à lui payer la somme de 533 000 euros HT/HC par an à compter du 1er juillet 2017, sauf à déduire les loyers déja réglés et ce avec intérêts de droit dès le 1er juillet 2017 et avec capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 code civil, et enfin d'obtenir l'allocation d'une indemnité de procédure de 10 000 euros, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Subsidiairement, elle sollicitait la désignation d'un expert avec pour mission de donner tous éléments utiles pour chiffrer la valeur locative des locaux loués au 1er juillet 2017.

Contestant le rapport d'expertise de M. [R], déposé le 29 juillet 2019, auquel elle reprochait de n'avoir visé qu'une seule méthode, la méthode par comparaison, alors que l'expert a reconnu lui-même que, dans le département de la Haute-Marne, les cessions et locations industrielles étaient rares, la bailleresse a fait valoir que les comparaisons effectuées par l'expert n'étaient absolument pas justifiées car elles portaient sur des bâtiments situés dans des villages éloignés de tout n'ayant rien à voir avec l'emplacement de l'usine Forgeavia située entre l'autoroute de [Localité 8] (A5) et l'autoroute de [Localité 9]/[Localité 7], M. [R] ayant par ailleurs indiqué que les bâtiments loués étaient bien entretenus, qu'ils étaient destinés à une forge, sans toutefois tenir compte de la charpente encastrée de la dalle lourde qui double le prix de revient de la construction.

Elle a relevé que, lors de l'acquisition des actions de la société Forgeavia, les acquéreurs ont eux-mêmes évoqué un montant de loyer de 200 000 euros par an.

Elle s'est enfin fondée sur l'évaluation faite à sa demande par M. [H] [P], expert foncier et immobilier, qui a retenu une valeur locative de 525 000 euros HT/an au 15 mars 2015 et de 533 000 euros HT/an au 1er juillet 2017, après application de la méthode du rendement, en retenant une valeur totale du bien loué, vétusté déduite, de 6 125 000 euros et un taux de rendement de 10,43 % identique à celui retenu par M. [R], faisant ressortir une valeur locative de 610 000 euros ramenée à 533 000 euros au 1er juillet 2017, déduction faite de la taxe foncière et du coût de l'assurance.

La société Forgeavia a demandé au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer annuel des locaux donnés à bail à la somme de 105 700 euros HT à compter du 1er juillet 2017, de débouter la société H2I de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle s'est fondée sur le rapport de M. [R], désigné par le Tribunal de commerce de Chaumont, qui a choisi la méthode par comparaison et retenu sept locaux considérés comme suffisamment représentatifs, obtenant un prix médian du m² de 12 euros en 2015, et qui a affecté un prix au m² différent pour les bureaux (50 euros/m2) et pour la partie du bâtiment liée à l'exploitation (10 euros/m2), pour obtenir une moyenne globale de 16 euros/m², soit une valeur locative de 102 500 euros HT pour l'année 2015, portée à 105 700 euros HT pour 2017 compte tenu de l'indice relatif au coût de la construction de 2017.

Elle a précisé que, face aux critiques de la méthode de comparaison utilisée par l'expert, elle a sollicité l'expert [F] qui a appliqué la méthode du rendement sur la valeur vénale, en s'appuyant sur deux ventes récentes de locaux industriels proches de celui expertisé, vendus à environ 50 euros/m², et en retenant une valeur vénale moyenne de l'actif de 100 à 120 euros/m², à laquelle a été appliqué un taux de rendement de 10 %, identique à celui retenu par la société bailleresse, aboutissant à un loyer annuel de 10-12 euros du m², soit en parfaite cohérence avec la valeur locative en renouvellement obtenue par M. [R].

Elle a ajouté que le résultat différent obtenu par la société bailleresse en utilisant la méthode du rendement s'explique par le fait qu'elle s'est basée sur le coût de la construction à neuf, soit plus de 1 000 euros/m2, faisant ressortir la valeur vénale du bien à 6 125 000 euros, alors qu'une estimation du bien faite en 2014 par la société d'expertise immobilière Malsch Properties avait conclu à une valeur vénale de 1 million d'euros.

Elle a souligné que, si les locaux loués sont en bon état, ils sont toutefois situés dans une toute petite zone industrielle comprenant seulement trois usines, dans un village de 1 300 habitants, à une quinzaine de kilomètres de [Localité 5].

Par jugement du 7 juillet 2020, le juge des loyers commerciaux a :

Vu l'article R 145-23 du code du commerce,

- fixé le loyer annuel du bail commercial en date du 24 décembre 1993, renouvelé entre la société H2I et la société Forgeavia, portant sur un local sis [Adresse 10] (52), à la somme de 105 700 euros par an à compter du 1er juillet 2017, hors taxe et hors charges, sauf à déduire les loyers déjà payés,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- laissé à chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés,

- partagé par moitié les dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit en matiere civile.

La SARL H2I a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 11 janvier 2021, portant sur l'ensemble des chefs de dispositif de la décision déférée.

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 14 février 2022, l'appelante demande à la cour de :

- juger recevable et fondé l'appel qu'elle a relevé,

- réformer le jugement rendu le 20 octobre 2020 par le juge des loyers commerciaux près le Tribunal judiciaire de Chaumont,

- juger que le loyer commercial des locaux loués par la société H2I à la société Forgeavia à compter du 1er juillet 2017 doit être fixé à la somme annuelle de 533 000 euros HT et hors charges,

- condamner en conséquence la société Forgeavia à lui payer, et ce à compter du 1er juillet 2017, au titre du loyer annuel, la somme de 533 000 euros HT et hors charges par an, dont il sera bien évidemment déduit les loyers déjà réglés,

- condamner la société Forgeavia à payer, dès le 1er juillet 2017, sur la différence entre le loyer qui sera fixé et celui qui a effectivement été payé, les intérêts, et ce pour chaque trimestre de retard avec capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Très subsidiairement,

- ordonner une expertise technique avec mission pour l'expert désigné de :

' se rendre sur les lieux litigieux,

' prendre connaissance des baux liant les parties,

' décrire les biens loués,

' donner tous les éléments utiles pour chiffrer la valeur locative au 1er juillet 2017,

' répondre aux dires des parties,

' décrire et chiffrer la totalité des réparations nécessaires, en ce compris les grosses réparations et dire à quelle partie en incombe le coût, donner son avis sur les solutions techniques de mise en conformité des installations et en évaluer les coûts,

- débouter la société Forgeavia de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

En tout état de cause,

- condamner la société Forgeavia à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au terme de ses conclusions notifiées le 4 juin 2021, la SA Forgeavia demande à la cour de :

Vu les articles L 145-33 et R 145-3 du code de commerce,

- confirmer le jugement du juge des loyers commerciaux en toutes ses dispositions sauf sur les dépens et les frais irrépétibles,

- condamner la société H2I à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société H2I aux dépens de première instance lesquels comprendront les honoraires de l'expert judiciaire, M. [M] [R], et aux dépens d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance rendue le 1er mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

SUR CE

Les parties s'accordent sur le déplafonnement du loyer et sur la fixation du loyer annuel du bail renouvelé à la valeur locative des locaux donnés à bail.

Par application de l'article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative ; à défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après, 1° les caractéristiques du local considéré, 2° la destination des lieux, 3 les obligations respectives des parties, 4° les facteurs locaux de commercialité et 5 les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Selon l'article R 145-3 du même code, les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public, de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux, de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée, de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail, de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Le premier juge a considéré que la valeur locative fixée par M. [R], en s'appuyant sur la méthode dite de comparaison et en se basant sur sept références locatives situées dans un périmètre géographique relativement proche de [Localité 3], portant sur des bâtiments dont la superficie est comprise entre 5 000 et 45 000 m², faisant ressortir un prix médian de 12 euros par m², pondéré aux différents bâtiments loués, était la plus pertinente et se rapprochait de celle évaluée par M. [F] qui a pourtant utilisé une autre méthode d'évaluation, en considérant que la méthode utilisée par M. [P] n'apparaissait pas pertinente car, si ce dernier a retenu, comme M. [F], un taux de rendement proche de 10 %, ses calculs reposent sur une valeur coût de construction vétusté déduite de 6 125 000 euros, valeur du terrain comprise, et non sur la valeur vénale actuelle du bien qui, en 2014, avait été estimée à 1 million d'euros.

L'appelante rappelle que les bâtiments industriels sont implantés à [Localité 3], sur un terrain d'une contenance de 32 431 m² et que la commune est située à 21 kms de l'autoroute (A5/A31) par des routes départementales et à 15 kms environ de [Localité 5].

En premier lieu, la bailleresse relève que l'expert a retenu, d'une part, que les locaux loués bénéficient d'une excellente visibilité, qu'ils sont d'une surface importante et adaptée à l'activité et qu'ils sont en bon état général, qu'il y a de nombreux équipements avec une assiette foncière importante, avec possibilité d'extension, d'autre part, qu'ils sont spécifiques (génie civil à usage de forge) et qu'il a enfin tenu compte d'une situation économique difficile en 2015, laquelle ne peut pas avoir d'incidence sur la valeur locative.

Elle reproche à M. [R] de ne fournir aucune référence sur les valeurs locatives voisines ni sur la valeur du bâtiment pour calculer le loyer selon la méthode du rendement et lui fait grief de ne pas avoir répondu aux dires déposés par les parties alors qu'il en fait état dans son rapport.

Elle lui reproche également de n'avoir visé que la seule méthode par comparaison alors qu'il a reconnu que, dans le secteur concerné, les cessions et locations industrielles sont rares, ce qui ne permet pas d'appliquer cette méthode, en l'absence de loyers de référence dans le secteur considéré.

Elle estime que les comparaisons effectuées par l'expert ne sont absolument pas justifiées puisque celui-ci n'aborde aucun élément concernant les locaux qu'il a retenus, qui sont excentrés par rapport aux bâtiments loués, situés dans des villages éloignés de tout et parfaitement inconnus, qui n'ont rien à voir avec l'emplacement de l'usine Forgeavia, en relevant que les références indiquées ne sont pas justifiées par des pièces annexes qui permettraient de vérifier la réalité des loyers retenus.

L'appelante fait enfin grief à l'expert de ne pas tenir compte de la charpente encastrée de la dalle lourde, qui double le prix de revient de la construction, et de ne pas avoir rempli entièrement sa mission qui consistait également à décrire et chiffrer les réparations nécessaires.

Elle considère que le preneur ne peut pas se prévaloir du rapport de M. [F] pour conforter l'avis de M. [R], car il ne s'agit pas d'un rapport d'expertise puisqu'il rappelle simplement les méthodes de calcul des valeurs locatives et donne un avis sans s'être rendu sur les lieux et sans connaître les bâtiments, de sorte que cette étude est purement théorique.

En second lieu, la bailleresse prétend démontrer que le loyer ne peut pas être fixé à la somme ridiculement faible de 105 700 euros HT en faisant valoir, d'une part, que lors de l'acquisition des actions de la société Forgeavia, les acquéreurs ont eux-mêmes évoqué un montant de loyer de 200 000 euros, cette proposition faite en juin 2014 mettant à néant l'évaluation de la société Malsch Properties en date du 27 mars 2014, d'autre part, que le coût de la construction d'un bâtiment industriel sur le site de [Localité 3] a été évalué à 6 293 401 euros HT par la société ACE BTP à la fin de l'année 2016, et, enfin, que le rapport d'expertise immobilière de M. [P], établi en janvier 2019, faisant application de la méthode du rendement par rapport à la valeur du bâtiment, couramment utilisée en matière de fixation des loyers commerciaux, fait ressortir une valeur locative radicalement différente de celle retenue par M. [R].

Elle précise qu'il ne peut pas être tenu compte du prix d'acquisition des bâtiments complémentaires achetés en 2002 et 2007 car leur valeur marchande était diminuée en raison de leur indivisibilité avec les bâtiments dont elle était déjà propriétaire et parce qu'il s'agit d'une valeur d'achat de 2002 et 2007, bien antérieure à 2017.

Elle estime que ces valeurs d'achat sont inexploitables car elles ne prennent pas en compte les rachats de bâtiments et de terrains effectués auprès de la chambre de commerce, ni les aménagements qu'elle a payés, ni les travaux de transformation réalisés dans le premier bâtiment.

L'intimée prétend que l'expert judiciaire a bien pris en compte les points forts des locaux tels que la bonne visibilité, la surface importante, leur bon état général et leurs équipements, tout comme leurs points faibles, à savoir la spécificité des locaux (génie civil à usage de forge) rendant difficile un éventuel changement de destination, un accès routier peu avantageux et une situation économique difficile en 2015.

Elle ajoute que M. [R] a fait le choix de la méthode par comparaison pour fixer le montant du loyer annuel, qui est utilisée par la grande majorité des experts qui y ont fréquemment recours en matière de locaux industriels, lesquels ont des caractéristiques similaires.

Elle estime que l'absence de locaux voisins comparables n'a pas été un obstacle, le secteur expertisé étant simplement élargi.

Elle relève que l'expert [F] a confirmé que la méthode du rendement sur la valeur vénale de l'usine était une méthode de recoupement et de contrôle de cohérence qui pouvait être utilisée, qu'il a recensé deux ventes récentes de locaux industriels proches de ceux expertisés et a retenu une valeur vénale moyenne de 100-120 euros le m² à laquelle il a appliqué un taux de rendement de 10 % identique à celui retenu par l'appelante, qui l'a conduit à évaluer le loyer annuel à 10-12 euros le m², en cohérence avec la valeur locative en renouvellement obtenue par M. [R].

Elle ajoute que ce résultat est en parfaite cohérence avec le prix au m² que la société H2I avait elle-même retenu lorsqu'elle a acheté les locaux à la société Forgeavia les 28 décembre 2002 et 27 avril 2007, au prix de 105-100 euros le m².

Elle prétend que si la société appelante n'est pas arrivée au même résultat que M. [F] en utilisant la méthode du rendement, c'est parce qu'elle s'est basée sur le coût de construction à neuf, de manière excessive, et elle invoque l'estimation de la valeur vénale des locaux faite par la société Malsch Properties, en 2014, concluant à une valeur vénale d'un million d'euros.

Pour proposer une valeur locative des locaux donnés à bail commercial de 105 700 euros HT au 1er juillet 2017, l'expert judiciaire a choisi la méthode par comparaison consistant à comparer le bien faisant l'objet de l'expertise à des transactions effectuées ou des loyers pratiqués sur des biens équivalents en nature et en localisation et qui est utilisée pour rechercher tant les valeurs vénales que les valeurs locatives de marché.

S'il a constaté que, dans le secteur de la Haute Marne, les cessions et locations de biens industriels étaient rares, en raison de la faible densité d'activités de ce type dans cette zone géographique, l'expert a cependant retenu sept références locatives qu'il a considérées comme suffisamment représentatives pour définir la valeur locative de l'implantation exploitée par la société Forgeavia, en élargissant la zone à enquêter.

Si ces références ne sont pas toutes comparables sur le plan physique et géographique, elles concernent toutes des bâtiments à caractère industriel de grandes superficies, qui ont une valeur locative plus faible au m², et de construction ancienne, à l'exception de la référence de [Localité 4], dont la valeur locative est la plus chère, qui porte sur un bâtiment plus récent.

A hauteur d'appel, la bailleresse reproche à l'expert de n'avoir pas suffisamment explicité les références retenues, alors qu'à aucun moment elle n'a sollicité d'informations complémentaires dans le cadre des dires adressés à l'expert, le seul reproche formulé à M. [R] étant d'avoir comparé des bâtiments qui ne l'étaient pas, ce qui suppose qu'elle ait eu connaissance des caractéristiques de ces bâtiments.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, l'expert a longuement répondu, le 29 juillet 2019, à ses observations formulées le 11 juillet 2019, en indiquant, d'une part, que si le bâtiment bénéficie d'une grande surface et d'une bonne visibilité depuis la route, il n'en est pas moins excentré et ne bénéficie pas d'un accès rapide aux autoroutes, ce qui obère sa valeur locative et vénale, et d'autre part, que la méthode de rendement utilisée par M. [P] mandaté par la bailleresse, ne pouvait être appliquée qu'en l'absence totale de références locatives et avec la plus grande prudence car elle repose sur des éléments discutables et aléatoires.

Il a donc ainsi parfaitement justifié le choix de la méthode par comparaison utilisée, qui est une méthode habituellement pratiquée par les experts, ce qu'a confirmé M. [F], expert près la cour d'appel de Dijon, dans un avis du 5 juillet 2019 émis à la demande du preneur.

Les sept références retenues par M. [R] ont fait ressortir une médiane de 12 euros/m² que l'expert n'a pas appliquée à l'ensemble de la surface des locaux donnés à bail, ayant différencié ceux-ci selon leur destination.

Il a valorisé les bureaux à 50 euros/m², la partie du bâtiment liée à l'exploitation à 12 euros/m², celle étroitement liée à la production à 17 euros/m² et la zone morte et de passage à 10 euros/m², soit une valeur locative de 102 500 euros pour l'année 2015 et une moyenne au mètre carré de 16 euros, supérieure à la médiane en raison de la situation physique, de la surface de l'assiette foncière et de l'état et de la qualité des locaux.

Cette évaluation est équivalente à celle retenue par M. [F], à 10-12 euros le m², en appliquant la méthode du rendement, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de références de location, sur la base d'un taux de rendement de 10 % conforme à celui proposé par la bailleresse, et en retenant une valeur vénale moyenne de 100-120 euros/m², correspondant à la valeur des bâtiments achetés les 28 décembre 2002 et 27 avril 2007.

L'expertise non contradictoire de M. [P], qui propose une valeur locative de 610 000 euros HT sur la base d'une valeur vénale des constructions et du terrain de 6 125 000 euros, calculée sur la base d'un prix au m² de 1 000 euros/m² pour les bâtiments, qui n'est étayé par aucun élément de référence au marché local et qui a été calculé avec des abattements de vétusté qui ne tiennent pas compte de l'obsolescence de ce type de bâtiment industriel de trente ans, ne peut remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire confortées par l'avis de M. [F].

Enfin, la proposition faite par les acquéreurs d'un loyer de 200 000 euros annuel, qui s'inscrivait dans le cadre de négociations, ne présume pas de la valeur locative du marché, alors que la présence d'une charpente et d'une dalle lourde est sans incidence sur la valeur locative selon l'expert, dès lors que les travaux réalisés ne peuvent pas augmenter celle-ci.

Il ne peut davantage être reproché à l'expert de ne pas avoir entièrement rempli sa mission en ce qui concerne le chiffrage des travaux de réparation alors que les conclusions du sapiteur [Z], selon lequel il est dans l'immédiat impossible d'effectuer le moindre chiffrage des travaux à réaliser alors que le bail se prolonge encore pour plusieurs années, figurent dans le rapport d'expertise, étant observé que cette mission complémentaire ne concernait pas la détermination de la valeur locative des locaux.

Sans qu'il soit nécessaire de recourir à une nouvelle expertise, le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a fixé le loyer annuel du bail commercial en date du 24 décembre 1993, renouvelé entre la société H2I et la société Forgeavia, portant sur un local sis [Adresse 10] (52), à la somme de 105 700 euros par an à compter du 1er juillet 2017, hors taxe et hors charges.

La société H2I qui succombe supportera la charge des dépens d'appel et de première instance, à l'exclusion des frais d'expertise, la mesure n'ayant pas été ordonnée dans le cadre de l'action en fixation du loyer renouvelé.

Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés par l'intimée et non compris dans les dépens.

Elle sera ainsi condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Chaumont en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a partagé par moitié les dépens et laissé à chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés,

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

Condamne la SARL H2I aux dépens de première instance,

Condamne la société H2I à payer à la SA Forgeavia la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société H2I aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00040
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00040 ?
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