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12/05/2022 | FRANCE | N°19/00300

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 12 mai 2022, 19/00300


OM/CH













S.A.S. [11]





C/



[U] [T] - en sa qualité d'ayant droit de M. [P]



[T]

[M] [T] en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [T]



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Côte d'Or (CPAM)



S.A. [10]





















Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 12 MAI 2022



MINUTE N°



N° RG 19/00300 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FHRR



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de DIJON, décision atta...

OM/CH

S.A.S. [11]

C/

[U] [T] - en sa qualité d'ayant droit de M. [P]

[T]

[M] [T] en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [T]

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Côte d'Or (CPAM)

S.A. [10]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 MAI 2022

MINUTE N°

N° RG 19/00300 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FHRR

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de DIJON, décision attaquée en date du 18 Avril 2017, enregistrée sous le n° 14/141

APPELANTE :

S.A.S. [11]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Emmanuel CAPUS de la SELAS FIDAL, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me Florent SOULARD, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉS :

[U] [T] - en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Lisa VESPERINI, avocat au barreau de MARSEILLE

[M] [T] en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Lisa VESPERINI, avocat au barreau de MARSEILLE

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Côte d'Or (CPAM)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par M. [L] [G] (Chargé d'audience) en vertu d'un pouvoir spécial

S.A. [10]

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Franck PETIT, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Laurie GIBEY, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [T] a été salarié de la société [11] (la société) à compter du 11 mai 2009.

Il a été victime d'un accident du travail le 9 mai 2011 et est décédé le lendemain.

La caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les accidents professionnels.

Les ayants droit de M. [T] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, afin de voir reconnaître la faute inexcusable de la société.

Par décision du 18 avril 2017, cette juridiction a accueilli cette demande, a ordonné la majoration des rentes servies aux ayants droit au maximum et a indemnisé les préjudices moraux.

La société a interjeté appel le 13 juin 2017, après notification du jugement le 18 mai 2017.

Le 8 mars 2019, la société a fait assigner en intervention forcée la société [10] afin de lui rendre opposable la décision à intervenir.

Par arrêt du 28 mars 2019, l'affaire a été retirée du rôle puis réinscrite le 16 avril suivant.

La société conclut à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes des ayants droit, et leur demande le remboursement de la somme de 46 000 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement et le paiement de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande également que la présente décision soit déclarée opposable à [10] et, à titre infiniment subsidiaire, la condamnation par la caisse à lui verser la somme précitée de 46 000 euros.

Mme [U] [T] et M. [M] [T] représentés par un avocat n'ont pas conclu et ne forment aucune demande à l'audience du 5 avril 2022.

La société [10] indique qu'aucune demande n'est formée à son encontre ce qui rendrait irrecevable la demande d'intervention forcée et demande, en conséquence, sa mise hors de cause.

A titre subsidiaire, il est relevé que l'action de Mme et M. [T] est irrecevable.

En tout état de cause, il est demande à la société le paiement des sommes de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse s'en remet à la décision de la cour.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties reprises à l'audience du 5 avril 2022.

MOTIFS :

Sur la qualité à agir des ayants droit :

La société soutient que Mme [T] a déjà été indemnisée par la société [10], laquelle s'est trouvée subrogée dans ses droits.

Pour M. [T], demi-frère du défunt, la société relève, là encore, que la société [10] a indemnisé l'intéressé, lequel n'est pas un ayant droit au sens du code de la sécurité sociale.

Il est produit deux procès-verbaux transactionnel du 14 novembre 2014 signés par les intéressés.

L'indemnisation accordée porte paiement d'une somme au titre de préjudices non listés (pièces n°12 et 13) et se borne à renvoyer à une offre du 8 octobre 2014 qui n'est pas versée au débat, ce qui ne permet pas à la cour de vérifier le contenu de l'accord transactionnel.

Les ayants droit ont donc qualité à agir à ce titre.

Sur la faute inexcusable :

1°) L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que : "lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants".

La faute de l'employeur a le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il a ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Ces critères sont cumulatifs.

La conscience du danger exigée de l'employeur s'apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.

Il incombe à celui qui s'en prévaut, de rapporter la preuve de la faute inexcusable.

En cas de faute inexcusable retenue, la majoration de la rente due en application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale est fixée au maximum.

La victime est fondée à obtenir l'indemnisation des préjudices énumérés à l'article L. 452-3 du même code mais aussi la réparation de l'ensemble des dommages non-couverts par le livre IV du code précité.

En l'espèce, il est reproché à la société, sur la base du rapport d'enquête de l'inspection du travail du 30 décembre 2011, un non-respect des horaires et de la durée du travail, une non-conformité de la machine balayeuse ayant percuté la victime et une mauvaise organisation du chantier en terme de sécurité et de coordination de l'activité des entreprises.

La société rappelle que la CARSAT a reconnu la responsabilité à 100 % d'un tiers à l'origine de l'accident du travail et qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre.

L'avis de la CARSAT ne lie pas les juridictions et l'absence de poursuite pénale est indifférente.

Il est relevé dans ce rapport des dépassements de la durée du travail quotidien entre avril et le 9 mai 2011.

La société reprend une partie du rapport qui rappelle que si la durée de travail peut être portée à 12 heures par jour en application de l'accord national du 6 novembre 1998 de la convention collective nationale des travaux publics et à 52 heures par semaine, le 9 mai la victime a réalisé 11 heures 30 de travail effectif pour avoir effectué une journée de travail d'une durée de 9 heures 15 avant de reprendre une activité vers 19 heures sur le chantier de l'autoroute A 38.

Par ailleurs, le maître de l'ouvrage indique que la durée de ce chantier était de l'ordre de 6 à 7 heures de travail.

Enfin, l'inspection du travail a relevé cinq infractions sur la période précitée, quatre sur la durée maximale journalière et une sur la durée maximale hebdomadaire.

La victime a été écrasée par une balayeuse appartenant à la société [9] et non à la société, employeur de M. [T], laquelle devait effectuer des travaux de rabotage et non de balayage.

Le rapport précité relève que cet engin est doté d'une caméra de recul qui permet au conducteur d'avoir une visibilité sur toute la zone dangereuse arrière lors d'une manoeuvre de recul, mais qu'un angle relativement important subsiste, notamment au pied du véhicule. Il est ajouté que la balayeuse utilisée à l'occasion d'un chantier de nuit, n'était pas équipée d'un dispositif d'éclairage de la zone arrière dangereuse.

La société n'est pas responsable de la défaillance de cet engin, propriété d'une autre entreprise.

Par ailleurs, le maître de l'ouvrage des travaux est la direction interdépartementale des routes qui aurait dû mettre en oeuvre les règles prévues au décret n° 94-1159 du 26 décembre 1994 avec désignation, notamment, d'un coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé.

Le rapport indique que l'Etat n'est pas responsable pénalement et que la présence d'un coordonnateur aurait permis une meilleure définition des conditions de circulation sur ce chantier et la mise en oeuvre de consignes strictes concernant, entre autre, les manoeuvre de marche arrière.

Il résulte cependant des circonstances de l'accident et, notamment, de l'absence du respect à plusieurs reprises de la réglementation sur la durée du temps de travail dans un temps proche de l'accident, que la société aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis M. [T], en raison d'une fatigue accrue, et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires.

La faute inexcusable de la société sera retenue et le jugement confirmé sur ce point.

2°) Pour les raisons ci-avant retenues, les ayants droit de la victime peuvent demander des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur la majoration de rente, la société indique que Mme [D], concubine de la victime, a perçu une rente ce que la caisse justifie (pièce n° 7).

Elle ajoute que, pour que Mme [T], mère de la victime, puisse bénéficier d'une rente et donc d'une majoration de celle-ci, il faut établir qu'elle ait été à la charge de la victime, ce qui ne serait pas démontré.

L'article L. 434-13 du code de la sécurité sociale dispose, dans sa version alors applicable, que : "Chacun des ascendants reçoit une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, s'il rapporte la preuve :

1°) dans le cas où la victime n'avait ni conjoint, ni enfant dans les termes des dispositions qui précèdent, qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire ;

2°) dans le cas où la victime avait conjoint ou enfant, qu'il était à la charge de la victime.

La condition prévue doit être remplie soit à la date de l'accident, soit, si cela est plus favorable, à la date du décès de la victime.

Le bénéfice des présentes dispositions ne peut être accordé à l'ascendant qui a été reconnu coupable d'abandon de famille ou qui a été déchu totalement de l'autorité parentale".

Mme [T] n'établit pas avoir été à la charge de son fils, à la date de l'accident ni à la date du décès.

Cependant, la rente accordée à la concubine de la victime doit bénéficier de la majoration au maximum.

Le jugement sera confirmé et précisé en ce sens.

3°) Pour M. [T], la société indique qu'aucune indemnisation pour préjudice moral ne peut intervenir dès lors qu'il n'a pas la qualité d'ayant droit de la victime.

L'article L. 452-3 du même code dispose que : "De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée".

L'article L. 434-7 énonce, dans sa version alors applicable : "Sous réserve des dispositions des alinéas suivants, le conjoint ou le concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, à condition que le mariage ait été contracté, le pacte civil de solidarité conclu ou la situation de concubinage établie antérieurement à l'accident ou, à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée à la date du décès. Toutefois, ces conditions ne sont pas exigées si les époux, les concubins ou les partenaires du pacte civil de solidarité ont eu un ou plusieurs enfants".

En conséquence, M. [T], demi-frère de la victime, ne peut pas percevoir de rente ni obtenir une indemnisation du préjudice moral subi, ce qui implique une infirmation du jugement sur ce point.

En revanche, la mère de la victime peut obtenir réparation du préjudice moral subi, telle que fixée par le jugement qui sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

1°) La société [10], appelée en intervention forcée par la société, demande sa mise hors de cause dès lors que la société ne forme aucune demande à son encontre et que les conditions de l'article 555 du code de procédure civile ne sont pas remplies.

La société demande, dans le dispositif de ses conclusions, de déclarer recevable l'appel en intervention forcée et de rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir à la société [10], ce qui vaut prétention au sens de l'article 30 du code précité, étant rappelé que la cour ignore la portée des transactions conclues avec les ayants droit de la victime.

La société [10] n'était pas partie à l'instance devant le tribunal et a été appelée en intervention forcée, devant la cour, par assignation du 8 mars 2019.

L'article 555 du code précité dispose que les parties ni présentes ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour d'appel, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Ici, il appartient à la société de justifier de l'évolution du litige depuis la date de clôture des débats en première instance, soit de la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieur à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

La société précise qu'elle ignorait l'identité et les coordonnées de l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident mortel et qu'elle n'a été informée, qu'après le jugement du 18 avril 2017, des transactions intervenues.

Il en résulte que les conditions de l'article 555 précité sont réunies et que l'intervention forcée, à hauteur d'appel, est recevable.

Par ailleurs, la société [10] ne démontre pas en quoi l'assignation en intervention forcée devant la cour caractérise un abus de procédure, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

2°) Il n'y a pas lieu à condamner les ayants droit ni la caisse au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement lequel résulte nécessairement de l'infirmation partielle de cette décision.

3°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La société supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Dit que Mme [T] en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [T] et M. [M] [T] en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [T] ont qualité à agir pour demander l'indemnisation de leurs préjudices ;

- Confirme le jugement du 18 avril 2017 uniquement en ce qu'il déclare l'accident mortel dont M. [T] a été victime le 9 mai 2011 est dû à la faute inexcusable de la société [11], en ce qu'il alloue à Mme [T] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et en ce qu'il statue en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- Rejette la demande de M. [M] [T] ès qualités d'ayant droit de M. [P] [T] en indemnisation de son préjudice moral ;

- Précise que la majoration au maximum de la rente versée concerne uniquement la rente versée à Mme [D] ;

Y ajoutant :

- Dit recevable l'intervention forcée, à hauteur d'appel, de la société [10] ;

- Dit que le présent arrêt est opposable à la société [10] ;

- Rejette les autres demandes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

- Condamne la société [11] aux dépens d'appel.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00300
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.00300 ?
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