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10/05/2022 | FRANCE | N°21/01527

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 10 mai 2022, 21/01527


MB/LL















LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES LE DOMAINE DES ARTISTES II



C/



[M] [E]









































































































Expédit

ion et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 10 MAI 2022



N° RG 21/01527 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2PX



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 17 novembre 2021,

rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon

RG : 11-21/190







APPELANTE :



LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES LE DOMAINE DES ARTISTES II, pris en la pe...

MB/LL

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES LE DOMAINE DES ARTISTES II

C/

[M] [E]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 10 MAI 2022

N° RG 21/01527 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2PX

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 17 novembre 2021,

rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon

RG : 11-21/190

APPELANTE :

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES LE DOMAINE DES ARTISTES II, pris en la personne de son Syndic en exercice la SAS REGIE FONCIERE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Mathilde GAUPILLAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 44

INTIMÉE :

Madame [M] [E]

née le 17 Juin 1981 à [Localité 4] (21)

domiciliée :

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparante en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Michèle BRUGERE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michèle BRUGERE, Conseiller, ayant assisté aux débats, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 16 octobre 2019, Madame [M] [E] a déposé un dossier devant la commission de surendettement de Côte d'Or aux fins de réexamen de sa situation de surendettement, après avoir bénéficié le 16 novembre 2016 de mesures imposées prévoyant un plan de règlement partiel du passif sur 24 mois.

Cette procédure a abouti à des mesures imposées le 25 février 2020 aux termes desquelles la commission de surendettement a décidé de la suspension de l'exigibilité pour une durée de 24 Mois d'une partie de son passif, ces mesures étant subordonnées à la vente amiable du bien immobilier appartenant à Madame [E] d'une valeur estimée à 200 000 euros.

Contestant cette demande, Madame [E] a de nouveau saisi la commission de surendettement par courrier du 21 septembre 2020 en faisant valoir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de vendre son appartement, dont l'acquisition avait été financée par des fonds provenant d'une donation partage consentie par ses parents, lesquels avaient fait introduire dans l'acte notarié une clause d'inaliénabilité du bien de leur vivant.

Cette demande a été déclarée recevable par la commission de surendettement le 10 novembre 2021.

Par un avis daté du 4 février 2021, la commission de surendettement a imposé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Par un jugement rendu le 17 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon, statuant sur les recours formés par le SIP [Localité 2] Amendes et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1], les a déclarés recevables, a fixé le montant du passif à 33 232,89 euros et, après avoir constaté que Monsieur [E], père de la débitrice refusait de renoncer à ladite clause d'inaliénabilité, a rejeté les contestations des deux créanciers et prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Madame [E].

Par courrier posté le 1er décembre 2021 le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] a relevé appel de cette décision qui lui a été notifiée le 19 novembre 2021

Dans ses conclusions développées oralement à l'audience, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon le 17 novembre 2021 en ce qu'il a rejeté ses contestations et prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Madame [E].

En conséquence,

- débouter Madame [E] de toutes ses demandes,

- déchoir Madame [E] de la procédure de surendettement,

à titre subsidiaire,

- dire et juger sa demande irrecevable en raison de sa mauvaise foi,

à titre infiniment subsidiaire,

- renvoyer le dossier à la commission afin qu'elle prescrive une mesure de vente forcée de l'immeuble au titre des actes propres à faciliter l'apurement de la dette

à titre encore plus subsidiaire,

- prononcer le rétablissement judiciaire avec liquidation judiciaire,

- condamner Madame [E] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [E] explique que la procédure de surendettement ne peut conduire qu'à un effacement de son passif dans le cadre d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Elle expose en effet que son père, seul vivant à ce jour, refuse de renoncer à la clause d'inaliénabilité du bien immobilier dont elle est propriétaire, et qu'elle se trouve dans l'incapacité de régler son passif.

Les autres créanciers de Madame [E] n'ont pas comparu à l'audience et ne se sont pas fait représenter.

SUR CE

- Sur l'état d'endettement

Il ressort des pièces du dossier que Madame [E] est séparée et a un enfant à charge, pour l'entretien duquel elle perçoit une pension alimentaire de 150 euros par mois. Cette somme est directement adressée à la Régie Foncière pour le paiement des charges de copropriété.

Madame [E] explique qu'elle ne travaille pas car l'état de santé de son fils nécessite une prise en charge au quotidien, et un suivi dont elle évalue le coût, intégralement à sa charge, à 888 euros par mois. Elle produit des factures acquittées relatives à des consultations auprès de psychologues, un suivi en ergothérapie, et des séances de psychomotricité.

Ses revenus sont constituées exclusivement des prestations familiales d'un montant de 1 552,90 euros, et de la pension alimentaire.

S'agissant des charges courantes, la commission a appliqué les forfaits tel que le prévoit son règlement intérieur en prenant en compte un enfant à charge :

- forfait chauffage : 112 euros

- forfait de base : 759 euros

- forfait habitation : 145 euros

- impôts (taxe foncière) : 163 euros,

- logement : (charges de copropriété) 7 euros : aucun justificatif n'est produit.

- autres charges : il s'agit du coût de la prise en charge de l'enfant évalué à l'époque à 722 euros par mois.

Par ailleurs, le passif auquel Madame [E] doit faire face se décompose de la manière suivante :

- charges de copropriété au 1er avril 2022 : 7 964,84 euros

- taxes foncières et d'habitation et impôts sur le revenus (selon le dernier bordereau produit du 22 juillet 2021) : 17 298,11 euros

- Apivia Mutuelle : 295,24 euros,

- Engie Gaz : 844,51 euros,

- Pôle Emploi Bourgogne : 5 920,07 euros,

- Crédit Mutuel : 1 487,81 euros,

- Centre Leclerc : 109,30 euros

- Pharmacie la Croix Blanche : 38,43 euros,

- Toys Rus : 56,95 euros

Total 34 015,26 euros.

Il ressort de la comparaison entre les revenus et les charges de Madame [E] qu'elle se trouve dans l'incapacité de faire face actuellement à son passif avec ces seuls revenus.

- Sur la bonne foi de Madame [E] et subsidiairement sur la déchéance du droit à bénéficier de la procédure de surendettement

Le syndicat des copropriétaires soutient en premier lieu que Madame [E] aurait dû respecter la première mesure décidée par la commission de surendettement et procéder spontanément à l'amiable à la vente de son appartement, après avoir levé la clause d'inaliénabilité amiablement ou judiciairement. Il déduit de son comportement que la question de l'organisation de son insolvabilité étudiée et donc de sa bonne foi se pose. Il relève que l'existence même de la clause d'inaliénabilité est douteuse puisque la vente a eu lieu directement entre Madame [E] et le promoteur.

Le syndicat prétend en second lieu que Madame [E] a faussement déclaré qu'elle était contrainte au respect de la clause, qui n'existe pas, et que sa maison valait 200 000 euros au lieu de 270 000 euros. Le syndicat estime qu'en revanche, si une telle clause existe, il s'agirait d'une tentative de détournement du bien au détriment des créanciers.

L'acte de vente en l'état de futur achèvement du bien appartenant à Madame [E] daté des 22 et 27 décembre 2005 a été produit en première instance et à hauteur d'appel et il y est indiqué en page 5 paragraphe 'déclaration d'origine de deniers et interdiction d'aliéner et hypothèque ' : Mademoiselle [M] [E] déclare que le prix de vente ci-dessus énoncé soit la somme de 230 000 euros lui provient en totalité d'une donation partage consentie par ses parents, Monsieur et Madame [F] [E] suivant acte reçu par Maître [D] [H], notaire associé à [Localité 2] le 20 décembre 2005. Mademoiselle [E] s'oblige en conséquence, à ne pas aliéner, vendre ou hypothéquer les biens objet des présents, sans le concours et l'accord des donateurs, Monsieur et Madame [E].

Il n'existe donc aucun doute sur l'origine des fonds ayant permis l'acquisition de ce bien immobilier et l'existence de la dite clause d'inaliénabilité.

La cour relève que la donation partage et l'acte de vente ont été établis dans une même période de temps et à une époque où Madame [E] ne se trouvait pas en situation de surendettement. Par conséquent, c'est à tort que le syndicat des copropriétaires prétend que cette clause d'inaliénabilité a été insérée de manière frauduleuse afin de lui permettre d'organiser son insolvabilité et de se soustraire à l'exécution de ses engagements.

Le syndicat des copropriétaires invoque en outre la mauvaise foi de Madame [E] en prétendant qu'elle rembourse des prestations indues à Pôle Emploi, en raison d'une probable fraude. Or aucun élément dans le dossier ne vient accréditer cette affirmation.

Il s'ensuit que la preuve de la mauvaise foi de Madame [E] en lien avec la constitution de son passif n'est pas démontrée.

L'estimation du bien immobilier à 200 000 euros au prix du marché provient d'une attestation produite en cours de procédure établie le 10 septembre 2020 par l'agence [5], de sorte que Madame [E] ne peut être suspectée d'avoir voulu sous estimer la valeur de ce bien au préjudice de ses créanciers.

Madame [E] prétend par ailleurs que son père s'est opposé à la levée de la clause d'inaliénabilité. Cependant, le document pré-imprimé dont elle se prévaut n'est pas signé, et rien ne prouve que Monsieur [E] en est l'auteur. Pour autant, il ne peut être affirmé qu'il s'agit d'un faux.

Il ne ressort donc pas de ces éléments la preuve suffisante que Madame [E] a fait de fausses déclarations dans le but de se soustraire à ses engagements de nature à justifier la déchéance de son droit à bénéficier de la procédure de surendettement.

Au regard de l'ensemble des ces éléments, il apparaît que la résistance qu'oppose Madame [E] à la vente de son appartement s'explique plus par son souhait de protéger ses intérêts et de ceux de son fils, dans un contexte de précarité sociale, que par la volonté raisonnée de léser ses créanciers.

Les moyens soulevés par la partie appelante sont donc rejetés.

- Sur les mesures propres à assurer le redressement de la situation de Madame [E]

En l'espèce, il s'avère que le passif de Madame [E] est constitué majoritairement de dettes afférentes à l'immeuble, (taxe d'habitation, taxes foncières, charges de copropriété), ce dont il ressort que Madame [E] n'est pas en mesure d'assurer les charges liées à la propriété de ce bien. Elle est d'ailleurs contrainte d'affecter le montant de la pension alimentaire au règlement de ces charges de copropriété.

Plus globalement, Madame [E] ne dispose pas d'une capacité de remboursement lui permettant d'apurer son passif, alors que la vente du bien immobilier garantit l'apurement total des dettes et apparaît de ce fait comme la seule mesure adaptée à sa situation et au traitement de son endettement tout en lui laissant des fonds suffisants pour acquérir un autre logement moins onéreux.

En l'état, la clause d'inaliénabilité fait obstacle à la vente de l'immeuble, de sorte que le syndicat des copropriétaires est mal fondé à solliciter le renvoi du dossier à la commission afin qu'elle prescrive la vente forcée de l'immeuble ou tout acte propres à faciliter l'apurement de la dette, ou à titre subsidiaire qu'elle ordonne le rétablissement personnel avec liquidation judiciaire, qui en tout état de cause requiert l'accord de la débitrice.

Cependant, si Madame [E] soutient à bon droit que les créanciers ne peuvent obtenir la levée de la clause d'inaliénabilité par la voie de l'action oblique, il reste qu'en application de l'article 900-1 du code civil, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il est démontré l'existence d'un intérêt supérieur exigeant qu'il soit dérogé à cette inaliénabilité.

Il appartiendra à Madame [E], à défaut d'obtenir l'accord de son père, de solliciter judiciairement la levée de la clause d'inaliénabilité en saisissant la juridiction compétente, l'issue de cette procédure conditionnant le choix des mesures de redressement qu'il conviendra de mettre en oeuvre.

Il est par conséquent justifié en application des articles L 733-1 et L 733-13 du code de la consommation, de prévoir la suspension de l'exigibilité des créances pendant 24 mois, délai que Madame [E] devra mettre à profit pour engager cette procédure ou obtenir la levée de la clause à l'amiable.

Il est rappelé à Madame [E] que, durant ces 24 mois, elle devra continuer à payer ses charges courantes.

A l'expiration de ce délai ou avant en cas de retour à meilleure fortune ou encore de levée à l'amiable de ladite clause, Madame [E] devra saisir de nouveau la commission de surendettement afin qu'elle réexamine sa situation et tire toutes conséquences des démarches qu'elle aura entreprises pour parvenir à la vente de son appartement.

Les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel formé par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon le 17 novembre 2021.

Rejette les moyens d'irrecevabilité et de déchéance soulevés par le syndicat des copropriétaires.

Infirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] de ses demandes.

Fixe le montant du passif de Madame [E] à la somme de 34 015,26 euros.

Constate que Madame [E] se trouve dans l'incapacité de faire face à son passif.

Prononce la suspension de l'exigibilité des créances pendant une durée de 2 ans.

Dit que durant cette période, Madame [E] devra continuer à payer ses charges courantes et ne pas aggraver son endettement.

Dit que Madame [E] devra mettre à profit ce délai pour solliciter judiciairement la levée de la clause d'inaliénabilité en saisissant la juridiction compétente, à défaut d'obtenir la levée de la dite clause à l'amiable.

Dit qu'à l'expiration de ce délai ou avant en cas de retour à meilleure fortune, ou encore de levée à l'amiable de ladite clause, Madame [E] devra saisir de nouveau la commission de surendettement afin qu'elle réexamine sa situation et tire toutes conséquences des démarches qu'elle aura entreprises pour parvenir à la vente de son bien immobilier.

Rappelle que la procédure est sans frais ni dépens.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01527
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;21.01527 ?
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