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10/05/2022 | FRANCE | N°21/01236

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 10 mai 2022, 21/01236


SB/LL















[J] [F]



C/



[O] [K]

















































































































Expédition et copie exécu

toire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 10 MAI 2022



N° RG 21/01236 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZBS



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 30 juillet 2021,

par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône statuant en référé - RG : 12-20-340











APPELANT :



Monsieur [J] [F]

né le 16 Octobre 1958 à [Localité 4] (71)

[Adres...

SB/LL

[J] [F]

C/

[O] [K]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 10 MAI 2022

N° RG 21/01236 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZBS

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 30 juillet 2021,

par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône statuant en référé - RG : 12-20-340

APPELANT :

Monsieur [J] [F]

né le 16 Octobre 1958 à [Localité 4] (71)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/005878 du 08/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)

représenté par Me Amandine CHAVANCE, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉ :

Monsieur [O] [K]

né le 06 Avril 1946 à [Localité 5] (75)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Lucie BOURG, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sophie BAILLY, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Michel PETIT, Président de chambre,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 12 Avril 2022 pour être prorogée au 10 Mai 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 1er juillet 2018, M. [O] [K] a donné à bail à M. [J] [F] des locaux d'habitation sis [Adresse 3]. La convention prévoyait une durée d'un an et un loyer mensuel fixé à 300 euros.

Une visite technique a été réalisée par l'organisme SOLIHA le 20 mars 2019, dont le rapport du 4 avril 2019 a conclu à la non-décence du logement.

Le 27 mai 2021, M. [F] a fait assigner M. [K] en référé devant le juge des contentieux de la protection de [Localité 4] aux fins de voir avec exécution provisoire :

- enjoindre à M. [K] de réaliser, dans le mois de l'ordonnance, les travaux de mise en conformité du logement donné à bail, selon les préconisations du rapport établi par SOLIHA, sous astreinte quotidienne de 300 euros dès cette décision,

- ordonner la suspension du paiement des loyers de façon rétroactive depuis mai 2019 et ce, sans consignation, jusqu'à parfaite exécution des travaux de mise en conformité,

- condamner M. [K] à payer à M. [F] 578, 30 euros (frais de travaux exposés), 3 000 euros (préjudice de jouissance), 1 000 euros (article 700 du code de procédure civile), outre dépens.

En réplique, M. [K] demandait de :

- constater la carence du demandeur dans l'administration de la preuve et son état d'impécuniosité,

- rejeter les prétentions de celui-ci,

- subsidiairement, prononcer le rejet des demandes indemnitaires et en suspension du paiement des loyers, réduction en sus de l'indemnité procédurale,

- reconventionnellement, condamner le demandeur au paiement de 6 896,90 euros pour loyers et charges arrêtés le 30 septembre 2020, somme à parfaire.

Par ordonnance du 30 juillet 2021, le juge saisi a condamné à titre prévisionnel (sic) :

- M. [O] [K] à payer à M. [J] [F] 1 000 euros concernant son préjudice pour logement indécent (sic), préjudice subi pour la période du 1er juillet 2018 au 1er juillet 2019,

- M. [J] [F] à régler à M. [O] [K] 6 896 euros pour l'occupation du bien, somme arrêtée au 30 septembre 2020,

- mis les dépens à la charge de M. [O] [K], avec dispense totale du remboursement de l'aide juridictionnelle attribuée à M. [J] [F],

- rejeté tout surplus des prétentions.

Pour statuer ainsi, il a d'abord considéré, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, « (') qu'après un an de procédure, notamment suite à l'envoi du dossier en mise en état, il est évident qu'il ne peut plus exister de ce fait une quelconque urgence, le demandeur s'étant maintenu dans les lieux en l'état (') ».

Le premier juge a ensuite relevé que le rapport de l'organisme SOLIHA, pas davantage que les autres éléments du dossier, ne démontraient l'existence d'un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, tout en constatant que « (') l'intéressé occupe encore le logement malgré l'indécence (sic) du logement en cause et n'a pas été obligé de le quitter pour cette raison (') ». Poursuivant sa motivation, il a estimé que « (') M. [F] étant, en l'état, réputé être occupant sans droit ni titre dès lors qu'il n'a ni contesté judiciairement la validité du congé en cause, ni quitté les lieux, il n'y aura pas lieu d'ordonner les travaux de remise en état du logement en cause, un occupant sans droit ni titre se maintenant dans les lieux ne pouvant faire valoir les dispositions protectrices de la loi du 6 juillet 1989 et de ses décrets pris pour son application, notamment sur le fondement des dispositions de l'article 825 alinéa 1er du code de procédure civile (') ». La même motivation a été appliquée à l'encontre de M. [F], pour rejeter sa demande en suspension du paiement des loyers. Il a été toutefois accordé 1 000 euros au titre du préjudice subi par M. [F] du fait de l'insalubrité du logement ente le 1er juillet 2018 et le 1er juillet 2019, date d'effet présumé du congé délivré au motif que M. [K], en situation de surendettement, serait dans l'incapacité de réaliser les travaux dans les locaux donnés à bail. Enfin, M. [F] a été condamné à payer 6 896 euros au titre des sommes dues pour l'occupation du bien.

M. [F] a interjeté appel le 20 septembre 2021. Il a déménagé le 11 décembre 2021 dans un nouveau logement à [Localité 6].

Suivant conclusions du 16 décembre 2021, il formule ses prétentions comme suit :

« Réformer l'ordonnance rendue le 30 juillet 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône.

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger que M. [F] a soldé sa dette locative,

En conséquence,

- Débouter M. [K] de sa demande en paiement d'arriérés de loyers et charges arrêtés

au 30 septembre 2020,

- Condamner M. [K] à payer à M. [F] la somme de 578,30 euros au titre des travaux que le preneur a exécuté en lieu et place du bailleur,

- Condamner M. [K] à payer à M. [F] la somme de trois mille euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi pour la non décence du logement pour la période du 1er juillet 2018 au 1er juillet 2021,

- Condamner M. [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

M. [K] a conclu le 17 janvier 2022 de la façon suivante :

« Déclarer l'appel de M. [F] recevable mais mal fondé,

- Déclarer l'appel incident de M. [K] recevable et bien fondé,

- Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 30 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône en ce que le tribunal a condamné M. [F] à payer à titre provisionnel à M. [K] la somme de 6 896 euros pour l'occupation du bien, somme arrêtée au 30 septembre 2020, en ce qu'il a rejeté les autres demandes de M. [F]

et en ce qu'il a dispensé totalement M. [K] du remboursement de l'aide juridictionnelle attribuée à M. [F].

- Réformer la décision précitée en ce qu'elle a condamné M. [K] à titre provisionnel à payer à M. [F] la somme de mille euros au titre de son préjudice pour logement non décent, préjudice subi pour la période du 1er juillet 2018 au 1er juillet 2019 et en ce qu'elle l'a condamné aux dépens.

En conséquence,

Statuant de nouveau,

- Rejetant toutes conclusions contraires,

- Constater la carence de M. [F] dans l'administration de la preuve,

- Constater l'état d'impécuniosité de M. [K],

- Constater que M. [F] est redevable de la somme de 6 896,90 euros au titre des

arriérés de loyers et charges arrêtés au 30 septembre 2020.

En conséquence,

- Débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 6 896,90 euros à titre de provision au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 30 septembre 2020,

- Subsidiairement, fixer la provision au titre des loyers et charges impayés à la somme de 1 562 euros,

- Condamner M. [F] aux entiers dépens ».

SUR QUOI,

- Sur les demandes tendant à « Dire et juger » et « Constater »

Conformément à l'article 4 du code de procédure civile, les demandes contenues aux dispositifs respectifs des écritures pour voir « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer.

- Sur le paiement des loyers et charges

Il résulte des articles 834 et 835 du code de procédure civile que le juge des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend et que même en présence d'une contestation sérieuse, il peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut apporter un terme à titre provisoire ; dans ce cas, le dommage est réalisé et il importe d'y mettre fin.

Si la condition de l'absence de contestation sérieuse n'est pas requise, contester sérieusement l'existence même du trouble et son caractère manifestement illicite doit néanmoins conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

L'illicéité du fait ou de l'action critiquée doit être évidente ; il faut et il suffit que la règle de droit, au sens large du terme, ait été violée dans des conditions justifiant, sans contestation possible, qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur.

Il ne pouvait être retenu en l'espèce, sans se méprendre totalement sur le sens des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, que la longueur de la procédure était de nature à faire disparaître l'urgence de la situation, s'agissant d'ailleurs d'un logement non décent dont le juge reconnaissait de surcroît la réalité et la permanence dans sa motivation.

L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 énonce que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes qui pourraient porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Or M. [K] ne verse aucune pièce de nature à remettre en cause les constats de non

décence du logement qu'il a donné à bail à M. [F], tels qu'ils ressortent du rapport fait le 4 avril 2019 par l'organisme SOLIHA. La non décence du logement se trouve caractérisée à de nombreuses rubriques (couverture, menuiseries extérieures, risque de chute de personnes, revêtements intérieurs pouvant présenter un risque pour la santé, réseau électrique dangereux et non conforme,...). Est sans emport à cet égard qu'il soit affirmé par M. [K] que M. [F] connaissait l'état d'insalubrité des lieux pris à bail, dès son entrée dans le logement. Ne l'est pas davantage l'argument avancé par M. [K] quant à une modération du loyer mensuel de 450 à 300 euros aux fins de « (') permettre à Monsieur [F] d'effectuer les quelques menus travaux qu'il souhaitait réaliser (') », alors que le logement est affecté de graves désordres menaçant la sécurité de l'occupant.

Il se déduit de ces éléments que les lieux donnés à bail ne répondaient pas aux règles d'habitabilité prévues par la loi et que le bailleur n'a pas respecté ses obligations de délivrer un logement décent.

Les pièces produites par M. [F] établissent qu'il ne percevait plus l'allocation au logement d'un montant mensuel de 254 euros, retenue par la CAF, parce que son logement ne présentait pas les caractéristiques de la décence.

Dans ces conditions, le locataire qui a libéré les lieux est fondé à invoquer l'exception d'inexécution, ce qui justifie une réduction de loyer d'un montant équivalant au montant des loyers réclamés par le bailleur.

Par infirmation de l'ordonnance querellée, M. [K] sera ainsi débouté de ses demandes principale et subsidiaire d'une provision sur loyers et charges impayés.

- Sur la demande en paiement de 578,30 euros formée par M. [F]

M. [F] produit, pour un total de 578,30 euros, diverses factures de prestations et d'achat de matériaux correpondant à des débours en lien manifeste avec la non décence du logement.

M. [K] sera condamné à titre provisionnel au remboursement de cette somme, et l'ordonnance entreprise infirmée en ce sens.

- Sur l'indemnisation au titre du préjudice de jouissance pour non décence du logement

Si par application des dispositions de l'article 484 du code de procédure civile, le juge des référés n'est pas compétent pour accorder des dommages-intérêts, il dispose néanmoins

de la faculté d'accorder une provision sur ceux-ci, dont il apprécie souverainement le montant.

Contrairement à ce qu'a pu retenir le premier juge, M. [F] établit qu'il a subi la non décence du logement donné à bail par M. [K] du 1er juillet 2018 au 1er juillet 2021, dès lors qu'il est démontré que M. [K] a fait délivrer congé pour vendre à M. [F] avec effet à cette dernière date.

Il convient par suite de réformer la décision déférée, en accordant pour M. [F] une provision de 2 000 euros à valoir sur ses dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS,

la Cour,

infirme l'ordonnance frappée d'appel,

déboute M. [O] [K] de ses demandes principale et subsidiaire d'une provision sur

loyers et charges impayés,

le condamne provisionnellement au paiement de 578,30 euros et 2 000 euros à M. [J] [F],

met les dépens des deux degrés de juridiction à la charge de M. [K].

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01236
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;21.01236 ?
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