OM/CH
[N] [B]
C/
S.A.S. TRANSPORTS ALAINE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 MAI 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00262 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FP3X
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section COMMERCE, décision attaquée en date du 26 Juin 2020, enregistrée sous le n° 19/00083
APPELANT :
[N] [B]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Sophia BEKHEDDA, avocat au barreau de DIJON et Me Mélanie SAVOURNIN, avocat au barreau de l'AIN
INTIMÉE :
S.A.S. TRANSPORTS ALAINE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Emilie ESCAT de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON substituée par Maître Maurenn LATRECHE, avocat au barreau de LYON, et Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [B] (le salarié) a été engagé le 16 septembre 1999 par contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur routier, contrat transféré par la suite à la société transports Alainé (l'employeur).
Il a été désigné représentant syndical, le 10 novembre 2011.
Il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 18 février 2014.
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 26 juin 2020, a rejeté toutes ses demandes, sauf sur un rappel de prime de vacances et les frais irrépétibles.
Le salarié a interjeté appel le 23 juillet 2020.
Il demande la confirmation du jugement sur le rappel de prime, son infirmation sur le surplus et le paiement des sommes de :
- 29 656,96 euros de rappel d'heures supplémentaires,
- 2 965,69 euros de congés payés afférents,
- 1 534,33 euros au titre des repos compensateurs non pris,
- 153,43 euros de congés payés afférents,
- 10 925,64 euros d'indemnité pour travail dissimulé,
- 10 925,64 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement sur le rejet des demandes du salarié, à son infirmation pour le surplus et sollicite paiement de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour chacune des procédures.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 30 décembre 2020 et 12 mars 2021.
MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
1°) L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le salarié rappelle que le contrat de travail prévoit une durée de travail de 46 heures par semaine, soit 199,18 heures par mois, et produit des relevés mensuels d'activité établis selon le tableau d'heures travaillées dressé par l'employeur et les disques chronotachygraphes.
Son calcul prend en compte les heures effectuées au-delà des 214 heures mensuelles réglées par l'employeur.
Le salarié conteste le rapport d'expertise rendu à la suite de la décision du conseil de prud'hommes, concluant à l'absence d'accomplissement d'heures supplémentaires, l'employeur ayant transmis à l'expert un tableau erroné, établi "à l'envers" et contenant un calcul lissé pour chaque année, sans tenir compte des périodes de congés.
L'employeur répond que le salarié était payé dans le cadre d'un forfait de 214 heures par mois, soit 17 heures d'équivalence majorées à 25 % et 45 heures supplémentaires dont 17 heures majorées à 25 % et 28 heures à 50 %.
Il relève des erreurs de calcul, notamment pour l'année 2011 où le salarié réclame des heures supplémentaires majorées à 25 % alors qu'il ne devrait en réclamer que majorées à 50 % dans la mesure où le salaire englobe déjà le maximum des heures supplémentaires majorées à 25 %.
Il se réfère aussi aux conclusions de l'expertise ordonnée par les premiers juges et dont le rapport est communiqué (pièce n° 27).
Cette expertise conclut à l'absence d'heures supplémentaires et au paiement d'un nombre d'heures supérieur à celui réellement effectué.
L'employeur au regard des critiques formulées par le salarié sur les conclusions et les modalités de ce rapport, indique que si des heures supplémentaires sont dues, elles sont compensées par le trop-versé évalué à 20 426,43 euros.
Il est précisé que le heures accomplies au-delà du forfait mensuel de 214 heures, donnent lieu à un repos compensateur de remplacement apprécié par trimestre, soit un repos majoré de 50 % pour les heures accomplies au-delà de 642 heures par trimestre.
L'expert relève que, sur la période considérée sur laquelle le rappel est demandé, le salarié a accompli 124,70 heures au-delà du forfait mensuel soit, après majoration à 50 %, 187,05 heures.
Le salarié a bénéficié de 142,50 heures de repos compensateur à ce titre, prises sous la forme de journées de repos pour 59,28 heures, le solde de 83,22 heures étant payé lors du solde de tout compte.
Le solde restant de 44,55 heures est compensé par le trop-perçu ci-avant rappelé.
Dans sa contestation de l'expertise, le salarié n'apporte pas d'élément probant, l'expert ayant analysé tous les éléments qui lui ont été fournis par les parties et selon une méthode non valablement critiquée.
Il en résulte que le salarié ne peut obtenir de rappel de paiement au titre des heures supplémentaires.
2°) Sur le repos compensateur non pris, l'absence de paiement de rappel dû sur les heures supplémentaires ne permet pas de fonder cette demande.
En retenant le solde de 44,55 heures, le repos compensateur n'est pas plus dû dès lors que le seuil de déclenchement de ce repos est fixé à 41 heures par trimestre et que le solde obtenu est calculé sur une moyenne de plusieurs années, le salarié établissant sa demande de 2009 à 2012.
Sur les autres rappels :
1°) Le salarié soutient que la prime de vacances bien que non prévue par la convention collective ou le contrat de travail est constante et généralisée depuis 1999, à hauteur de 950 euros.
Cette prime est, selon le salarié, distincte de la prime de fin d'année et des augmentations de salaire.
La demande porte sur l'année 2011 et les années 2012 et 2013 pour lesquels un paiement partiel a été effectué.
L'employeur conteste d'existence de l'usage.
Il appartient au salarié qui se prévaut de l'usage de le démontrer, ce qui implique d'établir, de façon cumulative, que celui-ci est fixe, constant et généralisé à tous les autres salariés ou à une catégorie déterminée de salariés.
Ici, le salarié procède par affirmation et ne démontre pas que tous les salariés ou au moins tous les chauffeurs routiers bénéficiaient du paiement de cette prime.
En conséquence, le rappel n'est pas dû et le jugement sera infirmé sur ce point.
2°) Pour les trois samedis travaillés entre 2010 et 2011, le salarié ne forme pas de rappel de salaire mais seulement une demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, il incombe au salarié qui demande l'application des dispositions de l'article L. 8223-1 du même code, de démontrer que l'employeur s'est intentionnellement soustrait aux obligations rappelées à l'article L. 8221-5.
Une telle preuve n'étant pas rapportée en l'espèce, la demande d'indemnité sera rejetée et le jugement confirmé.
Sur la rupture du contrat de travail :
La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Si les faits invoqués par le salarié justifient la rupture du contrat de travail, dans ce cas elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut, celui d'une démission.
En l'espèce, le salarié invoque le non-paiement de la prime de vacances, l'absence de comptabilisation des trois samedis travaillés et l'absence de paiement des heures supplémentaires et des repos compensateurs.
De ce qui précède, il sera conclu que les manquements graves de l'employeur allégués par le salarié ne sont pas justifiés.
La prise d'acte de rupture du contrat de travail produira les effets d'une démission, ce qui implique la confirmation du jugement.
Sur les autres demandes :
1°) Dès lors que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission, l'employeur qui n'a pas dispensé le salarié d'effectuer le préavis, est fondé en obtenir le paiement en application des dispositions de l'article L. 1237-1 du code du travail.
L'article 5 de l'annexe 1, accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers, de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport stipule que : "Sauf pendant la période d'essai, tout départ d'un ouvrier de l'entreprise donne lieu, sauf faute grave, à un délai-congé dans les conditions suivantes :
- en cas de démission, et quelle que soit l'ancienneté de l'ouvrier, la durée du délai-congé est de 1 semaine".
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné le salarié, à ce titre, à la somme de 420 euros.
2°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
- Infirme le jugement du 26 juin 2020 uniquement en ce qu'il condamne la société transports Alainé à payer M. [B] les sommes de 2 185 euros de rappel de prime de vacances, 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il statue sur les dépens ;
Statuant à nouveau sur ces chefs :
- Rejette les demandes de M. [B] en paiement de rappel de prime de vacances et d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant :
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
- Condamne M. [B] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION