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05/05/2022 | FRANCE | N°20/00223

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 05 mai 2022, 20/00223


RUL/CH













S.A.S. RIGAUDIER





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[J] [Y]































































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 05 MAI 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00223 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FPJV



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section INDUSTRIE, décision attaquée en date du 31 Mars 2020, enregistrée sous le n° 19/00081







APPELANTE :



S.A.S. RIGAUDIER
...

RUL/CH

S.A.S. RIGAUDIER

C/

[J] [Y]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00223 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FPJV

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section INDUSTRIE, décision attaquée en date du 31 Mars 2020, enregistrée sous le n° 19/00081

APPELANTE :

S.A.S. RIGAUDIER

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Marlène BRUCHE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

INTIMÉ :

[J] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Sarah SOLARY, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [J] [Y] a été embauché par la société RIGAUDIER par un contrat à durée indéterminée du 12 juin 2017 en qualité de plombier chauffagiste.

La convention collective nationale des ouvriers bâtiments s'applique à la relation de travail.

Par lettre du 10 Avril 2019, il a présenté sa démission dans les termes suivants : "J'ai l'honneur de vous informer de ma décision de démissionner de mes fonctions (OUVRIER) exercées depuis le 12 juillet 2017 au sein de l'entreprise. J'ai bien noté que les termes de la convention collective prévoient un préavis de 15 jours. Lors de mon dernier jour de travail dans l'entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, toutes les indemnitées repas non versées depuis le 12/06/2017 qui non pas été versées, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi [...]".

Par requête du 3 juin 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Mâcon aux fins de requalifier sa démission en "licenciement" et en tirer toutes conséquences indemnitaires.

Par jugement du 31 mars 2020, le conseil de prud'hommes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et condamné la société RIGAUDIER à lui payer 3 400,60 euros au titre des indemnités de repas, outre 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non paiement de ses indemnités de repas.

Par déclaration formée le 18 juin 2020, la société RIGAUDIER a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 mars 2021, l'appelante demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement et de ses demandes indemnitaires afférentes,

- l'infirmer en ce qu'il l'a :

- condamnée à lui payer les sommes suivantes :

* 3 400,60 euros au titre des indemnités de repas,

* 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement des indemnités de repas,

- déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 25 mai 2021, l'intimé demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société RIGAUDIER à lui payer une indemnité de repas ainsi que des dommages-intérêts pour refus du paiement de l'indemnité de repas,

- l'infirmer quant aux quantum alloués,

- l'infirmer pour le surplus,

- requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société RIGAUDIER à lui verser les sommes suivantes :

* 5 442,64 euros Euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 247,27 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 2 721,32 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 272,13 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 361,00 euros bruts au titre des indemnités de repas,

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement des indemnités de repas,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que la société RIGAUDIER sera condamnée à verser les dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2020,

En tout état de cause, concernant les intérêts, dans l'hypothèse où la Cour ne devrait pas confirmer que le quantum des indemnités allouées, il conviendra de dire et juger que cette indemnité porte intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2020,

- condamner la société RIGAUDIER :

* à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées, à savoir fiche de paie et attestation POLE EMPLOI,

* aux entiers dépens de l'instance.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la requalification de la rupture :

M. [Y] sollicite que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse compte-tenu des manquements de la part de l'employeur caractérisés par :

- le non-paiement des indemnités de repas,

- le "pistage" effectué par l'employeur.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiait ou, dans le cas contraire, d'une démission.

La lettre de licenciement porte mention d'une réclamation au titre de "toutes les indemnités repas non versées depuis le 12/06/2017".

Compte tenu de cette circonstance contemporaine à la démission, il y a lieu de considérer que la démission est équivoque et donc d'analyser les faits invoqués par le salarié.

- Sur l'indemnité de repas :

L'article 8.15 de la convention collective nationale des entreprises du bâtiment employant plus de 10 salariés stipule que l'indemnité de repas, qui a pour objet d'indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier, n'est pas due lorsque :

- l'ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle,

- un restaurant d'entreprise existe sur le chantier et le repas est fourni avec une participation financière de l'entreprise égale au montant de l'indemnité de repas,

- le repas est fourni gratuitement ou avec une participation financière de l'entreprise égale au montant de l'indemnité de repas.

En l'espèce, M. [Y] revendique à son profit le paiement de cette indemnité au motif qu'il était amené à se déplacer régulièrement au domicile des clients et qu'il rentrait rarement à son domicile pour déjeuner car il devait effectuer de nombreuses interventions dans la journée, certaines durant la pause méridienne, et ses pauses étaient trop courtes.

Il en fixe le montant à 9,80 euros conformément aux articles 1 et 2 de l'accord du 7 février 2017 relatif aux indemnités de petits déplacements en Bourgogne - Franche-Comté pris en application de l'article 8.18 des conventions collectives nationales du bâtiment du 8 octobre 1990.

La société RIGAUDIER conteste devoir une indemnité de repas à son salarié aux motifs qu'il ne démontre pas du respect des conditions prévue par l'article 8-15 précité dans la mesure où il était libre d'organiser son emploi du temps sur la journée, et donc de rentrer manger chez lui. Elle en conclut qu'il n'était pas dans l'impossibilité de prendre son repas à son domicile et ajoute que si les interventions à effectuer étaient planifiées dans la journée, elle ne lui imposait aucune contrainte horaire quant à l'organisation de celles-ci.

Il ressort du premier alinéa de l'article 8-15 susvisé que l'indemnité de repas a pour objet d'indemniser un supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier.

Il résulte de ce texte que la preuve de ce supplément de frais incombe au salarié. Or M. [Y] ne produit aucun justificatif susceptible de justifier de l'existence de frais correspondant à des repas pris hors de son domicile sur la période litigieuse.

A cet égard, l'argument selon lequel il était dans l'impossibilité de prendre ses repas chez lui au seul motif que ses pauses déjeuner étaient "systématiquement d'une heure", et donc insuffisante pour lui, est inopérant faute d'élément de nature à corroborer cette affirmation.

En outre, au-delà du fait que la durée dénoncée n'est pas anormalement courte, les exemples exposés ne présentent aucun caractère systématique pour être qualifiés comme tels (15 septembre 2017, 5 juillet 2018 - pièce n° 5)

Dans ces conditions, M.[Y] succombant à rapporter la preuve qui lui incombe, le grief allégué n'est pas fondé.

- Sur la mise en place d'un système de géolocalisation des véhicules :

M. [Y] soutient que la société RIGAUDIER utilise le système GPS des véhicules pour procéder au décompte des heures de travail du personnel.

Selon lui, un tel système doit être déclaré auprès de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) et faire l'objet d'une information spécifique des salariés, ce qui n'a pas été le cas et caractérise une faute grave de la part de l'employeur.

L'employeur oppose pour sa part qu'il justifie de la régularité de la procédure de mise en place du dispositif et notamment de l'information du personnel. (pièce n° 8 recto)

Par ailleurs, s'agissant de l'utilisation d'un tel dispositif pour procéder au décompte des heures de travail des salariés, M. [Y] procède par voie d'affirmation sans offre de preuve.

Au contraire, au-delà du fait que l'employeur conteste son utilisation afin de contrôler le temps de travail des salariés, il justifie d'une note d'information au personnel définissant les objectifs de la mise en place du système : sécurisation face au risque de vol, meilleure gestion du parc automobile, meilleure réactivité aux demandes des clients, traçabilité de nos engagements de service et de suivi de nos clients, amélioration de l'organisation, maîtrise accrue de la répartition de la charge de travail. (pièce n° 8 verso)

Ce second grief n'est donc pas fondé.

Dans ces conditions, en l'absence de manquement imputable à l'employeur, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les demandes pécuniaires afférentes.

Compte tenu des développements qui précèdent, les demandes au titre des indemnités de repas et dommages-intérêts pour non paiement de ceux-ci seront également rejetées, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

II - Sur les demandes accessoires :

- Sur les intérêts légaux :

Les demandes de M. [Y] étant rejetées, cette demande est sans objet.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

- Sur la remise d'un bulletin de paye et d'une attestation POLE EMPLOI conformes :

Les demandes de M. [Y] étant rejetées, cette demande est sans objet.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande s'agissant de l'attestation Pôle Emploi.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

M. [Y] sera condamné à payer à la société RIGAUDIER la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

La demande de M. [Y] à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

M. [Y] succombant, il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 31 mars 2020 par le conseil de prud'hommes de Mâcon, sauf en ce qu'il a alloué à M. [J] [Y] les sommes suivantes :

- 3 400,60 euros au titre des indemnités de repas,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi pour non paiement des indemnités de repas,

- rejeté la demande de la société RIGAUDIER au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens et frais d'exécution,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE les demandes de M. [J] [Y] au titre des indemnités de repas et à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi pour non paiement des indemnités de repas,

REJETTE la demande de remise d'un bulletin de paye conforme,

CONDAMNE M. [J] [Y] à payer à la société RIGAUDIER la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [J] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00223
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.00223 ?
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