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05/05/2022 | FRANCE | N°20/00213

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 05 mai 2022, 20/00213


DLP/CH













[E] [T]





C/



Association LES PEP DU CENTRE DE LA BOURGOGNE FRANCHE-COMTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social





































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 05 MAI 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00213 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FPD5



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DI...

DLP/CH

[E] [T]

C/

Association LES PEP DU CENTRE DE LA BOURGOGNE FRANCHE-COMTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00213 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FPD5

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section ACTIVITÉS DIVERSES, décision attaquée en date du 28 Mai 2020, enregistrée sous le n° 18/00579

APPELANTE :

[E] [T]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentée par Me Pascal FORZINETTI, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

Association LES PEP DU CENTRE DE LA BOURGOGNE FRANCHE-COMTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Pierrick BECHE de la SARL PIERRICK BECHE - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Mathilde BACHELET, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [T] a été engagée par l'association « 'uvre des Pupilles de l'Enseignement Public de Côte-d'Or » le 1er décembre 1994 en qualité d'interprète scolaire en langue des signes française (LSF). Elle était reconnue travailleur handicapé.

Cette association est ensuite devenue « Les Pupilles de l'Enseignement Public de la Côte-d'Or », dite « les Pep 21 » aux droits de laquelle intervient, depuis le 1er janvier 2018, à la faveur d'une fusion, l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté, dite les PEP CBFC (regroupant les PEP 21, 25, 58 et 89).

La convention collective nationale applicable est celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

La relation de travail a duré jusqu'au 22 octobre 2009, date à laquelle Mme [T] a démissionné de son emploi.

Elle a été réembauchée par le même employeur, le 3 janvier 2012, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à raison de 6 heures par semaine, en qualité d'interprète scolaire en LSF.

Deux avenants des 12 novembre 2012 et 1er septembre 2015 ont prévu l'augmentation de son temps de travail pour atteindre 10,25 heures hebdomadaires.

Le 12 novembre 2015, un avenant courant jusqu'au 31 décembre 2017 a de nouveau été régularisé entre les parties la désignant en qualité de « Coordinatrice Réseau Grand Est Handicap Rare ».

Au cours de cette période, Madame [T] a été placée en arrêt maladie.

Lors de la visite de reprise du 18 juillet 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail dans l'établissement au sein duquel elle travaillait.

Par courrier du 2 août 2018, l'association les PEP CBFC a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu pour le 10 août 2018, auquel la salariée ne s'est pas rendue.

Mme [T] s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 17 août 2018. Elle s'est vue délivrer les documents de fin de contrat, à l'exclusion du solde de tout compte, par courrier du 30 août 2018.

Par requête du 17 septembre 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir juger, à titre principal, son licenciement nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse avec le paiement des indemnités afférentes, d'un rappel de salaire et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 28 mai 2020, le conseil de prud'hommes rejette l'ensemble des demandes de la salariée.

Par déclaration enregistrée le 8 juin 2020, Mme [T] a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique 16 août 2021, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger le licenciement nul, comme fondé sur des motifs discriminatoires,

- condamner, en conséquence, l'association les PEP CBFC à lui payer les sommes suivantes :

* 18 644,45 euros nets au titre de régularisation de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 698,36 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 969,83 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 73 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner, en conséquence, l'association les PEP CBCF à lui payer les sommes suivantes :

* 18 644,45 euros nets au titre de régularisation de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 698,36 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 969,83 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 53 395 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- fixer son ancienneté à 23 ans, 11 mois et 16 jours, pour l'ensemble des versements régularisateurs et indemnitaires à intervenir,

- ordonner à l'association les PEP CBFC de lui délivrer un reçu pour solde de tout compte, ainsi qu'un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un formulaire de portabilité rectifiés et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard que la cour se réservera le pouvoir de liquider,

- condamner l'association les PEP CBFC à lui payer la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner l'association les PEP CBFC à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des frais non répétibles, exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 novembre 2020, l'association les PEP CBFC (l'association) demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 28 mai 2020 par le conseil de prud'hommes de Dijon,

- dire et juger régulier le licenciement prononcé à l'égard de Mme [T],

En conséquence,

- débouter Mme [T] de ses demandes indemnitaires pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- dire et juger fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [T],

- constater la régularité du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé à l'égard de Mme [T],

En conséquence,

- débouter Mme [T] de ses demandes afférentes à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, et aux dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- constater qu'elle a justement calculé l'ancienneté de Mme [T],

En conséquence,

- débouter Mme [T] de toute demande de rappel au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] aux entiers dépens,

- débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT

Attendu que Mme [T] soutient, à titre principal, que son licenciement est nul comme reposant sur trois discriminations lors de son embauche tenant à la fois à son âge, son état de santé et son handicap et, subsdiairement, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et de l'irrégularité de la procédure ;

I - Sur le caractère discriminatoire du licenciement

Attendu qu'au soutien des discriminations alléguées, Mme [T] explique qu'elle a présenté sa candidature en interne au poste de « pilote de l'équipe relais handicap rare » et que son employeur l'a refusée alors qu'elle avait déjà travaillé sur ce poste du 12 novembre 2015 au 31 décembre 2017 et était titulaire du « D.E. Pilotage territoriale intégration des services d'appui aux personnes en perte d'autonomie » qui lui permettait d'accéder au poste revendiqué ;

que l'association réplique que Mme [T] ne disposait pas des compétences requises et qu'elle n'a en réalité jamais occupé ledit poste ; que la candidature de la salariée a été écartée en l'absence de formation initiale paramédicale et de détention du diplôme CAFERUIS qui constituait le pré-requis nécessaire pour occuper l'emploi ;

Attendu que les articles L. 1132-1 et suivants du code du travail ont introduit le principe de non-discrimination qui interdit que des différenciations soient opérées entre des salariés en fonction de critères énumérés au premier article ; que cette interdiction porte sur les motifs fondant une distinction, notamment en raison de l'âge, de l'état de santé ou du handicap ;

que l'article 1133-1 du même code dispose que les dispositions précitées ne font pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;

qu'en outre, en application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

qu'or, en l'espèce, Mme [T] ne produit aucun élément laissant présumer l'existence d'une discrimination, quelle soit directe ou indirecte, ou de quelque nature que ce soit ; qu'elle se contente d'invoquer le refus de l'employeur et son expérience, éléments notoirement insuffisants pour laisser présumer une éventuelle discrimination à son endroit tenant à l'âge, la santé et le handicap ;

que le licenciement ne saurait donc être annulé de ce chef, le jugement étant sur ce point confirmé ;

II - Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Attendu que Mme [T] conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement motif pris de l'absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement, ce que l'employeur conteste ; qu'elle prétend que la recherche de reclassement a été limitée à un seul type de poste, qu'elle a été hâtive et bâclée et qu'elle n'a pas été étendue à l'ensemble du réseau des associations fédérées au sein de la Fédération générale des PEP ; qu'elle ajoute que la procédure n'a pas été respectée ;

1) Sur le respect de la procédure de licenciement

Attendu que Mme [T] se prévaut du non-respect de la procédure de licenciement à différents titres :

a - sur l'absence de tout entretien préalable et le refus de l'employeur de le reporter :

Attendu qu'il est établi que Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable par courrier du 2 août 2018 ; que cette convocation mentionnait la possibilité pour la salariée de présenter des observations écrites si elle ne pouvait se rendre à l'entretien préalable et si elle souhaitait s'exprimer ; qu'or, Mme [T] n'a adressé aucune correspondance en retour à son employeur ni ne justifie, au demeurant, avoir sollicité un report de cet entretien ;

qu'aucun manquement de l'association n'est donc caractérisé à ce titre ;

b - sur l'absence d'information, avant le licenciement et par courrier distinct, sur les motifs s'opposant au reclassement de la salariée :

Attendu que cette prétendue obligation de l'employeur ne ressortit d'aucune disposition légale ; que l'article L. 1226-2-1 du code du travail n'exige pas que les motifs qui s'opposent au reclassement soient précisés par courrier distinct et préalablement au licenciement, étant rappelé que l'inaptitude de Mme [T] n'est pas d'origine professionnelle laquelle se voit appliquer des dispositions légales plus strictes ;

que l'association a respecté son obligation d'information des motifs s'opposant au reclassement de la salariée en les lui ayant notifié dans la lettre de licenciement ;

c - sur l'absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement, en l'occurrence M. [L], directeur général, qui n'avait, selon la salariée, aucun pouvoir de licencier, ce pouvoir étant réservé au président selon les statuts :

Attendu que l'intimée justifie, en sa pièce 34, d'une délégation de pouvoir du président de l'association, M. [V], au directeur général, M. [L], notamment en ce qui concerne les ruptures du contrat de travail (licenciement, ') ; que M. [L] avait ainsi le pouvoir de signer lui-même la convocation à entretien préalable et la lettre de licenciement ; qu'enfin, sa signature sur les deux courriers précités n'est pas valablement contestée par l'appelante ;

Attendu qu'il résulte des éléments qui précèdent que la procédure de licenciement a été respectée par l'intimée ;

2) Sur le respect de l'obligation de reclassement

Attendu que la lettre de licenciement est libellée comme suit :

« Le médecin du travail, dans la cadre d'une seule visite de reprise le 18 juillet 2018, vous a déclarée inapte au poste d'interprète dans l'établissement du Clos Chauveau. Dans le cadre d'un reclassement, Madame [T] pourrait être affectée à un poste similaire dans un autre établissement ».

Nous avons, des lors recherché des solutions de reclassement au sein des PEP CBFC, et sollicité l'intervention du médecin du travail en terme de propositions de reclassement envisageables, conformément à l'obligation qui nous incombait, et en identifiant l'ensemble des postes vacants et notamment sur nos services de déficience auditive de [Localité 4] et [Localité 3].

Vous avez dans ce cadre été reçue, pour étude des propositions de reclassement faites par notre association, auprès du Docteur [N] le 27/07/2018.

Après échange avec l'employeur, le Docteur [N] a reprécisé au sein d'un courrier du 30107/2018 que vous « ne pouviez plus occuper le poste d'interprète au sein du DSM (Clos Chauveau), que les postes vacants évoqués ne peuvent pas vous être proposés et qu'il est médicalement possible de vous proposer les postes d'interprète à [Localité 4] et [Localité 3] ».

A ce jour, il n'existe pas de postes vacants pouvant correspondre à vos qualifications et compétences professionnelles disponibles, au sein de l'association et notamment sur les deux structures de [Localité 4] et [Localité 3].

Dans ce cadre, nous avons également consulté le CSE le 31 juillet 2018.

Les membres de la délégation du personnel du CSE ont pris acte de l'impossibilité de vous proposer un reclassement au regard de vos compétences, qualifications professionnelles et des restrictions médicales.

Les organigrammes actuels de l'association ne permettent par ailleurs ni la permutation de personnel, ni la création d'un emploi supplémentaire au regard de l'organisation et des besoins dans nos structures.

Nous sommes contraints de vous licencier en raison de notre impossibilité à vous reclasser suite à l'inaptitude à votre poste constatée par le médecin du travail » ;

que le médecin du travail a, par avis du 8 juillet 2018, déclaré Mme [T] « inapte au poste d'interprète dans l'établissement actuel », en l'occurrence le Clos Chauveau, ajoutant que « dans le cadre du reclassement, Mme [E] [T] pourrait être affectée à un poste similaire dans un autre établissement » ;

qu'il en ressort que l'état de santé de Mme [T] ne faisait pas obstacle à tout reclassement dans un emploi et qu'elle pouvait être reclassée sur un poste identique ou similaire et dans un autre établissement ; qu'il convient d'entendre par similaire un poste comparable en terme de qualification et de compétences professionnelles ;

Attendu qu'il est constant que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens ; qu'il doit suivre les propositions du médecin du travail et est autorisé à prendre en compte la position exprimée par le salarié déclaré inapte à son poste de travail pour déterminer le périmètre de ses recherches de reclassement ;

qu'en vertu de l'article L. 1226-2 du code du travail, applicable en l'espèce, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; que pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ; que cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ;

qu'il résulte du texte susvisé, issu de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que l'obligation de reclassement s'étend désormais aux seules entreprises d'un groupe lequel est défini selon les critères de l'article L. 2331-1 du code du travail sur le comité de groupe ; qu'en cas d'inaptitude d'origine non-professionnelle, comme c'est le cas de Mme [T], le groupe est défini conformément au I dudit article comme étant formé de son entreprise dominante et des filiales qu'elle contrôle ;

qu'en conséquence, et au vu de la nécessaire approche capitalistique du groupe, sont désormais exclues du périmètre de reclassement les fédérations et associations qui ne répondent pas aux critères du groupe défini à l'article L. 2331-1 du code du travail ; que dans ces structures, le périmètre de reclassement est limité à l'entreprise d'affectation du salarié déclaré inapte ;

Attendu, au cas présent, qu'au jour du licenciement de Mme [T], les PEP CBFC ne détenaient ni n'étaient détenues par aucune autre entreprise au sens du code de commerce permettant de prétendre à l'existence d'un groupe de reclassement ; qu'elles constituaient, par suite, le seul cadre de l'obligation de reclassement de l'employeur, et non la Fédération comme le soutient à tort l'appelante ;

qu'il est établi que l'association PEP CBFC, dont le siège est à [Localité 5], est composée des associations départementales des PEP 21, 25, 58 et 89 (Côte-d'Or, Doubs, Nièvre et Yonne) ;

que, le 20 juillet 2018 à 12h49, M. [C], responsable des ressources humaines à la direction générale des PEP CBFC, a adressé un mail aux PEP 89 et 25 en vue d'une recherche de reclassement de Mme [T] dans la fonction d'interprète LSF ; qu'il précise alors avoir « ciblé sa recherche sur les établissements disposant de services accompagnant la déficience auditive » (pièces 16 et 31 de l'association) ; que Mme [M] (PEP 25) et Mme [P] (PEP 89) lui ont répondu par la négative les 20 et 24 juillet 2018 ;

que l'employeur justifie également avoir envoyé un courriel au docteur [F], auteur de l'avis d'inaptitude, et au docteur [N], médecin du travail, le 20 juillet 2018, à 10h33, pour obtenir leurs avis sur des « postes d'interprète LSF sur [Localité 4] et [Localité 3] impliquant des déplacements avec aménagement du temps de travail, le cas échéant » (pièce 13) ;

qu'il établit encore avoir adressé aux deux médecins précités, dans un mail du même jour, à 12h21, la « liste emplois vacants juillet 2018 » comportant des postes de maîtresse de maison et de surveillant de nuit à la MECS de [Localité 5], de moniteur adjoint d'animation, de maîtresse de maison et de surveillant de nuit au Centre [7], et d'agent d'entretien au CAMPS [6] (pièce 14) ; que le docteur [N] a répondu par courrier du 30 juillet 2018 que les postes vacants évoqués dans le mail ne pouvaient être proposés à Mme [T] mais qu'il était médicalement possible de lui proposer les postes d'interprète à [Localité 4] et [Localité 3] (pièce 15) ;

qu'il en ressort qu'aucune demande de reclassement n'a été transmise aux PEP de la Côte-d'Or et de la Nièvre au motif, selon l'employeur, de l'absence de possibilité de reclassement possible sur ces départements pour un poste en interprète en LSF ; qu'il n'en justifie cependant pas, le livre des entrées et sorties du personnel, non explicite, incomplet et imprécis, produit en pièce 17, ne permettant pas de le vérifier ; que l'association se contente d'indiquer que la direction générale de Dijon, qui centralise la gestion RH des différentes structures composant les PEP CBFC, « avait donc conscience de l'absence de possibilité de reclassement sur la Côte-d'Or pour un poste d'interprète LSF » et prétend, sans l'établir, qu'elle a, dès lors, « effectué une recherche de reclassement spécifique pour un poste en interprète LSF au sein des services disposant de postes existants et similaires à celui occupé par Mme [T] » ; que c'est ainsi qu'elle a cantonné ses recherches aux PEP du Doubs et de l'Yonne alors qu'elle ne pouvait se limiter à ces deux associations départementales, ni aux seuls « services de déficience auditive » ; que ce faisant, l'employeur n'a pas pris en compte les préconisations du médecin du travail qui avait indiqué que Mme [T] pouvait être affectée à un poste similaire à celui d'interprète, sans restriction de déplacement, étant rappelé que l'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou encore aménagement du temps de travail ; qu'or, en l'occurrence, la salariée avait déjà occupé divers postes au sein des PEP, tels que celui de coordinateur réseau Grand Est handicap rare ou de chef de service, et que les PEP CBFC sont composées de 144 établissements comptabilisant plus de 1 000 salariés, ce qui ouvre d'importantes perspectives de possibilité de reclassement ; que si ces établissements ne sont dotés d'aucune autonomie de gestion, en matière de recrutement des cadres notamment, il n'en demeure pas moins que l'employeur n'établit pas ni ne met la cour en mesure de vérifier, en l'état des pièces produites, la nature des postes qui auraient pu être proposés à la salariée en fonction de ses diplômes ou qui n'étaient pas disponibles ;

qu'au surplus, force est de constater, avec la salariée, la rapidité avec laquelle l'employeur a procédé au licenciement, les recherches de reclassement ayant été opérées dans un délai compris entre le 18 juillet 2018 et le 24 juillet 2018, voire du 18 au 31 juillet 2018, date à laquelle le CSE a été consulté, et la convocation à entretien préalable datant du 2 août 2018 pour un licenciement notifié le 17 août suivant ;

Attendu qu'il résulte des énonciations susvisées que l'intimée ne justifie pas avoir épuisé toutes ses recherches de reclassement, ni avoir exécuté de façon sérieuse et loyale son obligation en la matière ; qu'elle ne prouve pas qu'aucun autre poste ne pouvait être proposé à Mme [T] dans les conditions fixées par l'article L. 1233-4 du code du travail ;

que le licenciement de Mme [T] doit, par conséquent, être déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant réformé en ses dispositions contraires ;

3) Sur les demandes indemnitaires

Attendu que la barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a été instituée par l'article 2 de l'ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable en la présente espèce, le licenciement de Mme [T] étant postérieur au 23 septembre 2017 ;

que le licenciement étant injustifié, la salariée peut, par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu que pour le calcul de ces indemnités, Mme [T] demande à la cour de fixer son ancienneté à 23 ans, 11 mois et 16 jours considérant qu'elle remonte au 1er décembre 1994 ; qu'elle se réfère à ses bulletins de paie qui reprendraient sa progression sans discontinuité, y compris après sa ré-embauche en janvier 2012 ;

que l'association rétorque que le contrat de travail a été interrompu entre le 22 octobre 2009 et le 3 janvier 2012, soit pendant plus de deux ans, de sorte que seule l'ancienneté continue, correspondant à du travail effectif, doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement ;

Attendu qu'il est constant que si la mention de l'ancienneté sur les bulletins de salaire vaut présomption au profit du salarié, il s'agit d'une présomption simple qui peut être combattue par l'employeur à charge pour lui de rapporter la preuve contraire ;

qu'au cas présent, il n'est pas contesté que les fiches de paie de janvier 2012 à juillet 2018 retiennent une date d'entrée au 1er décembre 1994 ; que l'association justifie toutefois d'éléments qui viennent corroborer l'absence de reprise d'ancienneté, à savoir :

- un contrat de travail du 3 janvier 2012 qui ne fait état d'aucune reprise d'ancienneté,

- la fixation d'une période d'essai (inhabituelle dans le cadre d'une reprise d'ancienneté qui sous-entend un emploi continu),

- l'avenant n° 1 du 12 novembre 2012 qui réitère une volonté de non-reprise d'ancienneté, marquant comme début d'emploi au sein des PEP la date du 3 janvier 2012,

- les entretiens d'évaluation de Mme [T] qui prennent en compte son ancienneté à compter du 3 janvier 2012,

- les documents de fin de contrat qui mentionnent une date d'embauche au 3 janvier 2012,

- l'absence de travail continu au sein de l'association entre le 22 octobre 2009 et le 3 janvier 2012 ;

qu'en outre, l'employeur fait justement remarquer que si les bulletins de salaire mentionnent une date d'entrée au 1er décembre 1994, date à laquelle la salariée a été intialement recrutée, la ligne suivante concernant l'échelon contredit cette mention en retenant une ancienneté à compter de janvier 2012 ;

Attendu, au vu des éléments susvisés, que la demande de régularisation de l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être rejetée ; que Mme [T] est en revanche fondée à solliciter le paiement de la somme de 9 698,36 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis, outre 969,83 euros de congés payés afférents ;

qu'enfin, compte tenu de son ancienneté (6 ans et 7 mois), des circonstances de la rupture dans une association employant plus de 11 salariés, du montant de sa rémunération (3 232,78 euros bruts), de son âge (59 ans) au moment du licenciement, de ses difficultés à trouver un nouvel emploi eu égard à son handicap, des conséquences du licenciement (nouveau CDD de 9 mois), tel qu'il résulte des pièces et des explications fournies, il y a lieu d'allouer à Mme [T], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

que l'employeur sera par ailleurs tenu de remettre à Mme [T] les documents légaux rectifiés comme demandés (solde tout compte, certificat de travail, attestation Pôle emploi, formulaire de portabilité) et ce, conformément aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, laquelle ne se justifie pas faute de risque avéré de refus ou de retard ;

SUR L'EXÉCUTION DÉLOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Attendu qu'il est constant que l'employeur, au même titre que le salarié, a l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi ; qu'il se doit ainsi de respecter les règles légales, conventionnelles, contractuelles ou simplement d'usage dont il a connaissance et est notamment tenu d'une obligation de sécurité de résultat ;

que la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur doit être rapportée par le salarié qui l'allègue ;

Attendu, en l'espèce, que Mme [T] expose, en premier lieu, que l'employeur a attendu 13 jours pour lui verser l'indemnité de licenciement et lui délivrer le certificat de travail, outre l'attestation Pôle emploi par courrier du 30 août 2018 ; que le reçu pour solde de tout compte ne lui a toujours pas été transmis ;

Mais attendu que la salariée ne justifie d'aucun préjudice résultant du retard allégué ; que sa demande à ce titre ne saurait donc aboutir ;

que l'appelante soutient, en second lieu, que l'intimée a mis deux obstacles majeurs à son avancement pendant l'exécution du contrat de travail, d'une part, en ne lui offrant pas le poste de « pilote équipe relais handicaps rares » et, d'autre part, en modifiant son contrat de travail au 31 décembre 2017 la privant, dès le 1er janvier 2018, de la qualification de cadre sans son accord exprès ;

que cependant, il sera rappelé que Mme [T] n'était pas titulaire du diplôme requis pour obtenir la promotion sollicitée ; que, de plus, elle a été recrutée initialement au poste de « coordinateur handicap rare » lequel ne comporte pas les mêmes missions, dont celle de management qui suppose un niveau de responsabilité différent ; que si la salariée indique s'être vue confier des missions similaires, elle ne démontre pas une expérience réussie d'encadrement d'équipes ; qu'elle n'a, de surcroît, jamais revendiqué de reclassification ; que s'agissant, par ailleurs, de la qualification de cadre, l'avenant du 12 novembre 2015 arrivant à échéance le 31 décembre 2017 précisait bien qu'il s'agissait d'une mission temporaire d'une durée de deux ans et qu'à son terme, l'association lui garantissait le bénéfice du retour à son poste antérieur d'interprète en langue des signes française, avec application des dispositions antérieures à l'avenant en matière de temps de travail et de rémunération (pièce 9 de l'intimée) ; que ces dispositions claires et précises, dont la salariée était parfaitement informée, signifient qu'elle était alors replacée dans ses fonctions antérieures ; qu'il n'y a donc eu aucune modification du contrat de travail imposée à l'appelante ni, par suite, aucune exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

Attendu, en conséquence, que le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [T] à ce titre ;

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Attendu que la décision sera réformée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

que l'employeur, qui succombe pour l'essentiel, doit prendre en charge les entiers dépens de première instance et d'appel ; qu'il devra également supporter une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a jugé que l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté avait respecté son obligation de reclassement et que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté d'avoir respecté son obligation de reclassement,

Condamne l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté à payer à Mme [T] les sommes suivantes :

* 9 698,36 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 969,83 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté de délivrer à Mme [T] un reçu pour solde de tout compte, ainsi qu'un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un formulaire de portabilité rectifiés, conformément aux dispositions du présent arrêt, sans astreinte,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 2 500 euros pour les frais d'avocat engagés tant en première instance qu'à hauteur de cour,

Condamne l'association les PEP du centre de la Bourgogne Franche-Comté aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00213
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.00213 ?
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