RUL/CH
[M] [I]
C/
[N] [H] - ès qualités d'administrateur judiciaire de l'Association [11]
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS CHALON SUR SAONE
S.E.L.A.R.L. ALLIANCE MJ Es qualité de Mandataire Ad Hoc de l'association [11], dont le n° SIREN est le 491 869 970, sise [Adresse 2]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 MAI 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00150 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FOKV
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section ACTIVITÉS DIVERSES, décision attaquée en date du 06 Février 2020, enregistrée sous le n° 19/00178
APPELANTE :
[M] [I]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Ahmet COSKUN, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉS :
[N] [H] - ès qualités d'administrateur judiciaire de l'Association [11]
[Adresse 1]
[Localité 7]
non comparant, non représenté
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS CHALON SUR SAONE
[Adresse 6]
[Adresse 9]
[Localité 8]
représentée par Me Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
S.E.L.A.R.L. ALLIANCE MJ Es qualité de Mandataire Ad Hoc de l'association [11], dont le n° SIREN est le 491 869 970, sise [Adresse 2]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Alexis TUPINIER, avocat au barreau de DIJON, et Me Pascale DRAI-ATTAL, avocat au barreau de LYON substitués par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
L'association [11] a été créée le 29 juillet 2005 et évoluait dans le secteur de l'aide à domicile.
Mme [I] a été recrutée d'abord dans le cadre d'un contrat de volontariat de service à compter du 19 juillet 2013 puis par contrat de travail à durée déterminée du 11 janvier 2016 en qualité de coordinatrice et d'auxiliaire de vie sociale au sein de l'établissement de [Localité 10].
La convention collective nationale de l'aide à domicile est applicable à la relation de travail.
Mme [I] bénéficie du statut de travail handicapé.
Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de l'association et par jugement du 30 janvier 2018, cette même juridiction a approuvé un plan de cession et nommé la SELARL ALLIANCE MJ en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans le cadre du plan de cession, la société BIEN A LA MAISON a été choisie comme repreneur de l'agence dijonnaise de l'association et deux emplois n'ont pas été conservés.
Un plan de sécurisation de l'emploi (PSE) a été établi le 2 février 2018 et homologué par la DIRECCTE le 5 février suivant, prévoyant les critères d'ordre des licenciements à intervenir. Sur cette base, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 février 2018 puis a été licenciée pour motif économique par courrier recommandé avec accusé réception du 19 février 2018.
Mme [I] ayant adhéré au dispositif du CSP, son contrat de travail a été rompu à l'issue de la période de réflexion, soit le 9 mars 2018.
Par requête du 8 mars 2019, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de contester son licenciement du fait du non respect de l'obligation de reclassement et d'une mauvaise application des critères d'ordre la concernant.
Par jugement du 6 février 2020, les premiers juges se sont déclarés incompétents et l'ont déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Par déclaration du 6 mars 2020, Mme [I] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 15 mai 2020, l'appelante demande de :
- infirmer le jugement déféré
- condamner la SELARL ALLIANCE MJ et Maître [N] [H] à rectifier les bulletins de paie et le certificat de travail de Mme [I] afin qu"ils mentionnent le poste de coordinatrice/secrétaire - auxiliaire de vie,
- fixer la créance de Mme [I] comme suit :
à titre principal,
* 7 533,75 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 753,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 102,54 euros nets de reliquat d'indemnité de licenciement,
* 12 556,25 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 500 euros sur le fondement de l"article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
* 12 556,25 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la violation des critères d'ordre du licenciement,
* 2 511,25 euros bruts de reliquat d'indemnité de préavis, outre 251,13 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- ordonner la garantie de l'AGS-CGEA.
Aux termes de ses dernières écritures du 5 mars 2021, la SELARL ALLIANCE MJ (anciennement SELARL MDP), es- qualité de liquidateur judiciaire de l'association [11], sollicite de :
- confirmer le jugement déféré,
In limine litis
- confirmer le jugement déféré,
- se déclarer incompétent pour connaître de l'intégralité des demandes de Mme [I] résultant de l'application du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
- juger que l'association [11] a parfaitement appliqué les critères d'ordre des licenciements s'agissant de Mme [I],
- rejeter l'ensemble de ses demandes, fins et prétention,
- la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuer ce que de droit sur les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 3 juin 2020, l'AGS -CGEA de Chalon-sur-Saône demande de :
- confirmer le jugement déféré,
à titre liminaire,
- se déclarer incompétent pour trancher de toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif, et inviter Mme [I] à mieux se pourvoir,
à titre subsidiaire,
- juger irrecevable toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la DIRECCTE au profit du juge administratif,
Sur les demandes,
- constater que le licenciement repose sur un motif économique incontestable.
- constater que l'argumentaire tendant à critiquer le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur est irrecevable,
- la débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
- constater que cet argumentaire ne peut conduire qu'à l'octroi de dommages-intérêts, sans remettre en cause le licenciement,
- ramener les demandes à de plus justes proportions,
À titre infiniment subsidiaire,
- la débouter :
* du surplus de ses demandes faute de justifier de son préjudice,
* de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre,
* de sa demande de préavis et congés payés afférents,
à titre subsidiaire,
- juger que le CSP est remis en cause dans l'ensemble de ses effets erga omnes,
Sur la garantie,
- juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue par l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages-intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
- juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles,
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
Monsieur [H], régulièrement assigné à personne le 14 mai 2020, n'a pas constitué avocat.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale :
Le CGEA-AGS de Chalon-sur-Saône comme le liquidateur de l'association [11] soulèvent l'incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur les demandes de Mme [I], lesquelles viseraient en réalité à critiquer le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi dès lors que le juge administratif dispose d'une compétence exclusive à cet égard en application de l'article L.1235-7-1 du code du travail.
Ils rappellent que la décision de la DIRECCTE n'a fait l'objet d'aucun recours devant le tribunal administratif, de sorte que le plan de sauvegarde de l'emploi et son contenu, notamment les mesures de reclassement intégrées dans le document unilatéral, sont définitivement validés et non critiquables devant la juridiction prud'homale.
Il est constant que l'ensemble du contentieux individuel porté par le salarié relève toujours de la compétence du juge judiciaire, s'agissant notamment des recours relatifs au motif économique du licenciement, à l'application individuelle des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, à l'application des critères d'ordre et à l'indemnisation du salarié licencié.
En revanche, le contrôle du contenu de ce plan relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative.
Mme [I] soutient que ce n'est pas le contenu du PSE qu'elle entend critiquer mais le fait que les mesures de reclassement et de critère d'ordre des licenciements qui y sont décrites ont été mal appliquées à son égard au motif que l'employeur a méconnu la réalité de son poste de travail telle que figurant au contrat de travail.
Elle soutient en effet qu'il ressort de son contrat de travail qu'elle n'occupait pas exclusivement un poste "administratif/secrétaire" et qu'elle remplissait également les fonctions d'aide à domicile ("auxiliaire de vie sociale").
Il ne saurait toutefois être ignoré que l'article L.1233-5 du code du travail dispose que "lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.
Ces critères prennent notamment en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.[...]"
Il s'en déduit que contrairement à ce que soutient Mme [I], la définition desdites catégories, et par voie de conséquence l'attribution d'une catégorie professionnelle à la salariée, relève du contenu du plan tel que défini par les articles L.1233-57-3 et suivants du code du travail et non de sa mise en oeuvre.
Dans ces conditions, sous le couvert de demandes tendant à obtenir des dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements et mauvaise application des mesures de reclassement, la salariée conteste en réalité la définition de ces critères tels que fixée dans le plan de sauvegarde de l'emploi, dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative.
L'exception est donc fondée, le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande visant à rectifier les bulletins de paie et le certificat de travail ni sur les demandes pécuniaires en lien avec la violation des critères d'ordre du licenciement et l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la critique du motif économique du licenciement reposant sur le seul grief d'une application erronée des mesures de reclassement et de critère d'ordre des licenciements, éléments relevant du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi.
De ce fait également, il n'y a pas non plus lieu de statuer sur la demande du CGEA-AGS visant à dire que le licenciement économique est fondé.
II - Sur les autres demandes pécuniaires :
- Sur l'indemnité de préavis :
Mme [I] soutient que du fait de son statut de travailleur handicapé, elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 3 mois en application de l'article L. 5213-9 du code du travail.
Néanmoins, l'article L.1233-67 du même code dispose qu'en cas de rupture du contrat de travail avec adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- Sur le reliquat d'indemnité de licenciement :
Mme [I] soutient avoir perçu 2 929,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement alors que selon elle, cette indemnité aurait dû s'élever à 3 032,33 euros pour une ancienneté de 4 ans et 10 mois, en ce compris son préavis théorique de 3 mois, pour une embauche le 19 juillet 2014 et une rupture du contrat le 9 mars 2018, soit un reliquat de 102,54 euros.
Néanmoins, si Mme [I] a initialement été recrutée dans le cadre d'un contrat de volontariat de service le 19 juillet 2013, son ancienneté s'établit au titre du seul contrat de travail à durée indéterminée rompu par son licenciement, soit 2 ans et 5 mois incluant le délai de préavis de trois mois dont elle bénéficie du fait de son statut de travailleur handicapée, dans la mesure où le contrat de volontariat de service ne relève pas du code du travail mais du code du service national et de la cohésion sociale, ce qui implique que le statut spécifique de volontaire ne relève pas du salariat et ne peut être pris en compte au titre de l'ancienneté.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
III - Sur les demandes accessoires :
Sur la garantie de l'AGS :
Les demandes de Mme [I] étant rejetées, la demande à ce titre est sans objet, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
La demande de Mme [I] à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Mme [I] sera condamnée à payer à la SELARL ALLIANCE MJ (anciennement SELARL MDP), es-qualité de liquidateur judiciaire de l'association [11], la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Mme [I] succombant, elle supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 6 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Dijon, en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [M] [I] à payer à la SELARL ALLIANCE MJ (anciennement SELARL MDP), es-qualité de liquidateur judiciaire de l'association [11], la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [M] [I] aux dépens d'appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION