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03/05/2022 | FRANCE | N°20/00679

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 03 mai 2022, 20/00679


SB/IC















SCI LE CLOS DES MUSES



S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES



C/



S.A.S. S.T.C.E.



























































































expédition et copie exécutoire

délivrées

aux avocats le











COUR D'APPEL DE DIJON



1ère chambre civile



ARRÊT DU 03 MAI 2022



N° RG 20/00679 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FPMW



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 28 février 2020,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/00236











APPELANTES :



SCI LE CLOS DES MUSES prise en la personne de son gérant en exercice domicilié de droit au siège social :

[Adre...

SB/IC

SCI LE CLOS DES MUSES

S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES

C/

S.A.S. S.T.C.E.

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 03 MAI 2022

N° RG 20/00679 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FPMW

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 février 2020,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/00236

APPELANTES :

SCI LE CLOS DES MUSES prise en la personne de son gérant en exercice domicilié de droit au siège social :

[Adresse 2]

[Localité 3]

S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES, représentée par Maître [C] [J], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SCI LE CLOS DES MUSES, désignée à cette fonction par jugement du tribunal de Commerce de Dijon en date du 17 décembre 2019, domiciliée au siège social :

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentées par Me Simon LAMBERT, membre de la SCP LANCELIN ET LAMBERT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 62

INTIMÉE :

S.A.S. S.T.C.E. - SOCIETE DE TRAVAUX DU CENTRE EST agissant par son Président en exercice domicilié de droit au siège de la société :

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Michel PETIT, Président de chambre, et Michel WACHTER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Michel PETIT, Président de chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2022 pour être prorogée au 12 avril 2022 puis au 03 Mai 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Un acte d'engagement a été régularisé entre la SCI Le Clos des Muses, qui souhaitait faire construire un ensemble de logements individuels en terrasse sur un terrain situé [Adresse 6], et l'entreprise de gros 'uvre STCE.

Aux termes de cet acte, la STCE s'engageait à réaliser les travaux du lot n° 2 (gros-oeuvre / maçonnerie), moyennant un prix de 1 005 223,02 euros TTC pour la tranche 1 portant sur la réalisation de 12 logements.

Etaient également prévues une tranche conditionnelle n° 2 au prix de 204 515,65 euros pour la réalisation de 6 logements, et une tranche conditionnelle n° 3 d'un montant de 327 401,87 euros concernant la réalisation de 6 maisons individuelles.

Les travaux ont commencé après que la STCE ait reçu un ordre de service de la SCI Le Clos des Muses le 12 février 2015 pour réaliser la tranche 1.

Le 31 mai 2016, la STCE a adressé à la SCI Le Clos des Muses une lettre de mise en demeure d'avoir à lui payer 342 259,31 euros TTC.

Le 20 septembre 2016, la SCI Le Clos des Muses a proposé d'arrêter les comptes à la somme de 41 156,78 euros TTC.

La STCE a assigné la SCI Le Clos des Muses devant le juge des référés au tribunal de grande instance de Dijon le 15 septembre 2016 en sollicitant la condamnation de la défenderesse à lui régler 648 733,04 euros par provision, outre 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties se sont rapprochées en cours de procédure et ont régularisé un protocole d'accord le 16 février 2017 dont les termes principaux sont les suivants :

« 

- Arrêté provisoire des comptes :

Pour le lot Gros Oeuvre, l'arrêté provisoire du montant des travaux exécutés par la société STCE avec ou sans ordre de service a été fixé à un montant de 648 540,67 euros. Les parties ont reconnu que pour les lots Electricité et Plomberie Chauffage Ventilation, la SCI Le Clos des Muses était à jour de ses paiements.

- Accord de paiement :

Cet accord de paiement concernant le paiement du solde, par la SCI Le Clos des Muses, du lot Gros Oeuvre arrêté provisoirement à la somme de 648 540,67 euros, prévoyait que :

- dans un premier temps, la SCI Le Clos des Muses s'engage à verser à la SAS STCE une somme en espèces de 264 540,67 euros TTC, payée par l'intermédiaire d'un financement mis en place par la Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté, ce règlement devant intervenir dans un délai maximum d'un mois à compter de la signature du protocole, soit au plus tard le 16 mars 2017,

- dans un second temps, la SAS STCE se portera acquéreur de l'appartement type 2 d'une superficie de 61 m2 environ situé au niveau 2 portant le n° AD 22 avec garage, pour le prix de 192 000 euros TTC, cette acquisition étant soumise au régime de droit commun de la TVA à 20 % soit un prix de cession de 160 000 euros HT, le paiement se faisant par compensation avec l'arriéré ci-dessus arrêté provisoirement,

La SAS STCE se portera également acquéreur d'un second appartement avec garage ayant les mêmes caractéristiques et portant le n° AG 22 pour le même prix de 192 000 euros TTC soit 160 000 euros HT, le paiement se faisant par compensation avec l'arriéré ci-dessus arrêté provisoirement. »

S'agissant de la résiliation pour l'avenir des marchés de construction et arrêté définitif des comptes : les parties étaient convenues que dès que l'accord de paiement visé à l'article ci-dessus aura été intégralement exécuté, un état contradictoire d'arrêté de chantier avec établissement définitif des comptes serait établi sans délai. »

Elles ont convenu que la transaction emportait renonciation à toute instance et action.

Le juge des référés a ordonné le 22 février 2017 le retrait de l'affaire du rôle, puis après rétablissement de l'affaire à ce rôle sur demande de la STCE, il a rendu le 3 janvier 2018 une ordonnance condamnant la SCI Le Clos des Muses au paiement d'une provision de 264 540,67 euros et à régulariser sous astreinte la vente de deux appartements dans les deux mois suivant la signification de cette décision. Il a en outre ordonné une expertise sur des non-façons et malfaçons puis le 25 juillet 2018, prononcé la condamnation de la SAS SOGIM et M. [B] [R], associés dans la SCI Le Clos des Muses, au versement de 247 808,02 euros et 13 042,53 euros à la STCE sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation.

Après dépôt du rapport par l'expert [V] le 27 septembre 2018, la STCE a assigné la SCI Le Clos des Muses devant le tribunal de grande instance de Dijon le 15 janvier 2019 pour qu'elle soit condamnée à lui verser avec exécution provisoire 663 841,59 euros, outre intérêts au taux légal depuis le 27 septembre 2018 et capitalisables annuellement dès le 31 décembre 2018, 15 000 euros en sus s'agissant des frais irrépétibles.

En réplique, la défenderesse a formulé les prétentions suivantes :

« A titre principal,

annuler l'assignation qui lui a été délivrée par la société STCE le 15 janvier 2019,

dire et juger les demandes de la société STCE à son encontre irrecevables,

dire et juger les demandes de la société STCE à son encontre mal fondées,

débouter la société STCE de l'intégralité de ses demandes,

condamner la société STCE à lui verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal jugerait recevables les demandes de la société STCE,

condamner la société STCE à lui verser une somme de 137 736,26 à titre de dommages et intérêts,

dire et juger qu'elle ne saurait être débitrice d'une somme supérieure à 154 941,11 euros ou condamner la société STCE à lui verser une somme de 109 599,56 euros et ordonner la compensation,

condamner la société STCE à lui verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ».

Par jugement du 28 février 2020, le tribunal judiciaire de Dijon a :

- rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance et la fin de non-recevoir soulevées par la SCI Le Clos des Muses,

- condamné celle-ci à payer à la SAS STCE 546 813,47 euros TTC en deniers ou quittance au titre du solde du marché régularisé entre les parties pour le lot n° 2, avec intérêts au taux légal depuis le 15 septembre 2016, et 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts échus dus pour au moins une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, recodifié sous l'article 134- 2 du même code par l'ordonnance du 10 février 2016,

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des condamnations prononcées,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- mis les entiers dépens à la charge de la SCI Le Clos des Muses.

En redressement judiciaire suivant décision du 17 décembre 2019, la SCI Le Clos des Muses a interjeté appel le 22 juin 2020 avec la SELARL MJ et associés.

Ces sociétés ont remis le 13 janvier 2021 des conclusions pour faire :

« Dire et juger l'assignation à jour fixe délivrée à la SCI LE CLOS DES MUSES par la société STCE irrégulière.

Constater que ses irrégularités causent grief à la SCI LE CLOS DES MUSES compte tenu de la communication tardive des pièces.

En conséquence,

Annuler l'assignation délivrée à la SCI LE CLOS DES MUSES le 15 janvier 2019.

Dire et juger les demandes présentées par la société STCE contradictoires d'une instance sur l'autre et en conséquence dire et juger la société STCE irrecevable en ses demandes.

Dire et juger que le protocole d'accord est assorti de l'autorité de la chose jugée et qu'en application des dispositions de l'article 2052 du Code Civil, la transaction qui est intervenue fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite d'une action en justice qui a le même objet.

En conséquence,

Dire et juger les demandes de la société STCE irrecevables.

Condamner la société STCE à verser à la SCI LE CLOS DES MUSES une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens tant d'instance que d'appel, lesquels

comprendront les frais de l'expertise judiciaire.

A titre subsidiaire

Dans l'hypothèse où la Cour confirmerait la décision entreprise sur la recevabilité,

Dire et juger que la société STCE a fautivement poursuivi des travaux sur les tranches 2 et 3 de l'opération LE CLOS DES MUSES sans ordre de service.

En conséquence,

Condamner la société STCE à verser à la SCI LE CLOS DES MUSES une somme de 137 736, 26 euros à titre de dommages et intérêts.

Dire et juger que la SCI LE CLOS DES MUSES ne saurait être débitrice d'une somme supérieure à 154 941,11 euros au titre du solde de travaux compte tenu des non-façons et malfaçons, ou condamner la société STCE à verser à la SCI LE CLOS DES MUSES une somme de 109 599,56 euros et ordonner la compensation.

Condamner la société STCE à verser à la SCI LE CLOS DES MUSES une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ».

La STCE a conclu comme suit le 1er mars 2021:

« Confirmer le jugement rendu le 28 février 2020 en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par la SCI LE CLOS DES MUSES et en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI LE CLOS DES MUSES.

Réformer le jugement du 28 février 2020 sur le montant des condamnations.

Fixer le montant de la créance de la SAS STCE à l'encontre de la SCI LE CLOS DES MUSES à l'heure actuelle en redressement judiciaire à la somme de 663 841,59 euros, somme qui produira intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2016.

Dire que les intérêts échus dus pour au moins une année entière seront capitalisé conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil recodifié sous l'article 1343-2 du même Code par Ordonnance du 10 février 2016.

Condamner la SCI LE CLOS DES MUSES à payer à la SAS STCE la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et fixer le montant de la créance de la SAS STCE à ce montant au titre de l'article 700 CPC.

Condamner la SCI LE CLOS DES MUSES aux entiers dépens de première instance et d'appel ». 

SUR CE,

- Sur la nullité de l'assignation :

Les appelantes font essentiellement valoir que «  le tribunal ne pouvait indiquer, comme il le fait, que la procédure menée démontrait que la concluante avait pu consulter les pièces sans s'interroger si le temps perdu entre la date d'introduction de l'instance et l'audience pour consulter ces pièces introuvables ne causait pas grief à l'appelante (...). le président a autorisé l'assignation devant la « chambre civile » qui n'existe pas. Qu'ainsi l'autorisation du jour fixe était donnée pour la saisine d'une chambre qui n'existe pas, les pièces étant indiquées comme déposées au greffe de la 1e're chambre et finalement c'est la deuxième chambre civile qui était saisie (') ». Selon la SCI Le Clos des Muses, ces irrégularités lui ont nécessairement causé grief en l'empêchant de mener une défense efficace.

S'il est effectivement établi, comme l'a relevé le premier juge, que l'autorisation donnée par le président du tribunal judiciaire vise la « chambre civile », qui n'existe pas, et que dans l'assignation litigieuse, les pièces sont indiquées comme déposées au greffe de la 1ère chambre, alors que c'est finalement la 2ème chambre qui se trouvait saisie, il convient néanmoins de relever qu'afin d'obtenir l'annulation de l'assignation à jour fixe, la SCI Le Clos des Muses doit démontrer que ces vices de forme affectant ledit acte de procédure lui ont causé grief.

Or, le premier juge a parfaitement mis en évidence l'absence de tout grief pour cette SCI, par des motifs pertinents, exacts en fait et en droit, que la cour adopte en les rappelant ainsi qu'il suit : «  il sera tout d'abord relevé que l'acte introductif d'instance donne en page 2 assignation à la SCI Le Clos des Muses d'avoir à comparaître à jour fixe devant 'les Présidents et Juges composant la deuxième chambre civile du Tribunal de Grande Instance de DIJON ' ;

Que son conseil s'est ainsi régulièrement présenté à l'audience de la deuxième chambre civile du 2 avril 2019 à laquelle l'affaire avait été initialement fixée, ainsi qu'aux audiences de renvoi des 4 juin 2019 et 3 septembre 2019, l'affaire ayant finalement été plaidée à cette dernière date ;

Qu'elle a en outre été en mesure de répondre aux prétentions adverses par trois jeux de conclusions successifs, dont la teneur démontre qu'elle avait parfaitement connaissance des pièces invoquées par la société STCE ;

Qu'en l'absence de justification d'un grief qui lui aurait été causé par les irrégularités formelles affectant les actes de proce'dure querellés, la SCI Le Clos des Muses sera déboutée de sa demande tendant à l'annulation de l'assignation qui lui a été délivrée le 15 janvier 2019 ».

Le jugement mérite pleine confirmation sur ce point.

- Sur la recevabilité des demandes de la STCE :

La SCI Le Clos des Muses considère que la STCE se contredit dans ses prétentions au gré des procédures qu'elle intente, d'abord en référé puis au fond, à son détriment et par contravention avec le principe de l'estoppel, ayant d'abord obtenu du juge des référés sa condamnation au versement de sommes sur le fondement d'un accord transactionnel signé entre les parties le 16 février 2017, puis prétendant ignorer ladite transaction dans le cadre de la présente procédure pour former de nouvelles prétentions totalement contraires avec des moyens nouveaux.

Elle souligne «  Qu'il a pu être jugé en ce sens que la transaction qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l'une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions (Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2012, n° 09-11582) de sorte que l'interpre'tation a contrario de cet arrêt aboutit à la conclusion suivante : si le protocole d'accord ne prévoit pas qu'il « ne met fin au litige que sous réserve de son exécution », il met donc fin au litige de manière définitive et le protocole devient la règle de la future exécution. Que c'est d'ailleurs bien ce que la STCE avait initialement requis et obtenu, pour ensuite se raviser et solliciter au fond le contraire de ce qu'elle a demandé d'une première part dans le cadre du protocole d'accord qui a l'autorité de la chose jugée et d'autre part dans le cadre de la procédure en référé ».

Il reste que le principe de l'estoppel ne s'impose que dans le cadre du déroulement d'une même procédure, comme a pu le rappeler à bon escient le premier juge. Or, dans la présente espèce, la SAS STCE disposait de toute latitude pour présenter de nouvelles prétentions au fond, différentes de celles qu'elle avait articulées lors de l'instance en référé.

C'est donc à juste titre que le premier juge relève que l'exécution du protocole d'accord du 16 février 2017 a été poursuivie par la société SAS STCE dans le cadre d'une instance en référé antérieure et distincte de celle de l'instance au fond engagée devant le tribunal judiciaire, sans que puisse être efficacement invoquée une contravention au principe de l'estoppel, du fait de l'unité de chacune des instances précitées.

La SCI ne peut davantage être suivie lorsqu'elle se fonde sur l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation qu'elle cite à l'appui de ses écritures (Ass. plén., 27 fe'vrier 2009, n° 07-19841), dès lors que les enseignements qu'elle en tire sont l'exact contraire de la doctrine qui y est exprimée, formant la solution de droit en censurant l'arrêt de la cour d'appel qui avait cru devoir juger que la contradiction d'une partie au cours de diverses instances contrevenait au principe de l'estoppel.

C'est également par des motifs, surabondants mais exacts, que le jugement attaqué observe que les prétentions contradictoires de la société STCE au cours des deux instances peuvent s'expliquer non par une volonté d'induire en erreur son adversaire sur ses intentions, mais par le fait que la requérante n'est pas parvenue à obtenir l'exécution volontaire, ni même l'exécution forcée, des condamnations prononcées à l'encontre de la SCI Le Clos des Muses, en exécution du protocole d'accord, par l'ordonnance de référé du 3janvier 2018.

Enfin, contrairement à ce que soutient la SCI, le principe de l'efficacité d'un protocole transactionnel de nature à mettre fin au litige tient en ce que les parties exécutent chacune les obligations qui lui incombent, à titre de contrepartie, conformément aux dispositions de l'article 2052 du code civil, sans que puisse être utilement invoqué le fait que « si le protocole d'accord ne prévoit pas qu'il « ne met fin au litige que sous réserve de son exécution », il met donc fin au litige de manière définitive et le protocole devient la règle de la future exécution. »

Le jugement mérite confirmation en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SAS STCE.

- Sur le compte entre les parties :

1) Sur la déduction du prix de vente des deux appartements :

Il importe de relever que la SCI Le Clos des Muses reprend à l'identique les arguments et moyens développés devant le premier juge à hauteur d'appel, concluant que la SAS STCE s'était engagée à acheter deux appartements selon protocole d'accord, modifié par avenant, signé entre elles.

Or, les motifs du jugement attaqué sont parfaitement adaptés, exempts d'erreur de fait et de droit, la cour ne pouvant que les adopter dans leur intégralité, en rappelant leur teneur :

« Que le protocole d'accord du 16 février2017 prévoyait en l'espèce que dans un premier temps, la SCI le Clos des Muses s'engageait à verser à la SAS STCE la somme de 264 540,67 euros TTC, et ce dans le délai maximum d'un mois à compter de la signature du protocole d'accord (délai prorogé au 31 juillet 2017 par l'avenant des 2 et 12 juillet 2017), et que dans un second temps et dès le crédit effectif de ce paiement, la SAS STCE procéderait à l'acquisition de deux appartements ; Qu'il n'est cependant pas contesté que la SCI Le Clos des Muses n'a jamais procédé au paiement de la somme de 264 540,67 euros, qui était érigé en préalable à l'acquisition par la société STCE des appartements dont le paiement devait se faire par compensation avec l'arriéré global arrêté provisoirement par les parties ; Qu'en conséquence, la SCI Le Clos des Muses, qui n'a pas respecté les obligations mises à sa charge par le protocole du 16 février 2017, ne peut exiger de la société STCE l'exécution dudit protocole ; Qu'ainsi et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la discussion opposant les parties concernant la légitimité de la requérante à opposer l'insolvabilité alléguée du garant d'achèvement et la faillite de l'assureur dommages-ouvrage pour refuser de procéder à l'acquisition des appartements, la société STCE est fondée à réclamer le paiement du solde de ses travaux, sans compensation avec le prix d'acquisition des deux appartements prévu dans le protocole de transaction, qui lui est inopposable ; (') ».

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SCI Le Clos des Muses tendant à déduire du montant des sommes réclamées par la SAS STCE, le prix des deux appartements.

2) Sur la prise en compte des malfaçons et non-façons :

Le tribunal a d'après le rapport d'expertise «  relevé que le montant des travaux réalisés et facturés par la société STCE s'élevait à 1 332 799,28 euros TTC, que le montant des travaux réglés par la SCI le Clos des Muses s'élevait à 684 066,24 euros TTC, et que le solde restant dû d'après la situation n° 12 s'élevait donc à la somme de 648 733,04 euros TTC ; que l'expert a toutefois constaté l'existence de travaux qui, bien que facturés, n'ont pas été réalisés par la société STCE, à concurrence d'un montant de 18 618,22 + 7 096,67 = 25 714,89 euros HT, soit 30 857,87 euros TTC ; que la société STCE ne conteste pas la déduction de cette somme du montant qui reste dû au titre du solde de son marché ; que Mme [V] a par ailleurs fait état de travaux inachevés ou non conformes aux dosuments contractuels, devant être remis en état pour assurer la poursuite du chantier ; qu'elle a évalué provisoirement leur coût à 34 444,16 euros HT, soit 41 332,99 euros ( ...) »

L'expert a justifié du montant retenu à hauteur de 682,43 euros au titre de la réalisation des supports de maçonnerie pour les chaudières en l'absence de factures.

Le premier juge a considéré que le montant de 3 961,80 euros HT, soit 4 754,16 euros TTC sollicité au titre de la réalisation des joints de prédalle, était justifié par une facture, et que tel n'était pas le cas s'agissant de la reprise de ragréage, évalué forfaitairement à 50 % du montant sollicité en l'absence de la facture requise ou même d'un devis.

Il a détaillé son mode de calcul des 28 044,16 euros HT (33 652,99 euros TTC) de travaux nécessaires à la remise en état et retenu qu'il convenait de déduire, ainsi que l'expert le soulignait, de « la créance de la société STCE la tranche n° 3, les voiles BA et acrotères n'ayant pas été réalisées , et justifant une moins-value de 31 173,93 euros HT soit 37 408,71 euros TTC»

Le tribunal a en conséquence fait une exacte appréciation des montants à prendre en considération au titre des malfaçons et non-façons, s'appuyant notamment sur le rapport définitif de l'expert judiciaire dont la compétence et les conclusions n'ont pas été critiquées par les parties.

Il y a donc lieu de confirmer, par adoption de motifs, le jugement attaqué quant aux sommes fixées par lui au titre des malfaçons et non-façons.

3) Sur la demande de la SCI Le Clos des Muses au titre des tranches n° 2 et 3 :

Comme précédemment, le premier juge s'est prononcé sans erreur de fait ni de droit, par des motifs suffisants que la cour adopte entièrement, pour rejeter la demande de la SCI Le Clos des Muses en paiement de dommages et intérêts au titre des travaux relatifs aux tranches 2 et 3, mentionnant notamment que « la poursuite de la réalisation des tranches n°2 et 3 avait reçu l'aval, au moins implicite, du maître de l'ouvrage ; qu'au surplus, la SCI LE Clos des Muses ne justifie pas de ce que la réalisation de travaux supplémentaires l'aurait mise en difficulté, d'un point de vue financier pour achever la tranchen°1, dès lors qu'elle ne s'est en tout état de cause pas acquittée du montant desits travaux ; »

Le jugement attaqué mérite pleine confirmation sur ce point.

4) Sur le solde du marché :

Le tribunal a mentionné « que le montant des travaux facturés par la société STCE s'élève à 1 332 799,28 euros TTC, et que le montant des travaux réglés par la SCI le Clos des Muses s'élève à 684 066,24 euros TTC, soit un solde restant dû d'après la situation n°12 de 648 733,04 euros TTC ; qu'il convient de déduire de ce montant le coût des travaux de reprise des malfaçons ainsi que la valeur des travaux facturés mais non réalisés, retenus par le tribunal à concurrence de 30 857,87 euros + 33 652,99 euros TTC + 37 408,71 euros TTC = 101 919,57 euros ;

que la SCI le Clos des Muses est ainsi redevable d'un solde en principal de 546 813,47 euros TTC,( ...) en deniers et quittances pour tenir compte des règlements d'ores et déjà effectués en exécution de l'ordonnance de référé du 3 janvier 2018 et de celle du 25 juillet 2018. »

Le jugement attaqué mérite pleine confirmation, sauf à fixer la créance de 546 813,47 euros TTC au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SCI le Clos des Muses.

Si le premier juge s'est prononcé avec exactitude sur le montant des sommes dues à la STCE par la SCI Le Clos des Muses, selon des motifs appropriés qu'adopte la cour, il a cependant écarté à tort la demande supplémentaire formée par la SAS pour 83 375,12 euros au titre des intérêts de retard sur les paiements en attente depuis 2016.

Le premier juge a, en effet, estimé « (') Que le seul fait que l'expert judiciaire ait pris note du montant réclamé à ce titre par la société STCE, et l'ait intégré dans son rapport, ne saurait justifier à lui seul du bien fondé de cette demande, laquelle est au demeurant expressément contestée par la SCI Le Clos des Muses ; Que, à défaut pour la société STCE de justifier de l'assiette, du taux et du point de départ des intérêts réclamés, ainsi que du fait que le taux appliqué par ses soins serait rentré dans le champ contractuel, il ne sera en conséquence pas fait droit à sa demande en paiement de la somme de 83 375,12 euros ; (') ».

Toutefois, la cour observe que l'expert a intégré dans son rapport définitif la demande fondée sur les intérêts de retard. Ainsi que le relève justement la STCE dans ses dernières écritures, cette dernière a justifié du taux d'intérêt retenu, soit le taux d'intérêt légal multiplié d'un coefficient de 7, ce qui représente pour l'année 2016 un taux de 6,51, 6,3 pour 2017 et 6,23 pour 2018. Il est également exact que ce décompte est conforme à la norme NF P03-001 applicable aux marchés privés, laquelle a valeur contractuelle. Or, l'article 20.8 de cette norme prévoit que les retards de paiement ouvrent droit pour l'entrepreneur au paiement d'intérêts moratoires à un taux qui, à défaut d'être fixé au cahier des clauses administratives particulières, sera le taux de l'intérêt légal augmenté de 7 points.

Il convient donc de confirmer le jugement attaqué, hormis le rejet de la demande en paiement de 83 375,12 euros au titre des intérêts de retard.

Cette somme sera fixée au passif de la SCI Le Clos des Muses.

- Sur les mesures accessoires de première instance :

Le premier juge a parfaitement évalué l'indemnité à accorder à la STCE au titre des frais irrépétibles. Le jugement sera confirmé sur ce point, la demande contraire de la SAS étant écartée.

PAR CES MOTIFS,

la Cour,

confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de 83 375,12 euros et prononcé contre la SCI Le Clos des Muses des condamnations à paiements,

statuant à nouveau et ajoutant,

fixe à 546 813,47 euros TTC et 83 375,12 euros la créance de la STCE au passif du redressement judiciaire de la SCI Le Clos des Muses,

met à la charge de la SCI Le Clos des Muses les dépens du second degré de juridiction et vu l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2 000 euros due à la STCE par application de ce texte en sus des 3 500 euros que le tribunal a alloués sur le même fondement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00679
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;20.00679 ?
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