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21/04/2022 | FRANCE | N°20/01466

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 21 avril 2022, 20/01466


MW/IC















SARL JADE. R



S.C. HOLDING [K]



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[Z] [C]

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoca

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COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 21 AVRIL 2022



N° RG 20/01466 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FST2



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 12 novembre 2020,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon - RG : 2019002855











APPELANTES :



SARL JADE. R représentée par Mme [J] [D], gérante, domiciliée au siège social sis :

[Adresse 6]

[Localité 3]



S.C. HOLDING [K] représe...

MW/IC

SARL JADE. R

S.C. HOLDING [K]

C/

[Z] [C]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

N° RG 20/01466 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FST2

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 12 novembre 2020,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon - RG : 2019002855

APPELANTES :

SARL JADE. R représentée par Mme [J] [D], gérante, domiciliée au siège social sis :

[Adresse 6]

[Localité 3]

S.C. HOLDING [K] représentée par Monsieur [N] [K], gérant, domicilié au siège social sis :

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentées par Me Gérard BAROCHE, membre de la SAS SAS BAROCHE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [C]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7] (71)

domicilié :

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Christophe BALLORIN, membre de la SELARL BALLORIN-BAUDRY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 9

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 février 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 21 Avril 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte sous seing privé sous conditions suspensives en date du 30 octobre 2018, M. [Z] [C] s'est engagé à céder à Mme [J] [K], ou à toute société qu'elle viendrait à se substituer, la totalité des 100 parts composant le capital social de l'EURL Jade.R, dont il était associé unique et gérant, moyennant le prix de 146 134 euros.

L'ensemble des conditions suspensives ayant été levées, M. [C] a cédé le 17décembre 2018 les parts de la société Jade.R à la société civile Holding [K], se substituant à Mme [K].

M. [C] a démissionné le même jour de ses fonctions de gérant mais, conformément à la convention de cession signée, a accompagné à titre gracieux l'acquéreur dans sa reprise.

Un différend est alors survenu entre Mme [K] et M. [C], grief étant fait à ce dernier d'avoir abusé des fonds de la société Jade.R.

Par exploit du 7 mai 2019, les sociétés Jade.R et Holding [K] ont fait assigner M. [C] devant le tribunal de commerce de Dijon en paiement au profit de la société Jade.R :

- de la somme de 26 371,68 euros indûment prélevée à titre de rémunération, ainsi que la somme de 13 434 euros indûment supportée par la société Jade.R au titre des charges sociales y afférentes, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée en date du 15 février 2019 ;

- de la somme de 1 500 euros subtilisée par chèque le 19 décembre 2018, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. recommandée en date du 15 février 2019 ;

- de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Les demanderesses ont exposé au soutien de leurs prétentions :

- qu'en application de l'article 15 des statuts de la société Jade.R, la rémunération du gérant devait être déterminée par décision collective des associés ; qu'en présence d'un associé unique, et en application d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre 2012, la rémunération devait être fixée par une décision unilatérale, qui faisait défaut en l'espèce, de sorte que la rémunération versée par la société à M. [C] devait lui être remboursée par celui-ci ;

- que les charges sociales du gérant majoritaire étaient par nature des charges personnelles au dirigeant et étaient directement dues par ce dernier ; que seuls les statuts ou une décision collective des associés pouvaient autoriser que ces sommes soient mises à la charge de la société, mais que tel n'était pas le cas en l'espèce pour l'exercice ouvert le 1er avril 2018, de sorte que, là-encore, M. [C] devait rembourser les sommes payées par la société ;

- qu'au cours de la phase d'accompagnement gracieux, M. [C] avait subtilisé un chéquier de la société, dont il avait utilisé une formule à son profit ;

- que ces agissements, de même que l'imputation à la société des honoraires de cession des parts sociaux et de nombreux frais personnels constituaient des abus de biens sociaux qui justifiaient l'engagement de la responsabilité civile de M. [C] et l'exercice par la société de l'action sociale ut universali, avec allocation de dommages et intérêts.

M. [C] a sollicité le rejet des demandes formées à son encontre, et a réclamé à titre reconventionnel la condamnation solidaire des demanderesses à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il a fait valoir :

- que, par un arrêt du 9 janvier 2019, la Cour de cassation avait confirmé la possibilité de fixer a posteriori la rémunération du gérant et associé unique d'une EURL, peu important que le versement intervienne avant la formalisation de l'approbation ; qu'elle avait ainsi rejeté une demande de remboursement de rémunération dans un cas où, ayant cessé sa gérance et cédé ses parts, l'associé unique n'avait plus la maîtrise des assemblées générales pour procéder à l'approbation de ses rémunérations ; qu'il se trouvait dans une hypothèse similaire, et justifiait de l'ensemble des décisions d'associé unique portant sur l'approbation des comptes ainsi que la détermination de la rémunération de la gérance depuis l'exercice clos au 31 mars 2014 jusqu'à celui clos au 31 mars 2018 ; que, d'ailleurs, sa rémunération n'avait initialement été contestée que prorata temporis ;

- que, s'agissant des cotisations sociales, les procès-verbaux de décision d'associé unique prévoyaient tous leur prise en charge par la société ;

- que le chèque de 1 500 euros correspondait à sa rémunération pour les 17 jours du mois de décembre 2018 pendant lesquels il avait assuré la gérance de la société ; que le chéquier lui avait été remis volontairement par Mme [K] dans le cadre de l'accompagnement gracieux à la reprise ;

- que les allégations d'abus de bien social étaient diffamatoires et démontraient la volonté des demanderesses de lui nuire ; qu'il en était résulté un état d'incompréhension et de stress qui l'avait profondément affecté.

Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal de commerce a :

Vu les articles L 223-27 et L 223-31 du code de commerce,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'approbation de la rémunération du gérant

associé unique d'une société à responsabilité limitée unipersonnelle,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

- débouté la société Jade.R et la société Holding [K] de toutes leurs demandes ;

- débouté M. [Z] [C] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la société Jade.R et la société Holding [K] a payer à M. [Z] [C], sous déduction de tout acompte qui aurait été versé de ce chef et dont il devra être justifié, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (sic) ;

- condamné la société Jade.R et la société Holding [K] en tous dépens de l'instance dont frais de greffe indiqués en tête des présentes auxquels devront être ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la présente décision ;

- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et les en a déboutées ;

- les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 94,34 euros.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que, dans le cadre d'une société unipersonnelle dont le gérant était l'associé unique, la jurisprudence reconnaissait la possibilité d'approuver a posteriori la rémunération du gérant ; qu'en l'espèce, une assemblée générale datée du 3 août 2018 avait décidé d'approuver la rémunération du gérant à hauteur de 33 000 euros, ainsi que la prise en charge par la société des cotisations obligatoires et facultatives afférentes à cette rémunération ; que, par conséquent, M. [C] avait régulièrement perçu sa rémunération de 2018 à savoir 26 371,38 euros, et que les cotisations sociales de 13 434 euros avaient été régulièrement versées aux organismes compétents par la société Jade.R ;

- que, d'autre part, M. [C] devait disposer d'une rémunération pour les 17 jours de travail au mois de décembre 2018, pour un montant de 1 508,06 euros rémunération qui correspondait, prorata temporis, à celle approuvée lors de l'assemblée du 3 août 2018 ;

- que les dépenses personnelles de M. [C], d'un montant total de 1 037,67 euros, étaient des dépenses inscrites dans son compte courant d'associé, et donc déjà à sa charge ; que les 2 000 euros de frais de cession correspondaient au montant partagé entre les parties et apparaissent aussi en compte courant d'associé de M. [C] ;

- que M. [C] n'apportait pas la preuve du préjudice qu'il invoquait.

La société Jade.R et la société Holding [K] ont relevé appel de cette décision le 11 décembre 2020, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [C].

Par conclusions notifiées le 22 décembre 2020, les appelantes demandent à la cour :

Vu l'article L 223-18 du code de commerce,

Vu l'article L 223-22, al.1 du code de commerce,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Z] [C] de sa demande de dommages et intérêts ;

- d'infirmer ledit jugement en ce qu'il a :

* débouté la société Jade.R et la société Holding [K] de toutes leurs demandes ;

* condamné la société Jade.R et la société Holding [K] à payer à M. [Z] [C], sous déduction de tout acompte qui aurait été versé de ce chef et dont il devra être justifié, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Jade.R et la société Holding [K] en tous dépens de l'instance dont frais de greffe indiqués en tête des présentes auxquels devront être ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la présente décision ;

* dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et les en déboute ;

Et statuant à nouveau :

- de débouter M. [Z] [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Sur la demande en remboursement de la somme de 26 371,68 euros ainsi que des charges sociales y afférentes pour un montant de 13 434 euros :

- de constater l'absence de décision de l'associé unique de la société JadeR fixant la rémunération du gérant et autorisant la prise en charge des charges sociales y afférentes ;

En conséquence,

 

- de condamner M. [Z] [C] à rembourser à la société Jade.R la somme de 26 371,68 euros indûment prélevée à titre de rémunération ainsi que la somme de 13 434 euros indûment supportée par cette dernière au titre des charges sociales y afférentes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée en date du 15 février 2019 ;

Sur la demande en remboursement de la somme de 1 500 euros subtilisée par chèque le 19 décembre 2018 :

- de condamner M. [Z] [C] à rembourser à la société Jade.R la somme de 1 500 euros subtilisée par chèque le 19 décembre 2018, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée en date du 15 février 2019 ;

Sur la responsabilité civile de M. [Z] [C] et l'action sociale 'ut universali' :

- de constater la violation par M. [Z] [C] des statuts de la société Jade.R ainsi que des dispositions légales en vigueur ;

- de constater les faits caractérisés d'abus de biens sociaux dont est à l'origine M. [Z] [C] et dont il a personnellement profité en toute mauvaise foi en parfaite violation de l'intérêt social ;

En conséquence,

- de condamner M. [Z] [C] à payer à la société Jade.R, en sus des sommes devant être remboursées, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

En tout état de cause,

- de condamner M. [Z] [C] à payer à la société Jade.R la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris tous les frais et dépens qui seront exposés lors de la signification et de l'exécution de la décision à intervenir.

Par conclusions notifiées le 18 mars 2021, M. [C] demande à la cour :

Vu les articles 1101 et suivants du code civil,

Vu les articles L 223-26, L223-27 et L223-31 du code de commerce,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Jade. R de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Vu l'article 1240 du code civil,

Faisant droit à l'appel reconventionnel de la société Jade.R, (sic)

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Z] [C] de sa demande reconventionnelle ;

- en conséquence de condamner la société Jade.R à payer à M. [C] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Jade. R à régler à M. [Z] [C] la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de 700 du code de procédure civile ;

- de condamner en voie d'appel la société Jade.R aux entiers dépens de l'instance et d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 1er février 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur le remboursement des rémunérations et cotisations sociales

M. [C] ayant été l'associé unique de la société Jade.R antérieurement à sa cession, la fixation de sa rémunération en qualité de gérant devait prendre la forme d'une décision de l'associé unique. Il en est de même de la mise à la charge de la société des cotisations sociales afférentes à cette rémunération.

Il est admis en jurisprudence que l'approbation de la rémunération par décision de l'associé unique peut intervenir a posteriori, c'est-à-dire après le versement de la rémunération correspondante.

L'intimé justifie par les pièces qu'il produit aux débats, savoir les procès-verbaux des décisions de l'associé unique des 24 juillet 2014, 30 septembre 2015, 24 août 2016, 7 août 2017 et 5 août 2018, que la fixation de sa rémunération pour un exercice donné a toujours été approuvée par une décision intervenue après la clôture de l'exercice concerné, et qu'il en était de même pour la mise à la charge de la société des cotisations sociales afférentes.

Ce mode de fonctionnement ne pouvait être ignoré de l'acquéreur, qui avait nécessairement eu connaissance, en vue de la cession, de tous les éléments comptables utiles, ainsi qu'il résulte au demeurant des énonciations du préambule de la convention de cession de titres sociaux sous conditions suspensives conclue entre M. [C] et Mme [K] le 30 octobre 2018. La société Holding [K] ne pouvait pas plus méconnaître le fait que la rémunération de M. [C] devait être fixée dans les mêmes conditions pour l'exercice au cours duquel la vente est intervenue, dès lors en effet que la convention de cession sous conditions suspensives, à laquelle renvoie expressément l'acte de cession des parts sociales du 17 décembre 2018, comportait la garantie, donnée par le cédant, qu'aucun événement ou circonstance s'écartant du cours normal des affaires et susceptible d'affecter défavorablement le patrimoine de la société, n'était intervenu et n'interviendrait sans l'accord du cessionnaire, et qu'à cet égard, il était notamment indiqué : 'aucune modification n'est intervenue et n'interviendra dans les conditions de rémunération du gérant.'

Compte tenu de l'intervention de la vente, qui avait fait perdre à M. [C] la qualité d'associé de la société Jade.R, celui-ci n'était plus matériellement en mesure de procéder à l'approbation a posteriori de sa rémunération, comme il le faisait habituellement.

Dans ces conditions particulières, l'absence de décision de l'associé unique portant, pour l'exercice débuté le 1er avril 2018, approbation de la rémunération du gérant et mise à la charge de la société des cotisations sociales afférentes n'est pas de nature à priver M. [C] de sa rémunération, et à justifier en conséquence le remboursement à la société Jade.R des sommes versées à ces titres.

Le jugement déféré, bien que s'étant déterminé de manière erronée sur le fondement du procès-verbal de décisions de l'associé unique d'août 2018, qui concernait l'exercice écoulé, sera néanmoins confirmé en ce qu'il a écarté les demandes en remboursement formées par les sociétés appelantes.

Sur le chèque de 1 500 euros

Il est constant qu'en date du 19 décembre 2018, soit après la perte par M. [C] de sa qualité d'associé de la société Jade.R et après sa démission de son poste de gérant de celle-ci, l'intimé a établi à son propre bénéfice un chèque d'un montant de 1 500 euros à partir d'une formule tirée d'un chéquier de la société.

L'intimé fait valoir que cette somme correspondait à sa rémunération pour les 17 premiers jours du mois de décembre 2018, soit la période pendant laquelle il avait continué de gérer la société.

Si les appelantes soutiennent que l'intéressé a subtilisé le chéquier en profitant de l'exécution de la mission d'accompagnement convenue au contrat de cession, force est toutefois de constater que M. [C] combat cette allégation par la production d'une attestation de l'expert-comptable ayant assisté à la signature de ce contrat, de laquelle il ressort que Mme [K] avait expressément demandé à M. [C] de conserver les moyens de paiement de la société.

Il résulte cependant de cette même attestation que les moyens de paiement avaient été laissés en possession de M. [C] afin de lui 'permettre d'aller faire des achats le jour-même pour la société.'

Dès lors que M. [C] n'avait plus qualité pour engager la société Jade.R, il ne pouvait en aucun cas employer les moyens de paiement de celle-ci pour un objet étranger à celui qui avait été expressément autorisé par sa nouvelle gérante. Rien ne justifie en conséquence qu'il ait utilisé le chéquier, deux jours après la vente de la société, pour effectuer un versement à son propre profit, serait-ce à titre de rémunération, l'intimé n'expliquant pas pour quel motif le paiement d'un salarié dont il aurait été créancier n'aurait pas pu être sollicité et obtenu du nouveau gérant de la société, auquel incombe au premier chef le paiement des sommes dues par celle-ci.

Eu égard à l'irrégularité du procédé employé, M. [C] devra être condamné à restituer à la société Jade.R la somme de 1 500 euros, qui portera intérêts à compter du 16 février 2019, date de réception de la de la mise en demeure recommandée. La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

Sur les dommages et intérêts

1° sur la demandes des sociétés Jade.R et Holding [K]

Les appelantes réclament l'allocation au profit de la société Jade.R d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qui serait résulté des agissements de M. [C] contraires aux statuts et à la loi.

Il convient d'emblée d'écarter l'argument tiré à cet égard de la rémunération et des cotisations sociales réglées par la société Jade.R, ces versements ayant été reconnus fondés.

Le moyen tiré de la commission par M. [C] d'abus de biens sociaux sera lui aussi rejeté, le seul manquement caractérisé, constitué par l'émission à son profit du chèque de 1 500 euros, ayant été commis alors que M. [C] n'était plus, ni gérant, ni associé de la société Jade.R, alors que les autres griefs invoqués, savoir la mise à la charge de la société de frais de restaurant et d'une partie des honoraires de cession des parts sont insuffisamment caractérisés, les montants correspondants ayant été inscrits au compte courant de M. [C], et ne faisant d'ailleurs l'objet d'aucune demande de remboursement de la part de la société Jade.R, ce qui confirme qu'elle n'en a subi aucun préjudice.

C'est dès lors à juste titre que le tribunal a débouté les sociétés de cette demande, la confirmation s'imposant sur ce point.

2° Sur la demande de M. [C]

M. [C] sollicite la condamnation de la société Jade.R à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des accusations diffamatoires dont il avait été victime.

Toutefois, l'intimé ne démontre aucunement avoir, comme il l'affirme, souffert d'un discrédit jeté sur sa probité et son professionnalisme, alors, d'une part, qu'il n'apparaît pas que les griefs formulés dans le cadre de la présente instance aient eu un quelconque écho au-delà, et dans la mesure, d'autre part, et en tout état de cause, où, s'il n'est caractérisé à l'encontre de M. [C] aucun fait d'abus de bien social en tant que tel, il n'en demeure pas moins qu'il s'est comporté de manière déloyale à l'égard de la société en utilisant les moyens de paiement qui lui avaient été laissés à l'issue de ses fonctions dans un but autre que celui pour lequel ils l'avaient été, et à son profit personnel.

Là-aussi, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire.

Sur les autres dispositions

La décision entre prise sera confirmée sur les dépens, mais infirmée s'agissant des frais irrépétibles.

Les parties devront être déboutées des demandes qu'elles ont formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit en première instance ou en appel.

M. [C] sera condamné aux dépens d'appel.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a débouté la société Jade.R et la société Holding [K] de toutes leurs demandes, et en ce qu'il a condamné ces sociétés à payer la somme de 2 000 euros à M. [Z] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs d'infirmation, et ajoutant :

Condamne M. [Z] [C] à payer à la société Jade.R la somme de 1 500 euros au titre du remboursement du chèque du 19 décembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2019 ;

Rejette le surplus des demandes formées par la société Jade.R et la société Holding [K] ;

Rejette les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] [C] aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01466
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;20.01466 ?
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