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13/11/2008 | FRANCE | N°08/00190

France | France, Cour d'appel de Dijon, Ct0347, 13 novembre 2008, 08/00190


Francine X... épouse Y...
C /
Patrick Z...
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 13 Novembre 2008

COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE C
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 08 / 00190
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 07 JANVIER 2008, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 05-4612

APPELANTE :
Madame Francine X... épouse Y... née le 16 Septembre 1944 à SAINT CLOUD (92) demeurant : ... 75005 PARIS

représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour assis

tée de Me Denis De LA SOUDIERE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :
Monsieur Patrick Z... né le 03 Juin 1945 ...

Francine X... épouse Y...
C /
Patrick Z...
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 13 Novembre 2008

COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE C
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 08 / 00190
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 07 JANVIER 2008, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 05-4612

APPELANTE :
Madame Francine X... épouse Y... née le 16 Septembre 1944 à SAINT CLOUD (92) demeurant : ... 75005 PARIS

représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour assistée de Me Denis De LA SOUDIERE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :
Monsieur Patrick Z... né le 03 Juin 1945 à NEUILLY SUR SEINE (92) demeurant :... 21460 EPOISSES

représenté par la SCP FONTAINE-TRANCHAND et SOULARD, avoués à la Cour assisté de Me Alain RIGAUDIERE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2008 en audience en Chambre du Conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur PLANTIER, Conseiller, et Madame BOHNERT, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Madame SCHMITT, Président de Chambre, Président,
Monsieur PLANTIER, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du Président,
Madame BOHNERT, Conseiller, assesseur,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame RANGEARD,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par Madame SCHMITT, Président de Chambre, et par Madame RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Anne-Marie X... née le 30 mai 1943 et Patrick Z... né le 3 juin 1945 se sont mariés le 20 décembre 1997, sans contrat préalable.
Par testament olographe établi le 23 avril 1999 puis remis à Maître C..., notaire à Epoisses, Anne-Marie X... a légué à son mari la somme de 1 000 000 F soit 152 449,01 €.
Le 27 avril 1999, Anne-Marie X... a vendu un immeuble sis à Paris lui appartenant en propre pour un prix de 560 000 F.
Le 18 juin 1999, elle a vendu pour un montant de 950 000 F sa part indivise dans un immeuble également sis à Paris et dépendant d'une indivision successorale avec ses deux soeurs, respectivement Claude X... épouse D... née le 14 septembre 1941 et Francine X... épouse Y..., née le 16 septembre 1944.
Le produit de ces deux ventes a fait l'objet en sa majeure partie d'un remploi par le placement par Anne-Marie X... :
- d'un montant de 350 000 F (soit 53 357,15 €) dans le cadre d'un contrat d'assurance vie souscrit le 5 mai 1999 auprès de la SA Assurances CREDIT MUTUEL Vie ;
- d'un montant de 900 000 F (soit 137 204,11 €) dans le cadre d'un contrat d'assurance vie souscrit à une date indéterminée (le contrat n'est pas produit) auprès de la CNP.
Ces deux contrats d'assurance vie désignaient le mari, Patrick Z..., comme unique bénéficiaire.
Anne-Marie X... est décédée à Epoisses le 5 septembre 1999 des suites d'une longue maladie laissant pour lui succéder ses deux soeurs Claude et Francine X... .
Claude X... et Francine X... s'y étant opposées au motif essentiellement que Patrick Z... avait été rempli de ses droits par le remploi de la vente des deux biens immobiliers dans les deux contrats d'assurance vie précités, le Tribunal de grande instance de Dijon a par jugement du 2 décembre 2003 ordonné la délivrance du legs consenti par le testament olographe du 23 avril 1999.
Ledit jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 2 décembre 2003 et par arrêt du 17 mars 2005, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi de Claude et Francine X... non admis contre cette décision.
Suivant exploit du 7 janvier 2008, Francine X... a fait assigner Patrick Z... aux fins d'obtenir :
- la nullité du legs et des deux contrats d'assurance vie et subsidiairement la reconnaissance d'une responsabilité pour faute de Patrick Z... et en tout état de cause la condamnation de celui-ci à lui payer les sommes de 87 551,05 € et 95 280,64 € ;
- la condamnation, sur le fondement de la répétition de l'indu, de Patrick Z... à lui rembourser la somme de 4 573,47 € représentant le montant d'un chèque encaissé par Anne-Marie X... le 10 juillet 1999.
Par jugement du 7 janvier 2008, le Tribunal de grande instance de Dijon a :
- déclaré irrecevable la demande de Francine X... en remboursement de la somme de 4 573,47 € ;
- débouté Francine X... de l'intégralité de ses autres demandes ;
- condamné Francine X... à payer à Patrick Z... la somme de 10 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamné Francine X... à payer une amende civile de 1 500 € ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné Francine X... aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, Francine X... demande de voir la Cour :
- avant dire droit ordonner la communication par le juge des tutelles du Tribunal d'instance du 12e arrondissement de Paris et par le Tribunal de grande instance de Paris de l'entier dossier relatif à la curatelle d'Anne-Marie X... ;
- annuler le testament olographe du 23 avril 1999 ainsi que les deux contrats d'assurance vie souscrits par Anne-Marie X... à hauteur de 350 000 F et 950 000 F ;
- " si la Cour n'entendait pas " de plano " prononcer ces annulations, ordonner avant dire droit une enquête et éventuellement une expertise à l'effet d'étayer la preuve selon laquelle Anne-Marie X... se trouvait le 23 avril 1999 et / ou dans les semaines qui ont précédé et suivi cette date, dans un état physique et psychique affaibli et dégradé ne lui permettant pas de s'engager valablement et en toute connaissance de cause ;
- dire dans ce cas que l'enquête aura également pour objet de rechercher dans quelle mesure Patrick Z... a profité de l'état de dépendance physique et mentale de son épouse pour l'amener à établir et à signer les actes litigieux ;
- prévoir que seront produits l'entier dossier médical d'Anne-Marie X... depuis 1997 et que seront notamment entendus dans le cadre de l'enquête, le Dr Pierre E..., neuropsychiatre, le Dr Michel F..., le directeur de la maison de santé Bellevue à Meudon, le Professeur G..., médecin chef à l'hôpital psychiatrique d'Esquirol, le Dr H..., et Jean-Daniel I..., désigné comme mandataire spécial par l'ordonnance du Juge des tutelles, les agents des compagnies d'assurance ayant fait souscrire à Anne-Marie X... les contrats d'assurance-vie ;
- dire que Patrick Z... devra rapporter à la succession d'une part la somme de 152 449 €, montant du legs, ainsi que la somme de 190 561,27 € correspondant au montant des deux contrats d'assurance vie ;
- condamner en conséquence Patrick Z... à lui payer d'une part la somme de 87 551,05 € (en remboursement de la somme versée par elle en exécution du jugement du 23 septembre 2002 confirmé par la Cour d'appel le 2 décembre 1993) outre intérêts au taux légal à compter du 12 février 2004 et avec le bénéfice de la capitalisation des intérêts, d'autre part la somme de 95 280,64 € (en conséquence de l'annulation des deux contrats d'assurance vie) outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation des intérêts ;
- subsidiairement au cas où il ne serait pas fait droit à la demande d'annulation, condamner Patrick Z... à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de (87 551,05 + 95 280,64) 182 831,69 € outre intérêts au taux légal et avec capitalisation des intérêts ;
- condamner Patrick Z... à lui payer la somme de 4 573,47 € (en remboursement de l'acompte réglé le 10 juillet 1999 par elle à Anne-Marie X...) et ce sur le fondement de la répétition de l'indu ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer des dommages-intérêts, une amende civile et une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Patrick Z... aux dépens et au paiement de la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Patrick Z... a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de Francine X..., sollicitant en outre la condamnation de celle-ci au paiement des sommes de 15 000 € à titre de dommages-intérêts et de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions récapitulatives respectivement déposées le 1er octobre 2008 pour Francine X... et le 11 juillet 2008 pour Patrick Z... .
La clôture des débats est intervenue par ordonnance du 9 octobre 2008.
MOTIFS
- Sur la demande relative au legs et aux contrats d'assurance vie :
Francine X... sollicite l'annulation des actes litigieux sur le fondement de l'article 389 du Code civil et, à titre subsidiaire, qu'il soit reconnu que ces actes ont procédé d'une faute ayant consisté pour Patrick Z... à profiter de la faiblesse et de l'état de dépendance physique et mentale d'Anne-Marie X...
- Sur la demande tendant à l'annulation du legs et des contrats d'assurance vie :
L'article 489 alinéa premier du Code civil, qui a une portée générale, dispose qu'il faut être sain d'esprit pour faire un acte valable mais que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
L'article 901 du même code réaffirme la même exigence de fond dans le domaine spécifique des libéralités.
L'insanité d'esprit visée a contrario par ces deux textes s'entend de toute affection mentale suffisamment grave pour priver l'auteur de l'acte de sa capacité de discerner le sens et la portée de l'acte qu'il établit.
Il est nécessaire en l'espèce de rappeler un certain nombre d'éléments biographiques concernant Anne-Marie X... .
Ainsi qu'il résulte d'une attestation établie le 11 février 2004 par le Docteur Pierre E..., Anne-Marie X... a été suivie pour des troubles psychiques récidivants de février 1961 à juin 1977 puis de novembre 1996 à 1997 et plusieurs fois hospitalisée pour ce motif.
Elle a eu néanmoins une activité professionnelle en tant que secrétaire bilingue dans l'entreprise paternelle, puis à la société Valourec puis enfin du 1er octobre 1975 au 26 juillet 1996 dans une association internationale.
Après avoir prononcé d'office le 6 décembre 1996 l'ouverture d'une mesure de protection à son égard, le Juge des tutelles du Tribunal d'instance du douzième arrondissement de Paris a, par jugement du 28 octobre 1997, prononcé la mise sous curatelle renforcée d'Anne-Marie X... et désigné sa soeur Claude X... en qualité de curateur.
Le Juge des tutelles relevait qu'il était établi par l'ensemble du dossier et plus spécialement par le rapport d'expertise du Docteur H... (commis à l'ouverture de la mesure) qu'Anne-Marie X... présentait une structure psychotique dysthymique entraînant une altération de ses facultés mentales et qu'une mesure de curatelle simple paraissait insuffisante pour protéger complètement ses intérêts.
Toutefois, par jugement rendu le 3 avril 1998 sur le recours de Claude X..., le Tribunal de grande instance de Paris a réformé le jugement du Juge des tutelles aux motifs :
- qu'il résultait du certificat médical d'un psychiatre (Docteur J...) que l'état de santé d'Anne-Marie X... s'était amélioré ;
- qu'outre cette évolution positive de son état, Francine X... bénéficiait désormais de l'assistance de son mari.
Il est rappelé en effet qu'Anne-Marie X... et Patrick Z... qui se connaissaient de longue date s'étaient mariés le 20 décembre 1997 et ce peu après que l'épouse eut appris en août 1997 qu'elle était atteinte d'un cancer.
Pour cette longue maladie, Anne-Marie X... a subi des traitements, des interventions chirurgicales et des hospitalisations à Paris et ainsi qu'à Auxerre et Semur en Auxois.
Elle a ainsi été hospitalisée à Semur en Auxois du 23 au 28 avril 1999 étant rappelé que le testament olographe a été établi le 23 avril 1999.
Elle a vendu son immeuble propre puis sa part dans l'immeuble dont elle était propriétaire en indivision avec ses soeurs les 27 avril et 18 juin 1999 puis souscrit ultérieurement les contrats d'assurance vie litigieux, le contrat auprès des ACM ayant été signé le 5 mai 1999, le contrat auprès de la CNP ayant été souscrit en tout état de cause avant le 7 juillet 1999 (date du virement de 900 000 F à la CNP).
Une nouvelle aggravation de la maladie est survenue courant août 1999 et Anne-Marie X... a été encore hospitalisée au centre hospitalier de Semur en Auxois avant de bénéficier d'un retour à domicile dans le cadre de la phase terminale de maladie ; elle est en effet décédée à son domicile le 5 septembre 1999.
L'argumentation de Francine X... consiste à soutenir que compte tenu des antécédents psychiatriques qui étaient les siens et de la grave maladie dont elle était atteinte, Anne-Marie X... ne pouvait être saine d'esprit au moment où elle a souscrit les actes litigieux.
Mais la mesure de curatelle renforcée avait été levée au motif notamment que l'état d'Anne-Marie X... s'était amélioré, ainsi qu'en attestait le certificat d'un psychiatre visé dans le jugement, et cette opinion était apparemment partagée par Claude X..., nommée comme curateur et auteur du recours.
Au demeurant, cette amélioration de son état psychique est bien confirmée et ce incidemment par une lettre écrite le 7 septembre 1998 à un confrère chirurgien (le Docteur K...) par le Professeur F... relativement au traitement anticancéreux, lettre dans laquelle ce praticien relève que sa patiente est une femme dont les antécédents sont dominés par une " psychose assez bien équilibrée par les médicaments ".
La longue maladie qui a finalement emporté Anne-Marie X... n'était pas en soi de nature à affecter sa lucidité et aucun des nombreux certificats ou attestations de médecins versés aux débats de part et d'autre ne mentionne une altération de ses facultés intellectuelles, laquelle n'aurait pas manqué de causer une difficulté pour le traitement.
De nombreuses attestations font état au contraire de ce qu'Anne-Marie X... jouissait de sa raison lors de la période au cours de laquelle ont été souscrits les actes litigieux.
Ainsi, Jean-Marc L..., qui a été le médecin traitant d'Anne-Marie X... de décembre 1997 à septembre 1999, atteste que sa patiente avait toutes ses facultés intellectuelles et de jugement jusqu'au mois d'août 1999 et qu'il n'a constaté aucun signe de déficience mentale.
Ginette M..., qui est l'infirmière qui a prodigué des soins à Anne-Marie X... à son domicile durant les deux derniers mois de sa vie, déclare que celle-ci avait malgré l'aggravation de son état général " gardé intactes ses facultés intellectuelles " " sauf les derniers jours de sa vie avant son décès le 5 septembre 1999 ".
Paul N..., médecin de campagne (ainsi qu'il se présente) indique qu'il a rencontré Anne-Marie X... en mars, avril puis en août 1999 et qu'elle était en toute possession de ses moyens intellectuels.
Nadine O..., notaire, atteste pour sa part avoir connu Anne-Marie X... depuis l'année 1965 jusqu'à son décès, avoir réalisé pour son compte un certain nombre d'actes dans le cadre de son activité professionnelle, ce principalement les deux dernières années de sa vie et avoir constaté qu'elle avait conservé sa pleine lucidité " notamment au cours de la période d'avril à juin 1999 ".
Ces attestations circonstanciées sont confirmées par celles, de même teneur, établies par Monique P..., Marc Q..., Isabelle R..., Jean-Charles S..., Josiane T..., Geneviève U..., Daniel V..., Yvonne W..., et Robert XX... qui étaient des proches, voisins ou connaissances d'Anne-Marie X... .
Il est significatif en outre de constater que l'état mental de leur soeur durant la période litigieuse n'avait pas alors alerté Francine X... et sa soeur Claude X... (aujourd'hui décédée) à qui ou en présence de qui Anne-Marie X... a vendu sa part dans l'immeuble indivis le 18 juin 1999 et ce après une promesse de vente du 19 avril 1999.
De la même manière, Francine X... soutient à l'appui de sa demande en paiement d'un montant de 4 573, 47 € qu'elle avait adressé à sa soeur Anne-Marie un chèque de 30 000 F dans le cadre d'un projet d'acquisition de la part indivise de cette dernière dans une parcelle de vignes, ce qui est de nature raisonnablement à faire penser qu'elle-même considérait alors sa soeur comme en état de consentir à un tel acte.
Aucune conclusion enfin ne peut être tirée en soi du fait qu'Anne-Marie X... a établi le testament olographe le premier jour de son hospitalisation le 23 avril 1999.
En effet, Anne-Marie X... devait subir une intervention chirurgicale pour son cancer à l'occasion de cette hospitalisation et il est hélas compréhensible, compte tenu des circonstances, que ce soit précisément à ce moment qu'elle ait établi un testament.
Il se dégage de l'ensemble de ces éléments que Francine X... ne rapporte pas la preuve ni le commencement de preuve de l'insanité d'esprit d'Anne-Marie X... aux moments où elle a souscrit les actes litigieux.
Sans qu'il soit besoin dès lors d'ordonner une quelconque mesure d'instruction, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Francine X... de ses demandes d'annulation d'actes et de rapport.
- Sur la demande tendant à voir engager la responsabilité de Patrick Z... au titre des actes engagés :
De façon quelque peu confuse, Francine X... soutient que Patrick Z... " a commis une faute grave et a engagé sa responsabilité pour, en utilisant la faiblesse et l'état de dépendance physique et mentale d'Anne-Marie X..., avoir incité et contraint moralement cette dernière à signer un testament à son profit le 23 avril 1999 et l'avoir ensuite contrainte à passer des opérations et actes à son seul profit à lui ".
L'appelante n'indiquant pas expressément le fondement de sa demande, il y a lieu de considérer qu'elle agit non seulement sur le fondement de l'article 1382 du Code civil mais aussi sur celui des vices du consentement, plus précisément ceux de dol et de violence qui offrent aux victimes de ces agissements la possibilité de demander réparation du préjudice subi sans pour autant solliciter la nullité.
Sont en effet alléguées à la fois des manoeuvres pouvant caractériser un dol et une contrainte morale assimilable au vice de violence.
Par ailleurs, le délit pénal d'abus de faiblesse auquel fait implicitement référence la demande se traduit sur le plan civil par une annulation de l'acte contesté pour vice du consentement si cette annulation ne l'est pour incapacité ou sur le fondement de l'article 389 du Code civil.
Il appartient en tout état de cause à Francine X... de rapporter la preuve d'une manoeuvre, d'une contrainte morale ou d'une faute caractérisée commise ou exercée par Patrick Z... sur son épouse qui aurait eu pour résultat de contraindre ou déterminer cette dernière à le gratifier.
Ne saurait constituer en soi une présomption le fait qu'Anne-Marie X... ait choisi, alors qu'elle était gravement malade et vraisemblablement se savait condamnée, de gratifier non pas un étranger mais son propre mari plutôt que ses soeurs.
C'est par ailleurs contre toute évidence au regard des éléments de la cause que Francine X... laisse entendre que Patrick Z... aurait cherché à isoler son épouse de sa famille, la privant par là des soins des meilleurs spécialistes pour le traitement de sa maladie.
Il résulte en effet des pièces versées aux débats et notamment de nombreuses lettres et attestations émanant de médecins :
- que lorsque sa maladie s'est déclarée en août 1997, Anne-Marie X... a été suivie et traitée d'abord avec succès par le Professeur F... exerçant à l'hôpital Saint-Louis de Paris et opérée dans ce cadre par le Docteur K... exerçant dans le même hôpital ;
- que la maladie ayant cependant récidivé à plusieurs reprises, notamment en novembre 1998, et Anne-Marie X... et son époux ayant souhaité prendre l'avis d'un autre chimiothérapeute, le Docteur K... a dirigé sa patiente auprès du Docteur YY..., cancérologue exerçant au centre de radiothérapie et d'oncologie médicale de Paris (cf lettre du Dr K... du 7 mars 2001) ;
- que le Dr YY... a appliqué une nouvelle chimiothérapie qui n'a pas empêché la progression de la maladie puis a mis en place en décembre 1998 un traitement palliatif et ce sous le contrôle du Dr ZZ... exerçant à Auxerre ;
- qu'ainsi dans un courrier du 13 novembre 1998 adressé au Dr K..., le Docteur YY... indique avoir expliqué à Anne-Marie X... que le traitement en cause pouvait être réalisé à proximité de son domicile sous le contrôle du Docteur ZZ... .
Patrick Z... n'a donc nullement imposé à son épouse ou seulement suscité des choix contestables ou douteux sur le plan médical.
Il résulte au contraire du courrier du Docteur K... du 7 mars 2001 que l'intimé a toujours été présent lors de la maladie de son épouse et qu'il l'a toujours accompagnée et soutenue lors des multiples séjours à la clinique. Ginette M... (cf supra) indique de même avoir été assistée par Patrick Z... dans les soins qu'elle prodiguait à domicile à Anne-Marie X... .
Le fait pour un mari d'entourer sa femme aux derniers moments de sa vie ne saurait constituer une pression ou une manoeuvre.
Aucun comportement fautif émanant de Patrick Z... n'est donc établi, si bien que c'est à bon droit que le premier juge a débouté Francine X... de sa demande à ce titre.
- Sur la demande au titre de la répétition de l'indu :
Ainsi qu'il a été relevé plus haut, Francine X... soutient :
- qu'elle envisageait de racheter à ses soeurs et notamment à Anne-Marie X... leurs parts indivises respectives dans une parcelle plantée de vignes évaluée à 180 000 F ;
- qu'à titre d'acompte sur le prix, elle a adressé à Anne-Marie X... la moitié de la somme lui revenant, soit 30 000 F.
Un courrier de notaire à avocat daté du 22 juin 1999 confirme la réalité du projet de Francine X... à ce sujet.
Il est versé en revanche la photographie d'un chèque de 30 000 F du 10 juillet 1999 à l'ordre d'Anne-Marie X... qui ne démontre à lui seul ni la réalité du paiement (aucun relevé de compte n'est produit) ni que ce paiement, à le supposer acquis, soit lié au projet évoqué.
En tout état de cause, c'est à juste titre que le premier juge a répondu sans être explicitement critiqué sur ce point que Patrick Z... était légataire particulier et qu'il n'était pas en cette qualité tenu des dettes de la succession.
Le débouté s'impose dans ces conditions et le jugement sera également confirmé à cet égard.
- Sur les dommages-intérêts, l'amende civile et l'article 700 du code de procédure civile :
Il convient de rappeler qu'une précédente instance a opposé les parties et que Francine X... a prolongé vainement jusqu'à la Cour de cassation.
Cette procédure n'avait certes pas le même objet que la présente instance puisqu'elle résultait du refus de Francine et Claude X... de délivrer le legs particulier à Patrick Z... et ce pour le motif rappelé plus haut.
Il était cependant loisible à Francine X... de contester à cette occasion la validité du testament et également des contrats d'assurance vie d'autant que cette contestation était déjà envisagée, le Tribunal de grande instance ayant expressément donné acte à Francine X... de ce qu'elle se réservait de soulever la nullité du legs consenti le 23 avril 1999.
Dans ces conditions, l'introduction d'une nouvelle instance tout aussi mal fondée que le refus de délivrance, présente un caractère abusif qui a causé à Patrick Z... un préjudice particulier par la succession injustifiée de deux longues procédures.
C'est à bon droit que le premier juge a alloué pour ce motif des dommages-intérêts à Francine X... mais il convient toutefois d'en modérer le montant à 6 000 €.
Il n'y a pas lieu en revanche d'infliger à Francine X... une amende civile et le jugement sera réformé sur ce point.
Enfin Francine X... qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et au titre des frais irrépétibles afférents à l'instance d'appel, au paiement de la somme de 3 000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts et à l'amende civile,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,
Condamne Francine X... à payer à Patrick Z... la somme de 6 000 € à titre de dommages-intérêts,
Dit n'y avoir lieu à condamner Francine X... à une amende civile,
Condamne Francine X... à payer à Patrick Z... la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Francine X... aux dépens d'appel avec droit pour la SCP FONTAINE-TRANCHAND et SOULARD, avoués associés, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Ct0347
Numéro d'arrêt : 08/00190
Date de la décision : 13/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dijon, 07 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2008-11-13;08.00190 ?
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