La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2008 | FRANCE | N°08/00667

France | France, Cour d'appel de Dijon, Ct0358, 17 juin 2008, 08/00667


Jean- Louis X...
C /
Maître Y... Maître Philippe Z... Madame Camille A... Gaël B...

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 17 Juin 2008

COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 17 JUIN 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 08 / 00667
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 04 AVRIL 2008, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 07 / 00056

APPELANT :
Monsieur Jean- Louis X... né le 15 Juillet 1945 à ALISE SAINTE REINE (21150) Demeurant : ...

représenté par la SCP BOURGEON et

KAWALA et BOUDY, avoués à la Cour assisté de Me Gérard MARTIN, avocat au barreau de DIJON

INTIMES :
Maître Y......

Jean- Louis X...
C /
Maître Y... Maître Philippe Z... Madame Camille A... Gaël B...

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 17 Juin 2008

COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 17 JUIN 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 08 / 00667
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 04 AVRIL 2008, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 07 / 00056

APPELANT :
Monsieur Jean- Louis X... né le 15 Juillet 1945 à ALISE SAINTE REINE (21150) Demeurant : ...

représenté par la SCP BOURGEON et KAWALA et BOUDY, avoués à la Cour assisté de Me Gérard MARTIN, avocat au barreau de DIJON

INTIMES :
Maître Y... pris en sa qualité d'administrateur du redressement judiciaire de Monsieur JL X... Demeurant : ...

représenté par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour
Maître Philippe Z... pris en sa qualité de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de Monsieur JL X... Demeurant : ...

représenté par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour
Madame Camille A... prise en sa qualité de curatrice renforcée de Monsieur Jean Louis X... Demeurant : ...

représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour
Monsieur Gaël B... Demeurant : ...

représenté par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Mai 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur RICHARD, Conseiller, Président, Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du président, Monsieur LECUYER, Conseiller, assesseur, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme GARNAVAULT,
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public,
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par Monsieur RICHARD, Conseiller, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Monsieur Jean- Louis X..., né le 15 juillet 1945, est exploitant agricole en nom propre depuis 1966.
Par suite d'un accident de santé, il a été placé sous sauvegarde de justice le 30 juin 2006, puis, le 21 octobre 2006, sous tutelle, et enfin, par jugement du 13 novembre 2007, sous curatelle renforcée, Madame Camille A... étant désignée en qualité de curateur.
Par jugement du 18 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Dijon a, notamment,- constaté son état de cessation des paiements- ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 18 janvier 2008- désigné Maître Philippe Z... en qualité de mandataire judiciaire et Maître Rémy Y... en qualité d'administrateur judiciaire- renvoyé l'affaire à l'audience du 2 mai 2008 aux fins de statuer soit sur la poursuite d'activité en vue de l'élaboration d'un plan de redressement soit sur la liquidation judiciaire.

L'urgence du dossier a conduit à la fixation de l'affaire au 4 avril 2008.
Par jugement de cette date, le tribunal de grande instance de Dijon a :

Vu la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises,

Vu la loi d'orientation agricole n° 2006-11 du 5 janvier 2006 instaurant notamment le fonds agricole commun,- renouvelé la période d'observation pour une durée de quatre mois- maintenu en conséquence jusqu'au terme de cette nouvelle période d'observation Maître Philippe Z... en qualité de mandataire judiciaire et Maître Rémy Y... en qualité d'administrateur judiciaire

Vu l'article 311-1 du code rural,- ordonné la création d'un fonds agricole des biens de Monsieur Jean- Louis X...- ordonné la cession partielle des biens de Monsieur Jean- Louis X...- désigné Monsieur Gaël B... comme repreneur dans le cadre de la cession partielle des biens du domaine de Monsieur Jean- Louis X... et ce, dans les conditions de son offre et telles que reprises dans le bilan économique et social établi par l'administrateur judiciaire- ordonné la publication du jugement conformément aux dispositions légales- inclus les dépens dans les frais privilégiés de redressement judiciaire.

Monsieur Jean- Louis X... a fait appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 11 avril 2008.
Autorisé par ordonnance du Premier Président de cette Cour du 22 avril 2008, il a fait assigner à jour fixe pour le mardi 20 mai 2008 à 14 heures 15, par actes d'huissier du 29 avril 2008, Maître Rémy Y..., Maître Philippe Z..., Madame Camille A... et Monsieur Gaël B....
Par conclusions déposées le 21 avril 2008, il demande à la Cour, vu les articles L. 642-1 et suivants du code de commerce, vu les articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural, vu l'article L. 311-3 du code rural, d'annuler le jugement entrepris et de mettre à la charge du redressement judiciaire une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
- qu'aucune disposition de la loi du 25 janvier 1985 ou de la loi du 26 juillet 2005 ne donne pouvoir au juge d'imposer au propriétaire de concéder un bail sur ses terres dès lors que celui- ci a proposé un repreneur- que ce repreneur n'était pas tenu de solliciter une autorisation d'exploiter puisque selon l'article L. 642-1 du code de commerce les dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles ne sont pas applicables en l'espèce- que le plan de cession comporte des irrégularités qui entachent le jugement de nullité ; qu'en effet le tribunal n'avait pas davantage le pouvoir d'ordonner la création d'un fonds agricole, d'en fixer la valeur à la somme totalement arbitraire de 23 000 euros et de démembrer ainsi la propriété du propriétaire exploitant.

Par conclusions déposées le 14 mai 2008, Maître Philippe Z..., en qualité de mandataire du redressement judiciaire de Monsieur Jean- louis X..., et Maître Rémy Y..., en qualité d'administrateur du même redressement judiciaire, sollicitent la confirmation du jugement déféré. Ils font observer :
- que selon l'article L. 642-1 alinéa 2 in fine du code de commerce, " lorsque plusieurs offres ont été recueillies, le tribunal tient compte des dispositions des 1° à 4° et 6° à 9° de l'article L. 331-3 du code rural "- que Monsieur D..., candidat choisi par Monsieur X..., a fait l'objet d'une décision de refus de la DDAF- que la valorisation du fonds, dont certains éléments ne sont pas repris, est exempte de critiques.

Par conclusions déposées à la même date, Madame Camille A..., en qualité de curatrice renforcée de Monsieur Jean- Louis X..., et Monsieur Gaël B... demandent qu'il leur soit donné acte qu'ils s'associent aux conclusions déposées par Maître Philippe Z... et par Maître Rémy Y... ès qualités.
La procédure a été régulièrement communiquée au ministère public qui a été avisé de la date de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'il résulte du rapport établi le 31 mars 2008 par Maître Rémy Y... en sa qualité d'administrateur que dès avant le redressement judiciaire, dans le cadre d'une procédure de mandat ad hoc ouverte par ordonnance du 4 avril 2007, une solution de cession partielle de l'exploitation de Monsieur Jean- Louis X..., sous suivi sanitaire rapproché et dont l'urgence de la reprise était signalée, avait été recherchée ;
Que des repreneurs s'étaient manifestés pour une reprise totale ou partielle, soit en location, le débiteur étant propriétaire des terres qu'il exploite, soit en achat du foncier bâti et non bâti, avec DPU, avec ou sans cheptel, et pour certains avec quotas laitiers ;
Que neuf des dix candidats avaient eu à faire une demande d'exploitation à la section spéciale " structures et économie des exploitations " de la commission départementale d'orientation de l'agriculture de Côte d'Or et que tous ces dossiers avaient donné lieu à des décisions de refus motivées notamment comme suit : " Considérant l'article 2-1 du schéma départemental des structures agricoles du 27 juillet 2004, qui fixe comme premier objectif du contrôle des structures de favoriser l'installation d'agriculteurs, la candidature de Monsieur B... Gaël, présentée dans le cadre de son installation, est prioritaire " ;
Que Maître Y... précisait dans son rapport qu'il n'y avait pas eu d'appel d'offres après l'ouverture du redressement judiciaire et ajoutait : " Mention particulière doit être faite de ce que Monsieur B... est le seul candidat à ne pas être concerné par les dispositions du contrôle des structures agricoles (article L. 331-2 du code rural), tel que cela ressort d'un courrier qui lui a été adressé par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt le 27 août 2007 ; il devra néanmoins abandonner son exploitation actuelle de 33 ha 78 ca s'il est retenu pour la ferme X... " ;
Qu'il concluait que le dossier présenté par Monsieur Gaël B... était le seul exploitable et qu'en outre il répondait aux différentes conditions posées par les articles L. 642-1 et L. 642-2 II du code de commerce, ayant au surplus l'avantage de permettre de dégager des fonds pour le paiement d'une partie importante du passif et, pour Monsieur X..., de faire valoir ses droits à la retraite, de percevoir un fermage sur l'ensemble des terres qui restent sa propriété et d'être maintenu dans sa maison ;
Qu'il convient de rappeler que l'offre de Monsieur Gaël B..., en date du 10 mars 2008, peut se résumer comme suit :
- achat intégral du troupeau laitier tel qu'il existe à ce jour pour une valeur HT de 70 000 euros
- achat du fonds agricole pour une valeur HT de 23 000 euros- location de la propriété foncière bâtie et non bâtie de Monsieur X... telle que décrite dans l'offre ainsi que des droits à produire uniques attachés à cette propriété, au terme d'un bail de 18 années, commençant au plus vite et au plus tard le 1er avril 2008 pour se terminer le 11 novembre 2026, cette location ayant lieu moyennant un loyer annuel de 12 000 euros actualisés chaque année compte tenu de la variation de l'indice fermage défini à l'échelle départementale par le préfet, une rémunération gratuite pour les DPU compris dans le bail, dans la mesure où le fonds agricole est acquis pour la somme de 23 000 euros HT ;

Que dans le rapport qu'il avait établi le 17 octobre 2007 en qualité de mandataire ad hoc, Maître Rémy Y... avait toutefois mentionné que Monsieur X... était opposé à la reprise de l'exploitation par Monsieur Gaël B..., préférant, semble- t- il et dans l'ordre, Monsieur D... et ensuite le GAEC LACHOT ;
Attendu que l'article L. 642-1 du code de commerce rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'article L. 631-22 du même code dispose :
" Lorsqu'un ensemble est essentiellement constitué du droit à un bail rural, le tribunal peut, sous réserve des droits à indemnité du preneur sortant et nonobstant les autres dispositions du statut du fermage, soit autoriser le bailleur, son conjoint ou l'un de ses descendants à reprendre le fonds pour l'exploiter, soit attribuer le bail rural à un autre preneur proposé par le bailleur ou, à défaut, à tout repreneur dont l'offre a été recueillie dans les conditions fixées aux articles L. 642-2, L. 642-4 et L. 642-5. Les dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles ne sont pas applicables. Toutefois, lorsque plusieurs offres ont été recueillies, le tribunal tient compte des dispositions des 1° à 4° et 6° à 9° de l'article L. 331-3 du code rural. " ;
Qu'il importe en premier lieu d'observer que l'article susvisé ne paraît pas pouvoir recevoir application en l'espèce puisque l'exploitation de Monsieur X... n'est pas essentiellement constituée du droit à un bail rural qui n'existe pas dès lors qu'il est propriétaire des terres et bâtiments qu'il exploite ;
Qu'il est constant qu'aucune disposition de la loi du 25 janvier 1985 ou de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ne donne le pouvoir au juge d'imposer au propriétaire, fût- il le débiteur, de concéder un bail rural sur ses terres ;
Que même s'il pouvait être considéré que les dispositions sus- énoncées sont applicables en l'espèce, il en résulte que le tribunal ne peut attribuer un bail rural à un repreneur choisi par lui et dont l'offre a été recueillie dans les conditions prévues par la loi qu'à défaut pour le bailleur de demander l'attribution du bail au preneur qu'il propose ;
Qu'or Monsieur X... a choisi de concéder un bail à Monsieur D... plutôt qu'à Monsieur B... ;
Que le tribunal n'avait donc pas le pouvoir de désigner ce dernier comme repreneur, aux termes de l'offre qu'il avait présentée et qui comportait l'attribution d'un bail de dix- huit ans, même s'il estimait, ayant alors à tirer toutes conséquences de cette situation en ordonnant le cas échéant la vente du domaine agricole, que l'offre éventuellement formée par Monsieur D... ne répondait pas aux critères fixés par la loi ou ne correspondait pas à l'intérêt de créanciers ;
Que l'appelant fait encore justement valoir qu'aucune disposition de la loi de sauvegarde des entreprises ne donne au juge le pouvoir d'ordonner la création d'un fonds agricole au profit d'un repreneur, et ce contre la volonté du débiteur ;
Que le tribunal a donc à tort, et sans que soit pour autant encourue la nullité du jugement, entériné l'offre de Monsieur B... telle qu'elle était formulée ;
Que la décision déférée doit donc être infirmée et le dossier renvoyé devant le tribunal pour suite à donner à la procédure ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement rendu le 4 avril 2008 par le tribunal de grande instance de Dijon en toutes ses dispositions à l'exclusion de celles relatives aux dépens,
Renvoie le dossier devant ce tribunal pour suite à donner à la procédure,
Rejette toutes autres demandes,
Inclut les dépens dans les frais privilégiés de redressement judiciaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Ct0358
Numéro d'arrêt : 08/00667
Date de la décision : 17/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dijon, 04 avril 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2008-06-17;08.00667 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award