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28/03/2008 | FRANCE | N°07/00986

France | France, Cour d'appel de Dijon, Ct0347, 28 mars 2008, 07/00986


Marie- Claude X... épouse Y...
Sandrine Z... divorcée A...
C /
Precioza D... épouse B...
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 27 Mars 2008
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE C
ARRÊT DU 28 MARS 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 07 / 00986
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 14 MAI 2007, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 06-580

APPELANTES :
Madame Marie- Claude X... , épouse Y... née le 21 Novembre 1949 à DIJON (21) demeurant : ...

représentée par la SCP BOURGEON- KAWA

LA et BOUDY, avoués à la Cour assistée de Me Marie- Françoise ARGON, avocat au barreau de DIJON

Madame Sandri...

Marie- Claude X... épouse Y...
Sandrine Z... divorcée A...
C /
Precioza D... épouse B...
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 27 Mars 2008
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE C
ARRÊT DU 28 MARS 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 07 / 00986
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 14 MAI 2007, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 06-580

APPELANTES :
Madame Marie- Claude X... , épouse Y... née le 21 Novembre 1949 à DIJON (21) demeurant : ...

représentée par la SCP BOURGEON- KAWALA et BOUDY, avoués à la Cour assistée de Me Marie- Françoise ARGON, avocat au barreau de DIJON

Madame Sandrine Z... , divorcée A... née le 23 Novembre 1971 à DIJON (21) demeurant : ...

représentée par la SCP BOURGEON- KAWALA et BOUDY, avoués à la Cour assistée de Me Marie- Françoise ARGON, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :
Madame Precioza D... , épouse B... née le 20 Avril 1932 à BRASSY (58) demeurant : ...

représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour assistée de la SCP DOREY- PORTALIS- PERNELLE- FOUCHARD- BERNARD, avocats au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Février 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame SCHMITT, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport
Monsieur THEUREY, Conseiller, assesseur,
Madame BOHNERT, Conseiller, assesseur,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame RANGEARD,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par Madame SCHMITT, Président de Chambre, et par Madame RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 14 mai 2007, le tribunal de grande instance de Dijon a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions de Mme Maria D... , décédée le 6 octobre 1977, et de son mari M. Filiberto D... , décédé le 5 juin 1985, en présence d'une part de leur fille Mme Precioza D... , épouse B... , bénéficiaire par ses parents d'une donation en préciput et hors part des deux maisons sises à Montlay-en-Auxois, tout d'abord de leur nue propriété par acte du 28 juin 1968, puis de leur usufruit par acte du 1er octobre 1968, d'autre part de Mmes Marie- Claude X... et Sandrine Z... venant par représentation de Mme Domenica D..., soeur de Precioza, mère de Marie- Claude et grand- mère de Sandrine, décédée le 3 juin 1996 ;
Les premiers juges ont considéré que les donations des époux D... à l'une de leurs deux filles n'avaient pas à être rapportées à leurs successions ni à être réduites, s'agissant de libéralités consenties avec la charge pour l'avenir pour la donataire de soigner sa mère lourdement handicapée, et présentant pour le passé un caractère rémunératoire dans la mesure où Mme B... avait apporté ses soins à sa mère depuis 20 ans lors des donations ;
Le tribunal relevait que les soins donnés pendant 30 ans à une personne gravement handicapée ne pouvaient être évalués à moins de 68 000 euros, valeur des biens telle qu'estimée amiablement par l'expert E..., soit moins de 200 euros par mois, de sorte que la charge étant égale à la valeur des biens, il n'y avait pas lieu à rapport ;
Le tribunal ordonnait l'inscription au passif des successions des époux D... des sommes de 9 146, 94 euros, outre intérêts, correspondant à la reconnaissance de dette notariée du 19 mai 1973 souscrite au profit de Mme B..., et de 1 741, 73 euros, montant des 3 factures des Pompes Funèbres réglées par celle- ci ; les parties étaient déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens étaient partagés entres les 3 parties, avec inclusion en frais privilégiés de partage ;
Appelantes selon déclaration du 14 juin 2007, Mmes X... et Z... demandent à la cour dans leurs conclusions du 11 février 2008 d'ordonner avant dire droit la production par Mme B... des justificatifs des règlements argués de frais médicaux et d'hospitalisation supportés pour sa mère, de ceux des frais funéraires par ses deniers personnels, outre la preuve de l'existence du prêt de 60 000 francs antérieur à la reconnaissance de dette du 9 mai 1973 ; sur le fond elles sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes de rapport et de réduction des donations de 1968 ;
Les appelantes soutiennent qu'il s'agit non d'une donation rémunératoire mais d'une simple donation avec charge, devant être entièrement rapportée compte tenu de l'inexistence du poids de la charge ; elles demandent subsidiairement l'organisation d'une expertise pour déterminer la valeur de la charge et celle des fruits de l'immeuble, en soulignant d'une part que la charge ne saurait représenter plus de 2 heures de travail effectif par jour sur la base du SMIC de l'époque, sans réévaluation, et la moitié seulement du montant ainsi calculé devant être retenue, dès lors que la charge était à supporter en commun par Mme B... et son père ; les appelantes considèrent d'autre part que devra être également déduit le bénéfice procuré à Mme B... et son mari par la jouissance gratuite des immeubles de 1968 jusqu'à ce jour ;
Mmes X... et Z... sollicitent de voir déclarer prescrite la demande d'inscription au passif du montant de la reconnaissance de la dette du 19 mai 1973, et à tout le moins d'appliquer la prescription quinquennale aux intérêts ; elles réclament paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile par l'intimée qui devra supporter les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués BOURGEON- KAWALA- BOUDY ;
A l'appui de leurs prétentions, les appelantes exposent que l'assignation initiale ayant été délivrée le 13 février 2006, avant la loi du 23 juin 2006 entrant en vigueur le 1er janvier 2007, leur action n'est pas soumise à la loi nouvelle et n'est pas prescrite ; elles observent que le patrimoine des époux D... étant pour l'essentiel constitué des maisons données à leur fille Précioza qui a également bénéficié du mobilier et du reliquat des comptes, il y avait lieu à ouverture des opérations de compte liquidation et partage pour le calcul de la part de réserve qui devait revenir à Mme Domenica D..., laquelle ne pouvait être privée du tiers de l'actif net des successions de ses parents ;
Rappelant que Mme B... avait accepté le principe de l'expertise amiable confiée à Maître E..., chargé d'estimer l'état des immeubles dans leur état avant les donations, ce qui a été fait par l'expert qui n'a pas tenu compte des travaux d'agrandissement et de restauration postérieurs aux donations et a fixé une valeur de 64 000 euros, elles soulignent que le poids de la charge était partagé avec l'époux de Mme Maria D..., outre la circonstance que l'ensemble des membres de la famille participait naturellement aux soins à prodiguer à celle- ci ; ainsi il ne peut s'agir d'une donation rémunératoire et la charge n'a été supportée que pendant 9 ans de 1968 à 1977, année du décès de Mme D... dont le mari en retraite depuis 1964 était disponible et apte à s'en occuper ;
Les appelantes rappellent que leur mère et grand- mère, si elle a quitté en 1948 à l'âge de 25 ans la maison familiale, visitait sa mère chaque dimanche pour lui faire sa grande toilette et s'occupait également du ménage et du linge ; elle soulignent que leur grand- mère et arrière grand- mère avait gardé toutes ses facultés mentales, faisait sa toilette quotidienne seule, avait l'usage de ses bras, de sorte qu'elle épluchait les légumes, cousait, tricotait et se nourrissait seule ; jusqu'en 1968 la présence de sa fille Domenica était assidue et il est manifeste que les services rendus par Precioza avant les donations étaient largement compensés par le logement gratuit dont elle bénéficiait avec son mari dans l'une des deux maisons données, lesquelles ont été après le décès de M. D... réunies en un seul logement ;
Ainsi, selon les appelantes, il n'a été imposé par les donations à Mme B... que la charge pour l'avenir de s'occuper de sa mère, mais ce en commun avec son père, et c'est parce que Mme Domenica D... apprenant la première donation a demandé des explications à ses parents qu'une altercation s'en est suivie, avec rupture des liens familiaux, au point de ne pas être informée des décès successifs de ses parents ; elles contestent que Mme B... , qui n'en apporte aucun élément de preuve, ait prodigué des soins en fin de vie à son père, ce qui du reste n'était pas prévu à l'acte de donation et qui n'a relevé que de l'exécution d'une obligation naturelle ; sur le poids très limité de la charge assumée par l'intimée, elles observent que celle- ci n'était pas empêchée de travailler puisqu'elle a gardé des enfants confiés par l'Aide Sociale dès 1970 ;
Sur la reconnaissance de dette, les appelantes soulignent qu'établie le 19 mai 1973 sans échéance, elle était prescrite le 19 mai 2003, outre le caractère suspect d'un prêt réalisé avant la signature de l'acte, hors la vue du notaire, alors que M. D... avait une pension militaire ainsi qu'une retraite et n'exposait aucune dépense, pour ne posséder qu'une bicyclette et ne s'occuper que de son jardin ; elles se considèrent recevables et fondées à prouver par tout moyen outre et contre le contenu de l'acte qui leur est opposé ;
Elles font enfin valoir qu'aucune preuve n'est rapportée que Mme B... , qui tenait les comptes de ses parents ne sachant pas écrire le français, aurait personnellement payé les frais médicaux et d'hospitalisation, ainsi que les factures des Pompes Funèbres ;
Dans ses conclusions du 12 février 2008 Mme B... demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner les appelantes devant supporter les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître GERBAY, avoué, à lui verser une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Acceptant le jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage, ce qu'elle avait contesté en première instance, Mme B... approuve les premiers juges d'avoir considéré qu'il n'y avait pas lieu à rapport, dans la mesure où la charge supportée était égale à la valeur des biens donnés et qu'il s'agissait par conséquent d'un acte onéreux ; quant à son occupation gratuite d'un logement par l'effet de la donation, il ne s'agissait que de l'exercice d'une prérogative liée à sa propriété du bien ;
Mme B... conteste que ses parents aient eu seulement la volonté en 1968 de lui imposer une charge pour l'avenir, alors qu'elle s'occupait déjà de sa mère avec dévouement depuis près de 20 ans, et elle soutient qu'en lui faisant une telle donation ses parents rétribuaient son assistance passée et sécurisaient l'avenir ;
Selon l'intimée qui l'établit par les attestations versées aux débats, notamment celle du Docteur G..., sa mère était paralysée des jambes et du bras droit, et est restée alitée de 1946 à son décès en 1977, et elle rappelle que son père, bûcheron, travaillait au loin et ne revenait à la maison familiale qu'une fois par mois ; elle soutient qu'elle a supporté les frais médicaux et d'hospitalisation de ses parents en fin de vie, sa mère d'avril 1977 au 6 octobre 1977, son père de mars 1985 au 15 juin 1985, réglant en outre leurs frais d'obsèques ;
Elle s'est ainsi sacrifiée pendant 40 ans pour ses parents, en étant présente quotidiennement auprès d'eux ;
Contestant avoir accepté la désignation de Mme E... comme expert, dont seules les appelantes ont réglé les frais, elle critique le contenu de son rapport non établi contradictoirement, et elle souligne que la maison acquise sur adjudication le 19 décembre 1945 pour 145 000 anciens francs a été évaluée lors de la donation 40 000 francs, de sorte qu'il est peu probable que le bien vaille 66 000 euros en 2004 ; quand bien même cette valeur serait retenue, la charge assumée plusieurs dizaines d'années est au moins égale à cette valeur, d'où l'absence de rapport ;
L'intimée observe que la cause d'un prêt n'a pas à être précisée dans l'acte de reconnaissance de dette et est présumée exacte tant que celui qui conteste l'existence du prêt n'apporte pas la preuve contraire ; dès lors que le remboursement était exigible 3 mois après le décès du premier des emprunteurs, soit le 6 janvier 1978, la prescription n'était pas acquise lors de la demande formée avant le 6 janvier 2008 ;
Quant aux frais d'obsèques, elle souligne que 2 des factures sont libellées au nom de son mari, la 3e à son nom, de sorte que ni la succession ni sa soeur ne les ayant réglées, c'est bien la concluante qui a procédé au paiement ;
Mme B... fait enfin valoir que la loi réformant le droit des successions s'est appliquée à compter du 1er janvier 2007, quelle que soit la date de délivrance de l'assignation, et ce faute de dispositions expresses contraires ;
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 47-11, 2e alinéa, de la loi du 23 juin 2006 portant réforme du droit des successions, dispose expressément que par dérogation à l'alinéa précédent qui déclare applicable un certain nombre de dispositions de la nouvelle loi dès son entrée en vigueur aux successions ouvertes non encore partagées, quand une instance a été introduite avant le 1er janvier 2007, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; il en ressort que contrairement à soutenu à nouveau devant la cour par Mme B... in fine de ses écritures, la présente instance introduite par l'assignation du 13 février 2006 est bien régie par la loi ancienne ;
L'acte de donation, en préciput et hors part, avec dispense de rapport, par les époux D... de la nue- propriété de deux maisons attenantes sises à Montlay-en-Auxois à leur fille Precioza a été consenti le 28 juin 1968 avec la charge " pendant la vie de M. D... de soigner en commun avec ce dernier Mme D... tant en santé qu'en maladie dans l'une des maisons données et dans la pièce où elle vit actuellement, de blanchir et raccommoder son linge et ses vêtements, de l'habiller, en un mot de lui fournir tout ce qui est nécessaire à l'existence en ayant pour elle les meilleurs soins et de bons égards, comme aussi de lui faire donner par un médecin ou un chirurgien tous les soins que son état de santé pourra réclamer et de lui faire administrer tous les médicaments prescrits, et après le décès de M. D... s'il pré- décède ou en cas d'impossibilité de ce dernier, d'exécuter seule la charge de soins ci- dessus précisée, et ce jusqu'au jour du décès de Mme D... et en outre de faire la cuisine de Mme D... et de la faire manger comme elle, observation étant faite que tous les frais médicaux et pharmaceutiques et le coût de toutes opérations chirurgicales s'il y a lieu resteront à la charge des donateurs ou du survivant d'entre eux " ; l'acte du 1er octobre 1968 par lequel les époux D... ont donné à leur fille Precioza l'usufruit des deux maisons de Montlay-en-Auxois a expressément repris toutes les charges et conditions stipulées à l'acte de donation de la nue-propriété du 28 juin 1968 ;
Force est pour la cour de constater qu'aucun des deux actes de donation ne fait état des soins déjà prodigués par Mme B... à sa mère les 20 années précédentes, et aucun élément intrinsèque ou extrinsèque auxdits actes n'est démontré qui permettrait de considérer que par ces donations les époux D... entendaient également s'acquitter d'une dette de reconnaissance envers leur fille pour les soins déjà prodigués à Mme D... ;
Il est certes constant que Mme B... a toujours vécu auprès de ses parents et qu'après son mariage elle a été logée gratuitement avec son mari dans la maison attenante à celle occupée par ses parents, étant rappelé que ce n'est qu'après la mort de son père que Mme B... a réuni en un seul logement les deux maisons ; mais si cette proximité quotidienne de l'intimée avec les époux D... permettait qu'elle assiste sa mère, paralysée des membres inférieurs et demeurant alitée, dans les gestes de la vie courante, il n'en demeurait pas moins que l'autre fille des donateurs visitait également chaque semaine sa mère et participait activement tant à sa " grande toilette " hebdomadaire qu'aux travaux de ménage et d'entretien du linge, comme il en est justifié par les appelantes, qui établissent également que Mme D... , qui avait conservé toute sa lucidité, restait malgré son handicap très active, étant apte à se laver sommairement, à se nourrir seule et à faire des travaux d'aiguille, pour peu que les instruments nécessaires fussent mis à sa disposition ;
Mme D..., née le 30 mars 1900, devenue handicapée à l'âge de 45 ans, avait atteint l'âge de 68 ans lors des donations, et il est compréhensible que les époux D... aient par les libéralités précitées, alors qu'ils étaient respectivement âgés de 69 ans et 68 ans, voulu par la charge imposée à leur fille préserver l'avenir de celle d'entre eux qui handicapée depuis plus de 20 ans vieillissait, et ce surtout si elle devait survivre à son conjoint et se retrouver seule ;
C'est inexactement par conséquent que les premiers juges ont considéré que les donations litigieuses présentaient un caractère rémunératoire des soins passés et comportaient une charge pour l'avenir ; infirmant le jugement de ce chef, la cour qualifie les actes du 26 juin 1968 et du 1er octobre 1968 de donations préciputaires avec charge de soins pour l'avenir ;
Il doit en outre être observé que contrairement à ce que soutient l'intimée qui prétend que ses parents étaient libres de l'héberger avec son mari dans leurs immeubles, sans qu'elle dût en rendre compte dans leurs successions, son occupation gratuite avec son mari dans un logement attenant mais distinct de celui de ses parents qui auraient pu le louer à un tiers, constituait un avantage rapportable à leurs successions ; mais comme admis par les appelantes elles- mêmes, cet avantage qui a couru de son mariage du 17 novembre 1951 au 1er octobre 1968, date à partir de laquelle elle a joui de l'ensemble des immeubles donnés sous réserve du droit d'usage et d'habitation stipulé au profit des époux D... dans le second acte de donation, se compense avec les soins quotidiens courants prodigués pendant la même période par Mme B... à sa mère ;
Dès lors, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il doit être tenu compte dans les opérations de compte liquidation partage de chaque succession, et ce pour déterminer la quotité disponible et la réserve du tiers revenant aux ayants droit de Mme Domenica D..., des donations de juin et octobre 1968, avec calcul de la charge de soins assumée par Mme B... du 26 juin 1968, date de la première donation, au 6 octobre 1977, date du décès de sa mère à l'âge de 77 ans et 6 mois, mais ce conjointement avec son père ;
Or il n'est pas contesté que M. D... était retraité depuis 1964 et était présent quotidiennement auprès de sa femme, de sorte que Mme B... ne peut sérieusement prétendre avoir assumé seule la charge de soins pendant 9 ans et 103 jours, alors qu'elle n'établit par aucun élément que pendant cette période son père aurait été dans l'impossibilité en tout ou partie d'exécuter conjointement avec elle la charge ;
Compte tenu de la nature du handicap de Mme D... et de son âge grandissant pendant les 9 ans et 103 jours qu'a duré l'obligation de soins assumée conjointement par sa fille et son mari, il doit être considéré que la charge représentait 6 heures de travail par jour, soit 3 heures pour la seule Mme B... ; il appartiendra par conséquent au notaire liquidateur de calculer le montant de la charge, à déduire de la valeur des biens donnés, sur la base du taux horaire du SMIC en vigueur au fur et à mesure de l'exécution de la charge, mais non selon la valeur du SMIC à la date du partage ; en effet selon une jurisprudence constante (Civ 1 17 décembre 1991), le montant de la charge affectant une libéralité est déterminé au moment de son exécution sans réévaluation ultérieure, que ce soit dans le calcul de la masse partageable avec réunion fictive des biens donnés pour la détermination de la quotité disponible ou dans celui au cas d'excès de ladite quotité de l'indemnité de réduction revenant aux réservataires ;
Sur la valeur des immeubles donnés en leur état à la date des donations, il conviendra que le notaire la détermine à la date d'ouverture de chaque succession dans le cadre de la réunion fictive, mais la cour dispose de suffisamment d'éléments à partir de l'expertise amiable à laquelle ont recouru les appelantes pour fixer la valeur des maisons litigieuses à la date la plus proche du partage ; certes l'initiative de l'expertise incombe aux appelantes mais Mme B... en a été prévenue et a permis à l'expert de visiter les immeubles en cause ; elle ne saurait soutenir que les investigations de l'expert se sont déroulées de façon non contradictoire et qu'il n'a pas été tenu compte par l'expert des travaux d'agrandissement et d'amélioration entrepris postérieurement au décès de ses parents, alors que précisément Mme E... a pris en considération l'état médiocre du toit au moment des donations, ainsi que celui tout aussi médiocre des granges et a exclu les travaux entrepris par les époux B... ; l'expert qui a utilisé plusieurs méthodes d'évaluation a retenu une valeur des immeubles en leur état lors des donations de 68 000 euros, ce qu'approuve la cour, étant observé que la valeur donnée par l'expert est compte tenu de l'évolution du coût de la vie, et notamment du marché immobilier, depuis 1968, soit en 40 années, parfaitement compatible avec la valeur de 40 000 francs donnée aux biens pour l'enregistrement dans les actes notariés de 1968 ;
Les appelantes ne peuvent cependant pas solliciter qu'il soit également tenu compte dans les opérations de compte liquidation et partage de l'avantage résultant de l'occupation gratuite depuis 1968 des immeubles donnés, alors que s'étant vu attribuer l'usufruit desdits biens, 3 mois après l'octroi de leur nue-propriété, Mme B... exerçait ainsi les prérogatives liées à son entier droit de propriété sur les maisons, sous la réserve du droit d'usage et d'habitation de ses parents ; la demande au titre des fruits formée par les appelantes doit être rejetée ;
Sur les frais médicaux et d'hospitalisation que Mme B... prétend avoir supportés quelques mois avant leur décès pour chacun de ses parents, force est de constater qu'aucun élément de preuve n'en est rapportée et qu'il est peu probable que les intéressés n'aient pas disposé d'un régime d'assurance maladie à titre personnel ou comme ayant droit, alors que M. D... bénéficiait d'une pension militaire et d'une retraite ;
Sur la reconnaissance de dette souscrite par les époux D... selon acte notarié du 19 mai 1973 d'un montant de 60 000 francs pour un prêt fait dès avant et hors la comptabilité du notaire, déjà la prescription trentenaire n'est pas encourue, puisque l'exigibilité étant fixée à l'expiration d'un délai de 3 mois suivant le décès du premier emprunteur, le délai n'a couru qu'à compter du 6 janvier 1978, et la demande d'inscription au passif a été formée dans la présente instance avant le 6 janvier 2008 ; certes la cause de la reconnaissance de dette des époux D... par écrit notarié au profit des époux B... est présumée exacte, mais force est de constater qu'eu égard à la rupture intervenue avec leur autre fille depuis 1968, après qu'ils eurent donné à Mme B... en préciput l'ensemble de leurs biens immobiliers, il est manifestement suspect que les époux D... qui menaient une vie très modeste et vivaient retirés dans la maison, dont leur fille devenue seule propriétaire devait assumer l'ensemble des charges, sans disposer de voiture, tout en ayant des revenus tirés de plusieurs pensions de retraite réguliers, aient brusquement eu besoin d'une somme supérieure de 50 % à la valeur estimée des immeubles donnés à leur fille 5 ans auparavant ;
Sont ainsi réunis suffisamment d'éléments pour considérer que le prêt sous-tendant la reconnaissance de dette notariée est fictif, l'acte n'ayant pour objectif que de favoriser leur fille, laquelle prétendant ne plus avoir les pièces justificatives du versement effectif par son mari et elle- même des fonds prêtés, s'est cependant gardée de fournir la moindre indication sur l'affectation des sommes dont ses parents auraient eu l'urgent besoin ;
Infirmant le jugement, la cour rejette la demande d'inscription au passif des successions des époux D... de la somme de 9 146, 94 euros avec intérêts ;
Sur les frais funéraires que Mme B... prétend avoir avec son mari supportés pour chacun de ses parents, déjà la facture du 8 octobre 1977 relative aux frais d'obsèques de Mme Maria D... est faite au nom de Mme D... sans autre précision, de sorte que Mme B... née D... ne peut prétendre faute d'autre élément l'avoir personnellement acquittée ; quant aux frais de marbrier du 5 juin 1978 pour le monument et du 17 octobre 1977 pour le caveau, si les factures sont libellées au nom de M. B..., cette circonstance, alors qu'aucune inscription de paiement n'est mentionnée, ne suffit pas à établir que les époux B... ont personnellement payé ces 3 factures, la cour observant qu'il s'agit de dépenses contemporaines du décès de Mme D... ou exposées dans l'année qui a suivi, alors que son mari était toujours en vie, titulaire de ses pensions et ayant certainement à coeur de supporter seul les dépenses liées à l'inhumation de son épouse dans leur caveau commun dont l'édification venait d'être décidée ; la cour infirme également le jugement en ce qu'il a ordonné l'inscription au passif de la succession de Mme Maria D... de la somme de 1 741, 73 euros ;
La nature familiale du litige conduit au rejet des demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de partage, dans lesquels seront inclus les frais de l'expertise de Maître E..., et avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage des successions de Mme Maria D... décédée le 6 octobre 1977 et de M. Filiberto D... décédé le 5 juin 1985, et désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires de la Côte d'Or avec faculté de délégation sous la surveillance d'un magistrat du siège du tribunal de grande instance de Dijon,
Infirmant le jugement sur le surplus et statuant à nouveau,
Dit que les donations préciputaires consenties par les époux D... à leur fille Precioza D... épouse B... les 28 juin et 1er octobre 1968 ne présentent pas de caractère rémunératoire et sont faites avec une charge de soins pour l'avenir,
Dit qu'elles devront être rapportées dans le cadre de la réunion fictive en vue de déterminer la quotité disponible et la part de réserve revenant aux ayants droit de Mme Domenica D...,
Dit que la charge de soins a été assumée par Mme B... conjointement avec son père du 26 juin 1968 au 6 octobre 1977, soit pendant 9 ans et 103 jours, et qu'elle représentait pour ses deux débiteurs l'équivalent de 6 heures de travail par jour,
Dit que la charge assumée personnellement par Mme B... représente pendant 9 ans et 103 jours l'équivalent de 3 heures de travail par jour à calculer sur la base du SMIC horaire brut en vigueur au fur et à mesure de l'exécution de la charge, sans aucune réévaluation ultérieure,
Fixe à la somme de 68 000 euros la valeur des biens donnés à l'époque la plus proche du partage et dans leur état lors des donations,
Rejette les demandes de Mmes X... et Z... relative aux fruits des biens donnés,
Rejette les demandes de Mme B... au titre de la reconnaissance de dette du 19 mai 1973, et des frais funéraires et de marbrerie,
Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et les déboute de leurs demandes plus amples et contraires,
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de partage, dont les frais d'expertise amiable de Mme E... avancés par les appelantes, et avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Ct0347
Numéro d'arrêt : 07/00986
Date de la décision : 28/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dijon, 14 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2008-03-28;07.00986 ?
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