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15/01/2008 | FRANCE | N°06/01907

France | France, Cour d'appel de Dijon, Ct0358, 15 janvier 2008, 06/01907


Sauveur X...
C /
Société des Paiements PASS (S2P)
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 15 Janvier 2008

COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 15 JANVIER 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 06 / 01907
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 20 SEPTEMBRE 2006, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 06 / 220

APPELANT :
Monsieur Sauveur X... né le 16 Juillet 1933 à TUNIS (Tunisie) Demeurant : ...

représenté par la SCP ANDRE- GILLIS, avoués à la Cour assisté de la SELARL C

hristophe BALLORIN- Karine SARCE- Emilie BAUDRY, avocats au barreau de DIJON

INTIMEE :
Société des Paiments PA...

Sauveur X...
C /
Société des Paiements PASS (S2P)
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 15 Janvier 2008

COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 15 JANVIER 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 06 / 01907
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 20 SEPTEMBRE 2006, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON RG 1re instance : 06 / 220

APPELANT :
Monsieur Sauveur X... né le 16 Juillet 1933 à TUNIS (Tunisie) Demeurant : ...

représenté par la SCP ANDRE- GILLIS, avoués à la Cour assisté de la SELARL Christophe BALLORIN- Karine SARCE- Emilie BAUDRY, avocats au barreau de DIJON

INTIMEE :
Société des Paiments PASS (S2P) Ayant son siège : 1 Place Copernic 91051 EVRY CEDEX

représentée par la SCP FONTAINE- TRANCHAND et SOULARD, avoués à la Cour assistée de Me Stéphane GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur JEANNOUTOT, Premier Président, Président, Monsieur RICHARD, Conseiller, assesseur, Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du président, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme GARNAVAULT,
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
SIGNE par Monsieur JEANNOUTOT, Premier Président, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 27 mars 2001, M. Sauveur X... a souscrit un contrat d'ouverture de compte Carrefour Millénium 3 proposé par la SA SOCIETE DES PAIEMENTS PASS (S2P) en investissant un montant de 300 000 francs.
Par acte d'huissier du 28 mars 2003, exposant s'être aperçu en septembre 2002 que non seulement il ne percevrait pas l'intérêt de 7 % annoncé, mais qu'il subissait une perte de près du tiers du capital investi, il a assigné la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS en annulation du contrat, se plaignant de ne pas avoir été informé que le produit en cause reposait sur un placement boursier et reprochant à son co- contractant un manquement à son obligation d'information compte tenu de son incapacité à comprendre la portée de son engagement, ainsi qu'à son devoir de conseil.
Par jugement du 20 septembre 2006, retenant que malgré une publicité accrocheuse, vantant un taux attractif et un rendement sûr, la lecture de la notice d'information révélait à un consommateur même néophyte qu'il s'agissait d'un placement comportant nécessairement des risques liés à l'évolution de la bourse, que par ailleurs M. X... pouvait différer la signature du contrat s'il ne le comprenait pas, ou difficilement, qu'enfin il ne se trouvait pas dans une situation vulnérable, le Tribunal de grande instance de DIJON l'a débouté de toutes ses demandes et condamné aux dépens.
Monsieur Sauveur X... a fait appel.
Par conclusions déposées le 2 novembre 2007 auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, il demande à la Cour de :
A titre principal
Vu les articles 1108 à 1117 du code civil,
Vu l'article L. 533-4 du Code Monétaire et Financier,
Annuler le contrat Carrefour Millénium 3 souscrit le 27 mars 2001 avec toutes conséquences de droit,
Vu les articles 144 et suivants du nouveau Code de procédure civile,
Nommer si besoin est un expert judiciaire avec la mission de déterminer son niveau de compréhension de la langue française en général et du contrat Carrefour Millénium 3 en particulier,
Vu les articles 184 et suivants du nouveau Code de procédure civile,
Ordonner si besoin est sa comparution personnelle
A titre subsidiaire
Vu l'article 1147 du code civil,
Dire et juger que la société S2P a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil à son égard,
En conséquence,
Condamner la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS (S2P) à lui payer la somme de 23 127, 10 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
En toute hypothèse
Condamner la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS (S2P) à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens.
Il fait valoir :
- que compte tenu de son niveau d'instruction et de compréhension de la langue française, il aurait dû bénéficier d'une information complémentaire et que son consentement n'a pas été suffisamment éclairé,- que notamment il a pu commettre une erreur substantielle sur les qualités du contrat en pensant souscrire un livret d'épargne et non un contrat d'investissement sur les marchés boursiers,- que la législation particulière aux marchés à termes réglementés n'a pas été respectée,- que s'agissant d'un produit financier boursier qui comportait un risque important pour le consommateur, et compte tenu des termes de la publicité réalisée, la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS n'a pas satisfait à son devoir d'information et à son obligation de conseil, la notice d'information figurant au dos du contrat ne suffisant pas à réaliser une information complète et ne permettant pas de démontrer la compréhension que le consommateur a pu avoir du contenu du contrat,- qu'elle a commis une faute en lui conseillant de placer toutes ses économies provenant de la vente de son fonds de commerce dans un seul produit,- qu'en acceptant de rembourser les pertes subies par certains des souscripteurs, la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS a reconnu que sa publicité les avait trompés en ne leur permettant pas de comprendre qu'ils investissaient dans un produit boursier.

Par conclusions déposées le 27 septembre 2007, auxquelles il est pareillement fait référence, la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS (S2P) sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. X... à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Elle allègue :
- que son obligation de conseil a été épuisée par la remise de la notice COB qui vise au titre des souscripteurs concernés " tous souscripteurs ",- que M. X..., qui fait partie de cette clientèle visée et ne relève d'aucun régime de protection des adultes incapables, ne justifie nullement de la nécessité de la " sur- information " qu'il réclame,- qu'il a bien été avisé des risques, mêmes minimes, inhérents au produit proposé,- que ce produit est sûr, sérieux, et a reçu l'approbation de la COB,- que l'information réalisée tant sur le dépliant publicitaire qu'au dos du contrat est lisible et cohérente.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur le vice du consentement
Attendu que M. Sauveur X... soutient en premier lieu que le contrat doit être annulé pour vice du consentement au motif qu'il " a pu légitimement " commettre une erreur sur ses qualités substantielles en pensant souscrire un livret d'épargne et non un contrat d'investissement sur les marchés boursiers ;
Qu'il prétend en effet que compte tenu de son faible niveau d'instruction et de compréhension de la langue française, il n'a pas été à même de saisir les termes techniques figurant sur la notice d'information et que certains éléments comme la remise d'un " livret personnel de suivi de compte ", assimilable à un livret de caisse d'épargne, ou l'envoi d'un " relevé d'épargne " ont favorisé la confusion qu'il a commise ;
Mais que l'existence d'un consentement éclairé doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat ; qu'elle ne peut dépendre d'éléments postérieurs à celle- ci ;
Que le tribunal a exactement décrit le contenu de la notice d'information figurant au verso tant du dépliant publicitaire que de l'ouverture de compte ;
Qu'il en résulte que même si les termes de " bourse " ou de " marchés boursiers " n'apparaissent pas, la référence aux " marchés financiers, actions et autres titres de capital en obligation " est suffisamment explicite et ne permet aucune confusion avec un placement de type " livret de caisse d'épargne " ;
Que Monsieur X... allègue qu'il ne maîtrise pas le français écrit ; qu'il produit des attestations dont il ressort qu'il éprouve des difficultés à comprendre des termes techniques ou spécifiques ou à saisir la finesse de certains vocables ; mais que vivant en France depuis de nombreuses années et exerçant une activité de restaurateur dans un immeuble appartenant à une SCI dénommée " société civile immobilière Famille X... " il ne peut prétendre avoir disposé de moindres facultés de compréhension et d'appréhension des termes techniques employés dans la notice sus- visée que n'importe quel souscripteur non averti et non familiarisé à ces notions ;
Qu'il n'est donc d'aucune utilité de diligenter l'expertise qu'il sollicite ou d'ordonner sa comparution personnelle ;
Qu'en tout état de cause, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, l'appelant reconnaît lui- même avoir été attiré par la publicité vantant le produit ; qu'il a donc disposé d'un délai lui permettant de prendre connaissance sans hâte ni précipitation de la notice très précise et détaillée, qui accompagnait cette publicité ;
Qu'il ne prouve en tout cas nullement l'erreur qu'il allègue, n'ayant fait état de celle- ci que plusieurs mois après la souscription du contrat, lors de l'effondrement des valeurs boursières et de l'importante perte de valeur du capital investi ;
Sur les dispositions particulières aux marchés à termes réglementés
Attendu que M. X... prétend que l'article L. 214-42 du Code Monétaire et Financier, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, disposait que " le règlement d'un fonds commun de placement, institué en vue d'intervenir sur les marchés à terme... ne peut faire l'objet d'aucune présentation par voie de publicité en vue d'inciter le public à la souscription de parts " ;
Qu'il allègue par ailleurs que l'article 3 du règlement 97-02 de la COB édicte un certain nombre de règles relatives aux ordres donnés sur les marchés à terme ;
Mais que ces dispositions ne s'appliquent pas en l'espèce, M. Sauveur X..., qui s'est borné à souscrire à un fonds commun de placement, n'ayant nullement la qualité de donneur d'ordres ;
Sur l'obligation d'information et le devoir de conseil
Attendu que M. Sauveur X... reproche à la SOCIETE DES PLACEMENTS PASS une information insuffisante, pour les raisons déjà évoquées ;
Mais que le tribunal, en décrivant le contenu de la notice d'information, a parfaitement démontré que ce document réalisait une information précise et complète du souscripteur ; qu'il convient d'ajouter que les explications fournies étaient reprises dans un tableau, blanc sur fond vert, l'ensemble faisant clairement référence à un aléa et expliquant de façon précise et lisible le rendement actuariel du placement en fonction de l'évolution positive ou négative de l'indice de référence ; qu'il est ainsi précisément indiqué que le produit financier peut générer un rendement positif de 7 % mais peut aussi aller jusqu'à la perte du capital placé en cas de variation négative de l'indice de référence ;
Que M. X... ne pouvait donc se méprendre sur le fait que le rendement de 7 %, ni même le capital, n'étaient garantis à l'issue du placement ;
Qu'il n'appartient pas à l'établissement financier de définir les notions de base que le consommateur moyen doit pouvoir comprendre spontanément telles que " marchés financiers ", " fonds communs de placement " " indice " " Dow Jones " etc., surtout lorsqu'ils sont illustrés par des exemples chiffrés dont la simple présentation sous forme de performances négatives permet sans aucune difficulté de comprendre que s'ils peuvent engendrer des profits, ils sont également susceptibles de générer des pertes ;
Que M. Sauveur X... a donc, comme les autres souscripteurs de ce produit, bénéficié d'une information suffisante ;
Que s'agissant du devoir de conseil, le tribunal a justement noté que faute pour M. X... de justifier de l'état complet de son patrimoine, il ne lui était pas possible d'affirmer qu'il avait investi la totalité de ses économies dans le placement litigieux ;
Qu'enfin M. Sauveur X... ne saurait se prévaloir d'un aveu extrajudiciaire prétendument passé par l'intimée ; que la SOCIETE DES PAIEMENTS PASS n'a fait que tenter de trouver une issue négociée avec les souscripteurs, postérieurement à la chute vertigineuse des cours provoquée par le crash boursier ; que cette recherche d'une solution transactionnelle ne peut être assimilée à l'aveu d'une faute ;
Que M. Sauveur X... sera débouté de toutes ses demandes ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. Sauveur X... aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par la SCP FONTAINE TRANCHAND et SOULARD conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Ct0358
Numéro d'arrêt : 06/01907
Date de la décision : 15/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dijon, 20 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2008-01-15;06.01907 ?
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