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29/03/2007 | FRANCE | N°05/00896

France | France, Cour d'appel de Dijon, Ct0358, 29 mars 2007, 05/00896


CV / LG

Société CIVAD Michel X... David Y... Olivier Z... Michel A...

C / Société SEEB Jean François B...

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 29 Mars 2007
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 29 MARS 2007
No
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 05 / 00896
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 19 AVRIL 2005, rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DU CREUSOT RG 1ère instance : 04 / 20

APPELANTS :

Société CIVAD Ayant son siège : ZI Henri Paul 71210 MONTCHANIN

Monsieur Michel-Yves X... né l

e 08 Décembre 1945 à Demeurant :... 75016 PARIS

Monsieur David Y... né le 20 Novembre 1973 à Demeurant :... 181-1180 UCCLE ...

CV / LG

Société CIVAD Michel X... David Y... Olivier Z... Michel A...

C / Société SEEB Jean François B...

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 29 Mars 2007
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 29 MARS 2007
No
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 05 / 00896
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 19 AVRIL 2005, rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DU CREUSOT RG 1ère instance : 04 / 20

APPELANTS :

Société CIVAD Ayant son siège : ZI Henri Paul 71210 MONTCHANIN

Monsieur Michel-Yves X... né le 08 Décembre 1945 à Demeurant :... 75016 PARIS

Monsieur David Y... né le 20 Novembre 1973 à Demeurant :... 181-1180 UCCLE (Belgique)

Monsieur Olivier Z... né le 15 Mai 1962 à Demeurant :... 94300 VINCENNES

Monsieur Michel A... né le 31 Juillet 1956 à Demeurant :... 44350 GUERANDE

représentés par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour assistés de Maître ENTREMONT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Société SEEB Ayant son siège : 10 Route de Charlieu 71170 CHAUFFAILLES

représentée par la SCP ANDRE-GILLIS, avoués à la Cour assistée de Me Nicolas BES, avocat au barreau de LYON

Monsieur Jean François B... né le 7 juillet 1946 Demeurant :... 63150 LA BOURBOULE

représenté par la SCP BOURGEON et KAWALA et BOUDY, avoués à la Cour assisté de Me Nagy PAULIN-SEGUIRE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Février 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur LITTNER, Conseiller le plus ancien présidant la Chambre désigné à ces fonctions par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 22 décembre 2006, Président, Monsieur RICHARD, Conseiller, assesseur, Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du Président, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme GARNAVAULT,
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
SIGNE par Monsieur LITTNER, Conseiller, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PRETENTIONS DES PARTIES :

FRAMATOME (devenu AREVA) exploitait par une société filiale, NFM Technologies, une unité d'usinage mécanique au Creusot ; souhaitant se séparer de cette branche d'activité, elle s'est rapprochée de la société SEEB (société des établissements Etienne F...) avec laquelle elle a conclu dès le 31 mars 1999 un accord de confidentialité.

Le 20 mars 2001 a été signé entre la société SEEB, NFM Technologies et FRADELFI, société holding filiale de FRAMATOME, un protocole d'accord aux termes duquel les sociétés FRADELFI et SEEB ont convenu de créer une société commune, destinée à acquérir le fonds de commerce de NFM situé sur le site du Creusot dans son atelier Nord. Cet accord s'est concrétisé par la création de la société UIGM (Unité Industrielle de Grande Mécanique) au capital de 460 000 euros divisé en 28 750 actions de 16 euros chacune entièrement libérées et réparties entre SEEB : 60 %, ses dirigeants et cadres : 10 % et AREVA : 30 %.
Par acte sous seing privé du 27 septembre 2001, la SA NFM Technologies a cédé à la SA UIGM son fonds de commerce de l'activité usinage pour le prix de 899 449 euros comprenant :
-les éléments corporels valorisés à 57 300 euros-les éléments incorporels : 842 149 euros.

UIGM reprenait en outre les éléments d'actif et de passif liés au fonds de commerce ainsi que 65 salariés employés sur le site du Creusot.
Dès l'année 2002, la société UIGM a connu des difficultés financières et les relations entre ses deux actionnaires se sont dégradées. Souhaitant se désengager totalement de ce secteur d'activité, AREVA a accepté que la société soit cédée à un investisseur indépendant, Monsieur Michel Yves X..., et à son groupe, FRANCE ESSOR, qui s'était déjà intéressé à NFM.
Le 19 décembre 2002 a été signé entre Monsieur Michel Yves X..., agissant en qualité d'actionnaire majoritaire de la société CIVAD, et Monsieur Jean Claude K..., Président Directeur Général de la société SEEB, un protocole de cession d'actions UIGM aux termes duquel la société SEEB promettait de céder à la société CIVAD, qui s'engageait à les acquérir,9 000 actions de la société UIGM moyennant un prix de base de 9 000 euros outre un complément de prix de 272 000 euros au cas où certains objectifs, précisément décrits, seraient atteints ; la convention était conclue et consentie sans garantie d'actif et de passif ; elle mentionnait expressément que la société UIGM se trouvait en pertes et difficultés financières et que la société SEEB avait engagé des discussions avec la société CIVAD " aux fins de définir un tour de table ouvert et riche en synergies dans le but de redresser UIGM et de la rendre profitable ".
Diverses conditions générales étaient prévues dont :
-la cession d'actions à Messieurs B..., Y..., Z... et A...-la conclusion d'une promesse de vente d'actions par SEEB au profit de la société CIVAD-la tenue d'une réunion du conseil d'administration de UIGM au cours duquel seraient cooptés au lieu et place des administrateurs actuels autres que Monsieur Jean Claude K... et Monsieur Jean Baptiste G... qui demeuraient en fonction, Monsieur Jean François B..., ce dernier étant pressenti comme Président et Directeur Général, et les sociétés CIVAD et POLIMIROIR.

Au cours de l'assemblée générale extraordinaire de la société UIGM qui s'est tenue le 28 janvier 2003, ont été agréés en qualité de nouveaux actionnaires :
-la société CIVAD (filiale à 99 % de la société FRANCE ESSOR) à hauteur de 31,3 % du capital-Monsieur Y... (dirigeant de la société CIVAD et de la société SFAR, autre filiale à 99 % de la société FRANCE ESSOR) à hauteur de 10 % du capital-Monsieur B... (futur Président Directeur Général de la société UIGM) à hauteur de 5 % du capital-Monsieur A... (dirigeant des sociétés OUEST COATING et MECACOATING, filiales à plus de 95 % de la société POLIMIROIR, elle même filiale à 99 % de la société FRANCE ESSOR) à hauteur de 4,2 % du capital-Monsieur Z... (directeur de la société POLIMIROIR) à hauteur de 4,2 % du capital.

Le 29 janvier 2003 ont été signées les cessions d'actions moyennant le prix de 9 000 euros pour les 9 000 actions cédées à la société CIVAD et un euro pour les actions cédées à Messieurs Y..., A..., Z... et B....
Le même jour s'est tenu un conseil d'administration qui a constaté la démission de deux administrateurs et leur remplacement par Monsieur David Y..., représentant permanent de la société CIVAD et Olivier Z..., représentant permanent de la société POLIMIROIR.
A ce même conseil, Monsieur Jean François B... a été nommé Président d'UIGM pour la durée de son mandat s'achevant le 30 septembre 2003.
Dès le mois de février 2003, les relations entre les actionnaires d'UIGM se sont dégradées.
Le cabinet d'expertise comptable Corgeco établissait une situation intermédiaire arrêtée au 28 février 2003 faisant apparaître une perte de 761 441 euros sur la période d'activité d'octobre 2002 à février 2003.

Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 mars 2003 a été décidée à l'unanimité une augmentation de capital d'un million d'euros par émission de 62 500 actions nouvelles.

A l'issue de cette assemblée s'est tenu un conseil d'administration au cours duquel il a été constaté que les engagements de souscription n'atteignant que 61 % de l'augmentation de capital prévue, celle ci ne pourrait être réalisée, ce qui entraînerait une impasse de trésorerie de 355 000 euros dès le 31 mars 2003.

Au cours de ce même conseil était communiqué aux administrateurs le rapport de Monsieur I..., expert, concluant à l'absence de sincérité des comptes annuels arrêtés au 30 septembre 2002 et approuvés lors de l'assemblée générale du 10 janvier 2003 sur rapport du commissaire aux comptes, Monsieur Robert J....
Le 31 mars 2003, Monsieur Jean François B..., Président Directeur Général de UIGM effectuait la déclaration de cessation des paiements de cette société qui était placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chalon Sur Saône du 3 avril 2003.
Par jugement du 31 juillet 2003, le même tribunal se prononçait sur le plan de redressement par cession totale de l'entreprise UIGM au profit de FRANCE ESSOR par sa filiale Creusot Mécanique au prix de 800 000 euros outre la reprise de 50 contrats de travail ainsi que la poursuite du bail commercial avec Harfleur 2000, du contrat de partenariat industriel conclu avec NFM Technologies et de la reconduction des contrats de fourniture.
Par acte d'huissier des 19 et 22 décembre 2003, la société SEEB assignait-la société CIVAD-Monsieur Michel Yves X...-Monsieur David Y...-Monsieur Jean François B...-Monsieur Olivier Z...-Monsieur Michel A...

afin d'obtenir leur condamnation à lui payer, avec exécution provisoire, la somme totale de 1 036 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Elle invoquait :
-l'obligation d'exécution de bonne foi des conventions découlant de l'article 1134 du Code civil-l'article 1382 du Code civil dont il ressort que " toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction "

-la violation du pacte social par un abus de majorité commis par un groupe d'actionnaires au préjudice des minoritaires-sur le fondement de l'article L 225-252 du Code de commerce, la faute commise par les administrateurs de la société UIGM.

Monsieur Jean François B... demandait au tribunal de constater qu'il avait saisi le conseil des prud'hommes du Creusot et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive sur le fond.
Les autres défendeurs concluaient à l'incompétence territoriale du tribunal de commerce du Creusot au profit de tribunal de grande instance de Dole, saisi d'une demande en paiement formée par eux mêmes à l'encontre de la société SEEB, de Messieurs K..., Q..., M..., F... et J....
Par jugement du 19 avril 2005, le tribunal de commerce du Creusot
-s'est déclaré compétent-a dit recevable et partiellement fondée l'action engagée par la société SEEB à l'encontre de la société CIVAD et de Messieurs X..., Y..., Z... et A...-a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Dole-a déclaré hors de cause Monsieur Jean François B... et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-a débouté la société CIVAD, Messieurs X..., Y..., Z... et A... de leur demande de dommages et intérêts ainsi qu'au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société CIVAD, Messieurs X..., Y..., Z... et A... ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 29 janvier 2007 ils demandent à la Cour de :
-dire, sur le fondement de l'article 66. 5 de la loi no 71 1130 du 31 décembre 1971, que la communication des correspondances de la SCP Marque à Monsieur X... (pièces no 41 et 42 du bordereau établi par Monsieur B...) et leur reproduction partielle dans les conclusions de la société SEEB et de Monsieur B... constituent une violation du secret professionnel. En conséquence dire que ces pièces seront écartées des débats et que toute référence à leur existence sera occultée dans les écritures des intimés.-réformer le jugement entrepris-statuant à nouveau-dire irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes de la société SEEB et l'en débouter

-condamner la société SEEB à leur payer la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts-dire irrecevables les demandes formées par la société SEEB devant la Cour non tranchées par les premiers juges-dire irrecevables les demandes de Monsieur Jean François B... comme ayant été formées pour la première fois en cause d'appel-débouter la société SEEB et Monsieur B... de l'ensemble de leurs demandes et subsidiairement renvoyer l'affaire à la mise en état afin de leur permettre de conclure utilement-condamner la société SEEB à leur payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-condamner Monsieur B... à leur payer la somme de 5 000 euros sur le même fondement-les condamner aux dépens.

Par conclusions déposées le 5 février 2007, la société SEEB demande à la Cour de :
-confirmer le jugement entrepris * en ce qu'il a dit recevable et fondée l'action qu'elle a engagée à l'encontre de la société CIVAD et de Messieurs X..., Y..., Z... et A... * en ce qu'il a dit la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... tenus de réparer le préjudice qu'elle a subi sous forme de dommages et intérêts * en ce qu'il a débouté la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... de leur demande reconventionnelle ainsi que de celle présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-le réformer * en ce qu'il a déclaré hors de cause Monsieur Jean François B... et statuant à nouveau dire Monsieur Jean François B... tenu solidairement ou in solidum avec la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... à réparer le préjudice qu'elle a subi-ajoutant ou réformant pour le surplus-vu l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, vu l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, dire et juger irrecevables et en toutes hypothèses infondés la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... en leur demande tendant à ce que des pièces versées aux débats depuis la procédure de première instance soient écartées des débats ou que leur existence soit occultée dans les écritures des intimés-dire ses demandes recevables et bien fondées-condamner solidairement ou in solidum la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui payer la somme de 1 036 000 euros, sauf à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation

-plus subsidiairement
-condamner les mêmes solidairement ou in solidum à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice et ordonner une expertise afin d'évaluer celui ci-condamner solidairement ou in solidum la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-condamner les mêmes aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées le 29 janvier 2001, Monsieur Jean François B... demande à la Cour de :
-dire irrecevable et en tout cas mal fondée la demande des appelants visant le retrait de ses productions de pièces no 41 et 42-confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré hors de cause-confirmer le jugement en ce qu'il a dit recevable et partiellement fondée l'action engagée par la société SEEB à l'encontre de la société CIVAD et de Messieurs X..., Y..., Z... et A...

-sur sa demande reconventionnelle
-condamner la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui payer in solidum les sommes suivantes : * 294 239,40 euros au titre de son préjudice financier induit par la ruine définitive de la valeur patrimoniale des 1 500 actions détenues dans cette société * 12 000 euros au titre de son préjudice de carrière * 10 000 euros au titre de son préjudice moral

-infiniment subsidiairement, condamner les mêmes in solidum à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur le seul préjudice financier et ordonner une expertise-condamner solidairement ou in solidum la société CIVAD et Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile-les condamner aux dépens.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties à la décision déférée et aux conclusions ci dessus visées.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de retrait des pièces no 41 et 42
Attendu qu'au motif que leur communication et leur reproduction partielle constituent une violation du secret professionnel, la SA CIVAD, Messieurs X..., Y..., Z... et A... demandent que les pièces no 41 et 42 du bordereau établi par Monsieur Jean-François B... soient écartées des débats et que toutes références à leur existence soient occultées dans les conclusions des intimés ;
Que la société SEEB et Monsieur Jean-François B... répondent que les pièces litigieuses sont dans le débat depuis le début de la procédure de première instance et que le jugement s'y réfère expressement de sorte que la demande de retrait constitue une prétention nouvelle, irrecevable en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile ; qu'ils ajoutent que cette demande est de surcroît mal fondée ;
Que l'article 563 du nouveau Code de procédure civile dispose toutefois que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves Que la demande tendant à ce que soient écartées des débats certaines pièces ne modifie pas les prétentions originaires des parties mais se rapporte aux moyens de parvenir à la satisfaction de ces prétentions ;

Que la demande n'est donc pas irrecevable ;
Attendu que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997 applicable en l'espèce, dispose qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ;
Que les deux pièces dont s'agit sont des fax adressés par Maître Jean-Pierre O... à Monsieur Yves X... de la société SFAR ;
Qu'elles portent les références AFF. UIGM-RJ ; qu'elles se rapportent donc à la procédure de redressement judiciaire dont la société UIGM a été l'objet ; qu'or le 15 avril 2003, sous la même référence, Maître Jean-Pierre O... a adressé à Monsieur B..., directeur d'UIGM, sa note d'honoraires libellée à l'ordre de cette société ; que Monsieur Yves X..., sans lien de droit avec la société UIGM, n'est donc pas le client de Maître O..., mais un tiers à la procédure de redressement judicaire à laquelle ces pièces se rapportent ;

Que ces pièces ont été produites à l'initiative de Monsieur Jean-François B..., dirigeant de la société UIGM, elle même cliente de l'avocat ;

Que les appelants ne sont donc pas fondés à demander qu'elles soient écartées des débats ;

Sur le fond :

Sur la demande principale
Attendu qu'il résulte des pièces produites les éléments suivants :
-il est précisé au protocole d'accord du 20 mars 2001 que NFM a engagé une réflexion sur l'évolution de ses différentes activités qui l'amène à rechercher des partenaires permettant d'assurer un développement pérenne à celles-ci ; la société SEEB s'est engagée aux termes de cette convention à acquérir à première demande de FRADELFI entre la deuxième et la troisième année suivant la création de la Société, l'ensemble de la participation résiduelle de FRADELFI dans cette Société à un prix déterminé à la convention ;
-à partir du mois d'avril 2002, la société UIGM a commencé à connaître de graves difficultés tenant, selon les conclusions déposées par la société SEEB devant le tribunal de commerce de Nanterre saisi d'une demande en paiement formée par la société AREVADELFI à son encontre en application de la convention sus visée, à une sous activité croissante et à une aggravation du problème de la maintenance des machines ; le 9 juillet 2002, Monsieur Jean-Claude K..., Président Directeur Général d'UIGM écrivait au Directeur Général de NFM TECHNOLOGIE : " La situation de maintenance : elle est devenue catastrophique au point de paralyser un tiers de notre production et rendre impossible la prise en commande de nombreuses pièces, ne pouvant compter sur la disponibilité réelle des machines et leur bon fonctionnement... cette situation met gravement en péril l'existence même d'UIGM et rend impossible la continuité de l'exploitation... compte tenu du contexte qui lui est imposé, très différent de ce qui avait été prévu au contrat, si SEEB ne se sentait pas capable de réussir seule, vu les conditions de délabrement de l'outil de travail, les répercutions sur la motivation des équipes et leurs capacités techniques avérées, notre responsabilité d'entrepreneur, tant sur le plan économique que social, pourrait nous conduire à rechercher un partenariat complémentaire pour assurer un avenir à cette reprise " ;
-le 2 décembre 2002, Monsieur Jean-Claude K... écrivait au Président Directeur Général d'AREVADELFI que les désordres occasionnés par les manquements contractuels souscrits lors de la cession à UIGM n'étaient toujours pas solutionnés et que, compte tenu d'une conjoncture difficile, ils étaient dans l'obligation d'arrêter, d'ici à la fin de l'année, une restructuration au sein d'UIGM ; il indiquait :
" Deux solutions vous ont été proposées :-la participation financière des actionnaires, de l'ordre de un million d'euros, à la recapitalisation et à la restructuration-et / ou le développement de nouvelles synergies avec de nouveaux partenaires ;

-dans le rapport du conseil d'administration à l'AGE du 28 janvier 2003, il était signalé que la société UIGM se trouvait en perte et difficultés financières ; ce préambule était repris dans le protocole de cession d'actions du 19 décembre 2002 ;
-par lettre du 12 mars 2003, la SA CORGECO, société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes chargée d'établir la situation intermédiaire arrêtée au 28 février 2003 faisait connaître à la SA UIGM que * le chiffre d'affaires présentait un net fléchissement soit une baisse de 480 885 euros * la période des cinq premiers mois de l'exercice ouvert le 1er octobre 2002 mettait en évidence une absence de rentabilité économique et financière et se soldait par un déficit d'étape de 761 441 euros * la capacité d'autofinancement était négative de 521 753 euros et les billets de trésorerie mobilisés en fin de période n'avaient pas permis de couvrir ce déséquilibre * le rapport des capitaux propres par rapport aux capitaux propres étrangers était hors normes habituelles et risquait de peser sur la trésorerie immédiate et de mettre en danger la pérennité de l'entreprise ;

-monsieur Jean I..., expert honoraire près la Cour de Cassation, recevait pour mission d'examiner et de réviser les comptes de la SA UIGM au 30 septembre 2002 ; il concluait le 26 mars 2003 que ces comptes ne lui apparaissaient pas réfléter la situation sincère de la société, principalement car ils avaient été arrêtés en l'absence d'inventaire physique et que le conseil avait pêché par optimisme en retenant pour le matériel acquis avec le fonds un taux d'amortissement identique à celui appliqué au matériel neuf alors qu'il s'agissait de matériel ancien ;-dans ses conclusions déposées devant le tribunal de commerce de Nanterre, la société SEEB écrit : " c'est dans ce contexte qu'au début du mois de mars 2003 le nouveau Président du Conseil d'Administration informait chacun des actionnaires, dont la société AREVADELFI, de la nécessité d'opérer, sans délai, une augmentation de capital d'au moins 1 million d'euros, augmentation de capital à mettre en place ensuite d'un Conseil d'Administration convoqué pour le 13 mars 2003 et une AGE du 31 mars de la même année, et ce, sous la menace d'une déclaration de cessation des paiements " ; elle ajoute que pour toute réponse la société AREVADELFI a persisté à lui réclamer l'exécution de sa promesse d'achat des 8 625 actions d'UIGM qu'elle possède ; qu'elle lui a alors répondu : " compte tenu des difficultés de la société qui devraient pourtant vous interpeller, nous trouvons extraordinaire de ressusciter le protocole de mars 2001 au moment précis où les actionnaires sont appelés à une augmentation de capital pour assurer la survie de l'entreprise " ;

-le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinaire du 28 mars 2003, signé de tous les administrateurs, dont Monsieur K... mentionne :
" Vous êtes réunis en assemblée générale extraordinaire pour décider l'augmentation du capital de la société pour 1 million d'euros... cette opération est rendue indispensable pour la survie de la société ; en effet le Conseil a pris connaissance de la situation réelle de la société qui est profondément détériorée... La trésorerie disponible ne permettra plus, dans les jours à venir, de couvrir le passif exigible. Le seul moyen d'éviter de saisir le Tribunal d'une déclaration de cessation des paiements est de décider une telle augmentation sur l'engagement préalable de chacun des actionnaires de souscrire à cette augmentation. En effet, à défaut, les prescriptions légales concernant l'obligation de déclaration au Greffe du Tribunal ne pourraient être respectées. " ;
-il est précisé dans la note annexe à ce rapport, également signée de Monsieur K... :
-que la conséquence des pertes constatées fin février 2003 est que la structure financière de la société est désormais totalement déséquilibrée-que l'augmentation de capital nécessaire est d'au moins 1 million d'euros ; qu'une telle augmentation permettrait de remettre les capitaux propres à + 480 K euros et la dette à 830 K euros soit encore un endettement élevé de 173 % ; qu'une augmentation de capital inférieure ne servirait donc à rien ; que pour un endettement raisonnable, une augmentation de capital de 1 500 000 euros serait plus réaliste-qu'en l'absence de cette augmentation de capital, la société se trouvera en état de cessation des paiements dès la fin mars-que l'échec du projet UIGM et les pertes générées pendant les dix sept derniers mois résultent des causes suivantes : un manque de commandes, une structure trop lourde et trop coûteuse, des difficultés de gestion diverses ;-que le groupe SEEB devait apporter 20 000 heures de travail par an ; qu'en réalité, il sera incapable de fournir une commercialité substantielle à UIGM (500 heures seulement) ; qu'il n'y a pas de synergies entre SEEB et UIGM ;-qu'au départ la société UIGM est construite avec des capitaux propres beaucoup trop faibles et des dettes bancaires beaucoup trop élévées avec un ratio initial de 217 % ; qu'au départ les capitaux propres ne couvrent même pas l'achat du fonds de commerce et qu'il suffit d'une année de pertes pour mettre la société dans une situation impossible ; Dans cette même annexe, un projet était élaboré, faisant état d'une deuxième augmentation de capital, de la résolution du conflit avec NFM, de la diminution de certaines charges, d'une politique commerciale plus dynamique et d'un effectif peut-être réduit ;

-dans le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 28 mars 2003 à laquelle participaient Monsieur B..., Président du Conseil d'Administration, Monsieur K..., administrateur, Monsieur G..., administrateur, Monsieur Y..., représentant permanent de la société CIVAD, administrateur, Monsieur X..., représentant permanent de la société POLIMIROIR, administrateur, il est noté :-que les comptes de la société au 28 février 2003 établis par le Cabinet CORGECO sont présentés ; qu'avec une perte de 760 000 euros pour cinq mois ces comptes sont malheureusement catastrophiques ;-que le rapport d'expertise de Monsieur I... confirme que les comptes à fin septembre 2002 sont gravement inexacts ;-que le seul point positif est la prise de commandes des deux derniers mois qui s'élève à 400 000 euros par mois et est donc en hausse de 75 % sur les cinq mois précédents, plus de 200 000 euros sur les 800 000 provenant de SFAR ;-que seuls la société SEEB, Monsieur Jean-Claude K..., Monsieur Jean-François B..., la société CIVAD, Messieurs Y..., Z..., A... et la société POLIMIROIR se sont engagés à souscrire à l'augmentation de capital pour un total de 611 700 euros ;-que le Président constate avec regret que les souscriptions ne représentent que 61 % de l'augmentation de capital prévue et que celle-ci ne peut donc être réalisée ;-que de ce fait une impasse de trésorerie apparaît dès le 31 mars 2003 c'est à dire qu'il manquera environ 350 000 euros pour régler les créanciers à cette date ; que dès le 8 avril 2003 cette impasse gonfle à 550 000 euros du fait du non renouvellement de certaines lignes bancaires à court terme ;-que le Président a donc invité les administrateurs à constater la cessation de paiement qui le conduit à déposer le bilan ; Monsieur K... a alors contesté le rapport I... et l'état de cessation des paiements ;

Monsieur X... a exposé qu'il y avait deux solutions simples et immédiates pour éviter le dépot de bilan : la première serait que SEEB rachète les actions UIGM vendues le 29 janvier annulant ainsi la vente à cette date et procède seul à l'augmentation de capital, la seconde que SEEB achète de suite les actions FRAMATOME et que FRANCE ESSOR et SEEB fassent ensemble l'augmentation de capital d'un million d'euros ;
Monsieur K... a indiqué qu'il refusait les deux solutions ; il a donné sa démission d'administrateur ;
-au cours de la procédure de redressement judiciaire, Maître Eric P..., administrateur judiciaire, a déposé le 25 juillet 2003 son bilan économique et social qu'il a conclu de la manière suivante :
" La situation actuelle de la société UIGM se caractérise par l'émergence de pertes financières importantes au 31 juillet 2003 avec, en corollaire, une trésorerie exangue ne lui permettant plus de faire face à ses charges courantes d'exploitation.
La présentation d'un plan de continuation paraît totalement impossible, dès lors qu'il a été constaté les faits suivants :
-il existe un important antagonisme entre les groupes SEEB et FRANCE ESSOR, principaux actionnaires d'UIGM-la présentation d'une telle solution imposerait l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre une recapitalisation d'envergure-Monsieur Jean-François B... développe un important ressentiment à l'encontre de Monsieur X... lequel dépasse très largement leur sphère personnelle et rejaillit de façon négative sur le fonctionnement de l'entreprise.

Dans ces conditions, seul un plan de redressement par voie de cession à un tiers constitue l'alternative à la liquidation judiciaire " ;

-il est précisé dans le jugement d'adoption du plan de cession du 31 juillet 2003 :

" Le juge commissaire rappelle qu'UIGM est dans une impasse ; que si l'on peut regretter que l'augmentation de capital n'ait pas eu lieu, on ignore si un million d'euros aurait suffi ; et que le tribunal est confronté d'un côté à une proposition ferme aujourd'hui et de l'autre côté à une espérance en septembre ;
Monsieur le Procureur constate que le tribunal n'a pas d'autre perspective, compte tenu de l'urgence, que celle d'homologuer l'offre de reprise. Il considère en outre que le groupe FRANCE ESSOR a bien la qualité de tiers...
Il convient donc, dans ces conditions, plutôt que de courir le risque d'une aggravation de la situation économique de l'entreprise qui pourrait déboucher sur une liquidation judiciaire avec licenciement de l'intégralité du personnel, de ne pas reporter à plus tard l'opportunité de la cession et d'accepter l'offre de reprise de FRANCE ESSOR / Monsieur X... avec prise d'application au 1er août 2003 " ;
-le 1er août 2003, Monsieur Jean-Luc S..., commissaire aux comptes, chargé par la société SEEB de donner son avis sur le rapport I..., a conclu que les ajustements opérés par ce dernier dans son rapport à hauteur de 315 000 euros ne lui apparaissaient pas justifiés, qu'aucun élément ne permettait de remettre objectivement en cause les comptes de la société UIGM tels qu'ils avaient été arrêtés au 30 septembre 2002 et qu'enfin sur le plan financier il n'avait pas constaté de retards anormaux de paiement au 30 septembre 2002 et encore moins une situation irrémédiablement compromise à cette date ;
-l'expert commis par le tribunal de grande instance de Dole dans le cadre du litige opposant la société CIVAD et Monsieur Y... à la société SEEB, Messieurs K..., Q..., M..., F..., J... et au Cabinet FIDULOR a conclu également que les comptes présentés par UIGM au 30 septembre 2002 étaient réguliers et sincères ; il a précisé : " lorsqu'il y a eu le transfert de titres entre associés plusieurs mois après la clôture de l'exercice, la situation d'UIGM a certainement évolué et il est regrettable pour des professionnels avisés qu'une situation comptable à fin mars 2003 n'ait pas été présentée et arrêtée contradictoirement, ce qui aurait permis de connaître la véritable situation de UIGM à la date du transfert ;
-par jugement du 26 juillet 2006 le tribunal de grande instance de Dole a constaté le désistement de la société CIVAD et de Monsieur Y... de l'action en indemnisation pour dol qu'ils avaient engagée contre la société SEEB, Messieurs K..., Q..., M..., F... et J... et a débouté ces derniers de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-il y a lieu de retenir que dans le cadre du présent litige, la société CIVAD a la qualité d'administrateur d'UIGM, Monsieur Y... est son représentant permanent, Monsieur Z... est le représentant permanent de la société POLIMIROIR, administrateur d'UIGM, et non Monsieur X... comme indiqué par erreur dans le procès-verbal du conseil d'administration du 28 mars 2002, celui-ci est le cocontractant de la société SEEB en qualité d'actionnaire majoritaire de la société CIVAD, et la société SEEB lui attribue le rôle de dirigeant de fait d'UIGM ; Monsieur B... est administrateur, président du conseil d'administration et directeur de la société UIGM, la société CIVAD et Messieurs X..., B..., Z..., Y... et A... ont la qualité d'actionnaires d'UIGM ; enfin la société SEEB est actionnaire minoritaire de la société UIGM et le cocontractant de Monsieur X... et de la société CIVAD ;

Attendu que la demande formée par la SA SEEB à l'encontre de la société CIVAD et de Messieurs B..., X..., Y..., Z... et A... repose sur trois fondements différents qu'il convient d'examiner successivement ;
-abus de majorité
Attendu que la SA SEEB indique dans ses écritures : " il est de droit constant que toute décision sociale caractérise l'abus de majorité si elle a lieu dans l'intérêt égoïste d'un groupe d'actionnaires au préjudice des minoritaires... c'est l'exercice abusif du droit de vote qui est sanctionné par l'abus de majorité. Celui-ci peut se manifester à l'occasion d'un conseil d'administration ou d'une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire... il doit pouvoir affecter notamment la décision prise par le conseil d'administration de déclarer l'état de cessation des paiements de l'entreprise après avoir refusé de mettre en oeuvre une augmentation de capital " ;
Que les appelants relèvent toutefois à bon droit que le refus de mettre en oeuvre une augmentation de capital n'est matérialisé en l'espèce par aucune décision sociale seule susceptible de faire l'objet d'une action sur le fondement de l'abus de majorité ;
Que ce n'est en effet que lorsque l'assemblée générale prend une délibération conforme à l'intérêt des majoritaires mais contraire à celui de la société que les minoritaires peuvent, en se fondant sur l'article 1382 du Code civil, obtenir l'annulation de la délibération et former une demande accessoire en dommages et intérêts contre les actionnaires majoritaires ;
Qu'il est constant que les décisions querellées n'ont pas été prises par l'assemblée générale des actionnaires d'UIGM mais par son conseil d'administration ;
Que la SA SEEB n'est donc pas fondée à invoquer un abus de majorité ;

-faute des administrateurs et des dirigeants

Attendu que la SA SEEB soutient encore qu'en application de l'article 225-252 du Code de commerce, la responsabilité des administrateurs des sociétés anonymes peut être mise en cause notamment en réparation du préjudice subi personnellement par les actionnaires, étant rappelé qu'il résulte de l'article 225-20 alinéa 1 du Code de commerce que les représentants permanents d'une personne morale nommée administrateur encourent la même responsabilité civile que s'ils étaient administrateurs en leur nom propre ;
Que les appelants lui opposent que son action est irrecevable dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice strictement personnel et d'une faute des dirigeants détachable de leurs fonctions ; qu'ils ajoutent que la société UIGM ayant fait l'objet d'une procédure collective, la seule action en responsabilité civile recevable à l'encontre des dirigeants pour les fautes antérieures au jugement d'ouverture est l'action en comblement de passif ;
Attendu qu'il est de principe que l'action en comblement de l'insuffisance d'actif est exclusive de la responsabilité civile de droit commun et qu'elle ne se cumule pas avec celle du droit commun des sociétés commerciales ou du droit commun de la responsabilité civile ;
Que la société SEEB affirme toutefois à bon droit que ces actions demeurent recevables lorsque l'insuffisance d'actif n'est pas allèguée, ce qui est le cas en l'espèce ;
Qu'il résulte de l'article L225-252 du Code de commerce que la responsabilité des administrateurs et des dirigeants peut être mise en cause soit au moyen d'une action personnelle, lorsque le préjudice est subi personnellement par les actionnaires, soit au moyen d'une action sociale ;
Que dans l'exercice de l'action personnelle, l'associé est un tiers à l'égard de la société et qu'en conséquence les administrateurs et dirigeants ne sont responsables vis à vis de lui que des fautes séparables de leurs fonctions ; que la violation de leur obligation de loyauté n'est pas nécessairement constitutive d'une telle faute ;
Qu'à supposer que la faute reprochée aux administrateurs ou dirigeants de la société UIGM puisse être considérée, compte tenu des manoeuvres et agissements déloyaux imputés à Monsieur X... et à ses " alliés ", accusés d'avoir mis en oeuvre une stratégie " juridico-financière ", comme séparable de leurs fonctions, encore faut-il que l'actionnaire qui intente l'action individuelle ait subi personnellement un préjudice indépendant de celui causé à la société ; que ne peut être réclamée, sous forme d'action individuelle, la réparation d'un préjudice, non pas personnel, mais seulement corollaire du préjudice global subi par la société ;
Que la SA SEEB fait état au titre de son préjudice des éléments suivants :-la ruine définitive de la valeur patrimoniale de sa participation minoritaire résiduelle soit une perte de 714 000 euros-l'impossibilité définitive de percevoir le complément de prix fixé forfaitairement à la somme de 272 000 euros-l'atteinte à son image, à son crédit et à sa réputation dans le bassin industriel de son siège social, soit la somme de 50 000 euros ;

Que le premier élément de préjudice invoqué n'est manifestement pas personnel à la société SEEB puisqu'il découle du préjudice global de la société UIGM, à savoir la perte de valeur de son capital ;
Que s'agissant du deuxième élément, il importe que la société SEEB établisse la réalité de la perte qu'elle allègue ; qu'or, selon le protocole de cession d'actions du 19 décembre 2002, le versement du complément de prix de 272 000 euros était subordonné à la réalisation de conditions très précises dont la société SEEB ne démontre pas qu'elles auraient été remplies si la société UIGM n'avait pas été placée en redressement puis en liquidation judiciaire ;
Qu'en tout état de cause il reste à démontrer la faute invoquée ;
Qu'à cet égard la société SEEB fait grief aux administrateurs et dirigeant d'UIGM, arguant de ce qu'ils émanaient du groupe d'actionnaires majoritaires inféodés à Monsieur X..., dirigeant de fait de la société, d'avoir refusé de mettre en oeuvre l'augmentation de capital votée à l'unanimité par l'assemblée générale de la société du 28 mars 2003 et d'avoir fait constater l'état de cessation des paiements, de manière brutale, sans l'en aviser au préalable, au terme de manoeuvres destinées à acquérir à moindre coût les actifs de la société, évalués dans le rapport économique et social à la somme de 3 832 300 euros, à s'affranchir de tout passif et remboursement d'endettement ainsi que de tout paiement de supplément de prix à son profit ;
Qu'il lui appartient donc de prouver que les administrateurs et dirigeants de fait ou de droit ont mis obstacle à l'augmentation de capital votée par l'assemblée générale et qu'ils ont, sciemment, pris la décision de déclarer un état de cessation des paiements qui n'était nullement caractérisé, dans le but de pouvoir racheter par la suite à moindre coût les actifs de la société ;
Que si Monsieur S... conclut le 1er août 2003 le rapport réalisé à la demande de la société SEEB en indiquant que sur le plan financier il n'a pas constaté de retards anormaux de paiement ni de situation irrémédiablement compromise, il y a lieu de noter que cette appréciation a été portée à la suite de l'examen des comptes de la société UIGM au 30 septembre 2002 alors que la déclaration de cessation des paiements a été effectuée le 31 mars de l'année suivante ;
Que l'expert judiciaire, Monsieur R..., indique d'ailleurs que lors du transfert de titres entre associés plusieurs mois après la clôture de l'exercice au 30 septembre 2002, la situation d'UIGM avait certainement évolué ; qu'il déplore qu'une situation comptable à fin mars 2003 n'ait pas été présentée et arrêtée contradictoirement, ce qui aurait permis de connaître la véritable situation de la société à cette date ;
Qu'il appartenait à Monsieur K..., rompu au monde des affaires, de prendre cette élémentaire précaution, si toutefois il l'estimait opportune ;
Que l'administrateur judiciaire a relevé dans le bilan économique et social établi le 25 juillet 2003 que la trésorerie de la société UIGM était exangue et ne lui permettait plus de faire face à ses charges courantes d'exploitation ;
Qu'il convient de rappeler que la société UIGM connaissait depuis le mois d'avril 2002 de graves difficultés que la société SEEB ne conteste pas et dont son Président Monsieur K... s'est plaint auprès de son associé et co-contractant, la société AREVADELFI ;
Que la situation intermédiaire au 28 février 2003 a fait apparaître une perte de 761 441 euros ; qu'enfin Monsieur I..., expert honoraire consulté par la société CIVAD, a émis des doutes sur la sincérité des comptes au 30 septembre 2002 ;
Que même si cette opinion a été contredite par l'expert judiciaire, les administrateurs de la société UIGM ont pris la décision de déposer le bilan de la société au vu des éléments qui leur étaient alors soumis ;
Qu'il n'est pas expressément soutenu que Monsieur I... aurait livré des conclusions de pure complaisance, à la demande de Monsieur X... ; qu'en tout cas la preuve n'en est pas rapportée ;

Que le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinnaire du 28 mars 2003, signé de Monsieur K... en sa qualité d'administrateur, insistait sur la nécessité de décider une augmentation de capital de un million d'euros " rendue indispensable pour la survie de la société " ;

Qu'il résulte du procès-verbal d'assemblée générale du 28 mars 2003 que si cette augmentation de capital a été votée à l'unanimité, la société AREVADELFI, porteuse de 30 % des parts, a fait immédiatement connaître qu'elle n'y souscrirait pas tandis que d'autres actionnaires, cadres de la société SEEB, ont exprimé leur approbation sur le principe tout en indiquant que cette approbation ne signifiait pas leur engagement de souscription ;
Que ces informations étaient déjà connues avant l'assemblée générale ; qu'il ne peut donc être fait grief à Monsieur X..., actionnaire majoritaire de la société CIVAD, d'avoir envisagé dès le 27 mars 2003 l'hypothèse d'un redressement judiciaire d'UIGM ;
Que pour cette même raison il ne peut être reproché aux administrateurs et dirigeants de n'avoir pas mis en oeuvre l'augmentation de capital, nécessairement vouée à l'échec, puisque plusieurs actionnaires, pour 49 % du capital, avaient décidé de ne pas y souscrire ;
Qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 28 mars 2003 que Monsieur K..., à qui il a été proposé de racheter les actions vendues à la société CIVAD et de procéder seul à l'augmentation de capital ou bien d'acheter les actions de FRAMATOME et de procéder à l'augmentation de capital avec FRANCE ESSOR, a refusé ces deux solutions ;
Que la société SEEB est donc mal venue à soutenir désormais que " les actionnaires opérationnels avaient toute latitude, conformément au droit des sociétés, de se substituer à ceux qui n'entendaient pas à terme souscrire " ;
Qu'elle ne rapporte ainsi nullement la preuve des fautes qu'elle impute aux administrateurs ou dirigeants de la société UIGM ni de ce que ceux ci auraient organisé une action concertée destinée à parvenir à la liquidation de la société et à son rachat ultérieur dans des conditions plus favorables ;
Qu'à la faveur des conclusions déposées dans le cadre de l'instance qui l'oppose à la société AREVADELFI elle fait d'ailleurs reproche à cette dernière d'avoir refusé de souscrire à l'augmentation de capital et d'avoir ainsi " acculé en toute connaissance de cause la société UIGM au dépôt de bilan " ;
Que sa demande de mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et des dirigeants ne peut qu'être rejetée ;

-défaut d'exécution de bonne foi de la convention

Attendu que la société SEEB fait valoir que l'obligation d'exécution de bonne foi qui découle de l'article 1134 du Code civil induit un devoir de loyauté des cocontractants entre eux ; qu'elle ajoute que sur le fondement de l'article 1382 du même code, " toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction " ;

Qu'elle précise qu'alors que la prise de contrôle majoritaire dans le capital d'UIGM qui découle de l'acte de cession du 19 décembre 2002 emportait pour le nouvel actionnaire l'obligation d'investir dans la société, de supporter son endettement et ses passifs et de gérer ou financer les conséquences sociales que pouvait induire le maintien de l'activité, celui-ci, dès le lendemain de la cession, ne prendra aucune mesure pour redresser la société mais s'emploiera au contraire à en précipiter la chute, à la faveur d'une action concertée et préméditée destinée à accaparer, à ses dépens, un savoir-faire industriel, un fonds de commerce et un outil de production ayant une valeur intrinsèque significative sans en payer le prix ;
Que le tribunal a retenu cet argument, considérant que les dirigeants d'UIGM, au cours du mois de mars au moins, bien que rompus aux techniques industrielles, n'ont pas cherché à promouvoir une politique de production à même d'éliminer la sous activité, de réduire les coûts, de maîtriser une nouvelle politique commerciale afin de rendre l'entreprise créatrice de richesses mais qu'il se sont orientés au contraire vers une remise en cause de la gestion précédente alors qu'ils avaient pour obligation impérative de se comporter en administrateurs consciencieux, respectueux des règles normales de gestion d'une entreprise en difficultés, situation dont ils avaient dès décembre 2002 une parfaite connaissance ;
Que toutefois, en souscrivant l'acte d'achat de 9 000 actions de la société UIGM, même pour le prix de un euro l'action, la société CIVAD et son actionnaire majoritaire, Monsieur X..., n'ont pris aucun engagement particulier touchant notamment leur investissement futur dans le capital de la société ;
Que la société SEEB ne rapporte par ailleurs pas la preuve qu'ils aient commis quelque agissement que ce soit de nature à organiser ou précipiter la ruine d'UIGM ;
Qu'il ressort au contraire du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 28 mars 2003 que la prise de commande des deux mois précédents était en hausse de 75 % grâce notamment à la société SFAR, filiale de FRANCE ESSOR ;
Que les appelants rappellent à juste titre que les comptes établis au 28 février 2003 par le cabinet CORGECO, dont il n'est pas soutenu et encore moins prouvé qu'il aurait agi de concert avec la société CIVAD et Monsieur X... ou à leur instigation, faisaient apparaître un déficit d'étape de 764 722 euros ; que l'expert comptable attirait l'attention de la société UIGM sur la mise en danger de la pérennité de l'entreprise ;
Que c'est à la suite du dépot de ces comptes que l'actionnaire majoritaire a saisi Monsieur I... ; qu'il n'a pas été démontré que cet expert honoraire ait émis des conclusions volontairement inexactes, à la demande de son mandant, dans le cadre d'une action concertée et ourdie de longue date ;
Que le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinaire du 28 mars 2003 ainsi que l'annexe à ce rapport, ces deux documents étant signés des administrateurs dont Monsieur K..., insistent sur la situation particulièrement critique de la société UIGM dont les causes, qui sont analysées, tiennent à des circonstances auxquelles son nouvel actionnaire majoritaire est totalement étranger ainsi que sur l'impérative nécessité d'une augmentation de capital ; que l'annexe au rapport définit également les bases d'une politique de redressement ;
Que la société AREVADELFI, ainsi que les cadres de la société SEEB, ont refusé de souscrire à l'augmentation de capital qui n'a dès lors pu être mise en place ; que cette abstention, dont la société SEEB fait d'ailleurs grief à AREVADELFI dans la procédure qui les oppose, ne relève pas de la responsabilité des actionnaires majoritaires qui, pour leur part, ont donné leur total accord dans la limite de leur participation au capital ; qu'il ne peut leur être reproché de ne pas s'être substitués aux actionnaires défaillants dès lors qu'ils n'ont jamais pris aucun engagement en ce sens et que Monsieur K... lui-même, auquel des solutions de rechange ont été proposées, les a refusées ;
Que même s'il est démontré que les actionnaires majoritaires, qui appartiennent au groupe dirigé par Monsieur X..., avaient envisagé par anticipation le dépôt de bilan d'UIGM, n'ignorant pas qu'AREVADELFI refuserait de souscrire à l'augmentation de capital demandée et se trouvant en possession de documents et analyses comptables alarmistes quant à la situation à très court terme et à la fiabilité des comptes de cette société, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que Monsieur X... et ses " alliés " ont mis en oeuvre une stratégie destinée à spolier leur cocontractant et qu'ils ont ainsi manqué de bonne foi dans l'exécution de la convention ;
Que la demande de mise en cause de leur responsabilité à ce titre doit donc être également écartée ;
Attendu que les prétentions de la société SEEB tendant à la mise en cause de la responsabilité des administrateurs ou dirigeants de la société UIGM ainsi que des " alliés " de Monsieur X... étant toutes rejetées, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de mise hors de cause de Monsieur Jean-François B... ;
-Sur la demande reconventionnelle des appelants
Attendu que la société CIVAD, Messieurs X..., Y..., Z... et A... sollicitent la condamnation de la société SEEB à leur payer la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Que les considérations qu'ils développent quant aux conditions d'acquisition de la branche usinage de la société NFM par la société SEEB sont toutefois sans relation avec le caractère prétendûment abusif de l'action diligentée à leur encontre par cette société ;
Que de même le préjudice résultant du dépot de bilan d'UIGM, qui n'est au demeurant pas prouvé, ne peut résulter de l'exercice de cette action ;
Que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute ;
Qu'il n'apparaît pas au vu des éléments du dossier que la société SEEB a abusé de son droit d'agir en justice ; qu'en tout cas les appelants n'en rapportent pas la preuve et qu'ils ne démontrent pas davantage l'existence d'un préjudice en lien avec la faute alléguée ;
Qu'ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
-Sur la demande incidente de Monsieur B...

Attendu que Monsieur Jean-François B... forme une demande " reconventionnelle " à l'encontre de la SA CIVAD et de Messieurs X..., Y..., Z... et A... ;

Que ceux ci font toutefois justement valoir que cette demande, qui n'a pas été présentée devant le tribunal, est nouvelle et qu'en outre ils n'ont formé aucune demande contre Monsieur B... de sorte que les prétentions de celui-ci ne se rattachent pas à la demande principale, formée par la SA SEEB, par un lien suffisant ;
Que la demande incidente formée par Monsieur B... pour la première fois devant la Cour doit donc être déclarée irrecevable ;
-Sur les autres demandes
Attendu que les circonstances de l'affaire justifient qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en l'espèce ;
PAR CES MOTIFS
Déboute la société CIVAD, Messieurs X..., Y..., Z... et A... de leur demande tendant à ce que soient écartées des débats les pièces no 41 et 42 du bordereau établi par Monsieur B...,
Réforme le jugement rendu le 19 avril 2005 par le tribunal de commerce du Creusot ;
Statuant à nouveau,
Déboute la société SEEB de toutes ses demandes à l'encontre de la société CIVAD et de Messieurs X..., Y..., Z..., A... et B...,
Déboute la société CIVAD, Messieurs X..., Y..., Z... et A... de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Déclare irrecevable la demande incidente formée par Monsieur B... pour la première fois en cause d'appel,
Rejette toutes autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société SEEB aux dépens de première instance et d'appel et dit pour ces derniers, que Me GERBAY et la SCP BOURGEON KAWALA et BOUDY, avoués, pourront se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Ct0358
Numéro d'arrêt : 05/00896
Date de la décision : 29/03/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce du Creusot, 19 avril 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2007-03-29;05.00896 ?
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