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29/06/2000 | FRANCE | N°99/00646

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 29 juin 2000, 99/00646


JVL/SP RÉPUBLIQUE FRANOEAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE DIJON CHAMBRE SOCIALE SÉCURITÉ SOCIALE ARRÊT DU 29 JUIN 2000 N° 86 RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 99/00646

APPELANTE : Société UFOB - Société COFOVA Route de Mâcon 71000 LA ROCHE VINEUSE Représentées par Maître PARROD, avocat, INTIMÉE :

Madame Colette X..., agissante en qualité de tutrice légale de son époux Monsieur Claudien X... "..." 71320 TRIVY Y... par Maître LAMY, avocat, substitué par Maître GRAS, avocat. CMSA MZ... ... 71000 MZ... Représentée par Madame A..., munie d'un pouvoir en

date du 15/05/2000. COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : Président :

Monsieur ...

JVL/SP RÉPUBLIQUE FRANOEAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE DIJON CHAMBRE SOCIALE SÉCURITÉ SOCIALE ARRÊT DU 29 JUIN 2000 N° 86 RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 99/00646

APPELANTE : Société UFOB - Société COFOVA Route de Mâcon 71000 LA ROCHE VINEUSE Représentées par Maître PARROD, avocat, INTIMÉE :

Madame Colette X..., agissante en qualité de tutrice légale de son époux Monsieur Claudien X... "..." 71320 TRIVY Y... par Maître LAMY, avocat, substitué par Maître GRAS, avocat. CMSA MZ... ... 71000 MZ... Représentée par Madame A..., munie d'un pouvoir en date du 15/05/2000. COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : Président :

Monsieur VERPEAUX, Président de Chambre, conformément aux dispositions de l'article L.945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec l'accord des conseils des parties. Greffier : - Madame SOEIRO, adjoint administratif, assermentée le 11/05/90, faisant fonction de greffier. Lors du délibéré : Monsieur VERPEAUX, Président de Chambre, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile aux autres magistrats : - Madame DUFRENNE, Conseiller - Monsieur RICHARD, Conseiller, DÉBATS : audience publique du 30 mai 2000 ARRÊT : rendu contradictroirement, Prononcé à l'audience publique de la Cour d'Appel de DIJON le 29 juin 2000 par Monsieur VERPEAUX, Président de Chambre, qui a signé l'arrêt avec le greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 7 octobre 1994, Monsieur Claudien X..., embauché en qualité de bûcheron par la Société COFOCOVA (devenue le 26 mai 1997 en raison d'une fusion, la Société UFOB - COFOCOVA) a été victime d'un accident du travail.

Un collègue de Monsieur X... a procédé à l'abattage d'un arbre sur

pied d'une longueur de 25 mètres qui a viré sur sa base au moment de sa chute, changeant ainsi de trajectoire et tombant en direction de Monsieur X..., le frappant grièvement à la tête.

Monsieur X... a été hospitalisé sans interruption du 7 octobre 1994 au 10 juin 1996 ; il a été déclaré consolidé le 1er décembre 1995 et le 8 janvier 1996, la Commission des rentes lui a accordé un taux d'IPP de 100 % ainsi qu'une majoration pour tierce personne.

Par jugement en date du 6 juin 1995, le Juge des Tutelles près le Tribunal d'Instance de Mâcon a désigné Madame X..., son épouse, en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire.

Par jugement en date du 7 juin 1996, le Tribunal de Grande Instance de Mâcon statuant en matière correctionnelle, a condamné Monsieur B... DE C..., pris en sa qualité de dirigeant social de la Société, à une peine d'amende de 5 000 francs pour blessures involontaires avec incapacité temporaire de travail supérieure à trois mois et infractions aux règles d'hygiène et de sécurité du travail.

Souhaitant que soit reconnue la faute inexcusable de l'employeur, Madame X..., ès qualité de tutrice, a, par requête du 20 mars 1998, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Mâcon.

Par jugement en date du 20 mai 1999, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Mâcon :

- a dit que Monsieur B... DE C... en sa qualité d'employeur, Président de la Société UFOB COFOCOVA avait commis une faute inexcusable en relation de causalité directe avec l'accident du travail survenu à Monsieur X... le 7 octobre 1994 ;

- a fixé la majoration de rente due à Monsieur X... au montant maximum légal ;

- a renvoyé Monsieur X... devant la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Saône et Loire pour la liquidation de ses droits ;

- lui a alloué les sommes de 100 000 francs à titre d'indemnité

provisionnelle à valoir sur le montant des préjudices à caractère personnel et de 3 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- a ordonné une expertise judiciaire aux fins de déterminer le pretium doloris, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et tous autres préjudices personnels et le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle de Monsieur X....

Appel de cette décision a été interjeté par la Société UFOB COFOCOVA qui conteste le prononcé de la faute inexcusable à son encontre.

Elle fait valoir :

- que du matériel de sécurité était régulièrement acheté ;

- que les règles de sécurité étaient inscrites sur les contrats d'embauche de chaque salarié ;

- que Monsieur X... était un bûcheron professionnel ;

- que le 9 juillet 1992, le chef de chantier, Monsieur D..., a adressé un avertissement à Monsieur X... pour non respect du port du casque ;

- qu'enfin, les circonstances de l'accident du travail dont a été victime Monsieur X... n'ont pas découlé d'un acte volontaire ou d'une omission volontaire de l'employeur, mais d'un impondérable.

Madame X..., ès qualité de tutrice légale de son époux, sollicite la confirmation du jugement déféré, outre la somme de 5 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et soutient pour sa part :

- que l'accident du travail a eu pour cause une mauvaise organisation du chantier ;

- que les bûcherons n'ont pas reçu une formation à la sécurité ;

- que la Société n'a pas respecté ses obligations de surveillance et de contrôle quant à l'utilisation des dispositifs de protection

individuelle (casque).

La Cour prend acte de ce que la demande indemnitaire au bénéfice des ayants droit de Monsieur X... formée en première instance est abandonnée en cause d'appel.

La Caisse de Mutualité Sociale Agricole, partie intervenante au litige, s'en remet à la sagesse de la Cour.

DISCUSSION :

Attendu, en Droit, que la faute inexcusable s'entend d'une faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l'absence de toute cause justificative ;

Qu'en l'espèce, il ressort de l'enquête de police diligentée après l'accident et datée du 4 janvier 1995 que Monsieur X..., occupé à ébrancher un arbre couché à terre, a été grièvement blessé à la tête par la chute d'un arbre d'une longueur de 25 mètres que Monsieur E..., son collègue, venait de couper et qui a changé de trajectoire lors de sa chute ;

Attendu, concernant la gravité exceptionnelle de la faute, que tant cette enquête que le rapport du Service Départemental de l'Inspection du Travail, de l'Emploi et de la Politique Sociale Agricoles établi le 9 janvier 1996 ont mis en évidence :

- que les causes de l'accident ont relevé d'une mauvaise organisation du chantier ;

- qu'aucun des trois bûcherons présents au moment de l'accident ne portaient d'équipement de sécurité individuelle (casque) ;

- qu'aucune formation professionnelle à la sécurité collective, notamment quant au périmètre de sécurité de chute des arbres, n'a été organisée par la Société UFOB COFOCOVA ;

Que ces constatations sont corroborées par les témoignages recueillis

par la gendarmerie de Messieurs E... et F..., collègue de la victime, mais aussi par Monsieur D..., chef de chantier qui a déclaré qu'aucune séance de formation professionnelle au niveau de la sécurité n'a été mise en place ;

Qu'en outre, il ressort d'une part des dispositions des articles 1 et 3 de l'arrêté ministériel du 1er mars 1984 relatif à la protection individuelle des salariés effectuant des travaux forestiers, que les salariés effectuant des travaux d'abattage et d'ébranchage doivent porter un casque et que les employeurs de main d'oeuvre effectuant des travaux forestiers doivent faire respecter le port de ces équipements ; d'autre part des articles L. 231-3-1 et L. 233-5-1 du Code du travail que les salariés doivent disposer et utiliser des moyens de protection et que le chef d'établissement est tenu d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité ;

Or attendu que le fait pour la Société UFOB COFOCOVA d'avoir laissé son personnel travailler sans équipement de protection individuelle, sans formation de sécurité appropriée, ni consigne de sa part ou de la part du chef de chantier, notamment quant aux distances de sécurité, constitue une faute d'une gravité exceptionnelle ;

Qu'en tout état de cause, la Société UFOB COFOCOVA ne peut se retrancher derrière l'existence d'une clause contractuelle de sécurité qui ne la dispensait pas de former ses employés ;

Attendu, concernant l'omission volontaire et la conscience du danger qu'aurait dû en avoir son auteur, que la Société UFOB COFOCOVA soutient que l'accident dont a été victime Monsieur X... est dû à un impondérable ;

Qu'il ressort des pièces communiquées que Monsieur E..., occupé à abattre un arbre d'une longueur de 25 mètres se trouvait à une distance d'environ 17 mètres de Monsieur X..., et a déclaré à la

gendarmerie ignorer les distances de sécurité à respecter ;

Attendu, que le changement de trajectoire d'un arbre dans sa chute constitue certes un risque que le bûcheron doit envisager à tout moment, mais qu'en tout état de cause ce risque ne peut relever d'un impondérable eu égard au respect des distances de sécurité que l'employeur doit faire connaître à ses employés par l'organisation de formations professionnelles ;

Qu'en outre, il est constant qu'une condamnation pénale pour non respect des règles relatives à la sécurité des travailleurs, en raison du caractère intentionnel de l'infraction, implique nécessairement que l'employeur a eu conscience du danger ;

Attendu, concernant le caractère déterminant de la faute de l'employeur, que s'il est exact que le non respect du port du casque le jour de l'accident a pu être légitiment reproché à Monsieur X... qui avait par ailleurs reçu un avertissement le 9 juillet 1992 pour un fait similaire, pour autant, cette imprudence revêt un caractère secondaire par rapport aux manquements aux règles de sécurité pénalement retenus envers l'employeur ;

Qu'il apparaît dès lors que le respect de consignes de sécurité tels que les distances de sécurité et l'obligation pour l'employeur de faire impérativement respecter le port de protection individuelle, aurait permis d'éviter l'accident ;

Qu'il s'ensuit que la faute de l'employeur a revêtu un caractère déterminant absorbant ainsi l'imprudence susceptible d'être reprochée à la victime ;

Attendu, en conséquence qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 mai 1999 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Mâcon ;

Que l'équité commande d'allouer à Madame X..., ès qualité de tutrice légale de son époux, la somme de 3 000 francs sur le

fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 mai 1999 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, section agricole, de Mâcon ;

Ajoutant,

Condamne la Société UFOB COFOCOVA à payer à Madame X..., ès qualité de tutrice légale de son époux, Monsieur X..., la somme de 3 000 francs soit 457,35 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la Société UFOB COFOCOVA aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 99/00646
Date de la décision : 29/06/2000
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Conditions

Ayant retenu que l'employeur avait été sanctionné pour homicide involontaire et non respect des règles d'hygiène et de sécurité du travail : mauvaise organisation du chantier, absence de port d'équipement de sécurité individuelle (casque), absence de formation professionnelle à la sécurité collective, la Cour d'Appel a pu décider que la faute de l'employeur a revêtu un caractère déterminant et consitue une faute inexcusable d'une gravité exceptionnelle, cette faute de l'employeur absorbant l'imprudence susceptible d'être reprochée à la victime qui, le jour de l'accident, ne portait pas son casque


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.dijon;arret;2000-06-29;99.00646 ?
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