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29/08/2024 | FRANCE | N°22/01366

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 août 2024, 22/01366


MINUTE N° 302/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 29 août 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 29 AOUT 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01366 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ3J



Décision déférée à la cour : 24 Mars 2022 par le tribu

nal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



Madame [F] [G]

demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour.





INTIMÉ :



Monsieur [J] [U]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Céline RICHARD, avocat à la cou...

MINUTE N° 302/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 29 août 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 AOUT 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01366 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ3J

Décision déférée à la cour : 24 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [F] [G]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [J] [U]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Céline RICHARD, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et madame Nathalie HERY, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, conseillère

Madame Nathalie HERY, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 31 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Régine VELLAINE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 16 août 1995, Me [L] [W], notaire, a dressé un acte de donation-partage concernant les consorts [R], cet acte ayant fait l'objet d'une rectification par le même notaire le 10 janvier 2002 aux termes de laquelle M. [N] [R] a constitué sur la parcelle cadastrée section 1 n°[Cadastre 3] une servitude de passage au profit de la parcelle section 1 n°[Cadastre 2].

Le 9 février 2017, Mme [A] [R] a vendu son terrain cadastré section 1 n°[Cadastre 3] à M. [J] [U].

Se plaignant de ce que Mme [F] [G], propriétaire de la parcelle cadastrée section 1 n°[Cadastre 2], avait aggravé la servitude, M. [J] [U], le 24 octobre 2019, l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour la voir condamner, notamment, à lui payer des dommages-intérêts.

Par jugement du 24 mars 1022, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

condamné Mme [F] [G] à payer à M. [J] [U] :

la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de ce jugement,

la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [F] [G] aux dépens ;

dit et jugé que chaque partie conservera les frais qu'elle a engagés dans le cadre de la médiation judiciaire ;

rejeté les autres demandes.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 702 du code civil, le tribunal a indiqué que le propriétaire du fonds dominant était soumis à la règle de la fixité de la servitude qui lui interdisait d'apporter à l'état des lieux des modifications entraînant une aggravation de la charge grevant le fonds servant.

Il a retenu qu'en modifiant la destination du garage en vue d'en faire, d'une part, un local professionnel de santé accueillant des patients et, d'autre part, un logement offert à la location, Mme [F] [G] avait clairement modifié l'état des lieux et aggravé la charge grevant le fonds de M. [U].

A cet égard, il a précisé qu'au départ, en 1995, la servitude avait été concédée pour permettre au propriétaire du fonds dominant d'accéder à un local de remise (le garage), ce qui impliquait un nombre limité de passages, exclusivement de la part du bénéficiaire de cette servitude ou occasionnellement par la personne chargée de l'entretien du garage.

Considérant que la modification de l'affectation du garage en un local professionnel accueillant du public et la création d'un logement proposé à la location avaient démultiplié le nombre de passages, d'autant plus, que Mme [F] [G] autorisait sa patientèle à stationner au moins deux véhicules sur la partie engazonnée de son terrain contigu au garage, le tribunal en a déduit qu'il y avait bien eu aggravation de la charge grevant le fonds servant actuel sans que M. [J] [U] ou son prédécesseur ait donné son accord.

Rappelant que la servitude constituait une charge réelle, le tribunal a considéré que le droit du propriétaire du fonds dominé de réclamer la constatation de l'existence d'une aggravation bénéficiait au propriétaire actuel même si la modification était antérieure à son accession à la propriété.

Pour fixer le montant des dommages et intérêts dus à M. [U], le tribunal a tenu compte de ce que :

la servitude de passage pesait sur la cour qui constituait la seule partie extérieure du bien immobilier de M. [U] et l'augmentation du nombre de passages des piétons, patients ou hôtes ou de leurs véhicules qui pouvaient être stationnés à l'arrière du bâtiment réaménagé par Mme [F] [G] ne permettait plus à l'intéressé d'envisager cette cour comme un espace de vie à part entière,

la présence de véhicules sur la portion de terrain de Mme [F] [G] jouxtant la maison de M. [U] entraînait une nuisance visuelle et auditive,

la valeur vénale de la maison de M. [U] subissait indéniablement une décote,

les nuisances subies par M. [U] étaient la conséquence directe de la transformation du bâtiment passif, de type garage en un bâtiment avec une activité commerciale active générant des profits pour Mme [G].

Il a alors fixé à 30 000 euros l'indemnité due par Mme [G] à M. [U].

Constatant que la servitude conventionnelle en cause ne précisait pas que la possibilité de passage de « véhicules » et de « véhicules à moteur » était conditionnée à l'existence du garage ou encore que seuls les véhicules censés être remisés dans ledit garage avaient possibilité d'emprunter la servitude, le tribunal a considéré que cette servitude de passage avait été envisagée également pour permettre à des engins d'entretien « notamment d'espaces verts' » de pouvoir user de cette servitude et en a déduit qu'à partir du moment où il n'existait pas de corrélation entre la nature des véhicules permis et la nature du bâtiment (un garage), il n'était pas possible d'accéder à la demande de M. [U] tendant à ce que seuls les piétons puissent emprunter cette servitude.

Mme [G] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 4 avril 2022.

L'arrêt de l'exécution provisoire du jugement susvisé a été ordonné par ordonnance de référé du 6 juillet 2022 rendue par la présidente de la chambre des urgences sur délégation de Mme la Première Présidente de la cour d'appel de Colmar.

L'instruction a été clôturée le 5 décembre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 30 novembre 2023, Mme [G] demande à la cour de :

juger l'appel recevable et bien fondé ;

y faisant droit :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 24 mars 2022 ;

statuant à nouveau :

juger les demandes de M. [U] irrecevables et en tout cas de cause mal fondées ;

débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

à titre reconventionnel :

condamner M. [U] d'avoir à lui payer la somme de 5 000 euros titre du préjudice moral qu'elle a subi ;

en tout état de cause :

condamner M. [U] :

à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel,

aux entiers frais et dépens des procédures de première instance et d'appel outre les frais de constat dressé par Me Kahki.

En premier lieu, rappelant les dispositions des articles 689 et 691, alinéa 1 du code civil, Mme [G] fait valoir que M. [U] avait connaissance de l'existence d'une servitude de passage conventionnelle grevant le bien au moment de son acquisition dont la portée était large et dont elle a usé conformément au titre et à la portée que les parties avaient eu l'intention de donner à l'accord du 10 janvier 2002, la rédaction extensive de la clause ne prévoyant aucune restriction notamment quant à l'affectation particulière du garage, l'appréciation d'une éventuelle aggravation de la servitude imposant de déterminer, au préalable, la portée de la clause initiale, étant souligné que l'acte constitutif de servitude stipulait sa transmission aux propriétaires successifs.

Elle ajoute que, d'une part, les consorts [R] ont eu connaissance des travaux réalisés en 2011 suite au changement d'affectation du local garage et ont donc nécessairement consenti à cette nouvelle utilisation puisqu'ils n'ont émis aucune contestation après l'autorisation d'urbanisme qu'elle a obtenue qui a fait l'objet d'un affichage et, d'autre part, que M. [U] et les consorts [R] ont discuté antérieurement à la signature de l'acte de vente de l'utilisation commerciale du garage par Mme [G], l'accord qu'ils ont passé lui étant inopposable puisqu'elle n'a pas été partie à l'acte de vente, de sorte qu'elle n'a pas à renégocier la servitude de passage avec M. [U] même si la servitude est attachée au fonds et non à la personne, aucune disposition légale imposant au propriétaire du fonds dominant de renégocier l'assiette d'une servitude à défaut d'aggravation.

En second lieu, Mme [G], après avoir rappelé les dispositions de l'article 702 du code civil, argue de ce qu'il n'y a pas d'aggravation de la servitude.

À cet égard, elle expose que :

la servitude de passage a été utilisée conformément à la portée que les parties ont entendu lui donner en 2002,

le premier juge a méconnu la portée de l'accord intervenu en 2002 en recherchant tout d'abord l'aggravation éventuelle de la servitude avant d'apprécier au préalable l'intention des parties alors qu'il ne peut y avoir d'aggravation de la servitude si initialement les parties ont convenu de son utilisation large peu important l'affectation qui serait donnée au garage, soulignant qu'en cas d'aggravation de la servitude il appartenait aux consorts [R] d'initier l'action et non pas à M. [U],

le premier juge s'est contenté de citer les assertions de M. [U] lesquels ne reposent sur aucun élément de preuve puisqu'en effet il n'est pas établi que la modification de la destination du garage entraîne une multiplication des passages, qu'elle autorise sa patientèle à stationner sur la partie engazonnée de son terrain contigu au garage ; la servitude de passage a toujours la même utilité que celle pour laquelle elle a été créée à savoir permettre l'accès à pied avec véhicules ou véhicules à moteur à la partir de l'arrière de la parcelle n° [Cadastre 3], sans qu'il y ait été prévu un mode de passage en particulier ni un nombre de passages journaliers, son but étant uniquement de permettre l'accès au garage ; ses locataires saisonniers ne traversent jamais la cour pour accéder à sa maison.

Sur le préjudice allégué par M. [U] et sa demande de dommages-intérêts, après avoir rappelé les dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, Mme [G] indique que l'éventuelle moins-value invoquée ne lui est pas imputable puisqu'elle utilise la servitude conformément à l'accord intervenu avec les consorts [R] en 2002 et n'a donc pas commis de faute contractuelle.

Elle ajoute que sa faute n'est pas plus démontrée que l'étendue du préjudice de M. [U] qui n'occupe pas le bien concerné, soulignant que le caractère constant et actuel de l'augmentation du prétendu nombre de passages et le stationnement de véhicules ne sont étayés par aucune pièce et que la preuve d'une nuisance visuelle et auditive n'est pas plus rapportée.

Mme [G] argue de ce qu'elle subit un préjudice moral puisque depuis plus de cinq ans, M. [U] a adopté un comportement menaçant à son encontre et l'empêche de jouir paisiblement de sa maison, ce qui a engendré un stress la contraignant à prendre un traitement médical.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 3 novembre 2023, M. [U] demande à la cour de :

déclarer l'appel mal fondé ;

le rejeter ;

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 24 mars 2022 ;

débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

subsidiairement, en cas d'infirmation :

condamner Mme [G] à procéder à la remise en état du garage afin de faire cesser l'aggravation ;

en tout état de cause :

débouter Mme [G] de :

sa demande reconventionnelle tendant à sa condamnation à hauteur de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,

sa demande tendant à sa condamnation à hauteur de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [G] :

à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel,

aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

M. [U] indique que la servitude de passage ne résulte pas d'un état d'enclave mais est conventionnelle pour avoir été établie sous forme notariée et qu'elle est donc gouvernée par le principe de fixité prévu par les dispositions de l'article 702 du code civil qui interdit toute aggravation ou restriction.

Il expose que, dès l'achat de sa maison et du garage y attenant, Mme [F] [G], sans en informer préalablement Mme [R], l'ancienne propriétaire du fonds voisin, a changé la destination du garage pour y réaliser des locaux à usage professionnel et à usage d'habitation pour y accueillir sa patientèle quasi quotidienne depuis environ dix ans.

Il en déduit que Mme [G] a renoncé à l'utilisation de ses garages qui ne peuvent plus accueillir de voitures, soulignant que pour l'utilisation de son local professionnel, elle n'a pas besoin de places de stationnement puisque sa patientèle se rend à pied à son cabinet et ajoute que dans le cadre de son activité locative, elle ne peut tirer profit de la servitude pour offrir un stationnement à ses locataires.

Il précise que, dans les faits, Mme [G] ne gare qu'occasionnellement un véhicule sur cette partie engazonnée qu'elle utilise comme extérieur aux beaux jours.

Il considère qu'il est privé de sa cour pour des motifs non légitimes et soutient qu'il n'a pas été informé de la situation avant de signer l'acte de vente, les consorts [R] n'en ayant pas connaissance. Il souligne que l'acte notarié de vente à son profit a mentionné la nécessité de renégocier cette servitude conventionnelle, ce qui tend à démontrer que l'usage de Mme [G] n'était pas conforme.

Il expose qu'en 2002, les seules parties à l'acte rectificatif de servitude étaient MM. [N] et [Y] [R] et Mmes [A] et [T] [R] et que Mme [G], après avoir acheté son bien le 5 octobre 2011, a immédiatement réalisé des travaux sans informer ses voisins qui ne vivaient plus là.

M. [U] considère que l'information sur la situation, donnée par le notaire lors de son acquisition, n'a pas eu pour effet de couvrir l'aggravation générée par Mme [G].

Il entend rappeler que la servitude n'est pas attachée à la personne mais au fonds et qu'elle se transmet à ce dernier, ce qui implique qu'il était tenu à la servitude qui grevait le fonds mais n'est pas tenu à ce qui ne correspond plus à la situation d'origine pour cause d'aggravation.

Il argue de ce que l'autorisation administrative obtenue par Mme [G] ne vaut pas reconnaissance d'une servitude au profit de celle-ci.

M. [U] considère que Mme [G] est responsable de l'aggravation de la servitude pour ne pas en avoir usé en bon père de famille.

Il détaille son préjudice comme suit :

- impossibilité de jouir paisiblement de son seul espace extérieur qui doit rester libre de tout passage,

- nuisance causée par la clientèle de passage de Mme [G] et par ses locataires saisonniers,

- trouble à la tranquillité en raison de l'existence de locaux accueillant régulièrement du public extérieur,

- nuisance visuelle causée par le stationnement par Mme [G] de véhicules sur la partie verdoyante,

- augmentation de la charge de l'entretien lié à l'utilisation quotidienne du portail,

- augmentation du nombre de passage de piétons alors même que la servitude a été initialement accordée au propriétaire du fonds dominant,

- moins-value sur la valeur de la maison.

Il considère que la somme de 30 000 euros allouée par le tribunal est adaptée.

Sur sa demande subsidiaire de remise en état, M. [U] expose que si la cour l'estime plus pertinent qu'une condamnation à des dommages intérêts, il y a lieu d'ordonner le retour au statut antérieur par remise en l'état du garage pour faire cesser l'aggravation.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [G] tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral, M. [U] fait valoir que les faits allégués comme faute ne sont pas avérés et que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité avec son état de santé.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la fin de non-recevoir

Mme [G] ne développant aucun moyen à l'appui de sa demande d'irrecevabilité des demandes de M. [U], il y a lieu de déclarer celles-ci recevables.

II) Sur le fond

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par M. [U] à titre principal

Il est constant que la servitude en cause n'est pas une servitude légale mais une servitude conventionnelle constituée par l'acte de donation-partage du 16 août 1995 rectifié le 10 janvier 2002, l'article 637 du code civil disposant que la servitude est une charge imposée sur un fonds au profit d'un autre fonds, peu important donc qu'il y ait eu transfert de propriété.

Aux termes de l'acte rectificatif du 10 janvier 2002 dressé par Me [W], notaire à [Localité 5], M. [N] [R] a constitué une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section 1 n°[Cadastre 3] au profit de la parcelle section 1 n°[Cadastre 2], le passage devant s'exercer sur une bande de terrain tracée sur le plan annexé à l'acte et devant être utilisé pour un passage à pied, avec véhicules, avec véhicules à moteur pour accéder au garage.

L'article 702 du code civil impose à celui qui a un droit de servitude de n'en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude ni dans le fonds à qui elle est due de changement qui aggrave la condition du premier.

M. [U] soutient qu'en transformant son garage en local accueillant, pour partie, sa patientèle et, pour l'autre partie, des locataires saisonniers, Mme [G] a aggravé à ses dépens la servitude dont elle bénéficiait, ce qu'il lui appartient de démontrer.

Il admet cependant, dans ses conclusions, que :

la patientèle de Mme [G] se rend à pied à son cabinet de réflexologie, un passage des piétons étant réalisable en bordure de la maison de celle-ci, sans, par conséquent, qu'il y ait besoin de passer par sa parcelle,

dans les faits, Mme [G] ne gare qu'occasionnellement un véhicule sur la partie engazonnée qui se situe à côté de l'ancien garage.

Si M. [U] produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice daté du 7 mai 2019 qui a relevé la présence d'un véhicule automobile de type « van » garé sur la parcelle de Mme [G] après être nécessairement passé sur sa parcelle, il n'en demeure pas moins qu'il n'apparaît pas possible de déduire de cette seule constatation que la servitude a subi une aggravation, d'autant qu'il n'est pas établi que ce véhicule appartenait à des locataires saisonniers. De surcroît, l'huissier de justice fait état de photographies que M. [U] lui a soumises et montrant des véhicules sans que l'auxiliaire de justice ait lui-même procédé au constat de la présence desdits véhicules.

Dès lors, il y a lieu de considérer que M. [U] ne justifie pas de ce que Mme [G] a aggravé la servitude dont elle bénéficie, étant souligné que le garage qui existait auparavant avait pour finalité d'héberger le ou les véhicules de Mme [G], cette dernière ne stationnant plus qu'épisodiquement son ou ses véhicules sur la partie engazonnée se situant à côté du garage en faisant usage de la servitude litigieuse.

Il y a lieu de débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur la demande subsidiaire de M. [U] tendant à la remise en état du garage afin de faire cesser l'aggravation

L'aggravation n'ayant pas été démontrée par M. [U], cette demande subsidiaire est rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [G] pour préjudice moral

Il y a lieu de débouter Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts dès lors qu'elle ne justifie pas de ce que depuis plus de cinq ans, M. [U] a eu un comportement menaçant à son égard et de ce qu'il n'a eu de cesse de l'intimider depuis qu'il a acquis sa maison, la seule photographie produite du trampoline n'étant pas déterminante à cet égard dès lors qu'elle ne constitue pas une preuve suffisante d'autant que ce fait est contesté, étant souligné que Mme [G] ne produit pas l'annexe à l'acte rectificatif du 10 janvier 2002 fixant l'assiette de la servitude.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

M. [U] est condamné aux dépens de la procédure de première instance et à ceux de la procédure d'appel.

M. [U] est condamné à payer à Mme [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et à hauteur d'appel ; il est débouté de ses demandes d'indemnité formulées sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

DECLARE recevables les demandes de M. [J] [U] ;

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 24 mars 2022 ;

Statuant de nouveau et y ajoutant :

DEBOUTE M. [J] [U] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de remise en état du garage ;

DEBOUTE Mme [F] [G] de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE M. [J] [U] aux dépens de la procédure de premier ressort et de celle d'appel ;

CONDAMNE M. [J] [U] à payer à Mme [F] [G] la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés dans la procédure de premier ressort et à hauteur d'appel ;

DEBOUTE M. [J] [U] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés dans la procédure de premier ressort et à hauteur d'appel.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01366
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;22.01366 ?
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