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09/08/2024 | FRANCE | N°21/05117

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 09 août 2024, 21/05117


CKD/KG





MINUTE N° 24/648





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 09 AOUT 2024



Numéro d'ins

cription au répertoire général : 4 A N° RG 21/05117

N° Portalis DBVW-V-B7F-HXJG



Décision déférée à la Cour : 14 Décembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE SAVERNE



APPELANTE :



S.E.L.A.R.L. SYNERGIE, prise en la personne de Me [M] [R], es qualités de liquidateur judiciaire de la société LES ATEL...

CKD/KG

MINUTE N° 24/648

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 09 AOUT 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/05117

N° Portalis DBVW-V-B7F-HXJG

Décision déférée à la Cour : 14 Décembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE SAVERNE

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. SYNERGIE, prise en la personne de Me [M] [R], es qualités de liquidateur judiciaire de la société LES ATELIERS REUNIS - CADDIE

[Adresse 3]

S.A.S. [F] - [C] - LUTZ, prise en la personne de Maître [J] [F] et Maître [S] [C], es qualités d'administrateurs judiciaires de la société LES ATELIERS REUNIS - CADDIE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Bernard ALEXANDRE, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES :

L'AGS - CGEA DE [Localité 11], prise en la pesonne de son représentant légal

[Adresse 8]

[Adresse 9]

Non représentée

Monsieur [T] [N]

[Adresse 4] 

[Localité 5]

CFDT METALLURGIE D'ALSACE, venant aux droits du syndicat CFDT METALLURGIE DU BAS-RHIN

[Adresse 1]  

[Localité 7]

Représentés par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame ARMSPACH-SENGLE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [T] [N], né le 13 octobre 1974, a été embauché par la société Electropoli Alsace le 05 avril 1994 en qualité de manutentionnaire. Il occupait en dernier lieu le poste de responsable de chaîne, et a toujours travaillé sur le site de [Localité 10] spécialisée dans le traitement de surface des métaux.

Le site de [Localité 10] employait environ 59 salariés, et possédait des délégués du personnel, un comité d'établissement, un CHSCT, et des délégués syndicaux d'établissement.

En septembre 2016 cet établissement a été racheté par la société les Ateliers Réunis D2 (société ARD2), et est devenu une filiale à 100 % de la société Caddie.

Le 1er juillet 2017 la société ARD2 a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Caddie, avec session de la totalité du capital à la société Caddie.

La société Caddie a dans un courrier du 31 mai 2017 affirmé que la fusion-absorption et la réorganisation des deux sites de production mettaient fin au mandat des délégués du personnel élus du site de [Localité 10], désormais intégré dans la société Caddie.

Dès lors plusieurs procédures ont opposé la société au syndicat CFDT.

Le syndicat CFDT a le 13 décembre 2017 fait assigner la SAS Les ateliers Réunis Caddie devant le juge des référés près le tribunal judiciaire de Strasbourg pour faire cesser un trouble manifestement illicite tendant à la suppression unilatérale du comité d'établissement, des délégués du personnel, et délégué syndicaux

Par ordonnance du 19 avril 2018 le juge des référés a jugé qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite caractérisé.

Par un arrêt du 21 décembre 2018 la cour d'appel de Colmar a infirmé l'ordonnance et a :

- Ordonné à la société de rétablir les délégués du personnel sur le site de [Localité 10] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, sauf à justifier dans ce même délai, d'un accord conclu avec les organisations syndicales représentatives, ou les délégués du personnel,

- Et ce sous astreintes de 1.000 € par jour de retard durant six mois,

- Fait défense à la société de faire obstacle de quelque manière que ce soit à l'exercice de leur mandat par les délégués du personnel du site de [Localité 10] sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée.

Le pourvoi en cassation interjeté par la société a été rejeté par arrêt du 1er juillet 2020. La Cour de cassation a rappelé que selon l'article L 1224-1du code du travail les mandats des délégués du personnel de l'entreprise ayant fait l'objet d'une modification subsistent lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique.

La cour suprême a jugé que la cour d'appel a pu déduire des éléments de la cause le maintien de l'autonomie de l'établissement de Dettwiller, et par conséquent le maintien des mandats en cours des délégués du personnel.

***

Monsieur [N] exerçait depuis plusieurs 2011 au sein de l'établissement de [Localité 10] des mandats de délégués du personnel, et délégué syndical CFDT. Il a été élu délégué du personnel suppléant le 25 juin 2015, puis secrétaire du comité d'entreprise le 27 juillet 2015.

Par lettre du 22 octobre 2018 Monsieur [N] a été licencié pour faute grave pour avoir le 03 octobre 2018 tenu des propos injurieux envers Monsieur [D] directeur général, avoir lors d'une altercation le 04 octobre 2018 détérioré des chariots, proféré des remarques désobligeantes, voire injurieuses envers des membres de la hiérarchie, et enfin d'avoir menacé un collègue de déposer plainte.

Aucune demande d'autorisation de licencier n'a été sollicitée auprès de l'inspection du travail, l'employeur estimant qu'il n'y avait plus de délégué du personnel sur le site de [Localité 10].

***

Monsieur [N] a le 12 mars 2019 saisi le conseil de prud'hommes de Saverne aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, ordonner sa réintégration, et obtenir paiement de diverses indemnités. En cours de procédure il a renoncé à sa demande d'intégration.

Par jugement de départage du 14 décembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- annulé le licenciement,

- constaté que le salarié ne sollicite plus la réintégration,

- condamné la société les Ateliers Réunis - Caddie à lui payer les sommes de :

* 16.660,97 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.290,40 € bruts au titre de l'indemnité de préavis,

* 429 € au titre des congés payés afférents,

* 39.759,13 € nets au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

* 31.807,30 € nets à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur de délégués du personnel

* 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La remise des documents de fin de contrat a été ordonnée, sans astreinte, le syndicat a été débouté de ses demandes, l'employeur condamné aux dépens, et l'exécution provisoire ordonnée.

Le conseil des prud'hommes a estimé que Monsieur [N] ne justifie d'aucun mandat de délégué syndical au moment du licenciement. En revanche après analyse de l'arrêt de la cour d'appel, et de celui de la Cour de cassation, il estime qu'il détenait un mandat de délégué du personnel, les décisions étant sur ces points passées en force de chose jugée. Il relève que l'accord conclu le 30 janvier 2019 concernant de nouvelles élections dans le cadre d'une unité économique et sociale nouvelle, est un accord intervenu postérieurement au licenciement du 22 octobre 2018, et qu'il ne peut donc en être tenu compte.

La SAS les Ateliers Réunis - Caddie a interjeté appel de ce jugement le 20 décembre 2021.

Par jugement du 04 janvier 2022 la société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 22 mars 2022 le tribunal judiciaire de Saverne a prononcé la liquidation judiciaire de la société.

La MJ Synergie prise en la personne de Maître [M] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Ateliers Réunis- Caddie a régulièrement été mis en cause par assignations du 22 mars 2022, puis du 03 mai 2022.

L'AGS CGEA de [Localité 11] mise en cause, n'a pas constitué avocat.

Par conclusions dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 juillet 2022, la Selarl MJ Synergie prise en la personne de Maître [M] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Ateliers Réunis- Caddie demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré,

- Débouter Monsieur [N] de l'intégralité de ses fins et conclusions,

- Déclarer la demande du syndicat CFDT de la métallurgie du Bas-Rhin irrecevable, et en tout cas mal fondée,

- Le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Monsieur [N] et le syndicat aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à un montant de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions transmises par voie électronique le 09 aout 2022, Monsieur [N] et le syndicat CFDT métallurgie d'Alsace venant aux droits du syndicat CFDT métallurgie du Bas-Rhin demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il annule le licenciement, et condamne la société à lui payer les montants suivants :

* 16.660,97 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.290,40 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

* 429 € au titre des congés payés afférents,

* 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Les intimées sollicitent néanmoins la fixation de ces mêmes montants à la procédure collective de la société appelante, ainsi que la fixation aux sommes suivantes de deux indemnités :

- 54.526,88 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 59.070,70 € net à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur pour le mandat de délégué syndical

- Subsidiairement 31 807,30 € net pour violation du statut protecteur pour le mandat de délégués du personnel.

Subsidiairement sur le fondement de l'article L 1235-3-1 du code du travail et l'atteinte à une liberté fondamentale :

- dire que le licenciement est nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la créance de Monsieur [N] à la procédure collective aux sommes de :

* 16.661 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.290,04 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

* 429 € brut au titre des congés payés afférents,

* 54.526,88 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause

- ordonner au liquidateur judiciaire la transmission des documents de fin de contrat,

- condamner solidairement les parties perdantes à lui payer 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens de l'instance,

- fixer la créance du syndicat CFDT de la métallurgie d'Alsace au passif de la société aux montants suivants :

* 5.000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail,

* 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêt à compter du jour de la demande s'agissant des créances salariales, et à compter du jour du jugement s'agissant de dommages et intérêts,

- dire que les créances figureront sur l'état des créances salariales,

- déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGE a de [Localité 11].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2022.

Pour l'exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article quatre 55 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur le statut protecteur

1. Sur le mandat de délégué syndical

Le conseil des prud'hommes n'a pas retenu ce mandat, ce que conteste Monsieur [N].

Il n'est pas contesté que Monsieur [N] a été désigné en qualité de délégué syndical par la CFDT le 15 décembre 2011 au sein de l'établissement Electropoli de [Localité 10].

Cependant ce mandat de délégué syndical a pris fin lors du renouvellement des instances représentatives du personnel (Cass.Soc. 22.09.2010 N°09-60435), et des élections sont intervenues le 25 juin 2015.

Sans inverser la charge de la preuve, le conseil des prud'hommes a jugé que Monsieur [N] ne produit aucune pièce établissant sa nouvelle désignation en qualité de délégué syndical suite aux élections intervenues le 25 juin 2015.

À hauteur d'appel Monsieur [N] se prévaut de la pièce 11 de l'employeur, constituée des procès-verbaux des élections des délégués du personnel, établissant que Monsieur [N] a été élu en tant que membre suppléant.

Pour autant s'agissant de la désignation par le syndicat de Monsieur [N] en qualité de délégué syndical, il appartenait au syndicat en application de l'article L 2143-7 du code du travail de notifier cette désignation à l'employeur par lettre recommandée, ou lettre remise en main propre, avec copie à l'inspection du travail, et de procéder à l'affichage. Or il n'est pas justifié du respect de ces formalités.

La convocation de Monsieur [N] par la société Electropoli, (partie non présente au litige) en qualité de délégué syndical CFDT dans le cadre du comité central d'entreprise, ou sa signature de l'accord sur la journée de solidarité 2016, ne suffisent en effet pas à lui conférer cette qualité.

L'appelant se prévaut également de la réponse du 31 mai 2017 (annexe 2) à sa lettre non datée (annexe 1), par laquelle la société caddie ne contesterait pas sa qualité de délégué syndical, mais uniquement celle de délégué du personnel.

Dans cette lettre non datée le secrétaire général du syndicat CFDT explique avoir été informé par " notre délégué syndical " de la fusion absorption de l'entreprise par la société Caddie, ajoutant que cette fusion a pour conséquence entre autre la perte des mandats de nos élus CFDT, et sollicitant, soit la prorogation des mandats, soit l'organisation d'élections professionnelles dans l'entreprise de [Localité 10].

La cour relève en premier lieu que le courrier en réponse du 31 mai 2017 n'est produit que partiellement en sa première page. L'employeur y confirme que les mandats des élus du comité d'entreprise et des délégués du personnel en place prendront fin à la date d'effet de la fusion le 1er juillet 2017. Il ne fait que répondre à la sollicitation de proroger les mandats ou d'organiser des élections en contestant que les mandats se soient maintenus au sein de l'entreprise absorbée.

Monsieur [N] ne peut tirer argument de l'absence de contestation de sa qualité de délégué syndical dans la lettre du 31 mai 2017, alors que cette qualité de délégué syndical n'est visée qu'à titre d'information, et ne constitue absolument pas l'une des questions soumises à l'employeur.

Il résulte par conséquent de ce qui précède que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a jugé que Monsieur [N] ne justifie d'aucun mandat de délégué syndical dont il aurait été titulaire au moment de son licenciement.

2. Sur le mandat de délégué du personnel

Le conseil des prud'hommes a retenu ce mandat, ce que conteste le liquidateur judiciaire qui affirme que lors du licenciement le 22 octobre 2018 Monsieur [N] ne disposait plus de mandat, puisque l'ordonnance de référé du 19 avril 2018 n'avait pas fait droit aux demandes du syndicat.

Le liquidateur judiciaire affirme que dans son arrêt du 21 décembre 2018 la cour d'appel a ordonné à la société caddie de rétablir les délégués du personnel, mais a expressément prévu que tel ne serait pas le cas si la société justifiait d'un accord conclu avec les organisations syndicales, ou les délégués du personnel intéressé.

Or il souligne qu'un tel accord a été conclu le 30 janvier 2019 soit postérieurement au licenciement. Il reproche aux premiers juges d'avoir considéré que l'accord ne pouvait avoir un effet rétroactif, tout en faisant produire un tel effet à l'arrêt du 21 décembre 2018.

***

Par un arrêt du 21 décembre 2018 la cour d'appel de Colmar a infirmé l'ordonnance déférée, et a ordonné à la société de rétablir les délégués du personnel sur le site de Dettwiller dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, sauf à justifier dans ce même délai, d'un accord conclu avec les organisations syndicales représentatives, ou les délégués du personnel, et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard durant six mois. L'arrêt a également fait défense à la société de faire obstacle de quelque manière que ce soit à l'exercice de leur mandat par les délégués du personnel du site de [Localité 10] sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée.

Cet arrêt est définitif puisque le pourvoi en cassation interjeté par la société a été rejeté par arrêt du 1er juillet 2020.

Le litige qui opposait les parties portait sur la survivance des mandats suite à la fusion absorption par la société Caddie à effet au 1er juillet 2017 et sur la nature d'établissement autonome de [Localité 10].

La Cour de cassation dans son arrêt du 1er juillet 2020 a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Colmar qui a conclu au maintien de l'autonomie de l'établissement de Dettwiller, et par conséquent au maintien des mandats en cours des délégués du personnel.

Peu importe que ces décisions soient intervenues postérieurement au licenciement du 22 octobre 2018. Elles règlent définitivement la question des mandats des délégués du personnel de l'établissement de [Localité 10] suite à la fusion absorption.

Or précisément Monsieur [N] a été élu délégué du personnel au premier tour des élections du 25 juin 2015. Le sort de son mandat lors de la fusion absorption du 1er juillet 2017 est réglé par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 21 décembre 2018 confirmé par la Cour de cassation qui ordonne à la société de rétablir les délégués du personnel sur le site de Dettwiller dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, sauf à justifier dans ce même délai d'un accord conclu.

Il est par conséquent incontestable que Monsieur [N] était délégué du personnel au moment de son licenciement le 22 octobre 2018.

L'employeur ne peut se prévaloir de l'accord postérieur du 30 janvier 2019 pour soutenir que Monsieur [N] n'était plus détenteur du mandat de délégué du personnel, et ce d'autant que l'article 3 de l'accord prend soin de préciser que les mandats en cours cesseront à la date de proclamation des résultats.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a jugé que Monsieur [T] [N] bénéficiait toujours de la protection attachée à son mandat de délégué du personnel.

II. Sur le licenciement

- Sur la nullité du licenciement

Il est constant que Monsieur [T] [N] bénéficiant de la protection attachée à son mandat de délégué du personnel a été licencié sans autorisation de l'inspection du travail.

C'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a jugé que ce licenciement intervenu en violation des dispositions de l'article L 2411-5 du code du travail doit être annulé. Le jugement est confirmé sur ce point.

- Sur les conséquences financières

* Sur le préavis, les congés payés afférents, et l'indemnité légale de licenciement

Ces indemnités contestées dans leur principe ne le sont pas dans leur montant.

Vu l'ouverture de la procédure collective postérieurement au jugement déféré celui-ci devra néanmoins être infirmé, afin de procéder à la fixation de ces créances au passif de la liquidation judiciaire.

* Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

Le conseil des prud'hommes a alloué au salarié une somme de 39.759,13 €. Le salarié forme un appel incident, et réclame une somme de 54.526,88 € correspondant à 24 mois de salaire.

C'est à tort que l'employeur dénonce le dépassement du barème de l'article L 1235-3 du code du travail, dès lors que l'article L 1235-3-1 en exclut l'application en cas de licenciement nul pour méconnaissance du statut protecteur, et énonce que le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2.271,95 €), de son âge de 44 ans au moment du licenciement, de son ancienneté de 24 ans, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et son expérience professionnelle ; il apparaît que les premiers juges a fait une exacte appréciation du préjudice subi par le salarié en lui allouant un montant de 39 759,13 € à titre de dommages et intérêts. Monsieur [N] ne justifie d'aucun autre élément qui devrait conduire la cour à lui allouer un montant supérieur, et en particulier il ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement.

Compte tenu de la survenance de la procédure collective postérieurement au jugement déféré, celui-ci devra néanmoins être infirmé afin de procéder à la fixation de la créance.

* Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur

Le conseil des prud'hommes a alloué au salarié une somme de 31.807,30 €.

Monsieur [N] forme un appel incident, et réclame à titre principal une somme de 59.070,70 € correspondant à 24 mois de salaire pour violation du mandat de délégué syndical, et à titre subsidiaire la somme de 31.807,30 € pour violation du mandat de délégué du personnel.

Il a ci-dessus été jugé que le mandat de délégué syndical n'est pas établi, de sorte que l'appel incident tendant à obtenir une indemnité pour violation du statut protecteur en résultant ne peut-être que rejeté.

La violation du mandat de délégué du personnel a justement conduit le conseil des prud'hommes a alloué au salarié une indemnité. Elu en juin 2015 comme délégué du personnel, Monsieur [G] a été investi d'un mandat sur une durée de quatre ans. La protection s'achevait six mois après la fin du mandat soit le 25 décembre 2019. Le salarié convient qu'au jour de son licenciement du 22 octobre 2018, il lui restait 14 mois de protection, entraînant le paiement d'une somme de 31.807,30 € qui correspond précisément au montant alloué par les premiers juges qui ont parfaitement appliqué la règle en la matière.

Cependant le jugement sera infirmé afin de procéder à la fixation de cette somme.

* Sur les intérêts légaux

Conformément à la demande de l'intimé il est dit que les montants porteront intérêts à compter du jour de la demande s'agissant des créances salariales, et à compter du jour du présent arrêt s'agissant des dommages et intérêts, étant précisé que l'ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts conformément à l'article L622-28 du code de commerce.

III. Sur l'intervention du syndicat CFDT

En application de l'article L 2132-3 du code du travail les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice dès lors que les faits portent un préjudice direct, ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Le syndicat a en l'espèce agit afin de maintenir la présence de représentants du personnel pour les salariés du site de [Localité 10], alors que l'employeur s'y opposait. Il a bien défendu l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.

Monsieur [N] a par ailleurs été élu délégué du personnel suppléant sur les listes CFDT. Le syndicat a là encore un intérêt à agir, s'agissant du licenciement d'un salarié protégé sans respect des dispositions protectrices, pour obtenir réparation du préjudice qu'il subit du fait de leur méconnaissance (Cass.soc, 24 sept. 2008, N° 06-42.269, Bull. civ. V, no 184).

Il convient d'allouer une somme de 2.000 € en réparation du préjudice subi, et par conséquent d'infirmer le jugement ayant rejeté sa demande.

IV. Sur les demandes annexes

Il y a lieu d'ordonner la remise au salarié des documents de fin de contrat par le liquidateur judiciaire. Le conseil des prud'hommes ayant ordonné cette remise par l'entreprise, il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.

Le jugement déféré qui a justement statué sur les dépens est confirmé.

S'agissant des frais irrépétibles il sera infirmé. Il y a lieu de fixer pour les deux instances une somme de 2.000 € pour Monsieur [G], et de 1.000 € pour le syndicat CFDT de la Métallurgie d'Alsace.

Enfin conformément à la demande l'arrêt est déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 11].

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Saverne en formation de départage le 14 décembre 2021 en ce qu'il :

- annule le licenciement de Monsieur [T] [N] intervenu le 22 octobre 2018,

- constate que Monsieur [T] [N] ne sollicite pas sa réintégration dans les effectifs de la société les ateliers réunis caddie,

- déboute Monsieur [T] [N] de sa demande de paiement d'une somme de 59.070,70 € pour la violation du statut protecteur au titre du mandat de délégué syndical,

- déboute Monsieur [T] [N] de sa demande d'astreinte,

- condamne la société les Ateliers Réunis Caddie aux dépens,

Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective du 04 janvier 2022

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

FIXE les créances de Monsieur [T] [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société les Ateliers Réunis Caddie aux sommes suivantes :

* 16.660,97 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.290,40 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

* 429 € brut au titre des congés payés afférents,

* 39.759,13 € net au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

* 31.807,30 € brut à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur de délégués du personnel

* 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie prise en la personne de Maître [M] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Ateliers Réunis- Caddie à remettre à Monsieur [T] [N] les documents de fin de contrat dans les meilleurs délais ;

FIXE les créances du syndicat CFDT Métallurgie d'Alsace au passif de la liquidation judiciaire de la société les Ateliers Réunis Caddie aux sommes de :

* 2.000 € à titre de dommages et intérêts,

* 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les montants porteront intérêts à compter du jour de la demande s'agissant des créances salariales, et à compter du jour du présent arrêt s'agissant des dommages et intérêts, dans la limite de l'article L622-28 du code de commerce ;

DECLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA de [Localité 11] ;

DEBOUTE la Selarl MJ Synergie prise en la personne de Maître [M] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Ateliers Réunis- Caddie de sa demande de frais irrépétibles ;

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie prise en la personne de Maître [M] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS les Ateliers Réunis- Caddie aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 août 2024, signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/05117
Date de la décision : 09/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-09;21.05117 ?
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