Copie transmise par mail le 05.08.24 :
- à M. [K] [S] [L] par remise de copie contre récépissé par l'intermédiaire de l'établissement hospitalier
- à Me Mélanie BORCHERS
- au directeur d'établissement
- au directeur de l'ARS
- au JLD
- M. le préfet du Haut-Rhin
- à Monsieur le PG
Le Greffier,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE 17 (SC)
N° RG 24/02681 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILAG
Minute n° : 42/2024
ORDONNANCE du 05 Août 2024
dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur [S] [L] [K]
né le 17 Septembre 1972 à [Localité 3] (ARABIE SAOUDITE)
[Adresse 1]
Actuellement hospitalisé au Centre Hospitalier de [Localité 5]
comparant
assisté de Me Mélanie BORCHERS, avocat à la cour,
commis d'office
assisté de Mme [N] [F], interprète assermenté en langue anglaise
INTIMÉS :
Madame LA DIRECTRICE DU CENTRE HOSPITALIER
DE [Localité 5]
Monsieur LE PREFET DU HAUT-RHIN
ni comparants, ni représentés.
Ministère public auquel la procédure a été communiquée :
M. Philippe VANNIER, avocat général.
Nous, Anne-Barbara WURTZ, à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assisté lors des débats en audience publique du 05 Août 2024 de Isabelle MULL, greffier, statuons comme suit, par ordonnance réputée contradictoire :
Vu l'arrêt de la chambre de l'instruction de cette cour en date du 25 mai 2023 déclarant, notamment, M. [S] [L] [K] irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou ncuropsychique ayant, au moment des faits, aboli son discernement ou le contrôle de ses actes et la décision du même jour ordonnant son hospitalisation d'office sans son consentement en milieu psychiatrique ;
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 28 février 2024 ordonnant la poursuite de la mesure des soins psychiatriques sans consentement de M. [S] [L] [K] en hospitalisation complète ;
Vu les rapports d'expertise remis par le Docteur [C] [D] en date du 24 mai 2024 et le Docteur [M] [T] en date du 1er juillet 2024 ;
Vu la décision de M. le Préfet du Haut-Rhin en date du 18 juillet 2024 maintenant la mesure et demandant à Mme la Directrice du groupe hospitalier de la région de [Localité 5] et Sud Alsace de saisir le juge des libertés et de la détention ;
Vu l'avis du collège du 19 juillet 2024, favorable à la transformation en programme de soins ambulatoire ;
Vu la saisine en date du 22 juillet 2024 de Mme la Directrice du groupe hospitalier de la région de [Localité 5] et Sud Alsace tendant à l'examen de la mesure d'hospitalisation à la demande du Représentant de l'État en application des articles L. 3213 3 et L. 3211-12 du code de la santé publique concernant M. [S] [L] [K];
Vu l'ordonnance en date du 24 juillet 2024 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mulhouse a confirmé la mesure des soins psychiatriques sans consentement de M. [S] [L] [K] en hospitalisation complète ;
Vu la déclaration d'appel de M. [S] [L] [K] par courrier envoyé le 26 juillet 2024 et reçu au greffe le 30 juillet 2024 ;
Vu l'avis du parquet général du 31 juillet 2024 qui requiert la confirmation de la décision entreprise ;
Vu le certificat de situation du 2 août 2024 ;
MOTIFS :
M. [S] [L] [K], ayant formé appel de l'ordonnance entreprise, rendue le 24 juillet 2024, par déclaration en date du 26 juillet 2024 reçue le 30 juillet 2024. Il sera considéré qu'il a été satisfait aux dispositions des articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique, et que l'appel est ainsi régulier.
Sur le fond, il convient de rappeler que, selon l'article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l'admission en soins psychiatriques de la personne, sons la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique, s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes on portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
L'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique, précise que lorsque la personne a fait l'objet d'une décision ou d'un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale concernant des faits punis d'au moins 5 ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes, la mesure ne peut être levée qu'après que le juge des libertés et de la détention ou, comme en l'espèce, le délégué du premier président de la cour d'appel, ait recueilli, outre l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du même code, deux expertises établies par des psychiatres inscrits sur la liste visée à 1'artîcle L. 3213-5-1 du code précité.
Par ailleurs, l'article L. 3213-3 IV du code précité dispose que lorsque le représentant de l'Etat décide de ne pas suivre l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 recommandant la prise en charge d'une personne mentionnée au II de l'article L. 3211-12 sous une autre forme que l'hospitalisation complète, il ordonne une expertise dans les conditions prévues à l'article L. 3213-5-1. Lorsque l'expertise préconise le maintien de l'hospitalisation complète et que le représentant de l'Etat maintient l'hospitalisation complète, il en informe le directeur de l'établissement d'accueil, qui saisit le juge des libertés et de la détention afin que ce dernier statue à bref délai sur cette mesure dans les conditions prévues à l'article L. 3211-12, précité.
À l'audience, M. [S] [L] [K] indique qu'il respecte le traitement et est d'accord de suivre les soins, de sorte qu'il n'y a plus de raison de rester. Une assistante sociale cherche actuellement un logement pour lui. Il restera hospitalisé jusqu'à obtention d'un appartement, même si l'hospitalisation contrainte est levée. S'agissant des sorties, elles ont lieu une fois par mois et sont accompagnées. Elles durent environ une heure. Une demande pour des sorties libres a été faite mais n'a pas abouti en raison de son interdiction de paraître à [Localité 5].
Son conseil insiste sur la stabilité de son état de santé depuis plusieurs mois, l'absence du moindre incident lors des sorties, l'engagement de son client à respecter le traitement. La recherche de logement est en cours à [Localité 4] et à [Localité 2].
Il résulte des éléments du dossier que M. [S] [L] [K], qui est atteint d'une psychose chronique non schizophrénique à caractère paranoïde, a été admis en hospitalisation sous contrainte à la suite d'un arrêt de la chambre de l'instruction de cette cour en date du 25 mai 2023 le déclarant irresponsable au titre d'un tentative de meurtre sur un voisin. La mesure s'est, depuis lors, poursuivie au groupe hospitalier de la région de [Localité 5] et Sud Alsace, le juge des libertés et de la détention ayant ordonné sa poursuite aux échéances semestrielles après avoir exercé son contrôle sur son déroulement, en ayant pu vérifier que les certificats médicaux mensuels et décisions consécutives de poursuite de la prise en charge sous le régime de l'hospitalisation complète avaient été régulièrement établis, et que l'avis du collège prévu par l'article L. 3211-9 du code précité avait été recueilli.
Le certificat mensuel d'avril 2024 mentionne que le patient présente un état stabilisé et stationnaire et n'adopte pas de comportement auto ou hétéro-agressif, que le patient regrette son acte, que le délire à thématique persécutive persiste mais n'est plus investi émotionnellement. Le médecin propose une transformation des soins en programmes de soins, avec une période de transition en hospitalisation consentie le temps de trouver une solution d'hébergement.
Si le Docteur [D] estime dans son expertise du 24 mai 2024 que l'état de santé de M. [S] [L] [K] s'est amélioré et est compatible avec une levée de la mesure de soins psychiatriques, le Docteur [T] considère pour sa part, dans son expertise du 1er juillet 2024, que la levée des soins psychiatriques sans consentement serait prématurée en raison de l'antécédent de passage à l'acte, du caractère chronique de la paranoïa, de la structuration paranoïaque de la personnalité, de l'anosognosie et de l'adhésion superficielle de la prise en charge.
Le Docteur [T] précise que l'évaluation psychiatrique met en évidence une psychose chronique non schizophrénique, une paranoïa, évoluant depuis au moins l'âge de 38 ans. La paranoïa s'exprime sous la forme d'un vécu persécutoire de la relation à l'autre entraînant un ressenti de danger et de préjudice. Il est indiqué que la symptomatologie délirante persiste et n'est pas critiquée. Le patient n'a notamment exprimé aucun sentiment de regret ou de culpabilité vis-à-vis de sa victime. La mise en place d'un traitement médicamenteux a permis un apaisement du vécu délirant, moins générateur d'angoisse ou d'agressivité. Mais la conscience de ses troubles par M. [S] [L] [K] est superficielle si ce n'est absente. L'adhésion au traitement est uniquement sous-tendue par le cadre légal de la prise en charge. La poursuite des soins psychiatriques, et notamment du traitement médicamenteux, est le principal facteur de réduction de la dangerosité. En effet, les patients paranoïaques ayant généralement un niveau d'insight médiocre, il existe des risques d'inobservance du traitement. Enfin, si le patient a déjà bénéficié de sorties, il n'est jamais sorti seul de l'établissement pour le moment.
Selon un avis du 19 juillet 2024, le collège prévu par l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique a émis un avis favorable à la transformation de l'hospitalisation en programme de soins ambulatoire. Les professionnels relèvent que le patient est calme, qu'il ne présente pas de troubles du comportement, qu'il persistait toujours une tendance à l'interprétation et à la psychorigidité en lien avec une personnalité paranoïaque, mais moins prononcée qu'au début de la prise en charge, qu'il émet des regrets par rapport à son geste violent, ne verbalise pas de velléités de vengeance et accepte sans difficulté le traitement proposé.
Le certificat médical du 2 août 2024 fait état d'éléments identiques.
Ainsi, si la situation de M. [S] [L] [K] connaît une amélioration dans un contexte de prise en charge structurée, il n'en demeure pas moins que le maintien des soins requis sous la forme contrainte reste, en l'état, au regard tant des conclusions de l'expert détaillées ci-dessus, le seul moyen de s'assurer pour le moment l'observance par M. [S] [L] [K] de son traitement. L'amélioration de son état et l'adhésion aux soins doivent se confirmer de manière suffisamment solide et durable pour envisager de poursuivre ces soins sous une autre forme.
Dans ces conditions, l'hospitalisation de l'intéressé doit, en l'état, se poursuivre sous la forme contrainte, étant rappelé qu'il n'est pas du ressort du juge de substituer son appréciation à l'évaluation médicale de l'état de santé et de l'adhésion aux soins du patient.
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME la décision du 24 juillet 2024 prise par le Juge des Libertés et de la Détention du tribunal judiciaire de Mulhouse,
LAISSE les dépens à la charge du Trésor.
Le greffier, Le conseiller,