EP/VD
MINUTE N° 24/604
Copie exécutoire
aux avocats
Le 30 juillet 2024
Le Greffier,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - Chambre 4 A
ARRÊT DU 30 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : Chambre 4 A N° RG 22/01638 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2J2
Décision déférée à la Cour : 21 Mars 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Strasbourg
APPELANTE :
Madame [H] [Y]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christine ATHANASSI, avocat au barreau de STRASBOURG
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001940 du 14/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Colmar)
INTIMÉE :
La S.A.S. FONCIA ALSACE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE
prise en la personne de son représentant légal
ayant siège [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRÊT contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par M. Edgard PALLIERES, Conseiller, en l'absence du Président de chambre empêché,
- signé par M. Edgard PALLIERES, Conseiller, et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre d'une fusion entre la société Foncia Alsace et la société Foncia Marchand Tbi de [Localité 5], entraînant un surcroît d'activité, il a été proposé, à Madame [H] [Y], un engagement dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, en qualité de comptable Flux, à compter du 16 mars 2020.
Par courriel du 5 mars 2020, la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté a sollicité de Madame [H] [Y] la transmission d'éléments nécessaires à la rédaction d'un contrat de travail.
Le 16 mars 2020, Madame [H] [Y] s'est présentée au siège la société Foncia Alsace.
Aucun contrat de travail n'a été signé entre les parties, et la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté a précisé à Madame [H] [Y] que la date d'engagement était repoussée, compte tenu de la crise sanitaire.
Par contrat à durée déterminée du 13 mai 2020, Madame [H] [Y] a été engagée, par la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté, avec effet à compter du même jour jusqu'au 29 août 2020, en qualité de comptable flux, au lieu de travail de [Localité 3], en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 1 700 euros.
Par lettre remise en main propre le 18 mai 2020, la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté a notifié à Madame [H] [Y] la rupture du contrat pendant la période d'essai, avec effet au 19 mai 2020 au soir.
Par requête du 22 mars 2021, Madame [H] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg de demandes de rappel de salaires pour la période du 16 mars au 30 juin 2020, outre congés payés y afférents, de paiement d'un solde d'indemnité de précarité, de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle sérieuse, et aux fins d'indemnisations subséquentes, outre d'indemnité de requalification, et de délivrance de bulletins de paye, certificat travail et attestation Pole emploi correspondante.
Par jugement du 21 mars 2022, le conseil de prud'hommes, section commerce, a :
- débouté Madame [H] [Y] de l'intégralité de ses demandes,
- dit n'y avoir lui application de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'une des parties,
- condamné Madame [H] [Y] aux dépens.
Par déclaration du 21 avril 2022, Madame [H] [Y] a interjeté appel du jugement en toutes les dispositions la déboutant.
.../...
Par écritures transmises par voie électronique le 21 juillet 2022, Madame [H] [Y] sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur les mêmes bases, et que la cour, statuant à nouveau :
- condamne la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté à lui payer les sommes suivantes :
5 950 euros brut, à titre de rappel de salaire pour la période du
16 mars au 30 juin 2020,
595 euros brut au titre des congés payés y afférents,
595 euros net à titre d'indemnité de précarité,
- requalifie le contrat à durée déterminée du 16 mars 2020 en contrat à durée indéterminée,
- dise que le terme des relations contractuelles, le 18 mai 2020, s'analyse en un licenciement sans cause et sérieuse,
- condamne la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté à lui payer les sommes suivantes :
3 400 euros à titre d'indemnité de requalification,
1 700 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article L.1235-3 du code du travail,
- condamne la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté à lui délivrer des bulletins de paies, certificat travail attestation Pôle emploi correspondante ;
À titre subsidiaire,
- condamne la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté à lui payer les sommes suivantes, au titre de la rupture abusive de la promesse d'embauche :
1 700 euros à titre dommages-intérêts, en application de l'article L.1235-3 du code du travail,
1 700 euros brut à titre d'indemnité de préavis,
170 euros brut au titre des congés payés y afférents,
En tout état de cause,
- rappelle que les créances « déclaratives » portent intérêts au taux légal à compter la convocation par le greffe, et que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision,
- condamne la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté à payer à Me [V] [S] la somme de 2 400 euros TTC sur le fondement de l'article 700, 2°), du code de procédure civile augmentée des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir.
Par écritures transmises par voie électronique le 13 octobre 2022, la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté sollicite la confirmation du jugement, et la condamnation de Madame [H] [Y] aux dépens.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 16 janvier 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Sur les demandes principales et subsidiaires
Madame [H] [Y] soutient, à titre principal, qu'elle a travaillé le 16 mars 2020, de telle sorte qu'il existerait un contrat de travail, initialement prévue à durée déterminée, mais qu'il conviendrait de requalifier en contrat à durée indéterminée, en l'absence de contrat écrit avant le 13 mai 2020.
Subsidiairement, elle invoque la rupture abusive d'une promesse d'embauche.
La Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté réplique que Madame [H] [Y] n'a réalisé aucune prestation, et que sa présence, dans les locaux de la société, s'est limitée à la visite des locaux et à la présentation des membres du service, la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté informant Madame [H] [Y] que, compte tenu de la crise sanitaire, et d'un confinement obligatoire, prévisible, à compter du 17 mars, son embauche était repoussée.
Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.
C'est à la partie qui invoque l'existence d'une relation salariale d'apporter la preuve du contrat de travail (Cass. Soc. 13 novembre 1991 pourvoi n°89-41.297).
Dès lors que la société Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté est une société commerciale, cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
En l'espèce, Madame [H] [Y] produit :
un courriel de Madame [G] [E], employée de la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté, du 5 mars 2020 précisant que cette dernière fait suite à des échanges de Madame [H] [Y] avec ses collègues, concernant l'embauche de Madame [H] [Y] à partir du 16 mars 2020, Madame [E] demandant, pour le surplus, la transmission d'un certain nombre de documents pour la préparation du contrat de travail,
un courriel de la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté du 13 mars 2020, adressée à Madame [H] [Y], informant cette dernière de la création d'un compte collaborateur, avec accès opérationnel à compter du 15 mars 2020,
une copie de la charte d'utilisation des systèmes d'information au sein de la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté,
une copie de la charte déontologique de Foncia, non datée et non signée,
un courriel, de sa part, du 23 mars 2020, adressé à la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté,
une lettre d'elle-même, recommandée avec accusé de réception, reçue le 21 avril 2020 par la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté,
une lettre recommandée avec accusé de réception, de la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté, du 7 mai 2020, en réponse, faisant état que le 16 mars 2020, il a été convenu que son embauche serait reportée,
la copie d'un contrat de travail à durée déterminée signée, par les parties, le 13 mai 2020, avec effet à compter du même jour.
Ces documents ne justifient pas de l'existence d'un contrat de travail convenu antérieurement ou au plus tard le 16 mars 2020.
Madame [H] [Y] ne justifie pas plus de la réalisation d'une prestation au profit de la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté, le 16 mars 2020, ni qu'elle se soit tenue à la disposition de la société, et ne pouvait disposer librement de son temps.
Par ailleurs, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquels les parties manifestent leur volonté de s'engager.
Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.
L'offre comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. À défaut il y a seulement invitation à entrer en négociation.
Or, en l'espèce, il n'est pas établi qu'au plus tard le 16 mars 2020, les éléments essentiels du contrat envisagé avaient été déterminés, notamment, la durée du contrat (seule Madame [Y] faisant état d'une période du 16 mars jusqu'en juin 2020, dans son courriel du 23 mars 2020) et la rémunération.
Il est uniquement un fait constant que la Sas Foncia Alsace Bourgogne Franche-Comté avait exprimé son intention d'engager Madame [H] [Y].
Toutefois, en l'absence de détermination des éléments essentiels du contrat envisagé, les échanges produits, antérieurs au 16 mars 2020, ne s'analysent pas comme matérialisant un contrat de travail, ni même une offre de contrat, ou une promesse unilatérale de contrat (Cass. Soc. 28 novembre 2018 pourvoi n°17-20.782).
Il en résulte que les demandes de qualification d'un contrat de travail à durée déterminée au 16 mars 2020, de rappel de salaires pour la période du 16 mars au 12 mai 2020, outre de congés payés y afférents, de solde d'indemnité de précarité au 12 mai 2020, de requalification dudit contrat en contrat à durée indéterminée, et d'indemnisations subséquentes, sont mal fondées.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [H] [Y] de ses demandes à ces titres.
Le contrat de travail à durée déterminée, ayant été signé le 13 mai 2020, et comportant en son article 3, une période d'essai de 14 jours calendaires, la rupture du contrat, pendant la période d'essai, par l'employeur, le 18 mai 2020, apparaît régulière, de telle sorte que la demande de qualification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et les demandes d'indemnisations subséquentes apparaissent également mal fondées de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [H] [Y] des demandes à ces titres.
S'agissant de la demande de rappel de salaires pour la période du 13 mai 2020 jusqu'au 30 juin 2020, et d'un solde d'indemnité de précarité pour la période à compter du 13 mai 2020, il est un fait constant que Madame [H] [Y] a été rémunérée jusqu'au 19 mai 2020 inclus et qu'elle a perçu, comme mentionné sur le bulletin de paie du mois de mai 2020, l'indemnité de précarité correspondante à la période du 13 au 19 mai 2020.
La rupture, au 19 mai 2020, étant régulière, et Madame [H] [Y] ne faisant valoir aucun moyen autre que l'existence d'un contrat à durée déterminée du 16 mars au 30 juin 2020, pour justifier ces dernières demandes, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [H] [Y] de ses demandes à ces titres.
Le rejet de la demande de production de bulletins de paie, d'un certificat travail rectifié, et d'une attestation Pôle emploi, correspondante aux demandes de Madame [Y], sera donc également confirmé.
Sur les demandes annexes
Compte tenu de la déclaration d'appel, le jugement entrepris est définitif en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
Succombant à hauteur d'appel, Madame [H] [Y] sera condamnée aux dépens d'appel.
Sa demande, au titre de l'article 700, 2°), code de procédure civile, sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du 21 mars 2022 du conseil de prud'hommes de Strasbourg ;
.../...
Y ajoutant,
DEBOUTE Madame [H] [Y] de sa demande au titre de l'article 700, 2°), code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [H] [Y] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2024 et signé par Monsieur Edgard PALLIERES, Conseiller, en l'absence du Président de chambre empêché, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffier.
Le Greffier, / Le Président,