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16/07/2024 | FRANCE | N°22/01375

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 juillet 2024, 22/01375


EP





MINUTE N° 24/595





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 JUILLET 2024



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01375 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ33



Décision déférée à la Cour : 04 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE COLMAR



APPELANTE :



S.A.S. FUNECAP EST

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier SALICHON, avocat au barreau de COLMAR





INTIMEE ...

EP

MINUTE N° 24/595

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01375 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ33

Décision déférée à la Cour : 04 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE COLMAR

APPELANTE :

S.A.S. FUNECAP EST

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier SALICHON, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEE :

Madame [S] [N]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Michaël ALLOUCHE, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [S] [N] était l'épouse de Monsieur [G] [T], gérant de la Sarl Accueil Funéraire, aux droits de laquelle vient la Sas Funecap Est, et associée à hauteur de 49, 87 % dans la société Accueil Funéraire.

Les époux étaient séparés de fait depuis 2011, et sont divorcés depuis un jugement du 15 mars 2021 du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Colmar.

À compter du 1er septembre 2014, Madame [S] [N] a été engagée par la Sarl Accueil Funéraire, en qualité d'assistante funéraire (contrat de travail écrit non produit par les parties).

La convention collective applicable est celle nationale des pompes funèbres.

Durant l'année 2018, Madame [S] [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie (déclarée comme non professionnelle) pour plusieurs périodes, puis de manière continue du 31 octobre 2018 au 31 mars 2019.

Selon avis du 28 février 2019 du médecin du travail, Madame [S] [N] a été déclarée inapte à son emploi d'assistante funéraire, avec mention que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2019, la Sas Funecap Est a notifié à Madame [S] [N] son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement ; l'employeur comptait, alors, une dizaine de salariés, répartis sur 3 sites, respectivement, [Localité 4], [Localité 6] et [Localité 5].

Par requête du 24 avril 2019, Madame [S] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar de demandes de contestation de son licenciement pour cause de harcèlement moral, et aux fins d'indemnisations subséquentes, de rappel de salaires pour les mois de février 2018 à février 2019, de rappel de salaires pour maintien de salaire durant des périodes d'arrêt maladie, d'indemnisation pour défaut d'assurance maladie complémentaire, et pour harcèlement, outre de production de documents de fin de contrat et de bulletins de paie rectifiés.

Par jugement du 4 mars 2022, le conseil de prud'hommes, en formation de départage, a :

- rejeté l'exception d'incompétence matérielle,

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- dit que l'inaptitude de Madame [S] [N] avait son origine dans les faits de harcèlement moral,

- déclaré nul le licenciement pour inaptitude,

- condamné la Sas Funecap Est à payer à Madame [S] [N] les sommes suivantes :

* 20 025 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

* 1 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* 10 012,50 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

- condamné la Sas Funecap Est à remettre à Madame [S] [N] une attestation Pôle Emploi ainsi que le dernier bulletin de salaire rectifié,

- rejeté le surplus des prétentions,

- condamné la Sas Funecap Est à payer à Madame [S] [N] la somme de 2 500 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 1er avril 2022, la Sas Funecap Est a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions sauf le rejet du surplus des demandes de Madame [S] [N].

Par écritures transmises par voie électronique le 28 juin 2022, la Sas Funecap Est sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et que la cour, statuant à nouveau,

- déboute Madame [S] [N] de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

« réduise les prétentions » de Madame [S] [N],

condamne Madame [S] [N] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par écritures transmises par voie électronique le 20 septembre 2022, Madame [S] [N] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée des demandes formulées au titre du maintien de salaire pour la période allant du mois de novembre 2018 au mois de mars 2019, et celle au titre de la complémentaire santé, et que la cour, statuant à nouveau,

condamne la Sas Funecap Est à lui payer les sommes suivantes :

* 12 467, 70 euros et 606 euros, au titre du maintien de salaire,

* 1 261 euros, au titre de la complémentaire santé,

outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 16 janvier 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Liminaire

Bien qu'ayant formé un appel du chef du jugement relatif à la compétence matérielle, la Sas Funecap Est ne formule aucune prétention, à ce titre, à hauteur d'appel, de telle sorte que la

cour d'appel ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence matérielle.

Il en est de même en ce qui concerne le rejet de la demande de sursis à statuer.

Sur l'ultra petita

Selon l'article R 1453-3 du code du travail, la procédure prud'homale est orale.

Selon l'article R 1453-5 du même code, lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n'est statué que sur les dernières conclusions communiquées.

La Sas Funecap Est soutient que les premiers juges ont statué ultra petita, et n'étaient saisis d'aucune demande, au visa de l'article R 1453-5 du code du travail, au motif que les dernières écritures de Madame [S] [N] n'étaient pas datées du 31 août 2020, mais du 21 décembre 2021, dans lesquelles, la demanderesse s'est contentée d'une formule de renvoi sans préciser ses prétentions.

En l'espèce, l'ensemble des parties était représenté par avocat ayant formulé leurs prétentions respectives par écrit.

Toutefois, la cour relève que les dernières écritures, en premier ressort, de Madame [S] [N], du 21 décembre 2021, constituent un acte de reprise d'instance, soit une demande de réinscription de l'affaire au rôle, et tendent, non pas à déterminer l'objet du litige, ni ne soulèvent un incident, de quelque nature que ce soit, de nature à mettre fin à l'instance, de telle sorte que les premiers juges restaient saisis des écritures précédentes à savoir des écritures récapitulatives du 31 août 2020, qui comprennent un état détaillé des prétentions de Madame [S] [N] (pour un raisonnement similaire, relatif à la rédaction de l'article 954 du code de procédure civile : Cass. Civ. 2ème 15 novembre 2018 pourvoi n°17-27.844).

En conséquence, les premiers juges n'ont pas statué ultra petita, étant relevé, par ailleurs, que la Sas Funecap Est ne sollicite pas l'annulation du jugement mais uniquement son infirmation.

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L 1554-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Sur la matérialité des faits

Madame [S] [N] invoque comme faits :

des actes de violence.

Elle produit un récépissé de dépôt de plainte, du 7 mai 2018, pour des faits de violences par conjoint du même jour, avec son procès-verbal d'audition, selon lequel son époux lui aurait asséné un coup de genou dans l'épaule alors qu'elle était accroupie.

Aucun élément ne vient confirmer la matérialité de ces faits de violence physique, la plainte ne faisant qu'enregistrer les déclarations de Madame [S] [N].

des propos déplacés : l'ordre de se casser et de dégager.

Ces faits sont rattachés, par l'intéressée, au fait du 7 mai 2018, dont la matérialité n'est pas établie.

une employée était chargée de la surveiller.

La matérialité de ce fait n'est pas établie.

un retrait de ses tâches et responsabilités, Madame [S] [N] précisant qu'à compter du 7 mai 2018, elle n'avait plus accès à aucun document d'entreprise, que ses tâches avaient été attribuées à d'autres personnes, que les clés des bureaux de [Localité 6] et [Localité 4] lui avaient été retirées de même que son véhicule, et le téléphone portable, et qu'elle a été placée dans un état d'isolement par son époux.

Elle produit :

un échange de courriels du 28 mai 2018 avec Monsieur [T],

une attestation de témoin de Madame [R] [U] selon laquelle des consignes avaient été données aux termes desquelles Madame [S] [N] ne devait avoir accès à aucun document de l'entreprise, tous les document étaient mis sous clé, Madame [S] [N] avait été affectée au bureau de [Localité 5], et bien que responsable de la chambre funéraire de [Localité 4], Madame [S] [N] n'y avait plus accès. Toutes les tâches administratives que Madame [S] [N] aurait dû exécuter, au bureau de [Localité 5], ont été faites par Madame [W].

une attestation de témoin de Monsieur [I] [Y] selon laquelle, alors qu'elle s'occupait du bureau de [Localité 4], Madame [S] [N] effectuait toute l'intendance et veillait au bon fonctionnement administratif et fonctionnel de l'entreprise, disposait d'une diversité des tâches, pouvant aller de la gestion, préparation, contrôle de la partie comptabilité, de la partie transmission et communication avec les comptables, du relevé, contrôle des heures des porteurs, des liens avec les services externes à l'entreprise comme la médecine du travail pour veiller au bon contrôle réglementaire des employés,

une attestation de témoin de Monsieur [F] [J] selon laquelle il avait reçu pour consigne de récupérer toutes les urnes des cérémonies précédentes, du crématorium de [Localité 7], exception faite des dossiers concernant Madame [S] [N], Monsieur [T] lui ayant indiqué que « Madame [S] [N] n'a qu'à se démerder »,

une attestation de témoin de Monsieur [B] [X] selon laquelle depuis la demande de divorce de Madame [S] [N], Monsieur [T] parlait de son épouse péjorativement.

La matérialité des faits de retrait de tâches, et responsabilités, et de placement dans un état d'isolement par rapport aux autres employés, est établie.

Madame [S] [N] produit, par ailleurs, plusieurs pièces médicales sur son état de santé.

Les faits, dont la matérialité est établie, pris en leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient, dès lors, à l'employeur d'établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout acte de harcèlement moral.

Sur les éléments apportés par l'employeur

La Sas Funecap Est conteste tout fait de harcèlement moral, en faisant état que :

au regard des nombreuses absences, de la salariée, au cours de l'année 2018 et 2019, Monsieur [T] a eu peu de contacts avec Madame [S] [N],

Madame [S] [N] a bénéficié d'un arrêt maladie de complaisance pour pouvoir se rendre à [Localité 8], sans la prévenir le matin de son absence,

les faits d'humiliation ne sont pas établis alors que Madame [S] [N] produit des courriels expédiés et à destination de la même boite mail,

Monsieur [Y] et Madame [S] [N] ne se croisaient pas car travaillant dans des sites différents ; Monsieur [J] était fossoyeur et travaillait dans les cimetières et ne croisait donc pas Madame [S] [N], de telle sorte que les attestations de témoin de ces personnes sont de complaisance,

Madame [U]-[V] éprouve un ressentiment à l'égard de Monsieur [T].

Monsieur [J] a spécifié qu'il se sentait bien dans l'entreprise,

Monsieur [X] ne fait état d'aucun fait précis, n'était présent qu'aux seuls moments des cérémonies funéraires, et ne peut attester de la dégradation de l'ambiance de travail, alors qu'il a quitté l'entreprise le 31 mars 2018 et que Madame [S] [N] a régularisé sa demande en divorce le 12 avril 2018,

le téléphone n'a pas été retiré à Madame [S] [N]. Il a été demandé à cette dernière de le restituer le temps de changer la carte Sim,

le véhicule, fourni à Madame [S] [N], était un véhicule de service, et non de fonction, et il avait été constaté que ce dernier totalisait un kilométrage 3 fois supérieur à la normale, justifiant que la salariée l'utilisait à des fins personnelles.

Ce véhicule a été retiré parce que Madame [S] [N] était en arrêt de travail depuis de nombreuses semaines et devait servir à sa remplaçante.

La Sas Funecap Est ajoute qu'elle changeait son parc automobile de telle sorte qu'il était nécessaire de restituer les véhicules Ford Fiesta.

à partir de mars 2018 il a fallu embaucher Madame [P] [E] en remplacement de Madame [S] [N], Madame [E] étant alors affectée au site de [Localité 4], et Monsieur [T] au site de [Localité 6], de telle sorte que Madame [S] [N] a été affectée au site de [Localité 5].

Madame [S] [N] n'avait aucun droit à exiger être affectée sur tel ou tel site géographique.

elle a réduit les attributions de la salariée dans le cadre de son obligation de sécurité pour réduire les risques psychosociaux concernant Madame [S] [N],

en qualité d'assistante funéraire, Madame [S] [N] n'avait pas à avoir accès aux factures et aux extraits de compte bancaire de l'entreprise,

Madame [S] [N] n'a pas contesté l'avertissement disciplinaire qui lui a été notifié fin d'année 2018,

les certificaux médicaux, produits par Madame [S] [N], ne font qu'enregistrer ses propres déclarations, alors que la thérapeute nomme Madame [S] [N] par son prénom, ce qui établit qu'il s'agit d'une attestation de complaisance.

La Sas Funecap Est produit :

une attestation de témoin de Madame [P] [E].

Cette dernière n'apporte aucun élément quant aux faits invoqués par la salariée.

des échanges de courriers entre Monsieur [T], es qualité de gérant, et son épouse, notamment relatifs à une demande de congés de Madame [S] [N] à son retour d'arrêt de travail,

un sms attribué à Monsieur [A] [L] selon lequel il n'a jamais été témoin de harcèlement de la part de Monsieur [T] sur Madame [S] [N], durant la période de 8 ans où il a exercé dans la même entreprise,

une lettre du 3 avril 2018 envoyée à Madame [S] [N] sollicitant la restitution des clefs des agences, le véhicule automobile, et le téléphone portable pour cause de changement d'opérateur, Madame [S] [N] étant en arrêt de travail, et étant remplacée,

une attestation de témoin de Madame [M] [O], sur des propos de Madame [S] [N] quant à un arrêt de travail, à défaut de congés payés, et sur les suites de l'entreprise en cas de départ avec Monsieur [Y],

la lettre de démission de Monsieur [J] du 11 août 2018,

une attestation de témoin de Monsieur [G] [Z].

Cette attestation n'a aucun intérêt au regard des faits précités invoqués par la salariée.

une lettre de rupture de la période d'essai de Madame [R] [V]-[U],

des factures d'entretien de véhicules Ford Fiesta,

une copie de la requête en divorce, de Madame [S] [N], datée du 12 avril 2018 et reçue le 16 par le tribunal,

une attestation de témoin de Monsieur [G] [T], gérant de la Sas Funecap Est.

La force probante de cette « attestation » ne saurait être retenue, s'agissant du gérant de la Sas Funecap Est qui a un intérêt direct à la solution du litige.

Ce faisant, il est établi que Madame [S] [N] disposait, en sa qualité, d'un emploi avec des tâches précises, rappelées par Madame [U].

Le fait que le contrat de travail de cette dernière ait été rompu pendant la période d'essai ne suffit pas à écarter la force probante de son attestation.

Les responsabilités, confiées à Madame [S] [N], sont confirmées, pour partie, par Monsieur [Y].

La cour relève que si la restitution, du véhicule automobile, des clés des agences, et du téléphone professionnel, pouvait se justifier par la période d'arrêt de travail de Madame [S] [N], il n'en est pas de même du retrait de toute responsabilité à Madame [S] [N], dans le cadre de l'affectation de cette dernière à l'agence de [Localité 5], l'employeur ne pouvant justifier la décharge de toute tâche, l'impossibilité, pour Madame [S] [N], d'accéder à tout document utile à l'exercice de ses fonctions, par la volonté de ménager Madame [N] dans le cadre de son obligation de sécurité, alors qu'à aucun moment, l'employeur n'a informé la salariée d'un aménagement de son poste qui serait justifié pour préserver l'état de santé de cette dernière.

Bien plus, les échanges de courriels et de lettres entre Monsieur [T], gérant, et son épouse, font apparaître de multiples reproches effectués à la salariée, et l'existence d'un climat délétère entre Monsieur [T] et son épouse, l'employeur estimant que Madame [S] [N] avait bénéficié d'arrêts de travail de complaisance.

Par ailleurs, Monsieur [F] [J] relate des propos qui lui ont été tenus par Monsieur [T] démontrant la volonté de ce dernier d'aggraver les conditions de travail de son épouse.

La Sas Funecap Est ne renverse pas la présomption de faits de harcèlement moral commis au préjudice de Madame [S] [N], de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence de tels faits.

Sur l'indemnisation pour manquement à l'obligation de sécurité

Selon l'article L 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

L'existence de faits de harcèlement moral, dont le gérant de la Sas Funecap Est est directement responsable, fait preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

La force probante de l'attestation de Madame [H] [C], Thérapeute, ne sera pas retenue, dès lors qu'il apparaît que cette dernière entretient avec la salariée des relations dépassant le strict cadre médical, Madame [C] mentionnant plusieurs fois la salariée sous son seul prénom.

Toutefois, il résulte de certificat médical du 9 novembre 2018 du docteur [K] [C], médecin généraliste, que ce dernier suit médicalement Madame [S] [N] depuis 2011, et que depuis le début de l'année 2018, Madame [S] [N] lui a fait part d'une souffrance psychologique suite à l'attitude de Monsieur [T].

Madame [S] [N] justifie de plusieurs arrêts de travail depuis début 2018. En conséquence, les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice subi par la salariée en chiffrant ce dernier à la somme de 1 000 euros, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation pour harcèlement moral

Au regard du certificat médical du docteur [K] [C], de la durée de la période de harcèlement moral d'un peu plus d'un an, infirmant le jugement entrepris, la cour condamnera l'employeur à payer à Madame [S] [N] la somme de 2 000 euros, en réparation du préjudice moral.

Sur la nullité du licenciement et l'indemnité pour licenciement nul

En application de l'article L 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l'article L 1235-3-1 du code du travail, au regard de l'ancienneté de la salariée (4 ans), de son âge à la date du licenciement (53 ans), du salaire mensuel de 3 337, 50 euros brut, en dernier état, et de son préjudice, les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice subi en condamnant l'employeur à payer à la salariée la somme de 20 025 euros, correspondant à 6 mois de rémunération.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le licenciement ayant été jugé nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis.

La convention collective des pompes funèbres prévoit un préavis de 2 mois, et pour les agents âgés de plus de 50 ans, à la date de notification du préavis, le bénéfice d'un mois supplémentaire de préavis.

En conséquence, eu égard au salaire mensuel brut en dernier état (faisant abstraction de la maladie), de 3 337, 50 euros, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur, à ce titre, au paiement de la somme de 10 012,50 euros brut.

Sur le rappel de salaire au titre du maintien de salaire pendant les arrêts de travail

Selon l'article L 1226-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire.

Toutefois, pendant la suspension du contrat, les indemnités versées par un régime d'assurances sociales obligatoire sont déduites du montant de la rémunération due par l'employeur.

Madame [S] [N] justifie, par l'attestation de paiement des indemnités journalières du 27 mars 2019, des indemnités perçues de la Cpam du Haut-Rhin.

Madame [S] [N] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie :

du 19 au 25 février 2018.

Il reste dû par l'employeur la somme de 592, 82 euros brut, et les congés payés y afférents de 59, 28 euros brut.

du 19 mars 2018 au 5 mai 2018.

Cette période n'apparaît pas relativement sans importance, de telle sorte qu'il n'y a pas maintien du salaire au titre de la disposition précitée, la salariée n'invoquant aucune autre disposition.

du 31 octobre 2018 au 27 février 2019.

Cette période n'apparaît pas relativement sans importance, de telle sorte qu'il n'y a pas maintien du salaire au titre de la disposition précitée, la salariée n'invoquant aucune autre disposition.

du 28 mars au 3 avril 2019.

A compter de l'avis d'inaptitude du 28 février 2019, le contrat est suspendu et l'employeur ne doit le salaire qu'à l'expiration du délai d'un mois de l'avis d'inaptitude, soit à compter du 29 mars 2019.

Toutefois, Madame [S] [N] ne justifie pas des indemnités journalières perçues pour cette dernière période.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris uniquement pour la période du 19 au 25 février 2018, la cour condamnera l'employeur au titre du rappel de salaire pour maintien du salaire pendant les périodes d'arrêt maladie à la somme de 592, 82 euros brut, et les congés payés y afférents de 59, 28 euros brut.

Sur l'indemnité pour absence de complémentaire santé

Les premiers juges ont retenu que la société avait justifié avoir régularisé et réglé sa part afférente à la complémentaire santé.

Or, de façon implicite et non équivoque, la Sas Funecap Est reconnaît, dans ses écritures qu'elle n'a pas fait adhérer sa salariée à un contrat d'assurance santé complémentaire, et, ce, malgré les mentions apparaissant sur les bulletins de paie relatives aux charges santé et prévoyance.

Madame [S] [N] justifie, par la production des appels de cotisations Premavals qu'elle a réglé les sommes de 811, 44 + 948, 24 + 501, 96 = 2 261, 64 euros pour les années 2016 à 2018 incluse.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris et ne pouvant statuer ultra petita, la cour condamnera l'employeur à payer à la salariée la somme demandée de 1 261 euros net.

Sur la remise d'une attestation destinée à France Travail (anciennement Pôle Emploi) et d'un bulletin de salaire rectifié

Au regard des motifs supra, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes annexes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant pour l'essentiel à hauteur d'appel, la Sas Funecap Est sera condamnée aux dépens d'appel.

Sa demande, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d'appel, sera rejetée, et elle sera condamnée à payer à Madame [S] [N], à ce titre, la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 4 mars 2022 du conseil de prud'hommes de Colmar SAUF en :

ses dispositions relatives à l'indemnisation pour harcèlement moral (dommages et intérêts pour préjudice moral),

ses dispositions rejetant la demande de rappel de salaires au titre du maintien du salaire pendant une période d'arrêt de travail, uniquement pour la période du 19 au 25 février 2018,

ses dispositions rejetant la demande d'indemnité pour absence de complémentaire santé ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la Sas Funecap Est à payer à Madame [S] [N] les sommes suivantes :

* 2 000 euros (deux mille euros) en réparation du préjudice moral pour harcèlement moral ;

* 592, 82 euros brut (cinq cent quatre vingt douze euros et quatre vingt deux centimes) à titre de rappel de salaire pour maintien du salaire pendant la période d'arrêt de travail du 19 au 25 février 2018,

* 59, 28 euros brut (cinquante neuf euros et vingt huit centimes) au titre des congés payés y afférents ;

* 1 261 euros net (mille deux cent soixante et un euros) à titre d'indemnité pour absence de complémentaire santé ;

DEBOUTE la Sas Funecap Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d'appel ;

CONDAMNE la Sas Funecap Est à payer à Madame [S] [N] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d'appel ;

CONDAMNE la Sas Funecap Est aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024, signé par Mme Christine Dorsch, Président de chambre et Mme Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/01375
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;22.01375 ?
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