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08/07/2024 | FRANCE | N°23/01013

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 08 juillet 2024, 23/01013


MINUTE N° 24/357

























Copie exécutoire à :



- Me Christine BOUDET

- Me Guillaume HARTER





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 08 Juillet 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01013 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IA3U



Décision déférée à

la cour : jugement rendu le 18 janvier 2023 par le Juge des contentieux de la protection d'ILLKIRCH GRAFFENSTADEN





APPELANT :



Monsieur [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/709 du 28/02/20...

MINUTE N° 24/357

Copie exécutoire à :

- Me Christine BOUDET

- Me Guillaume HARTER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 08 Juillet 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01013 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IA3U

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 janvier 2023 par le Juge des contentieux de la protection d'ILLKIRCH GRAFFENSTADEN

APPELANT :

Monsieur [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/709 du 28/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Représenté par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

Madame [N] [K] épouse [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/710 du 28/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉ :

OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE L'EUROMETROPOLE DE [Localité 3] (OPHEA) pris en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024, en

audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, et Mme DESHAYES, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme GREWEY, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M.BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

L'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] (ci-dessous dénommé Ophea) a donné à bail à Madame [N] [K] épouse [E] et Monsieur [D] [E] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1] selon contrat de bail à effet au 1er octobre 2020.

Se plaignant de l'apparition de moisissures sur les murs de différentes pièces et de fissures au plafond de leur appartement, Monsieur et Madame [E] ont, par acte délivré le 27 janvier 2022, fait assigner Ophea afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à exécuter divers travaux de remise en état et d'installation d'une barre de sécurité sur le balcon, ainsi que le versement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance subi, outre les frais et dépens de la procédure.

A l'audience, les demandeurs ont déclaré se désister de leur demande initiale relative à l'installation de la barre de sécurité et à la délivrance d'un cellier conforme aux stipulations du bail.

Ophea s'est pour sa part opposée aux demandes présentées à son encontre et a demandé la condamnation des époux [E] à lui payer 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure

civile et à supporter les entiers frais et dépens de la procédure, en faisant notamment valoir que, s'agissant du traitement des moisissures et des travaux de peinture à réaliser, elle avait été confrontée aux refus quasi-systématiques de la famille [E] de laisser accès au logement aux entreprises intervenantes ; qu'elle ne prendrait à sa charge que les murs impactés par des traces d'humidité et non pas l'intégralité des murs de l'appartement ; que, s'agissant des fissures aux plafonds, il était habituel que des micro-'ssurations puissent apparaitre dans un bâtiment neuf et que ces micro-'ssurations n'avaient qu'un impact esthétique n'entraînant aucun préjudice de jouissance.

Par jugement contradictoire rendu le 18 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch Graffenstaden a :

débouté Monsieur et Madame [E] de leur demande de condamnation à exécuter des travaux sous astreinte et de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné les époux [E] aux dépens.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a indiqué n'examiner que la demande relative aux travaux consécutifs à l'apparition de moisissures sur les murs et de fissures au plafond, les autres points évoqués par les preneurs n'ayant donné lieu à aucune demande et les parties s'étant désistées de certaines d'entre elles à l'audience. Il a par ailleurs relevé que les demandes présentées n'étaient motivées ni en fait ni en droit.

Sur le fond, il a constaté que l'existence de moisissures était établie par des photographies et n'était pas contestée par le bailleur, qui indiquait avoir réparé les infiltrations du balcon à leur origine et avoir fait appel à une entreprise de peinture pour procéder à la remise en état des deux murs impactés ; que les preneurs ne démontraient pas la nécessité de reprendre la peinture sur l'intégralité des murs ; qu'Ophea avait justifié avoir envoyé un courrier en ce sens aux preneurs qui ne l'avait pas retiré ; que le bailleur n'ayant pas refusé de prendre en charge les travaux de peinture du bien loué, il n'y avait pas lieu à condamnation à ce titre.

S'agissant des fissures du plafond, il a retenu le manque de précision quant à l'origine ou l'ampleur du désordre allégué et l'absence de caractère probant des photographies produites. Il a par ailleurs relevé qu'une seule fissuration était visible au niveau du balcon et que la bailleresse ne contestait pas l'existence de micro-fissures  mais que l'imprécision de la demande et des

éléments produits ne permettait pas de prononcer une injonction de faire.

Le premier juge a enfin écarté toute indemnisation pour trouble de jouissance résultant des problèmes d'humidité et moisissures d'une part et de la privation d'un accès à la terrasse pendant plusieurs mois d'autre part dès lors que le bailleur avait réparé l'infiltration provenant du balcon et mandaté une entreprise de travaux et que les preneurs ne précisaient pas la date d'installation des poignées des porte fenêtres, et ne démontraient donc ni la durée ni la réalité d'un préjudice résultant de la privation d'accès au balcon.

Monsieur et Madame [E] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 7 mars 2023.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, Monsieur [D] [E] et Madame [N] [K] épouse [E] demandent à la cour de déclarer leur appel principal recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de condamner Ophea à exécuter les travaux consécutifs à l'apparition de moisissures sur les murs des différentes pièces de l'appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4] ainsi qu'aux fissures constatées au plafond de l'appartement et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, condamner Ophea à leur verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du trouble de jouissance subi. Ils demandent en outre à voir déclarer l'appel incident d'Ophea mal fondé.

A titre liminaire, les appelants précisent qu'ils se sont acquittés de l'ensemble de leurs loyers et charges.

Au soutien de leur appel, les époux [E] font essentiellement valoir, s'agissant des problèmes de moisissures, qu'ils ont signalé à Ophea, dès décembre 2020, la présence de désordres dans leur logement liés à l'humidité avant, en l'absence de réponse, de mettre en demeure leur bailleur par courrier recommandé du 19 janvier 2021 puis d'introduire la présente procédure ; qu'ils n'ont jamais été destinataires du courrier recommandé daté du 24 janvier 2022 évoqué par Ophea, dont ni l'envoi ni la réception ne sont établis ; que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'ils avaient refusé l'accès de l'appartement à l'entreprise mandatée par la bailleresse, alors qu'ils avaient seulement été contactés téléphoniquement par un représentant de l'entreprise qui devait ensuite reprendre attache avec eux ; que les travaux n'ont toujours pas été réalisés malgré la procédure de première instance tout comme il n'a pas été remédié à l'écoulement d'eau sur la terrasse ni à l'humidité générée par le vide important autour du tuyau passant sur le balcon, le long du mur du logement.

Ils contestent n'avoir formé aucune réclamation depuis mars 2021 et produisent une lettre de relance en date du 12 septembre 2023 ainsi que la réponse d'Ophea du 10 octobre 2023, en insistant sur

le fait qu'ils ne s'opposent pas au passage du peintre mais souhaitent que les problèmes de moisissures soient préalablement résolus.

Ils estiment que le rapport hygrométrique évoqué mais non communiqué par Ophea ne semble pas contredire la présence de moisissures puisqu'il renvoie à de nouvelles mesures à opérer. Les appelants sollicitent la production de ce rapport ainsi que la pièce annoncée sous numéro 21 de la partie adverse relative à un rapport de recherche de fuite dont ils n'ont pas eu connaissance et qui conclurait à une insuffisance d'aération et de chauffage.

A cet égard, ils se fondent sur la reconnaissance par la bailleresse d'une absence d'un dispositif d'entrée d'air dans la chambre, le défaut d'aération étant donc imputable à la carence de la bailleresse sans qu'Ophea puisse se prévaloir de l'arrêté du 3 mai 2007 relatif à la performance énergétique des bâtiments existants.

Les appelants insistent sur le fait que, faute de travaux, les désordres persistent et s'amplifient, allant jusqu'à s'étendre dans de nouvelles pièces.

Sur leur demande d'indemnisation, Monsieur [D] [E] et Madame [N] [K] épouse [E] rappellent l'obligation du bailleur d'assurer à ses preneurs une jouissance paisible et reprochent à Ophea de n'avoir pas diligenté une intervention suffisante pour mettre un terme aux désordres. Ils s'appuient sur divers certificats médicaux pour établir les répercussions de la situation sur la santé de leurs enfants. 

Ils soutiennent enfin avoir été privés de l'accès à leur terrasse pendant plusieurs mois, ce qui constitue un trouble de jouissance justifiant indemnisation.

S'agissant des dépens, les appelants précisent que Monsieur [D] [E] est bénéficiaire, comme son épouse, de l'aide juridictionnelle selon décision le concernant du 28 février 2023, ce qui n'est toutefois pas à l'origine du rejet par le premier juge de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils arguent de ce que la bailleresse n'aurait pas eu à exposer des frais et dépens si elle avait entrepris les travaux nécessaires.

Par dernières écritures du 13 mars 2024 notifiées par voie électronique le lendemain, Ophea demande à la cour de :

sur l'appel principal des époux [E] :

les débouter de l'intégralité de leurs fins et conclusions ;

confirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leur demande de condamnation à exécuter des travaux et de leur demande de dommages et intérêts et en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance ;

sur son appel incident :

le juger recevable et bien fondé ;

y faire droit,

infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'Ophea au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau :

condamner Monsieur et Madame [E] à payer à Ophea la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

en tout état de cause :

condamner Monsieur et Madame [E] aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

A titre liminaire, l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] rappelle que les preneurs étaient les premiers occupants d'un appartement neuf et ont adopté un comportement non-exempt de reproches (comportement bruyant ; dégradation de la porte automatique du parking et occupation irrégulière pendant plusieurs mois d'un emplacement de stationnement ; non-paiement de l'intégralité des loyers et charges à l'échéance, sauf concomitamment à l'introduction de la procédure avant réapparition d'impayés).

Sur la demande en travaux relatifs aux moisissures, la bailleresse rappelle avoir fait réparer la fuite à l'origine de l'humidité comme mentionné par le premier juge et non contesté par les preneurs qui n'ont d'ailleurs formulé aucune réclamation depuis mars 2021.

Ophea souligne le manque de caractère probant de l'annexe 10 adverse et s'appuie pour sa part sur l'accusé de réception signé par les preneurs démontrant la remise du courrier du 24 janvier 2022 dans lequel il leur a été rappelé la réparation effectuée sur le balcon et le fait que la société de peinture Armaveni, mandatée pour traiter et reprendre uniquement les deux murs impactés par la moisissure, avait été confrontée à leur refus des travaux proposés.

La bailleresse soutient que, suite à la réclamation des preneurs le 12 septembre 2023, elle a rapidement diligenté un contrôle hygrométrique, lequel n'a relevé aucun support humide tout en invitant à attendre un épisode pluvieux prononcé pour de nouvelles mesures.

Elle s'appuie en outre sur un rapport de recherche de fuite d'eau du 7 février 2024 concluant que l'humidité générée par l'occupation est liée à l'insuffisance d'aération combinée à une insuffisance de chauffage, et mettant en évidence un débit d'air correct et une mesure d'humidité dans les seuils, même s'il est élevé dans la chambre.

Elle se prévaut des termes de l'article 12 II de l'arrêté du 3 mai 2007 relatif à la performance énergétique des bâtiments existants qui ne rend pas obligatoire l'installation d'un dispositif d'entrée d'air dans la chambre puisque l'appartement dispose de dispositifs d'entrée d'air et d'extraction et d'un débit d'extraction correct. Malgré ce caractère non obligatoire, elle se déclare disposée à installer une grille d'aération dans la chambre.

S'agissant de la demande de travaux afférents aux fissures du plafond, Ophea soutient que les photographies sont peu claires et exploitables ; que le bâtiment étant neuf, il n'est pas rare que des microfissurations, tout au plus d'ordre esthétique, apparaissent ; que le premier juge n'a pas réellement constaté de fissuration mais a seulement noté que la seule microfissuration visible semblait se situer au niveau du balcon.

Sur les préjudices, la bailleresse conteste le fait que le logement loué ne serait pas sain et rappelle avoir résolu le problème d'infiltration d'eau avant même la bronchiolite de la fille des preneurs, dont le dossier médical n'établit pas de lien avec une mauvaise qualité de l'isolation du logement.

Ophea considère que les nouveaux certificats médicaux produits ne sont pas sérieux puisqu'étant identiques pour les trois enfants et se contentant de citer les dires de leur mère sans que le médecin n'ait effectué aucune constatation personnelle.

L'intimée estime que les appelants n'établissent pas davantage la privation de jouissance de la terrasse dont ils demandent réparation.

Ophea critique le rejet de sa demande de frais irrépétibles alors que les époux [E] ont engagé une procédure déraisonnable et de mauvaise foi.

L'audience de plaidoiries a été fixée au 13 mai 2024 pour une mise en délibéré au 8 juillet 2024.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées étant à cet égard remarqué que si les époux [E] évoquent des pièces dont ils n'auraient pas eu connaissance, ils n'ont formulé aucun incident d'instance à ce propos et que les pièces produites de part et d'autre correspondent à celles communiquées conformément aux bordereaux ;

En vertu des dispositions de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Le bailleur est en outre obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement et d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

Sur la demande de travaux relatifs à l'apparition de moisissures

Il n'est pas contesté que les preneurs sont les premiers occupants d'un logement neuf dont l'état des lieux d'entrée n'est pas produit.

Les époux [E] justifient avoir fait une déclaration de dégât des eaux auprès de leur assurance le 14 décembre 2020 puis avoir, par courrier recommandé reçu par la bailleresse le 20 janvier 2021 (soit à peine trois mois après leur arrivée), signalé divers problèmes dans leur logement, notamment une humidité excessive et le développement de moisissures sur les murs, mettant ainsi Ophea en demeure de procéder aux travaux nécessaires de remise en état.

L'existence d'infiltrations d'eau et de moisissures n'est pas contestée par la bailleresse qui a d'ailleurs mandaté l'entreprise de peinture Armaveni pour reprendre deux murs impactés par ces moisissures.

L'entreprise Armaveni confirme ne pas avoir procédé aux travaux de remise en état car les preneurs exigeaient, selon son courriel du 17 janvier 2022, la mise en peinture des autres murs de la pièce.

Les époux [E] expliquent pour leur part solliciter, avant toute reprise de la peinture, des travaux permettant de mettre fin à l'humidité excessive du logement, qu'ils attribuent notamment à un jour important autour d'un tuyau extérieur descendant le long du mur de leur logement et à l'absence de grille d'aération dans la chambre. Un tel refus paraît fondé dès lors qu'effectuer une reprise

de peinture sans avoir remédié préalablement à l'humidité serait vaine.

Si Ophea soutient avoir fait procéder à des travaux de réparation du balcon « de longue date », aucune facture n'étaye toutefois cette allégation alors qu'il lui appartient de prouver avoir fait diligenter les travaux nécessaires. C'est à tort que le premier juge a considéré que les déclarations d'Ophea, soutenant que l'origine du désordre était réparée, n'étaient pas contestées alors que, dans leurs conclusions du 9 mai 2022, les époux [E] faisaient part de l'existence d'un « écoulement d'eau sur la terrasse manifestement à l'origine du problème d'humidité constaté auquel il importe de remédier dans les meilleurs délais », leur demande tendant donc à remettre le logement en état mais aussi, de manière plus large, à remédier aux causes des moisissures.

Le jugement entrepris, en ce qu'il s'est fondé sur un postulat erroné de travaux ayant remédié aux infiltrations d'eau et s'est focalisé sur la seule question des travaux de reprise de peinture, sera donc infirmé.

Il résulte du dossier qu'Ophea a fait intervenir une équipe maintenance de ses services pour procéder à des mesures hygrométriques en septembre 2023. Si celle-ci considère que « rien ne permet de conclure qu'une infiltration est toujours présente », le service maintenance propose toutefois d'attendre un épisode pluvieux plus prononcé pour reprendre des mesures et indique émettre des doutes sur la finition de l'isolation et du crépis de la façade côté chambre.

Les prises de mesure effectuées à cette occasion font ressortir un taux d'humidité des murs compris entre 46,3% et 56,1% ce qui, au vu des éléments techniques cités ci-dessous, va dans le sens d'une humidité excessive des supports muraux.

Le rapport de recherche de fuite réalisé par le cabinet extérieur Résilians le 5 février 2024 fait état de moisissures sur les murs d'une chambre ainsi qu'en pied de mur du séjour (confirmant ainsi les plaintes des preneurs). Le technicien met en évidence l'existence de ponts thermiques aux emplacements des désordres et l'absence d'un dispositif d'entrée d'air sur les menuiseries extérieures de la chambre présentant des moisissures. Il constate par contre que les dispositifs d'entrée d'air du séjour et des autres chambres et les dispositifs d'extraction d'air présentent un débit d'air correct.

Le taux d'humidité relevé dans l'air est de 56,3%, soit un taux élevé même s'il se situe dans les recommandations usuelles (entre 40 et 60%). Celui des murs varie entre 46 et 47 %, le rapport précisant que, au-delà de 50 graduations, la teneur en humidité des matériaux est considérée comme anormale (étant ici rappelé que les mesures effectuées par le service maintenance d'Ophea en septembre 2023 allaient jusqu'à 56,1%).

En conclusion, le technicien Résilians préconise d'installer des grilles d'entrée d'air sur les menuiseries extérieures de la chambre, d'aérer régulièrement et maintenir une température constante dans le logement en période hivernale et d'effectuer des investigations de recherche d'infiltration sur le balcon supérieur concernant les écoulements d'eau sur la façade.

Il résulte de ces éléments la persistance d'une humidité excessive dont l'origine ne semble pas avoir été résolue par les travaux que la bailleresse soutient avoir exécutés courant 2021.

Il est à cet égard à regretter que malgré les doutes de sa propre équipe quant à un problème d'isolation de la façade de la chambre et la préconisation du technicien de procéder à une recherche d'infiltration sur le balcon et malgré les signalements réitérés des preneurs quant à un écoulement d'eau le long du tuyau en cas de forte pluie, Ophea n'ait diligenté ni vérification ni reprise de l'étanchéité autour dudit tuyau (les photographies montrant pourtant un jour entre le tuyau et le socle du balcon supérieur dans lequel il s'insère).

Le bailleur ne saurait maintenant sérieusement soutenir que les moisissures trouvent leur origine dans une insuffisance d'aération et de chauffage par les occupants alors que ces traces sont apparues à peine trois mois après leur entrée dans les lieux et qu'il n'a initialement pas contesté qu'elles résultaient de problèmes structurels, notamment au niveau du balcon.

Il sera en outre relevé que seule la chambre dépourvue d'un dispositif d'entrée d'air (laquelle se situe d'ailleurs, comme le salon, sur le côté donnant sur le balcon) a donné lieu au développement de moisissures, ce qui exclut une imputabilité de celles-ci au seul comportement des locataires.

L'article 2 du décret du 30 janvier 2002 rappelle qu'un logement décent permet une aération suffisante, que les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptée aux besoins d'une occupation normale du logement.

L'arrêté du 24 mars 1982 relatif à l'aération des logements prévoit notamment que le système d'aération doit comporter des entrées d'air dans toutes les pièces principales, réalisées par des orifices en façades, des conduits à fonctionnement naturel ou des dispositifs mécaniques.

L'article 12 II de l'arrêté du 3 mai 2007 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants, précise que, dans les locaux d'habitation et les locaux d'hébergement, les nouvelles fenêtres et portes-fenêtres installées dans les pièces principales doivent être équipées d'entrées d'air,

sauf dans les locaux déjà munis d'entrées d'air ou de bouches d'insufflation d'air. La somme des modules de ces entrées d'air doit au moins être de 45 pour les chambres et 90 pour les séjours. Cette valeur peut être réduite lorsque l'extraction d'air mécanique permet un dimensionnement inférieur.

Ophea ne démontre pas que la chambre concernée par les moisissures dispose d'autres dispositifs d'entrée d'air. Il lui appartenait donc de faire procéder, comme elle le propose d'ailleurs, à l'installation d'un tel dispositif.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande des époux [E] tendant à voir condamner Ophea à diligenter tous travaux utiles de nature à résoudre l'humidité excessive présente dans le logement, notamment procéder à la pose d'une grille d'aération sur les menuiseries extérieures de la chambre qui en est dépourvue et assurer l'étanchéité du tuyau longeant le mur de la chambre et passant sur le balcon. Ophea devra également faire diligenter les travaux nécessaires à la remise en état des murs atteints de moisissures (ce qui s'entend de plusieurs murs du salon et d'une chambre, sans pour autant justifier la rénovation totale du logement).

Afin de permettre à la bailleresse de faire procéder à ces travaux et toutes autres vérifications techniques utiles, il convient d'accorder à celle-ci un délai de quatre mois avant d'assortir la condamnation d'une astreinte, comme précisé au dispositif ci-dessous.

Sur la demande de travaux relatifs aux fissurations du plafond

Les preneurs se prévalent de l'existence de fissures au plafond et s'appuient, pour étayer leurs propos, sur les photographies produites et la reconnaissance par la bailleresse de microfissurations.

Or, comme souligné par le premier juge, les photographies communiquées ne permettent pas de constater des fissures.

Les appelants ne produisent aucune pièce supplémentaire permettant à la cour de se convaincre de l'existence ou de l'ampleur de fissures nécessitant des travaux, dont ils ne précisent d'ailleurs ni l'objet ni l'étendue.

Le fait que la bailleresse rappelle, en termes généraux, qu'il n'est pas rare que des microfissurations apparaissent dans un logement neuf lors du séchage de la construction ne saurait s'interpréter comme valant reconnaissance de désordres et ce d'autant qu'elle indique qu'ils seraient tout au plus d'ordre esthétique.

Faute pour les époux [E] de démontrer l'existence et l'ampleur d'un quelconque phénomène de fissuration du plafond et de préciser les termes de leur demande, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté leur demande en condamnation à réaliser des travaux relatifs aux fissures des plafonds.

La décision sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour troubles de jouissance

Il est acquis que les preneurs ont subi une humidité excessive et l'apparition de moisissures dans le logement.

Il n'est toutefois pas établi que celles-ci, circonscrites à deux pièces sur quatre, à savoir le salon (bas de mur, angle de deux murs, entourage de la porte-fenêtre essentiellement) et une chambre, aient empêché la famille d'occuper normalement les lieux.

Il ne peut davantage être retenu que ces moisissures aient été à l'origine de troubles de santé de la famille alors qu'il apparaît que les enfants présentaient déjà un terrain allergique et qu'un épisode de bronchiolite chez un nouveau-né en période hivernale n'est pas exceptionnel et ne peut être directement rattaché à l'état du logement. Les certificats médicaux datés du 6 juin 2023 émanant du Dr [O] [L] ne sont pas davantage probants puisqu'ils sont tous trois rédigés en termes généraux identiques, ne s'appuient sur aucune constatation médicale et se contentent de relater les dires de Madame [N] [K] épouse [E] et de citer un extrait d'un avis scientifique.

Pour autant, le fait de vivre dans un logement atteint de moisissures participe d'une source d'inquiétude et ne constitue pas l'environnement qu'attendent légitimement des locataires.

Les appelants se prévalent également de ce qu'ils auraient été privés de l'accès à leur terrasse pendant plusieurs mois. Ils ne produisent toutefois aucune pièce à l'appui de cette allégation.

Ophea produit pour sa part une annexe 15 intitulée « quitus mise en conformité des portes fenêtres du 28 novembre 2020 ». Ledit document n'est cependant pas complété ni signé et ne permet pas de comprendre quelle était, le cas échéant, la problématique ni ne démontre que les preneurs étaient dans l'impossibilité d'accéder à leur balcon.

Au vu des préjudices subis par les preneurs, dont l'ampleur doit toutefois être relativisée, il convient de ramener leurs prétentions à de plus justes proportions et de leur allouer une indemnité qui sera justement fixée à la somme de 800 euros en réparation de leurs troubles de jouissance.

Sur les frais et dépens

Au vu de l'issue du litige, il y a lieu d'infirmer la décision de première instance quant aux frais et dépens et de condamner Ophea à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Ophea succombant pour partie, et afin de tenir compte de l'équité entre les parties, il est adapté de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté la demande d'Ophea fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande présentée sur ce fondement à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden en date du 18 janvier 2023, sauf en ce qu'il a débouté Madame [N] [K] épouse [E] et Monsieur [D] [E] de leur demande en condamnation de travaux relatifs aux fissures du plafond et a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

CONDAMNE l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] à diligenter ou faire diligenter tous travaux utiles de nature à résoudre l'humidité excessive présente dans le logement sis [Adresse 1] occupé par Madame [N] [K] épouse [E] et Monsieur [D] [E], notamment procéder à la pose d'une grille d'aération sur les menuiseries extérieures de la chambre qui en est dépourvue et assurer l'étanchéité du tuyau longeant le mur de la chambre et passant sur le balcon ;

CONDAMNE l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] à diligenter ou faire diligenter tous travaux nécessaires à la remise en état des murs du logement atteints de moisissures ;

ASSORTIT ces condamnations d'une astreinte à raison de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quatre mois courant à compter de la signification de la présente décision et pour une durée maximale de six mois ;

CONDAMNE l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] à verser à Madame [N] [K] épouse [E] et Monsieur [D] [E] une somme de 800 euros en réparation des troubles de jouissance subis ;

CONDAMNE l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] à supporter les dépens de la procédure de première instance ;

Y ajoutant,

DEBOUTE l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] de la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Office public de l'Habitat de l'Eurométropole de [Localité 3] aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/01013
Date de la décision : 08/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-08;23.01013 ?
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