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08/07/2024 | FRANCE | N°23/00794

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 08 juillet 2024, 23/00794


MINUTE N° 24/357

























Copie exécutoire à :



- Me Noémie BRUNNER

- Me Joseph WETZEL





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 08 Juillet 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/00794 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IAQ3



Décision déférée à la

cour : jugement rendu le 19 janvier 2023 par le Tribunal de proximité de MOLSHEIM





APPELANTE ET INCIDEMMENT INTIM''E :



S.A.S. LES SOLUTIONS DE L'IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]



Représentée par Me Noémie B...

MINUTE N° 24/357

Copie exécutoire à :

- Me Noémie BRUNNER

- Me Joseph WETZEL

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 08 Juillet 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/00794 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IAQ3

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2023 par le Tribunal de proximité de MOLSHEIM

APPELANTE ET INCIDEMMENT INTIM''E :

S.A.S. LES SOLUTIONS DE L'IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉ ET INCIDEMMENT APPELANT :

Syndicat de copropriété RESIDENCE CHAMPS FLEURIS représenté par son syndic la SAS ORPI REGENCY, représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, et Mme DESHAYES, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme GREWEY, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M.BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, président et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon mandat du 15 septembre 2017, la Sas Les Solutions de L'immobilier s'est vue confier une mission de syndic de copropriété pour la copropriété « Les champs fleuris » sise [Adresse 3], pour la période du 15 septembre 2017 au 31 décembre 2018.

La Sas Les Solutions de L'immobilier a émis une « convention d'honoraires » le 05 mars 2019 pour un montant de 6 480 euros TTC au titre de ses honoraires de gestion courante pour la période allant de septembre 2017 à décembre 2018, suivie d'une facture n° 030/2021 en date du 03 juin 2021 réclamant ce même montant, adressée au syndicat des copropriétaires par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 07 juin 2021.

Faute de paiement, la Sas Les Solutions de L'immobilier a, par assignation délivrée le 24 février 2022, attrait le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris », sise [Adresse 3] (ci-dessous dénommé le syndicat des copropriétaires), représenté par son syndic la Sas Orpi Regency, afin d'obtenir sa condamnation à paiement.

A l'audience, la Sas Les Solutions de L'immobilier, a maintenu sa demande en paiement de la somme de 6 480 euros au titre des honoraires de gestion dus pour la période du 15 septembre 2017 au 31 décembre 2018 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juin 2021, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens. Elle s'est opposée aux demandes adverses, en contestant toute prescription de son action, le syndicat des copropriétaires devant être considéré comme un non-professionnel sans pouvoir se prévaloir de la qualité de consommateur et devant être soumis à une prescription quinquennale et non biennale, et en se prévalant de l'engagement contractuel pris par ce dernier sans que le syndicat des copropriétaires ne démontre aucun manquement de sa part à ses obligations ni la réalité d'une quelconque promesse de gratuité de ses services.

Le syndicat des copropriétaires a, pour sa part, soulevé, sur le fondement de l'article L218-2 du code de la consommation, l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre comme étant prescrite au 5 mars 2021. Il a, subsidiairement, conclu à son rejet en se prévalant de la gestion désastreuse assurée par la Sas Les Solutions de L'immobilier, telle qu'attestée par de nombreux copropriétaires et justifiant d'appliquer l'exception d'inexécution, l'impossibilité pour la Sas Les Solutions de L'immobilier d'assumer sa mission l'ayant d'ailleurs amenée à annoncer la gratuité de ses services pour la période de septembre à décembre 2018.

Par jugement contradictoire rendu le 19 janvier 2023, le tribunal de proximité de Molsheim a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la Sas Les Solutions de L'immobilier ;

condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs 'euris » à payer à la Sas Les Solutions de L'immobilier, la somme de 1 296 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2021 ;

débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;

condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence «  Les champs fleuris » aux dépens ;

dit n'y avoir lieu à indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a retenu que le syndicat des copropriétaires, personne morale, devait être qualifié de non-professionnel et ne pouvait donc se prévaloir de la prescription biennale de l'article L218-2 du code de la consommation mais était soumis à la prescription quinquennale de droit commun.

Rappelant qu'il appartenait au mandant d'établir les fautes de gestion de son mandataire, le premier juge a relevé que le défaut de production du mandat de gestion à la procédure l'empêchait de se convaincre des missions confiées au mandataire mais que les procès-verbaux des assemblées générales des 1er février 2019 et 20 septembre 2019 ayant acté le refus de quitus des comptes arrêtés au 31 mars 2018, le remplacement de la Sas Les Solutions de L'immobilier dans ses fonctions de syndic et le refus de paiement de la facture litigieuse, ainsi que les attestations des membres du conseil syndical et le courriel du 5 novembre 2018 émanant de Monsieur [I] [M], président de la Sas Les Solutions de L'immobilier, démontraient que cette dernière avait commis des manquements manifestes à sa mission tout au long de l'année 2018 et qu'elle s'était engagée à ne pas facturer le dernier trimestre 2018.

Le premier juge a toutefois souligné qu'aucun manquement n'était visé concernant l'année 2017 et que le syndicat des copropriétaires ne produisait aucune preuve de paiement pour le dernier trimestre 2017, qu'il devait donc se voir condamné à régler.

La Sas Les Solutions de L'immobilier a interjeté appel partiel de cette décision par déclaration enregistrée le 20 février 2023.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 3 novembre 2023, la Sas Les Solutions de L'immobilier demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer la décision en ce qu'elle a limité la condamnation du syndicat des copropriétaires à la somme de 1 296 euros et l'a déboutée du surplus de ses demandes, dont celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau dans les limites de son appel, de :

débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 6 480 euros (dont 1 296 euros correspondant à la condamnation prononcée par le premier juge),

déclarer que le montant précité portera intérêt de retard au taux légal, à compter du 3 juin 2021, date de la première mise en demeure,

condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant le tribunal de proximité de Molsheim,

confirmer le jugement du tribunal de proximité de Molsheim du 19 janvier 2023 pour le surplus,

sur appel incident : le voir déclarer mal fondé, le rejeter, débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes formées à ce titre,

en tout état de cause, débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses fins et prétentions, le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, outre les dépens.

Au soutien de son appel, la Sas Les Solutions de L'immobilier conteste tant la réalité des prétendus manquements qu'elle aurait commis que la prétendue gratuité des services qu'elle aurait consentie.

Elle estime que les manquements qui lui sont reprochés ne sont ni précisés quant à leur contenu ou nature ni démontrés quant à leur réalité ou gravité alors que :

le premier juge a constaté l'absence de tout manquement « concernant l'année 2017 » mais n'a condamné le syndicat des copropriétaires qu'au paiement du trimestre ayant couru du 15 septembre 2017 au 15 décembre 2017 et non jusqu'au 31 décembre 2017 (représentant 216 euros en sus) ;

l'assemblée générale du 20 septembre 2019 a approuvé les comptes de l'exercice du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, ce qui vaut approbation des travaux d'administration et de la gestion comptable du syndic, mais a refusé de donner quitus au syndic sans en préciser les raisons et a refusé de payer la facture litigieuse « car les comptes révèlent que la société SDI (Solutions de l'immobilier) a été réglée à sa juste valeur et comme défini par le contrat » sans pourtant avoir rien payé ni citer aucun manquement concret ;

le syndicat des copropriétaires n'a adressé aucune réclamation, mise en demeure, ou demande de démission à la Sas Les Solutions de L'immobilier ni engagé d'action en responsabilité contre cette dernière et n'a même pas produit d'éléments comptables concrets relatifs à la comptabilité ou « gestion désastreuse » alléguée ;

les attestations émanant des copropriétaires ne sont pas probantes, faute d'éléments concrets ou précis, pas plus que l'attestation du nouveau syndic faisant état de non-paiements de factures, une seule facture étant restée impayée à hauteur de 274,24 euros ;

le courriel de Monsieur [I] [M] en date du 5 novembre 2018 a été mal interprété puisqu'il ne tendait pas à reconnaître des fautes de gestion mais seulement à annoncer qu'il ne pouvait plus assumer les fonctions de syndic, étant observé qu'il avait ensuite quitté la Sas Les Solutions de L'immobilier.

S'agissant de la gratuité de ses services, la Sas Les Solutions de L'immobilier la conteste mais rappelle qu'en tout état de cause, elle ne concernerait que les mois de septembre à décembre 2018 alors que sa facture porte sur septembre 2017 à décembre 2018.

Elle fait en outre valoir que le procès-verbal de l'assemblée générale du 20 septembre 2019, qui n'est pas produit, ne peut contrevenir aux termes d'un contrat et ne l'engage pas alors qu'elle n'était pas présente à cette assemblée générale ; que le procès-verbal de l'assemblée générale du 1er février 2019 au cours de laquelle Monsieur [I] [M] aurait pris cet engagement ne comporte aucune mention en ce sens ; que les attestations des

copropriétaires sont contestables d'une part car aucune partie ne peut se constituer de preuve à soi-même s'agissant d'un acte juridique (telle qu'une gratuité constituant avenant à un contrat onéreux) et d'autre part, parce qu'elles ont été rédigées en pure opportunité plus de trois ans et demi après l'assemblée générale.

Sur l'appel incident, la Sas Les Solutions de L'immobilier conteste avoir été réglée des honoraires de l'année 2017 et une partie de l'année 2018 et critique l'extrait de compte produit par le syndicat des copropriétaires en ce qu'il inclut des sommes dues et/ou réglées au syndic intervenant avant elle sans établir la preuve des paiements effectués à son profit, à charge pour le syndicat des copropriétaires, le cas échéant, de verser aux débats les extraits de compte bancaire confirmant les virements allégués.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 août 2023, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :

sur l'appel principal de la société Les Solutions de L'immobilier :

déclarer cet appel irrecevable et manifestement mal fondé,

débouter en conséquence la société Les Solutions de L'immobilier de l'intégralité de ses demandes,

sur l'appel incident du syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris » :

déclarer l'appel incident du syndicat des copropriétaires régulier, recevable et fondé,

y faisant droit :

infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Molsheim en date du 19 janvier 2023 sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

statuant à nouveau et dans les limites de l'appel incident du syndicat des copropriétaires :

constater que les honoraires dus au titre du dernier trimestre 2017 ont été réglés par le syndicat des copropriétaires et qu'aucune somme n'est due à la société Les Solutions de L'immobilier,

débouter la société Les Solutions de L'immobilier de l'intégralité de ses demandes,

condamner la société Les Solutions de L'immobilier à régler au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700

du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 1231-7 du code de procédure civile,

condamner la société Les Solutions de L'immobilier aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance,

confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Molsheim en date du 19 janvier 2023 pour le surplus,

en tout état de cause :

condamner la société Les Solutions de L'immobilier à régler au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 1231-7 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Le syndicat des copropriétaires se fonde sur les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil, régissant le mandat, particulièrement l'article 1992 qui prévoit que la responsabilité du mandataire est engagée en cas de faute dans sa gestion et que ce principe est appliqué rigoureusement lors d'un mandat onéreux, ainsi que sur les articles 1217 et suivants du code civil prévoyant l'exception d'inexécution.

Il soutient essentiellement que :

la Sas Les Solutions de L'immobilier a mené une gestion désastreuse qui a justifié le refus de quitus de l'assemblée générale ;

l'approbation des comptes de l'exercice du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 a été rendue possible par la reprise des exercices comptables par la société Orpi Regency, à compter de sa prise de fonction le 1er février 2019 ;

les manquements de la société Les Solutions de L'immobilier sont établis par les attestations produites (mentionnant la confusion des budgets comptables de deux copropriétés, le non-remplacement de Monsieur [M] durant son absence pour maladie, le défaut d'organisation de la gestion) ;

la Sas Les Solutions de L'immobilier a elle-même reconnu, par courriel du 5 novembre 2018, ne plus être en mesure « d'assurer une gestion effective du pôle syndic »  et a

d'ailleurs proposé à la société Orpi Regency de prendre sa suite pour douze copropriétés ;

le principe selon lequel on ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique étant en outre observé que les copropriétaires, auteurs des attestations, ne sont pas parties à la procédure ;

le nouveau syndic a lui aussi attesté des difficultés rencontrées lors de la reprise de la gestion de la copropriété (comptabilité non tenue, fournisseurs non payés ou syndic non déclaré auprès de ceux-ci) ;

il est faux de prétendre que le syndicat n'aurait jamais remis en cause le contrat passé alors que la convention d'honoraires du 5 mars 2019 n'a jamais été signée par le syndicat des copropriétaires et que la facture a été établie après l'assemblée générale du 1er février 2019 ayant refusé d'approuver les comptes, suivie de celle du 20 septembre 2019 ayant refusé le paiement des honoraires réclamés.

Le syndicat des copropriétaires soutient en outre avoir effectué plusieurs règlements, à savoir une somme de 1 652 euros versée en janvier et février 2018, tendant nécessairement, vu les dates, à couvrir le dernier trimestre 2017, et 2 726 euros au cours de l'année 2018.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut enfin de l'annonce faite par la société Les Solutions de L'immobilier d'une gratuité de ses services pour la période de septembre 2018 à décembre 2018, lors de l'assemblée générale du 1er février 2019, dont le procès-verbal, produit dès la première instance, n'en fait pas mention car ayant été rédigé par Monsieur [I] [M].

Il estime que la réalité de cet engagement est toutefois établie par les attestations produites et par les termes du courriel du 5 novembre 2018 dans lequel Monsieur [I] [M] indiquait « qu'aucune tarification spécifique ne sera établie dans le cadre de (la)passation (de syndic) », le co-gérant de la société Les Solutions de L'immobilier, Monsieur [V] [H], présent à l'assemblée générale du 1er février 2019, n'ayant pas contredit l'engagement de gratuité pris au nom du syndic.

L'audience de plaidoiries a été fixée au 13 mai 2024 pour une mise en délibéré au 8 juillet 2024.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Au préalable, la cour rappelle que, aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à « dire et juger » ou « constater », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra pas sauf à ce qu'ils viennent au soutien d'une prétention formulée dans le dispositif des conclusions ou si elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention.

A titre liminaire, il sera relevé qu'aucune des parties ne remet en cause le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la Sas Les Solutions de L'immobilier. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce chef de la décision, lequel est acquis.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

Les parties s'opposent sur le paiement de la facture n°030/2021 en date du 3 juin 2021 portant réclamation d'une somme de 6 480 euros TTC au titre des « honoraires de gestion de syndic de 5 trimestres suite mandat n°019/17 du 15/09/2017 pour la période du 15/09/2017 au 31/12/2018 ».

L'existence de ce mandat de gestion n°019/17 n'est pas contestée, quand bien même aucune des parties ne l'a produit, que ce soit en première instance ou à hauteur de cour, et ce même si le premier juge soulignait, à juste titre, que son absence empêchait la juridiction de se convaincre avec précision des missions confiées au mandataire.

Si elles peuvent être aménagées ou précisées contractuellement, les missions confiées au syndic de copropriété sont toutefois définies par la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967.

Aux termes de l'article 18 II de la loi du 10 juillet 1965, le syndic assure la gestion comptable et financière du syndicat.

En tant que mandataire du syndicat des copropriétaires, le syndic est soumis aux dispositions des articles 1991 et suivants du Code civil. Il répond donc, en vertu de l'article 1992 du code civil, des fautes qu'il commet dans sa gestion, cette responsabilité étant appliquée plus rigoureusement à l'égard d'un syndic professionnel.

Le contrat de syndic est par ailleurs soumis aux dispositions générales du droit des contrats parmi lesquelles l'exception d'inexécution prévue à l'article 1219 du code civil qui dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Comme relevé et appliqué par le premier juge sans inversion de la charge de la preuve, il appartient au syndicat des copropriétaires, qui se prévaut de fautes de gestion comptable de la Sas Les Solutions de L'immobilier, de les démontrer.

Le premier juge a ainsi retenu, au vu des pièces produites, à savoiressentiellement les procès-verbaux des assemblées générales des 1er février et 20 septembre 2019, les attestations émanant de quatre copropriétaires dont certains membres du conseil syndical, et un courriel émanant de la société Les Solutions de L'immobilier en date du 4 novembre 2018, que les manquements de la Sas Les Solutions de L'immobilier courant 2018 étaient suffisamment établis et que celle-ci s'était en outre engagée à ne pas facturer le dernier trimestre 2018.

L'appelante principale critique la valeur probante de ces pièces et/ou leur interprétation et conteste tout manquement ou promesse de gratuité.

C'est à tort que la Sas Les Solutions de L'immobilier se prévaut de l'approbation des comptes des exercices de mars 2017 à mars 2018 et de mars 2018 à mars 2019 lors de l'assemblée générale du 20 septembre 2019 comme validant les travaux d'administration et de gestion comptable qu'elle a diligentés alors que l'approbation des comptes de gestion emporte seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes du syndicat et se distingue du quitus, qui consiste, pour le syndicat des copropriétaires, à approuver la gestion du syndic au titre d'un exercice donné et qui le prive alors de la faculté de contester cette gestion.

Or, aux termes tant du procès-verbal de l'assemblée générale du 20 septembre 2019 que de celui de l'assemblée générale du 1er février 2019, tous deux produits à la procédure, l'assemblée générale des copropriétaires a refusé de délivrer quitus à la Sas Les Solutions de L'immobilier, pour sa gestion arrêtée au 31 mars 2018.

Il résulte en outre de la comparaison des deux procès-verbaux que l'approbation des comptes initialement refusée a été adoptée en septembre 2019 avec la précision que « le syndic Orpi Regency gestion a repris l'intégralité des comptes effectués par la société SDI».

Il est ainsi établi que le syndicat des copropriétaires n'a pas validé la gestion effectuée par la société Les Solutions de L'immobilier.

Pour autant, le refus de quitus, s'il préserve la faculté du syndicat des copropriétaires de contester la gestion du syndic, ne suffit pas en soi à établir des fautes de ce dernier et il appartient au syndicat des copropriétaires de produire des pièces suffisantes pour caractériser le bien-fondé de son refus et le caractère qualifié « désastreux » de la gestion assurée.

S'agissant des quatre attestations émanant de copropriétaires, membres du conseil syndical et vérificateur des comptes, leur rédaction courant 2022 ne saurait les faire considérer comme des attestations de complaisance alors même qu'il est logique que de telles attestations ne soient rédigées que par suite de la procédure judiciaire engagée par la demanderesse en mars 2022.

Aux termes de l'article 1363 du code civil, nul ne peut se constituer de titre à soi-même. Il en découle que ce principe ne s'applique qu'aux actes juridiques, tels que définis à l'article 1100-1 dudit code, dont fait partie la renonciation à un paiement.

Pour autant et quand bien même le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ont des intérêts communs, le syndicat des copropriétaires constitue une personnalité juridique indépendante, de sorte que les attestations des copropriétaires produites ne peuvent s'analyser comme émanant d'une partie à la procédure et se voir écarter à ce titre.

Comme toute attestation, leur valeur probante est toutefois soumise à l'appréciation de la juridiction.

Or, ces attestations ne relatent aucun fait précis et circonstancié quant à des manquements commis par la société Les Solutions de L'immobilier, hormis le fait, selon Madame [D] [R], que Monsieur [I] [M] aurait, lors d'une séance de révision des comptes, mélangé les comptes de deux copropriétés.

Il n'est toutefois pas fait mention que cet incident, isolé, aurait entraîné de quelconques conséquences sur la gestion de la copropriété.

Ces attestations exposent essentiellement que Monsieur [I] [M] aurait, par courriel puis lors de l'assemblée générale du 1er février 2019, indiqué qu'il ne facturerait pas les services de la Sas Les Solutions de L'immobilier après septembre 2018.

Toutefois, le seul courriel émanant de Monsieur [I] [M], président de la société Les Solutions de L'immobilier, est celui daté du 5 novembre 2018 par lequel ce dernier indique : « je vous informe par le présent courriel mettre fin à mon activité de syndic au sein de ma structure pour une durée indéterminée. L'efficacité, la rigueur et la disponibilité caractérisant ma société

ne me permet plus, à ce jour, d'assurer une gestion effective du pôle syndic » (') « je vous précise, à toutes fins utiles, d'aucune tarification spécifique ne sera établie par mes soins dans le cadre de cette passation. ».

Ce courriel ne saurait être interprété, sauf à le dénaturer, comme valant reconnaissance de manquements professionnels de la part de sa société mais traduit surtout la volonté d'éviter de porter atteinte aux valeurs d'efficacité, rigueur et disponibilité de celle-ci en conservant des fonctions qu'il ne pourra plus assurer efficacement dans l'avenir.

Il n'y est pas fait mention d'une gratuité à compter de septembre 2018 mais seulement d'une absence de facturation dans le cadre du changement de syndic.

Le procès-verbal de l'assemblée générale du 1er février 2019, à laquelle a participé Monsieur [I] [M] en qualité de syndic, ne porte aucune mention portant renonciation expresse à la facturation de ses honoraires.

Le vote intervenu à ce titre lors de l'assemblée générale du 20 septembre 2019 par les seuls copropriétaires, sur avis de leur nouveau syndic, ne saurait valoir engagement de la société Les Solutions de L'immobilier, non présente à l'occasion de ce vote.

Il en résulte que les attestations produites et ce courriel sont insuffisants à démontrer des fautes de gestion caractérisées, ou reconnues, de la part de la société Les Solutions de L'immobilier.

Le syndicat des copropriétaires produit de nouvelles pièces à l'appui de son appel incident, pour corroborer la réalité des manquements allégués.

L'agence Orpi Regency atteste avoir repris la gestion de plusieurs copropriétés à la demande de Monsieur [I] [M] et indique que « la comptabilité n'était pas tenue et/ou une grande partie des fournisseurs non payés, comme l'atteste à titre d'exemples les relances (Electro Jaeger) ou les factures non transcrites au bon gestionnaire (Sdea). Nous avons donc dû reprendre l'intégralité des comptes, souvent sur la base des seuls relevés bancaires à récupérer, ne disposant d'aucune autre pièce ».

Les pièces jointes relatives à la facture impayée Electro Jaeger et à la réclamation de Madame [B] [X] (pièces 15 et 16) portent toutefois sur des incidents de paiement afférents à d'autres copropriétés (cf adresses des immeubles : [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 5]) et sont donc sans emport sur le présent litige.

Il ne saurait être fait grief à la société Les Solutions de L'immobilier de n'avoir pas changé le nom du syndic auprès de la Sdea alors que la facture d'eau produite, qui porte effectivement mention «  les champs fleuris par immobilière Bacher » à [Localité 6], date du 29 octobre 2019 soit postérieurement au mandat de gestion confié à la Sas Les Solutions de L'immobilier mais aussi plus de 9 mois après la reprise des fonctions de syndic par Orpi Regency, qui ne justifie donc pas davantage avoir informé la Sdea de ses fonctions.

Ces nouvelles pièces ne sont donc pas de nature à caractériser des fautes de gestion de la Sas Les Solutions de L'immobilier.

Il sera d'ailleurs observé que le syndicat des copropriétaires n'a adressé aucun courrier faisant part de demandes ou récriminations auprès de la Sas Les Solutions de L'immobilier, ni en 2017 ni en 2018. Il n'est pas davantage justifié que le nouveau syndic, Orpi Regency, ait dû lui réclamer transmission des pièces des exercices passés et qu'elle l'aurait refusée.

Il en résulte que les éléments produits sont insuffisants à démontrer la nature et la réalité des manquements de la part de la société Les Solutions de L'immobilier, ni leur gravité ou un préjudice qui en aurait résulté pour le syndicat des copropriétaires.

Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a considéré que le syndicat des copropriétaires de la résidence « les champs fleuris » pouvait se fonder sur l'exception d'inexécution et se dispenser du paiement des honoraires de la Sas Les Solutions de L'immobilier.

Sur le montant réclamé

Aucune partie ne conteste que chaque trimestre devait être facturé à hauteur de 1 080 euros HT soit 1 296 euros TTC et que la Sas Les Solutions de L'immobilier était mandatée du 15 septembre 2017 au 31 décembre 2018.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut d'une part, de paiements intervenus à hauteur de 1 652 euros au titre du dernier trimestre 2017 et 2 726 euros au titre de l'année 2018 et d'autre part, de la gratuité de l'intervention de la Sas Les Solutions de L'immobilier après septembre 2018. Cette dernière conteste l'ensemble de ces allégations.

Comme indiqué supra, l'engagement de gratuité des services de la société Les Solutions de L'immobilier à compter de septembre 2018 n'est pas démontré. Le courriel précité du 5 novembre 2018 fait mention d'une absence de tarification spécifique dans le cadre de la passation entre syndics. Or, l'agence Orpi Regency a été

désignée comme syndic à compter du 1er février 2019 et la facture litigieuse ne réclame paiement que jusqu'au 31 décembre 2018, ce qui s'analyse comme correspondant à l'engagement de la Sas Les Solutions de L'immobilier de ne pas appliquer de tarification spécifique s'agissant de la passation entre les syndics, pour la période du 31 décembre 2018 au 1er février 2019.

S'agissant des paiements opérés par le syndicat des copropriétaires, ils doivent être prouvés par celui-ci conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil.

La seule production d'un extrait de compte intitulé « honoraires syndic » du 01/01/2018 au 31/12/2018 établi par l'agence Orpi Regency, sans être corroboré par un relevé bancaire, est insuffisante à prouver l'effectivité des paiements qui auraient été opérés auprès de la société Les Solutions de L'immobilier.

Ce n'est d'ailleurs pas sans une certaine contradiction que le syndicat des copropriétaires soutient avoir effectué des versements de 1 652 euros pour la période du 15 septembre 2017 au 31 décembre 2017, soit davantage que les honoraires trimestriels dus, et de 2 726 euros pour l'année 2018 alors qu'il se prévaut parallèlement de manquements graves sur cette période justifiant l'exception d'inexécution.

En outre, les dates et montants figurant sur ce document ne correspondent pas aux montants dus à la société Les Solutions de L'immobilier ni aux termes des trimestres ou dates de facture et semblent, au vu de la mention d'un « solde antérieur » de 3 074,96 euros début janvier 2018 concerner d'autres frais que les seuls honoraires de la Sas Les Solutions de L'immobilier.

Faute pour le syndicat des copropriétaires de prouver s'être libéré des sommes sollicitées, il devra être condamné au paiement de la facture considérée, comme précisé au dispositif ci-dessous.

Les arguments tenant à l'erreur du montant accordé par le premier juge pour la période du 15 septembre 2017 au 31 décembre 2017 sont donc sans emport, dès lors que la condamnation prononcée porte sur l'intégralité de la somme réclamée, à savoir 6 480 euros du 15 septembre 2017 au 31 décembre 2018, ladite somme portant intérêts à compter du 7 juin 2021, date de réception de la mise en demeure.

Sur les frais et dépens

Le jugement de première instance étant infirmé, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens de première instance et à régler à la Sas Les Solutions de L'immobilier une indemnité de procédure de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes formées par le syndicat des copropriétaires sur ce fondement seront rejetées.

Succombant en appel, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et à verser à la Sas Les Solutions de L'immobilier une somme qui sera fixée, en équité, à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement du 19 janvier 2023 rendu par le tribunal de proximité de Molsheim sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la Sas Les Solutions de L'immobilier ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris » sise [Adresse 3], pris en la personne de son syndic, la Sas Orpi Regency gestion, à payer à la Sas Les Solutions de L'immobilier la somme de 6 480 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2021 ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris » sise [Adresse 3], pris en la personne de son syndic, la Sas Orpi Regency gestion, à payer à la Sas Les Solutions de L'immobilier la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris » sise [Adresse 3], pris en la personne de son syndic, la Sas Orpi Regency gestion, à payer à la Sas Les Solutions de L'immobilier la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris » sise [Adresse 3], pris en la personne de son syndic, la Sas Orpi Regency gestion, de ses demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les champs fleuris » sise [Adresse 3], pris en la personne de son syndic, la Sas Orpi Regency gestion aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/00794
Date de la décision : 08/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-08;23.00794 ?
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