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08/07/2024 | FRANCE | N°22/04495

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 08 juillet 2024, 22/04495


MINUTE N° 24/362

























Copie exécutoire à :



- Me Dominique s BERGMANN

- Me Ahlem

RAMOUL-BENKHODJA





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 08 Juillet 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/04495 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H7BZ



Déci

sion déférée à la cour : jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT :



Monsieur [M] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Dominique serge BERGMANN, avocat au barreau de COLMAR, plaidant





INTI...

MINUTE N° 24/362

Copie exécutoire à :

- Me Dominique s BERGMANN

- Me Ahlem

RAMOUL-BENKHODJA

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 08 Juillet 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/04495 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H7BZ

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [M] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Dominique serge BERGMANN, avocat au barreau de COLMAR, plaidant

INTIMÉ :

Monsieur [F] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat au barreau de COLMAR, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, et Mme DESHAYES, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme GREWEY, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M.BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Monsieur [F] [O] et Monsieur [M] [T] sont respectivement propriétaires de biens immobiliers situés [Adresse 2] et [Adresse 1]. Les deux propriétés sont séparées par un chemin communal d'une largeur d'environ six mètres.

Par requête du 29 juin 2020 et conclusions ultérieures, Monsieur [O] a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse d'une demande tendant à voir condamner Monsieur [T] à effectuer des travaux d'élagage et de remise en conformité de la taille des thuyas ainsi qu'à lui rembourser une facture de 2 000 € relative à un ravalement de façade avec démoussage, anti mousse et hydrofuge des tuiles en béton, au motif qu'il subit des nuisances dues aux arbres d'une hauteur très importante situés sur la propriété de Monsieur [T], générant un trouble anormal de voisinage en raison d'une privation d'ensoleillement et de l'engorgement de ses gouttières.

Monsieur [T] a conclu au rejet des demandes et à la condamnation de Monsieur [O] à lui payer la somme de 1 000  € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a effectué une vue des lieux le 31 mai 2022.

Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

-condamné Monsieur [M] [T], sous peine d'astreinte de 10 € par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la signification du jugement pendant une durée de six mois, à l'élagage des arbres situés en bordure du chemin communal constituant une limite avec le fonds de Monsieur [O] dans les limites d'une hauteur maximale de cinq mètres ou à leur abattage,

-condamné Monsieur [M] [T] à payer à Monsieur [F] [O] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

-rejeté le surplus des demandes de Monsieur [F] [O],

-dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a notamment retenu que les arbres situés sur le fonds de Monsieur [T] le long du chemin communal ont une hauteur importante surplombant la maison de Monsieur [O] et entraînent une privation d'ensoleillement ; qu'ils génèrent un trouble anormal de voisinage.

Monsieur [M] [T] a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2022.

Par écritures notifiées le 24 avril 2024, il conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

-débouter Monsieur [F] [O] de sa demande comme irrecevable et en tout cas mal fondée,

-le condamner à payer à Monsieur [M] [T] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-le condamner aux dépens des deux instances.

Il fait valoir qu'il a planté les arbres litigieux, d'essence cyprès Leylandis, en 1983 ; qu'il convient d'appliquer la prescription trentenaire ; que les terrains des parties ne sont pas contigus car séparés par un chemin de huit mètres de large ; que l'existence d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée ; que Monsieur [O] a acheté sa maison en pleine connaissance de cause en 2020 et s'est donc placé lui-même dans la situation qu'il critique ; que la preuve d'une perte d'ensoleillement du fait de ses arbres n'est pas rapportée, en ce que les deux maisons des parties sont construites côté nord au bas de la colline du [Localité 3], d'une hauteur de soixante mètres ; que cette configuration génère un manque d'ensoleillement pour les deux propriétés, dont celle de Monsieur [O] construite en dénivelé trois mètres en dessous de la sienne ; qu'il est fondé à exciper des dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation ; que ses arbres ont toujours été entretenus et ne constituent pas un danger particulier ; qu'à la suite d'une réunion du 20 septembre 2020 qui a abouti à un accord sur la question de l'élagage des arbres, les travaux ont eu lieu du 1er au 13 novembre 2020 mais ont été interrompus par le comportement agressif de

Monsieur [O] ; que les cyprès et les bouleaux ne comportent pas d'épines, ce qui contredit le fait que les gouttières de la partie adverse seraient remplies d'épines ; qu'il s'est donc conformé aux termes du jugement entrepris en procédant aux travaux d'élagage nécessaires, étant précisé que les branches de ses arbres ne dépassent pas sur la propriété adverse ; qu'au regard de la zone boisée dans laquelle les propriétés sont implantées, la preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée, non plus que la preuve de ce que les travaux de nettoyage des gouttières de l'intimé soient imputables aux arbres situés sur sa propriété, dont le feuillage est persistant.

Par écritures notifiées le 3 avril 2024, Monsieur [F] [O] a conclu à l'irrecevabilité et au mal fondé de l'appel et a sollicité confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi que condamnation de Monsieur [T] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il maintient que les arbres, cyprès et bouleaux implantés sur la propriété de Monsieur [T] bordant le chemin communal et dont la hauteur est d'une vingtaine de mètres cause des nuisances notamment du fait d'une perte d'ensoleillement et de la dégradation de sa toiture, ainsi que l'engorgement de la gouttière ; que les tentatives de conciliation et de médiation qu'il a mises en 'uvre ont échoué en raison de l'absence de Monsieur [T] ; que le trouble qu'il déplore a été constaté par le tribunal lors de la vue des lieux ; qu'il ne peut lui être opposé qu'il a acquis sa maison en toute connaissance de l'existence des arbres, dont il pensait qu'ils faisaient l'objet d'un entretien régulier ; que cependant, Monsieur [T] n'entretient pas les abords de sa maison ; que la preuve de ce que les arbres ont été plantés il y a quarante ans n'est pas rapportée ; que des branches tombent sur sa propriété ; que Monsieur [T] affirme à tort s'être exécuté.

MOTIFS

En vertu des dispositions de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Il est de principe jurisprudentiel que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

L'action pour trouble anormal de voisinage constitue une action en responsabilité civile extracontractuelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du code civil.

Il incombe à Monsieur [O] de rapporter la preuve que les arbres implantés sur la propriété de Monsieur [T] lui causent un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Il verse à cet égard différentes photographies de sa propriété desquelles il ressort que la toiture de sa maison, la gouttière, les appuis de fenêtres et le sol de son allée et de la cour sont jonchés de débris végétaux qui peuvent aisément être identifiés comme provenant de cyprès.

Il se prévaut également d'une attestation de Monsieur [J] [Z], demeurant [Adresse 5], soit à côté de la propriété [O], qui indique à la date du 5 février 2024 constater régulièrement le manque d'ensoleillement, des aiguilles ainsi que des morceaux de branches qui tombent à différents endroits sur la propriété des époux [O].

A cette attestation sont jointe plusieurs photographies prises par le témoin le 20 mars 2024 à 14 h 35, qui permettent de constater que la maison des époux [O] et une partie du jardin se trouvent en grande partie dans l'ombre des arbres de la propriété [T], alors que la maison voisine, près proche, du [Adresse 5] est entièrement ensoleillée ; que la toiture et la gouttière sont encombrées de débris végétaux.

Il a par ailleurs été constaté par le premier juge, lors de la vue des lieux effectuée le 31 mai 2022 à 14 h 30, la présence de déchets verts dans la gouttière de Monsieur [O], s'apparentant à des piques d'épicéa ; qu'il y a sur le devant de la maison des résidus de sapin et de la mousse sur les tuiles ; que la maison est en partie à l'ombre ; que contrairement à la maison limitrophe, qui est identique, il y a de la mousse sur une partie des tuiles de la maison [O]. Le juge constate par ailleurs que le soleil est au niveau de l'axe des arbres.

Il se déduit de ces éléments que les arbres implantés sur la propriété de Monsieur [T], dont la hauteur n'a pu être mesurée mais qui est d'au moins quinze mètres selon les déclarations de l'appelant, génèrent une perte d'ensoleillement ; que ce déficit n'est pas dû à la configuration du lieu où les bâtis des parties sont implantés, puisque la maison limitrophe de celle de l'intimé, de conception identique, jouit d'un ensoleillement total.

Le premier juge a précisé avoir constaté lors de la vue des lieux que le soleil était caché par les arbres de la propriété [T] et non par ceux de la commune, qui sont diamétralement opposés.

Il est ainsi démontré qu'en raison de leur grande hauteur, les arbres de Monsieur [T] causent une perte d'ensoleillement pour la propriété voisine ; qu'ils génèrent aussi de nombreux déchets végétaux.

Nonobstant le fait que les propriétés des parties se situent dans un quartier boisé de la commune de [Localité 4], ces troubles, par leur importance, excèdent les inconvénients normaux de voisinage.

Il sera relevé par ailleurs que les dispositions de l'article L 112- 16 du code de la construction et de l'habitation, abrogé par l'ordonnance n° 2020- 71 du 29 janvier 2020, devenu L 113-8, abrogé par la loi n° 2024- 346 du 15 avril 2024, n'ont en tout état de cause pas vocation à s'appliquer en l'espèce, en ce qu'elles visent les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, ce qui n'est pas le cas des dommages déplorés par Monsieur [O] du fait des arbres implantés sur la propriété de Monsieur [T].

Monsieur [T] ne peut d'avantage se prévaloir de la prescription trentenaire prévue à l'article 672 du code civil, qui est inopérante s'agissant non d'une action fondée sur les articles 671 et 673 du code civil, mais sur la théorie du trouble anormal de voisinage.

Enfin, l'appelant ne peut faire grief à Monsieur [O] de s'être le cas échéant opposé à un élagage des arbres en novembre 2020, dans la mesure où il apparaît que cet élagage n'était pas effectué par un professionnel, mais par le gendre de Monsieur [T] ; que Monsieur [O] a déposé plainte et déclaré aux services de gendarmerie le 14 novembre 2020 qu'au cours de l'opération d'élagage, une branche d'arbre est tombée sur sa voiture, qui était garée sur sa propriété dans la cour de son habitation.

L'appelant ne rapporte de même aucune preuve de ce qu'il aurait postérieurement exécuté le jugement déféré, alors qu'il ne verse aux débats aucune pièce de nature à le justifier et que ce fait est contredit par l'attestation de Monsieur [Z], dont il n'est nullement établi qu'elle serait de pure complaisance.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais seront confirmées.

Partie perdante, l'appelant sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera alloué à l'intimé la somme de 1 000 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [M] [T] à payer à Monsieur [F] [O] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [M] [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [M] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 22/04495
Date de la décision : 08/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-08;22.04495 ?
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