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05/07/2024 | FRANCE | N°23/00766

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 juillet 2024, 23/00766


MINUTE N° 276/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 5 juillet 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 5 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00766 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IAPR



Décision déférée à la cour : 22 Octobre 2018 par le

tribunal de grande instance à compétence commerciale de MULHOUSE



APPELANTES :



1/ La [...], société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6]

(ALLEMAGNE)



2/ La S.A.S. [...] ancienneme...

MINUTE N° 276/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 5 juillet 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00766 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IAPR

Décision déférée à la cour : 22 Octobre 2018 par le tribunal de grande instance à compétence commerciale de MULHOUSE

APPELANTES :

1/ La [...], société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6]

(ALLEMAGNE)

2/ La S.A.S. [...] anciennement dénommée VOYAGES LESAGE SA, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

3/ La FTI [...], société de droit suisse, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège social [Adresse 5]

(SUISSE)

1 à 3/ représentées par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me LEMEE, avocat à Strasbourg.

INTIMÉS :

1/ Monsieur [Z] [D]

demeurant [Adresse 4]

2/ Madame [T] [D]

demeurant [Adresse 2]

3/ La S.A. FOCH INVESTISSEMENTS prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège scocial [Adresse 3]

représenté par Me HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me MOLINA, avocat à Paris.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et madame Nathalie HERY, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN.

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 14 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et madame Sylvie SCHIRMANN , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SA [...] faisant partie d'un groupe de sociétés spécialisées dans la production et la distribution de voyages et ayant pour filiales, notamment, les sociétés [...] et [...] et dont la SA Foch Finances Investissements était la société mère a connu des difficultés financières qui ont conduit le 1er octobre 2009, à la désignation par le président du tribunal de grande instance de Mulhouse de Me [K] [I] en qualité de mandataire ad hoc afin de l'assister dans la recherche de solutions et d'un repreneur éventuel.

M. [Z] [D] a été le président du conseil d'administration de la société [...] de 1986 au 26 septembre 2012 ; il a été le gérant de la société [...] jusqu'à sa liquidation judiciaire clôturée le 10 mars 2015.

Mme [T] [D], sa fille, a été directrice générale de la société [...] de 2000 jusqu'au 1er novembre 2012 ; elle a été la co-gérante de la société [...] jusqu'en novembre 2012 et co-gérante de la société [...] jusqu'à sa liquidation judiciaire clôturée le 29 juillet 2015.

Dans le cadre du mandat susvisé :

- un protocole d'accord a été conclu le 26 mars 2010 entre la société [...], M. [Z] [D] et la société [...] comportant une reconnaissance de sa dette par la société [...] à l'égard de cette dernière, un abandon partiel de sa créance et une prise de participation dans le capital de sa débitrice par conversion en capital d'une partie de sa créance et un échéancier pour le paiement du solde,

- un accord sommaire du 17 novembre 2010 confirmé par un protocole d'accord détaillé des 25 mars et 6 avril 2011 a été signé par les sociétés [...] et [...] et la famille [D] aux termes duquel la société [...], société mère du Groupe FTI a acquis entre les mains de M. [Z] [D], Mme [S] [Y], son épouse et Mme [T] [D], 30% du capital de la société [...].

Selon acte authentique reçu le 10 juin 2011 par Me [J], notaire à [Localité 7], la société [...] a consenti à la société [...] un prêt d'un montant de 2 650 000 euros avec intérêts, dont le remboursement était garanti par une affectation hypothécaire d'un immeuble consentie par la SCI Frangil, filiale du groupe familial [D], au profit de la société [...]

Aux termes d'un second protocole d'accord du 26 septembre 2012 conclu entre les mêmes parties, la société [...] a acquis l'ensemble des actions de la société [...].

Au moment de l'acquisition, la société [...] détenait plusieurs créances non recouvrées :

- à l'égard de sa filiale, la société [...] pour un montant de 339 786,66 euros,

- à titre d'avance en compte ouvert au profit de sa filiale [...] pour 1 075 994,59 euros,

- à l'égard de la société Utiloc, filiale du groupe familial [D] pour 359 672,87 euros.

La société [...] est alors devenue la SAS [...].

Prétendant avoir été trompées sur la teneur de l'actif par des manoeuvres dolosives et se prévalant de fautes de gestion commises par M. [Z] [D] et Mme [T] [D] (les consorts [D]), les sociétés [...], [...] et la société [...], ont, par exploits signifiés les 27 et 30 mai 2014, fait citer respectivement M. [Z] [D], la société Foch Finances Investissements et Mme [T] [D] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse afin d'engager leur responsabilité civile et obtenir réparation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire du 22 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Mulhouse, a notamment :

- débouté les sociétés [...], [...] et [...] de leurs demandes de dommages-intérêts,

- condamné les sociétés [...], [...] et [...] à payer à M. [Z] [D], la société Foch Finances Investissements et Mme [T] [D] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [...], la société [...] et la société [...] aux entiers dépens.

Après avoir rejeté les demandes indemnitaires des sociétés [...] et [...] sur le fondement du dol, le tribunal, pour écarter toute faute de gestion commise par les consorts [D], a considéré qu'étaient avancés les mêmes arguments que pour le dol et que la preuve des fautes de gestion reprochées aux parties demanderesses n'était pas rapportée.

Par arrêt du 26 mai 2021, la cour d'appel de Colmar a :

confirmé le jugement et, y ajoutant, débouté les consorts [D] et la société Foch Finances Investissements de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamné les sociétés [...], [...] et [...] aux dépens et à verser aux consorts [D] et la société Foch Finances Investissements la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 25 janvier 2023 (pourvoi n°21-20.021), la chambre commerciale de la Cour de cassation a :

cassé et annulé l'arrêt rendu le 26 mai 2021 entre les parties par la cour d'appel de Colmar mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de la société [...] tendant à la condamnation de M. [D] et Mme [T] [D] au paiement de la somme de 1 760 693,45 euros à titre de dommages et intérêts, à raison de leurs fautes de gestion et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

remis, en conséquence, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Colmar autrement composée.

La Cour de cassation a rappelé que, par application des dispositions de l'article L.225-251 du code de commerce, les administrateurs et le directeur général d'une société anonyme étaient responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société des fautes commises dans leur gestion.

La cassation a été prononcée au motif que la cour d'appel, pour rejeter le demande de condamnation à des dommages et intérêts d'un montant de 1 760 693,45 euros sollicités par la société [...], avait retenu que cette dernière avançait les mêmes arguments que ceux invoqués au titre du dol, alors que l'absence de faute intentionnelle commise par le cédant pour tromper le cessionnaire n'excluait pas nécessairement l'existence d'une faute de gestion commise au préjudice de la société cédée par son dirigeant, violant ainsi l'article L.225-251 du code de commerce.

Elle a considéré que la cour d'appel avait privé sa décision de base légale :

- en retenant des motifs impropres à exclure l'existence d'une faute de gestion commise au préjudice de la société [...] devenue [...], sans avoir recherché, comme il lui avait été demandé, si cette société n'avait pas financé en pure perte l'activité de la société [...] pendant plusieurs années alors que les consorts [D] savaient que cette dernière ne pourrait jamais rembourser les montants qu'elle avait encaissés,

- en ne recherchant pas, comme il lui avait été demandé, si les consorts [D] n'avaient pas commis une faute de gestion au préjudice de la société [...], devenue [...], en ignorant les revendications sociales et salariales de M. [N], connues depuis 2004, et en exposant cette société au risque d'une procédure prud'homale et d'un aléa judiciaire,

- en retenant des motifs impropres à exclure l'existence d'une faute de gestion commise au préjudice de la société [...] devenue [...], sans avoir recherché, comme il lui était demandé, si le coût important de la rémunération des salariés de la société Foch Finances Investissement pour des services de gestion réalisés gratuitement par la société [...] au bénéfice d'autres sociétés du groupe [D] ne constituait pas une faute de gestion.

Les sociétés [...], [...] et [...] ont saisi la cour d'appel de Colmar par déclaration du 13 février 2023.

Selon ordonnance du 28 mars 2023, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience de plaidoirie du 2 février 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 20 novembre 2023, les sociétés [...], [...] et [...] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* a débouté la société [...] de sa demande de dommages intérêts,

* les a déboutées du surplus de leurs demandes,

* les a condamnées à payer à M. [D], la société Foch Finances Investissements et Mme [T] [D] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau :

- condamner M. [Z] [A] et Mme [T] [A] à verser la somme de 1 760 693,45 euros à la SAS [...] à titre de dommages-intérêts, à valoir indemnisation des fautes de gestion engageant leur responsabilité vis-à-vis de la société [...] sur le fondement de l'article L.225-251 du code de commerce ;

- débouter la société Foch Finances Investissements, M. [Z] [A] et Mme [T] [A] de leur demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Foch Finances Investissements, M. [Z] [A] et Mme [T] [A] à leur verser la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de première instance, de la première procédure d'appel référencée RG 18/04916 et de la présente procédure d'appel.

Les appelantes font valoir que la société [...] est bien fondée à engager la responsabilité civile de M. [Z] [D] et Mme [T] [A], sur le fondement de l'article L.221-251 du code de commerce, du fait de plusieurs fautes de gestion commises en leur qualité d'anciens dirigeants de la société [...].

Elles soutiennent que, par application des dispositions de l'article L.225-254 du code de commerce, leur action en responsabilité n'est pas prescrite.

Aux termes leurs conclusions transmises par voie électronique le 19 janvier 2024, les consorts [D] et la société Foch Finances Investissements demandent à la cour de :

- constater la prescription de l'action en responsabilité fondée sur des prétendues fautes de gestion concernant l'intégralité de la créance [...] et l'intégralité de la créance [...] ou au moins à hauteur de 719 140,83 euros ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés [...], [...], et [...] ;

en conséquence :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 22 octobre 2018 dans toutes ses dispositions ;

- condamner les sociétés [...], [...], et [...] à leur payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

Les intimés soutiennent que l'action en responsabilité fondée sur des prétendues fautes de gestion concernant une partie de la créance détenue par la société [...], devenue [...] à l'égard de la société [...] et l'intégralité de la créance à l'égard de la société [...] est prescrite au moins pour partie.

Ils réfutent les fautes de gestion reprochées et prétendent, s'agissant de celles en lien avec les sociétés [...] et [...], qu'aucun préjudice actuel, direct et certain n'est démontré par les appelantes lesquelles sont de mauvaise foi pour avoir eu connaissance de ces faits depuis leur entrée en capital au sein de la société [...] en 2011. Ils ajoutent que les appelantes ne justifient pas du montant du préjudice qu'ils invoquent.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la responsabilité de M. [Z] [D] et Mme [T] [D] en tant que dirigeants de la société [...] pour leurs fautes de gestion commises au préjudice de cette dernière

Aux termes des dispositions de l'article L.225-251 du code de commerce, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers notamment des fautes commises dans leur gestion.

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité fondée sur des fautes de gestion concernant la créance à l'égard de la société [...] et la créance Voyages à l'égard de la société [...]

Les appelantes reprochent à M. [Z] [D] et Mme [T] [D] :

- la mise en place d'un système de paiement privant la société [...] de liquidités essentielles à l'exercice de son activité et une comptabilisation des créances de la société [...] favorisant la société [...] au détriment de la société [...] ; elles décrivent le mécanisme mis en place par la société [...] comme suit : après qu'un client avait commandé un billet d'avion sur le plateau affaires de la société [...], son compte était débité du coût du billet d'avion et des frais de dossier correspondants ; le coût du billet d'avion était ensuite restitué à la compagnie aérienne et les frais de dossier étaient alors crédités sur le compte de la société [...] au lieu de l'être sur le compte de la société [...] laquelle annonçait néanmoins cette vente dans son compte de résultat ;

- d'avoir laissé péricliter la créance détenue par la société [...] vis-à-vis de la société [...] sans agir dans l'intérêt de la société [...].

Les intimés, se fondant sur les dispositions de l'article L.225-254 du code de commerce font valoir, d'une part, que l'action en responsabilité des appelantes pour faute de gestion concernant la créance détenue par la société [...] devenue [...] à l'égard de la société [...] est prescrite, au moins pour partie, et, d'autre part, que l'action en responsabilité des appelantes pour faute de gestion concernant la créance détenue par la société [...] devenue [...] à l'égard de la société [...] est prescrite en son intégralité, au motif que le point de départ de la prescription triennale de l'action en responsabilité exercée à l'encontre des dirigeants doit être fixé, en l'absence de dissimulation, à la date du fait dommageable, la jurisprudence s'accordant pour reconnaître que, dans cette hypothèse, le fait dommageable correspond à la date à laquelle la décision a été présentée en assemblée générale pour l'approbation des comptes des actionnaires ou le jour de tenue d'un conseil d'administration arrêtant une décision. Ils précisent qu'il résulte de l'article précité que la seule exception qui permette de reporter le point de départ du délai de prescription est la dissimulation du fait dommageable, lequel débute à compter de sa date de révélation, de sorte que ne saurait être invoquée l'absence de connaissance du préjudice, sans dissimulation, ou même la notion de faute continue pour reporter le point de départ du délai de prescription. Ils soulignent que la notion de faute continue invoquée par les appelantes qui aurait pour effet de reporter sans cesse le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre les dirigeants ne repose sur aucun fondement légal ou jurisprudentiel.

Ils soutiennent que la créance de la société [...] a été approuvée le 23 avril 2010 par l'assemblée générale des actionnaires lors de l'approbation des comptes clos au 31 octobre 2009 et que, lors de la cession progressive de la société [...] dont les discussions ont débuté en novembre 2010, ces comptes ont été communiqués et analysés par la société [...]

Selon eux, la créance détenue par la société [...] devenue [...] à l'égard de la société [...] était connue depuis le 31 octobre 2010, au moins à hauteur de 719 140,83 euros, par le groupe FTI et approuvée comme telle lors de l'assemblée générale d'approbation des comptes par les actionnaires de la société [...] en date du 23 avril 2011, de sorte que l'action en responsabilité fondée sur de prétendues fautes de gestion concernant la créance de la société [...] était prescrite au moins à hauteur dudit montant lors de l'introduction de l'instance par les appelantes devant le tribunal de grande instance de Mulhouse signifiée le 30 mai 2014.

S'agissant de l'action en responsabilité pour faute de gestion portant sur la créance de la société [...] soit 339 786,66 euros, ils font valoir qu'elle est prescrite depuis le 25 avril 2012, compte tenu de ce que cette somme a été provisionnée intégralement depuis 2008 dans les comptes de la société [...] et approuvée par l'assemblée générale des actionnaires le 24 avril 2009.

Les appelantes répliquent que, par application des dispositions de l'article L.225-254 du code de commerce, leur action en responsabilité n'est pas prescrite, le point de départ du délai de prescription, en absence de dissimulation, étant constitué par le fait dommageable à savoir la cause génératrice du dommage caractérisée par la faute consistant, d'une part, dans la mise en place d'un système de paiement privant la société [...] de liquidités essentielles à l'exercice de son activité et, d'autre part, à ne pas agir dans l'intérêt de la société [...] puisque les consorts [D] ont fait durer ce système « parasite » jusqu'à l'exercice clos le 31 décembre 2012. Il s'agit donc d'une faute continue qui s'est manifestée lors de chaque passage d'écriture comptable mais également par l'absence de démarches afin d'obtenir le remboursement des dettes des sociétés [...].

Elles précisent que ce n'est qu'après la mise en place de la nouvelle direction par le groupe FTI qu'elle a été en mesure de découvrir cet élément dans les comptes de la société [...].

S'agissant de la créance à l'égard de la société [...], elles font valoir que le fait d'avoir provisionné ladite créance à compter de 2008 ne change rien au fait qu'elle n'a cessé de croître par la suite pour atteindre 339 786,66 euros au 31 octobre 2012. Elles ajoutent que le fait générateur de la faute de gestion en lien avec la créance de la société [...] a été réitéré dans le temps.

Sur ce,

aux termes des dispositions de l'article L.225-254 du code de commerce, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation, étant souligné que les parties s'accordent pour dire que le fait dommageable n'a pas été dissimulé, de sorte que le délai de prescription court à compter du fait dommageable qu'il y a lieu de caractériser.

S'agissant de la créance de la société [...] à l'égard de la société [...]

L'analyse des comptes de la société [...] permet de vérifier que pour chacun des exercices des années 2009 à 2012, cette société avait une créance sur la société [...] qui n'a cessé de croître, n'a été que partiellement provisionnée lors de chacun de ces exercices et n'a pas été recouvrée.

Il est constant que cette créance résultait du système de paiement mis en place par la société [...] au profit de la société [...], de sorte que le fait dommageable dont se prévalent les appelantes est caractérisé par la mise en place dudit système associée à l'absence de recouvrement de cette créance par la société [...].

Le préjudice dont se prévalent les appelantes est la créance inscrite dans les comptes de l'exercice 2012 soit 1 075 994,59 euros laquelle, d'après l'analyse des comptes de la société [...] de 2009 à 2012, inclut des montants au titre de chacune des années antérieures à l'exercice 2012, cette créance n'ayant effectivement cessé d'augmenter puisqu'elle était de :

533 482,82 euros au 31 octobre 2009

719 140,83 euros au 31 octobre 2010

891 580,01 euros au 31 octobre 2011

1 075 994,59 euros au 31 octobre 2012.

La connaissance de cette créance et de son évolution s'est faite à la date d'approbation des comptes de chaque exercice annuel ayant sa propre autonomie, de sorte que c'est en vain que les appelantes invoquent l'existence d'une faute continue.

Les comptes arrêtés au 31 octobre 2010 faisant état de la créance de 719 140,83 euros incluant celle de l'exercice précédent ont été approuvés par l'assemblée générale des actionnaires le 23 avril 2011, ce que les appelantes ne contestent pas. C'est donc à cette date que les appelantes ont eu connaissance de l'existence de cette créance non recouvrée, qui était partiellement provisionnée, de sorte qu'ayant agi à l'encontre des intimés le 27 mai 2014, soit au-delà de trois ans à compter du 23 avril 2010, leur action est prescrite à hauteur de 719 140,83 euros.

S'agissant des comptes des exercices arrêtés au 31 octobre 2011 et au 31 octobre 2012 faisant état de ce que la créance avait augmenté de 356 856,76 euros, leur approbation et donc la connaissance de cette augmentation, est nécessairement intervenue moins de trois ans avant la date de l'assignation du 27 mai 2014, de sorte que la demande afférente à l'augmentation de cette créance, dont le caractère totalement irrecouvrable n'était pas acquis antérieurement, n'est pas prescrite, et est donc recevable à hauteur de cette somme de 356 853,76 euros.

S'agissant de la créance de la société [...] à l'égard de la société [...] :

Les appelantes reprochent à la société [...] d'avoir instauré le même système au profit de la société [...] que celui dont a profité la société [...] et que le préjudice de cette société devenue [...] s'élève à la somme de 339 786,66 euros.

L'analyse des comptes de la société [...] pour chaque exercice de 2008 à 2012 permet de constater que s'il est vrai que cette créance n'a cessé d'augmenter, il apparaît que, dès les comptes de l'exercice 2008, alors qu'elle s'élevait à la somme de 308 719,93 euros, elle a été provisionnée en sa totalité, la connaissance de son caractère irrecouvrable étant alors acquis, de sorte que dès l'approbation de ces comptes par l'assemblée des actionnaires, soit le 24 avril 2009, qui a donné à cette créance sa visibilité, la société [...] devenue [...] a eu connaissance du fait dommageable et du caractère irrecouvrable de la créance, peu important que ce montant ait augmenté par la suite. De même, le caractère irrecouvrable de la créance était, pour le même motif, nécessairement connu de la société [...] lorsqu'elle est entrée au capital de la société [...] en 2011. Par conséquent, les appelantes sont déclarées irrecevables en leurs demandes de ce chef, leur action étant prescrite puisqu'elles ont agi le 27 mai 2014 soit au-delà de trois ans à compter du 24 avril 2009, respectivement du 6 avril 2011.

2) Sur les fautes

Les appelantes font état de ce que la jurisprudence en matière de faute de gestion des dirigeants retient que :

la faute de gestion est caractérisée dès lors qu'elle est contraire à l'intérêt social de la société, un dirigeant devant nécessairement agir dans l'intérêt de la société qu'il dirige,

la mise en 'uvre d'actions dites de « solidarité intra-groupe » est légitimée par la notion d'intérêt de groupe pour autant qu'elle repose sur une politique élaborée pour l'ensemble du groupe et qu'elle soit conforme aux intérêts respectifs de chaque société composant le groupe,

le concours financier apporté à la société du même groupe doit être dicté par un intérêt économique social ou financier commun et ne doit ni rompre l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge et que, dans ce cadre, le financement abusif d'une société par une autre est constitutif d'une faute de gestion ; est fautif le fait de prêter des fonds sociaux dans des conditions telles que le remboursement paraît improbable.

Elles reprochent aux dirigeants de la société [...] d'avoir commis, outre les deux fautes déjà citées ci-avant, deux autres fautes de gestion, ce qu'il leur appartient de démontrer, étant précisé que cette preuve consiste à démontrer que M. [Z] [D], en sa qualité de président du conseil d'administration et Mme [T] [D], en sa qualité de directrice générale, ont pris des décisions contraires à l'intérêt de la société [...], lequel s'apprécie au regard de l'activité économique de cette dernière et, s'agissant de sociétés appartenant à un même groupe, au regard de l'intérêt de ce groupe.

Sur les fautes de gestion en lien avec la société [...]

Les appelantes reprochent aux dirigeants de la société [...] d'avoir mis en place avec la société [...] un système de paiement privant la société [...] de liquidités essentielles à l'exercice de son activité et d'une « comptabilisation » de ces créances aux fins de favoriser cette filiale en n'agissant pas, de la sorte, dans l'intérêt de la société [...]

Elles expliquent que, par ce procédé, la société [...] s'est vue créditer le paiement de prestations effectuées par la société [...], ce qui a entrainé un accroissement constant de la dette de celle-ci et la rupture de tout équilibre entre les sociétés faisant partie du même groupe.

Elles considèrent que les consorts [D], qui exerçaient également des mandats sociaux dans la société [...], ne peuvent s'exonérer de leur faute en invoquant, d'une part, l'objectif de rétablir la situation financière de la société [...] dont le résultat comptable était déficitaire depuis 2008 et sa pérennité définitivement compromise et, d'autre part, la notion d'intérêt de groupe telle que dégagée par la jurisprudence pour justifier ce système de financement. Elles soutiennent qu'en persistant dans ce système jusqu'à l'exercice clos au 31 décembre 2012 alors qu'ils avaient conscience, dès sa mise en place, que la société [...] ne serait jamais en mesure de rembourser sa créance, les consorts [D] ont causé un important préjudice à la société [...] et donc à la société [...], lequel s'élève à concurrence de l'entier montant de la créance, à savoir 1 075 994 euros, le lien de causalité entre la faute de gestion commise par les anciens dirigeants et le préjudice subi ne faisant pas débat.

Elles arguent de ce que les intimés font des allégations mensongères concernant l'agrément IATA puisque la société [...] en avait perdu le bénéfice en même temps que la société [...].

Les intimés entendent rappeler que le demandeur d'une action en responsabilité fondée sur la faute de gestion doit être en mesure de démontrer que les agissements de l'ancien dirigeant et/ou de ses anciens administrateurs ont été contraires à l'intérêt social de cette dernière ou encore aux enjeux sociaux liés à son activité. Ils exposent qu'il est admis par la jurisprudence que la notion d'intérêt de groupe légitime les relations financières entre sociétés ou entre sociétés et dirigeants et exclut ainsi toute faute de gestion, dès lors que ces relations répondent à ce prisme. Ils justifient la mise en place du système de paiement entre la société [...] et la société [...] afin de préserver l'intérêt du groupe mais surtout l'intérêt social de la société [...] elle-même et lui permettre de poursuivre son activité notamment la vente de billets d'avion, dans la mesure où celle-ci avait perdu son agrément IATA et où la société [...] disposait dudit agrément. Ils précisent que l'activité de « billetterie aérienne » représentait pour la société [...] un volume d'affaires supérieur à douze millions d'euros. Ils soulignent qu'antérieurement à l'acquisition de la société [...] par le groupe FTI, les commissaires aux comptes de la société [...] ont toujours certifié les comptes de cette dernière sans aucune réserve concernant la créance à l'égard la société [...], alors même que ces créances étaient présentes dans les comptes ainsi que des provisions enregistrées à ce titre. En outre, ils indiquent que, compte tenu de leur mission légale leur incombant prévue aux dispositions combinées des articles L.823-10 et L.234-1 du code de commerce L.234-1, les commissaires aux comptes auraient nécessairement émis des réserves si le montant de la créance de la société [...] et son procédé avaient été incohérents ou irréguliers et que les activités d'une société du groupe avaient mis la société [...] en difficulté.

Par ailleurs, ils prétendent qu'aucun préjudice actuel, direct et certain n'est démontré par les appelantes et soulignent la mauvaise foi de ces dernières qui avaient connaissance des faits qu'elles leur reprochent depuis leur entrée en capital au sein de la société [...] en 2011.

Sur ce,

le système mis en place n'est pas contesté par les intimés ; il n'a d'ailleurs pas été dissimulé, la créance en cause ayant été inscrite dans les comptes des deux sociétés concernées, ce qui n'est pas fautif en soi, une société du groupe ayant le droit de consentir des avances à une autre société du même groupe dans le but, notamment, d'assurer la pérennité de l'activité dudit groupe.

Les intimés légitiment le système en cause par le fait que la société [...] s'était vue retirer son agrément IATA alors que la société [...] en disposait encore et qu'il permettait à la première de poursuivre la vente de billets d'avion.

Les appelantes ne contestent pas que la société [...] s'est vue retirer son agrément IATA en 2008, lequel devait lui permettre d'émettre des billets d'avion. Elles soutiennent que cet argument avancé par les intimés n'est pas probant puisque la société [...] s'en serait également vue priver en même temps, ce qu'elles n'établissent pas, étant souligné que les intimés produisent des factures établies par IATA en 2009, ce qui tend à démontrer qu'à cette date, la société [...] bénéficiait encore dudit agrément.

Ce système permettait donc à la société [...] de continuer à émettre des billets d'avion par l'intermédiaire de sa filiale la société [...] et donc de poursuivre son activité, la vente de voyages par avion étant essentielle à son activité d'agence de voyages et de transport public de voyageurs telle que déclarée au Registre du Commerce et des Sociétés.

Il n'était donc, à l'évidence, pas contraire aux intérêts de la société [...] ni à ceux du groupe, étant souligné que la société [...] était détenue par la société [...] à hauteur de 99,7%.

En outre, les appelantes ne démontrent pas plus que la situation de la société [...] était irrémédiablement compromise depuis 2008, étant relevé que la liquidation judiciaire de cette dernière n'est intervenue que le 27 mars 2013 avec une date de cessation de ses paiements fixée au 25 février 2013.

La faute alléguée par les appelantes n'est donc pas établie.

Sur la faute de gestion consistant à confier aux salariés de la société [...] des tâches relevant de la gestion des autres sociétés du groupe familial [D] sans contrepartie financière

Les appelantes indiquent que M. [Z] [D] et Mme [T] [D] confiaient aux salariés de la société [...] des tâches relevant de la gestion des autres sociétés du groupe familial [D] sans exiger de contrepartie financière pour le traitement de ces tâches.

Elles précisent qu'ainsi M. [N] et Mmes [C], [R] et [X], salariés de la société [...] se voyaient tenus de traiter des demandes concernant l'établissement des bulletins de paie, la gestion sociale ou la gestion locative de biens appartenant aux SCI familiales.

Elles soulignent que Mme [T] [D], en sa qualité de directrice générale déléguée, a maintenu ce système après le 26 septembre 2012.

Elles arguent de ce que ce système était contraire aux dispositions de l'article L.8241-1 du code du travail en l'absence de conclusion d'une convention de mise à disposition, le premier juge ayant occulté ces agissements.

Elles s'étonnent que le premier juge ait retenu que la preuve de cette faute de gestion n'était pas rapportée alors que les consorts [D] ne contestent pas le recours des salariés visés à des fins étrangères à celles de la société [...], rappelant que la société Foch Finances Investissements se faisait rétribuer pour assurer des prestations de gestion de la société.

Elles allèguent avoir subi un préjudice de ce fait, chiffré à concurrence de 35% du salaire de M. [N] et de Mme [C] sur la période non prescrite du 1er juin 2011 au 31 décembre 2012, soit la somme de 75 131,70 euros.

Les intimés soutiennent qu'aucune faute de gestion ne peut être imputable aux consorts [D] à ce titre, pour ne pas avoir conclu de convention de mise à disposition dans le cadre de l'entraide entre les salariés du groupe [...], exerçant chacun leur poste dans le même environnement de travail, qui plus est, s'est toujours réalisée de manière ponctuelle et spontanée sans aucun transfert du lien de subordination et incidence sur leurs conditions de travail. Ils exposent que le caractère spontané et ponctuel de l'entraide qui avait lieu entre les salariés n'est pas une mise à disposition de salariés au sens de l'article L. 8142-2 et suivants du code du travail, ce d'autant que la jurisprudence exclut toute mise à disposition, dès lors que le salarié n'est amené à réaliser que des missions ponctuelles au bénéfice d'une autre entreprise que son employeur. Ils prétendent que l'absence de conclusion de convention de mise à disposition n'a pas causé de préjudice aux appelantes, aucun salarié n'ayant procédé à une quelconque réclamation sur ce fondement, ce qui est confirmé par les attestations des anciens salariés de la société [...].

En outre, ils font valoir que les appelantes ne justifient pas du préjudice subi à ce titre.

Sur ce,

s'il est vrai que les intimés ne contestent pas que les consorts [D] aient ponctuellement confié des tâches aux salariés de la société [...] relevant de la gestion des autres sociétés du groupe sans exiger de contrepartie financière pour le traitement de ces tâches, il apparaît cependant que les appelantes ne démontrent pas en quoi ce procédé, dont le caractère habituel n'est pas suffisamment démontré, était contraire à l'intérêt social de la société [...], à celui du groupe à laquelle elle appartenait et à celui des autres sociétés du groupe qui ont bénéficié de ces services, de sorte que la faute de gestion revendiquée à ce titre par les appelantes n'est pas caractérisée, le chiffrage du préjudice qu'elles disent avoir subi n'étant au surplus appuyé par aucune pièce probante.

Sur la faute de gestion consistant à ignorer les revendications sociales et salariales de M. [N]

Les appelantes exposent que les revendications de M. [N], directeur des ressources humaines de la société [...], étaient connues au moins depuis 2004 par les consorts [D] comme en atteste un courriel du 15 décembre 2004 écrit par M. [Z] [D] dans lequel est abordée la question du temps de travail et d'heures supplémentaires impayées, un courriel de M. [N] daté du 9 novembre 2011 faisant état de ses diverses revendications salariales.

Elles arguent de ce qu'en application des dispositions de l'article L.123-20 du code de commerce, M. [Z] [D] aurait dû constituer une provision pour risque de litige ou, au moins, informer les cessionnaires de cet aléa juridique.

Elles estiment leur préjudice financier à hauteur de 269 781 euros correspondant à l'intégralité de la condamnation augmentée des charges sociales prononcée par la cour d'appel de Colmar, le 20 mars 2018, à l'encontre de la société [...].

Les intimés soutiennent que les appelantes ne leur reprochent aucune faute de gestion mais d'avoir exposé la société [...] au risque d'une procédure prud'homale lequel n'était, au demeurant, pas décelable lors de la gestion par les consorts [D], est inhérent à la gestion de toute société employant des salariés et ne peut, à lui seul, être constitutif d'une faute de gestion.

Ils prétendent que le courriel du 9 novembre 2011 sur lequel se fondent les appelantes à l'appui de leurs prétentions a été falsifié. Ils remettent également en cause l'authenticité d'un courriel du 15 décembre 2004 qui aurait été écrit par M. [Z] [D] dans lequel celui-ci critique les réclamations d'heures supplémentaires des cadres.

Sur ce,

les appelantes invoquent l'article L.123-20 du code de commerce lequel, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, disposait que les comptes annuels devaient respecter le principe de prudence, il devait être procédé aux provisions nécessaires et être tenu compte des risques intervenus au cours de l'exercice ou d'un exercice antérieur, même s'ils étaient connus entre la date de la clôture de l'exercice et celle de l'établissement des comptes.

M. [F] [N], salarié de la société [...] devenue [...], a agi à l'encontre de cette dernière devant le conseil de Prud'hommes de Mulhouse en septembre 2014 pour, notamment, réclamer le paiement de rappels de salaires et de congés payés afférents au titre de la prime de treizième mois, d'heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour non prise de repos compensateur et pour exécution déloyale du contrat de travail et pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et obtenir le paiement de sommes en découlant.

Le 31 mars 2015, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour motif économique ; il a alors sollicité, à titre subsidiaire que le conseil des Prud'hommes saisi juge sans cause réelle et sérieuse ledit licenciement.

Le conseil des Prud'hommes de Mulhouse qui a statué le 9 février 2017 précise dans l'exposé du litige qu'en décembre 2013, M. [N] a adressé à Mme [U], la directrice de la société [...] une demande écrite concernant le paiement d'heures supplémentaires et de la prime de Noël et lui faisait part de ce qu'il considérait que la modification de ses fonctions de directeur des ressources humaines et le retrait du véhicule automobile qui lui avait été attribué, sans qu'il y ait consenti valait résiliation unilatérale par son employeur de son contrat de travail.

Si ce jugement fait également état de l'existence des courriels de M. [N] de 2004 et de 2011 portant sur des problématiques d'heures supplémentaires, de retrait de véhicule mis à sa disposition et de modification de son contrat de travail, il s'avère que ce n'est que dans le courrier de décembre 2013 déjà cité que le risque d'un contentieux prud'homal est clairement apparu puisqu'il y est question de rupture non acceptée du contrat, de sorte qu'aucune faute de gestion ne peut être reprochée aux consorts [D] sur ce point alors qu'en décembre 2013, ils n'exerçaient plus de fonctions de dirigeants.

*

Aucune des fautes alléguées par les appelantes n'ayant été retenue, il y a lieu de les débouter de leur demande d'indemnisation au profit de la société [...].

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

II) Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens

Il convient de relever que la Cour de cassation n'a pas cassé l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 26 mai 2021 en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 22 octobre 2018 sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que la cour n'a pas à statuer de ces chefs.

Les appelantes sont condamnées aux dépens d'appel, comprenant ceux de la procédure devant la cour dont l'arrêt a été cassé.

Les appelantes sont déboutées de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel. Elles sont condamnées à payer sur le fondement de cet article la somme de 10 000 euros aux intimés pour les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 25 janvier 2023 ;

DECLARE la société [...], la SAS [...] et la société [...] irrecevables en leur demande tendant à la condamnation de M. [Z] [D] et Mme [T] [D] à payer à la SAS [...] :

la somme de 339 786,66 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la créance de la société [...] sur la société [...] ;

la somme de 719 140,83 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la créance de la société [...] sur la société [...] au 31 octobre 2010 ;

DECLARE la société [...], la SAS [...] et la société [...] recevables en leur demande tendant à la condamnation de M. [Z] [D] et Mme [T] [D] à payer à la SAS [...] la somme de 356 853,76 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la créance de la société [...] sur la société [...] pour la période allant du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2012 ;

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance Mulhouse du 22 octobre 2018 en ce qu'il a débouté la SAS [...] de sa demande de dommages et intérêts à raison des fautes de gestion de M. [Z] [D] et de Mme [T] [D] ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société [...], la SAS [...] et la société [...] aux dépens de la procédure d'appel, y compris ceux afférents à la procédure devant la cour dont l'arrêt a été cassé ;

CONDAMNE la société [...], la SAS [...] et la société [...] à payer à M. [Z] [D], Mme [T] [D] et la SA Foch Investissements la somme de 10 000 euros (dix mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE la société [...], la SAS [...] et la société [...] à de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

La greffière la présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/00766
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;23.00766 ?
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