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28/06/2024 | FRANCE | N°22/02149

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 28 juin 2024, 22/02149


MINUTE N° 266/2024





























Copie exécutoire

aux avocats



Le 28 juin 2024



Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 28 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02149 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3FR



Décision déférée à la cour : 17 Mars 2022 par le

tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANT :



Monsieur [V] [S]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Dominique serge BERGMANN, avocat à la cour.



INTIMÉE :



La S.A.S. MAISONS EDEN, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège s...

MINUTE N° 266/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 28 juin 2024

Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02149 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3FR

Décision déférée à la cour : 17 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANT :

Monsieur [V] [S]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Dominique serge BERGMANN, avocat à la cour.

INTIMÉE :

La S.A.S. MAISONS EDEN, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Anne CROVISIER de la SELARL ARTHUS, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère

Madame Nathalie HERY, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE.

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte de vente en l'état futur d'achèvement du 26 septembre 2014, faisant suite à un contrat de réservation du 21 novembre 2012, la SAS Maisons Eden a vendu à M. [V] [S] le lot n°108 de la Résidence Eden seniors à [Localité 3], correspondant à un appartement meublé de 4 pièces, pour un prix TTC de 243 039,60 euros. L'acte prévoyait un paiement échelonné en fonction de l'état d'avancement des travaux de la partie du prix hors taxes, et que : « le solde du prix correspondant au montant de la TVA, sera payé au moyen de la récupération par l'acquéreur de ladite TVA grevant la présente acquisition ».

Par actes des 26 septembre et 24 décembre 2014, M. [S] a consenti un bail commercial sur ce logement au Groupement de coopération médico-sociale dénommé 'l'accueil familial du Bas-Rhin'.

La 'réception' est intervenue le 17 avril 2015 sans réserves.

La société Maisons Eden a fait citer M. [S] devant le tribunal judiciaire de Colmar, selon exploit signifié le 29 mai 2020, aux fins d'obtenir paiement d'un montant de 40 506,60 euros correspondant au solde du prix.

M. [S] s'est opposé à cette demande arguant que le solde du prix correspondant à la TVA n'était dû qu'après son remboursement par l'administration fiscale, qu'il n'avait pu obtenir, subsidiairement d'un défaut de conseil de la société Maisons Eden qui serait intervenue à la fois en tant que promoteur/constructeur et en tant que conseiller en investissement.

Par jugement en date du 17 mars 2022, le tribunal a notamment :

- condamné M. [S] à payer à la société Maisons Eden la somme de 40 506,60 euros avec majoration des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2020 ;

- débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle en paiement de la même somme à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société Maisons Eden à l'obligation d'information et de conseil ;

- débouté M. [S] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamné aux dépens et au paiement d'une somme de 1 000 euros à la société Maisons Eden sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

Pour condamner M. [S] au paiement du solde du prix, le tribunal a considéré que l'obligation au paiement du prix était née dès la conclusions du contrat ; que l'événement tenant à la récupération de la TVA devait, sur le plan juridique, recevoir, conformément à l'article 1185 ancien du code civil applicable au litige, la qualification de terme ; que M. [S] s'était lui-même placé hors du dispositif fiscal de récupération de la TVA en négligeant de demander, avant le 31 décembre 2017, la déduction de la TVA omise au titre de l'année 2015, et en s'abstenant d'élever une contestation, sous réserve de la prescription, quant à l'analyse au fond de l'administration fiscale.

Pour rejeter la demande reconventionnelle subsidiaire de M. [S], le tribunal a retenu que la qualité de conseiller en placement de la société Maisons Eden était insuffisamment justifiée par la seule production de sa plaquette publicitaire ; que M. [S] ne pouvait péremptoirement conclure à un manquement grave de la société Maisons Eden à son obligation d'information et de conseil alors qu'il avait commis les négligences sus-évoquées ; qu'il ne rapportait pas la preuve suffisante du caractère réel et sérieux de la perte de chance de payer un prix moindre qu'il aurait, le cas échéant, subie du fait du manquement imputé à la société Maisons Eden.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement le 31 mai 2022 en toutes ses dispositions.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 19 août 2022, M. [S] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

- décharger M. [S] des condamnations prononcées à son encontre en principal, frais, intérêts et accessoires ;

- débouter la société Maisons Eden de l'ensemble de ses fins et prétentions.

Sur la demande reconventionnelle, à titre subsidiaire,

- condamner la société Maisons Eden à lui payer un montant de 40 503,60 euros augmenté des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2018, à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information et de conseil ;

- ordonner le cas échéant compensation des créances réciproques ;

Sur la demande reconventionnelle non subsidiaire :

- condamner la société Maisons Eden à lui payer un montant de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Maisons Eden à lui payer un montant 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Au soutien de son appel, il fait valoir en premier lieu que la somme réclamée ne peut être exigible car la TVA n'était pas récupérable, soulignant que :

- l'acte de vente en l'état futur d'achèvement fait suite à un contrat de réservation qui prévoyait déjà un différé de remboursement du solde du prix correspondant au montant de la TVA jusqu'au jour de son remboursement par l'administration fiscale, et l'engagement du réservataire d'opter pour un assujettissement de ses loyers à la TVA,

- aux termes des conventions liant les parties, le montant de la TVA ne pouvait être exigé que postérieurement au remboursement du montant de la TVA par l'administration fiscale à l'acquéreur, et au moyen de ce montant,

- or, à aucun moment, au regard de la nature de l'opération mise en place par la société Maisons Eden, l'acquéreur n'aurait pu prétendre à un remboursement de TVA, s'agissant d'une activité de loueur de meublé 'classique' exonérée de plein droit de la TVA sans possibilité d'option, et non d'une activité de location 'para-hôtelière' soumise à cette taxe, de sorte que le montant de celle-ci n'est pas exigible puisque son remboursement était impossible dès l'origine, peu important à cet égard que sa demande de remboursement ait été déclarée prescrite, dès lors qu'elle n'aurait

dans tous les cas pas pu aboutir, l'administration fiscale ayant considéré qu'il n'était pas éligible au remboursement de la TVA puisque le lot acquis était un logement destiné aux 'accueillants familiaux' ne bénéficiant pas des trois services hôteliers nécessaires au minimum pour obtenir une restitution de TVA,

- le rescrit fiscal dont se prévaut la société Maisons Eden comporte des réserves qui en l'occurrence doivent être prises en compte, et le fait que d'autres acquéreurs aient pu obtenir un remboursement de TVA ne constitue pas une preuve car il n'est pas certain que ces remboursements auraient été validés en cas de vérification.

À tout le moins, la société Maisons Eden qui, dans sa documentation publicitaire mettait en avant une fiscalité attrayante, et n'a, à aucun moment, attiré son attention sur un éventuel problème fiscal, a manqué à son obligation de renseignement et de conseil et engagé l'acquéreur dans une situation fiscalement erronée, l'acte de vente mentionnant, sans équivoque, que l'acquéreur aurait droit à un remboursement de TVA.

Il soutient qu'il appartient à l'intimée de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation et que celle-ci ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'elle n'était pas le gestionnaire de la résidence senior. Ainsi, si il devait être fait droit à la demande principale, il est fondé à demander le même montant à titre de dommages et intérêts, puisqu'il est dans l'impossibilité de le récupérer.

Il considère enfin que la procédure initiée par la société Maisons Eden est manifestement abusive.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 novembre 2022, la société Maisons Eden conclut au rejet de l'appel, au débouté de M. [S], à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de la société Maisons Eden au paiement d'une somme de 5 000 euros en sus des entiers dépens d'appel.

Elle fait valoir que :

- le paiement du solde du prix au moyen du montant du remboursement de la TVA n'est qu'une modalité de paiement du prix qui en tout état de cause est dû,

- ce n'est pas parce que M. [S] n'a pas effectué en temps utile les démarches pour obtenir ce remboursement que la société Maisons Eden devrait être privée du solde du prix dû en vertu du contrat,

- si la demande avait été faite en temps utile, M. [S] aurait pu récupérer la TVA comme les autres acquéreurs, sa demande n'ayant été rejetée qu'en raison de sa tardiveté, nonobstant les motifs surabondants du contrôleur qui sont contraires à la position de l'administration dans le cadre du rescrit fiscal qu'elle avait demandé et qui engage l'administration, selon lequel dès lors que certains des logements de la résidence - ceux du rez-de-chaussée - bénéficient d'au moins trois services de prestations hôtelières, et sont donc soumis à la TVA, toutes les locations meublées consenties dans le même immeuble le sont également 'par contagion',

- d'ailleurs tous les autres investisseurs qui ont suivi le modus operandi indiqué dans les actes de ventes en l'état futur d'achèvement ont pu obtenir ce remboursement.

Elle conteste par ailleurs tout manquement à une obligation de conseil, réfutant la qualité de conseil en investissement.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la demande en paiement du solde du prix

Contrairement à ce que soutient l'appelant, le solde du prix est exigible nonobstant l'absence de récupération de la TVA, l'acte de vente en l'état futur d'achèvement prévoyant en effet que :

- la vente est conclue au prix TTC de 243 039,60 euros,

- la partie du prix exigible, au jour de l'acte, compte tenu de l'état d'avancement des travaux est payable dans un délai de 15 jours à compter de la signature de l'acte,

- le solde du prix de vente hors taxes de base, soit la somme de 20 253,30 euros, sera appelé au fur et à mesure de l'avancement des travaux,

- le solde du prix correspondant au montant de la TVA sera payé au moyen de la récupération par l'acquéreur de ladite TVA grevant l'acquisition,

cette dernière clause instituant une simple modalité de paiement du prix, et ne constituant pas une condition d'exigibilité de ce solde.

La vente ayant été soumise à la TVA, le prix incluant à la TVA est donc dû en totalité, nonobstant l'absence de récupération de cette taxe par l'acquéreur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a condamné M. [S] au paiement de ce solde.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts

Comme l'a exactement retenu le tribunal, il n'est nullement démontré que la société Maisons Eden serait intervenue en qualité de conseiller en investissement, nonobstant la mention dans sa documentation publicitaire du fait que le programme était éligible à certains dispositifs de défiscalisation, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'une obligation d'information et de conseil sur les conséquences fiscales de l'acquisition à l'égard de M. [S].

Au surplus, aucune faute de sa part n'est caractérisée puisque d'une part, il résulte de la proposition de rectification adressée à l'appelant par l'administration fiscale, le 25 mars 2019, que sa demande de déduction de TVA supplémentaire n'a pas été admise car elle était prescrite.

D'autre part, s'il est précisé dans cette proposition de rectification que la demande ne pouvait aboutir, au motif que l'investissement relevait d'une activité de location de logements meublés et non de location 'para-hôtelière', cette position apparaît toutefois en contradiction avec les termes du rescrit fiscal du 21 février 2014, établi à la demande de la société Maisons Eden, s'agissant de la soumission à la TVA de l'activité de logements meublés à usage d'habitation du GCSMS (Groupement de coopération sociale et médico-sociale) du Bas-Rhin, selon lequel le fait pour un exploitant d'offrir trois des quatre services para-hôteliers visés à l'article 261 D 4°

du code général des impôts rend imposable toutes les locations meublées consenties dans un même immeuble ou ensemble immobilier, l'activité du GCSMS est soumise de plein droit à la TVA dès lors que ces prestations sont fournies à certains locataires, et il en est de même ipso facto des locations consenties en amont à l'exploitant par le propriétaire, ce même si elles portent sur des logements nus, les réserves d'usage émises dans ce rescrit quand au caractère incomplet des informations fournies, à des modifications ultérieures de la situation ou à celle d'autres contribuables étant en l'espèce sans emport.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé en tant qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [S] pour manquement de la société Maisons Eden à une obligation d'information et de conseil.

Le jugement sera également confirmé en tant qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, puisque la demande de la société Maisons Eden est accueillie.

Le jugement étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais exclus des dépens.

Les dépens d'appel seront supportés par l'appelant qui sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué, sur ce fondement, à la société Maison Eden une somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 17 mars 2022 ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [S] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [V] [S] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS Maisons Eden une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titres des frais exclus des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/02149
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;22.02149 ?
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