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27/06/2024 | FRANCE | N°23/03787

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 juin 2024, 23/03787


MINUTE N° 259/2024



































Copie exécutoire à :



- la SELARL LX COLMAR



- Me SPIESER-DECHRISTÉ



- Me CHEVALLIER-GASCHY



- Me ROTH



- Me LITOU-WOLFF



- la SELARL ACVF ASSOCIES



- la SELARL ARTHUS



Le 27 juin 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÃ

ˆME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/03787 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IFNW



Décision déférée à la cour : 10 octobre 2023 par le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Saverne





APPELA...

MINUTE N° 259/2024

Copie exécutoire à :

- la SELARL LX COLMAR

- Me SPIESER-DECHRISTÉ

- Me CHEVALLIER-GASCHY

- Me ROTH

- Me LITOU-WOLFF

- la SELARL ACVF ASSOCIES

- la SELARL ARTHUS

Le 27 juin 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/03787 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IFNW

Décision déférée à la cour : 10 octobre 2023 par le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Saverne

APPELANTES :

La S.C.I. HELUCE

prise en la personne de son gérant

ayant siège [Adresse 4] à [Localité 19]

La S.A.R.L. MAISON 23

prise en la personne de son gérant

ayant siège [Adresse 35] à [Localité 24]

représentées par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, Avocat à la cour

plaidant : Me VANNIER-BOUVIER, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine

INTIMÉES :

La S.A.S. GERNER prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 16] à [Localité 21]

représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

La S.A.R.L. SVMJ prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 10] à [Localité 25]

La S.A. BPCE IARD prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 37] à [Localité 31]

La S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 37] à [Localité 31]

La S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 8] à [Localité 29]

La Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal

ayant siège[Adresse 8] à [Localité 29]

représentées par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

S.A.R.L. AC2A prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 32] à [Localité 24]

La S.A. SMA prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 34] à [Localité 30]

La SMABTP, société d'assurances mutuelles prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 34] à [Localité 30]

représentées par Me Stéphanie ROTH, Avocat à la cour

plaidant : Me RIVERA, Avocat au barreau de Strasbourg

La S.A.S. ARTERE CONSTRUCTION ET TP SUD prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 28] à [Localité 27]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, Avocat à la cour

La S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 12] à [Localité 36]

représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL

ACVF ASSOCIES, Avocat à la cour

La S.A.S. SAINT GOBAIN VITRAGE BATIMENT prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 33] à [Localité 20]

La CAMBTP, société d'assurance à forme mutuelle, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 38] à

[Localité 22]

représentées par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, Avocat

à la cour

La S.A.R.L. CHARPENTES NOEPPEL prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 7] à [Localité 23]

La S.A.S. CONCEPT ET STRUCTURE ING prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 26]

La S.A.R.L. CREPI VISION prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 9] à [Localité 18]

non représentées, régulièrement assignées

La S.A.R.L. ELECTRICITE LAURENT ECK prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 13], parc d'activités économiques 'les pins' à

[Localité 24]

La S.A.S. GEISTEL ROBERT prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 11] à [Localité 20]

La S.A.S. GEODECRION prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 5] à [Localité 15]

La S.A.S. METALLERIE FRANCK GERBER prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 6] à [Localité 24]

La S.A.S.U. TMR prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 14] à [Localité 22]

La S.A.S.U. A.K. PEINTURE prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 2] à [Localité 17]

La S.A.R.L. AR SOL prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 3] à [Localité 17]

non représentées, régulièrement assignées

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Monsieur Christophe LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI Heluce a confié à la société AC2A une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour construire et aménager un magasin d'optique et d'audioprothèse à Wasselonne. Diverses sociétés sont intervenues. Le magasin a été livré le 19 octobre 2020 et la SCI Heluce a donné le magasin à bail à la société Maison 23.

Invoquant l'existence de certains désordres, malfaçons, non-façons et non conformités et de manquements de la société AC2A à ses obligations, la société Heluce et la société Maison 23 ont demandé en référé la remise de certains éléments et la désignation d'un expert judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Saverne du 14 mars 2022, M. [U] a été désigné aux lieux et place de l'expert désigné par ordonnance du 31 janvier 2022 qui avait refusé la mission.

Le 11 septembre 2023, les sociétés Heluce et Maison 23 ont demandé au juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal de remplacer M. [U], en invoquant une atteinte extrêmement grave au principe de la contradiction et son attitude déloyale et partiale, et de condamner les défendeurs à l'expertise à communiquer, sous astreinte, des pièces manquantes.

Par ordonnance du 10 octobre 2023, le juge chargé du contrôle des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Saverne a rejeté la requête aux fins de remplacement de l'expert et de production de pièces, et a condamné les requérantes aux frais.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que la violation du principe du contradictoire n'était pas démontrée, et que la présomption de partialité de l'expert ne saurait résulter du simple fait de 'boire un café' avec les parties présentes dans le cadre d'une pause technique imposée pour les besoins du constat acoustique en l'absence excusée du conseil des demanderesses. Il a ajouté que les reproches visaient à critiquer le déroulement des opérations d'expertise, alors qu'il n'appartient pas au juge saisi sur le fondement de l'article 235, alinéa 2 du code de procédure civile, de se prononcer sur leur régularité, ni d'apprécier les conclusions techniques de l'expert. Il a enfin retenu qu'en état de la procédure, la requête en remplacement était d'autant moins fondée que le pré-rapport n'engageait pas de conclusions définitives et qu'à défaut de motif légitime, elle revêtait un caractère dilatoire préjudiciable à l'avancement du dossier et aux droits des parties.

Il a, en outre, retenu qu'il appartenait à l'expert d'apprécier les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, et non aux parties de solliciter leur production dans le cadre de l'expertise et qu'en l'espèce, l'expert n'avait formulé aucune demande en ce sens, ce qui laissait supposer que les pièces produites suffisaient à sa complète information.

Le 25 octobre 2023, la société Heluce et la société Maison 23 ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté leur requête et les a condamnés aux frais.

Le 31 octobre 2023, elles ont présenté une requête aux fins de fixation à bref délai.

Le 9 novembre 2023, la présidente de chambre a fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 16 mai 2024 et le même jour, le greffier a adressé l'avis de fixation de l'affaire à bref délai.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par leurs dernières conclusions datées du 31 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, la société Heluce et la société Maison 23 demandent à la cour de :

A titre liminaire :

- juger l'appel recevable.

A titre principal :

- annuler l'ordonnance du 10 octobre 2023 rendue par le juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal judiciaire de Saverne.

A titre subsidiaire :

- infirmer en toutes ces dispositions cette ordonnance

En tout état de cause, statuant à nouveau :

- désigner l'expert judiciaire qu'il lui plaira en remplacement de M. [U],

- ordonner les défendeurs à communiquer sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir les éléments suivants :

1. le dossier de consultation des entreprises (en particulier le cahier des clauses techniques particulières « CCTP » et les plans à jour)

2. les ordres de service

3. la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux « DAACT»

4. la demande d'autorisation d'enseigne spécifique

5. es « spécifications techniques détaillées » visées dans le contrat de maîtrise d'oeuvre

6. les attestations d'assurances

7.l'intégralité des polices d'assurances RC et RCD (conditions générales + conditions particulières + annexes éventuelles) tout au long des travaux et au jour de la réclamation

8.les plans à jour

9.la DPGF

- se réserver la liquidation de l'astreinte.

En soutenant, en substance, que :

- leur appel est recevable compte tenu de l'objet de l'ordonnance, du fait que M. [U] a été désigné sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et de ce que la décision enfreint le principe procédural essentiel de la contradiction,

- l'ordonnance doit être annulée, car le juge a violé le principe de la contradiction, puisqu'il lui appartenait de leur transmettre les arguments en réponse de M. [U], afin de permettre un débat contradictoire, tant sur la demande de remplacement que sur celle relative à la condamnation sous astreinte,

- à titre subsidiaire, l'ordonnance doit être infirmée, s'agissant du rejet de la demande de remplacement, sur le fondement de l'article 235, alinéa 2 du code de procédure civile, en raison de différents faits, qu'ils détaillent, non contestés par l'expert, qui constituent une atteinte extrêmement grave aux principes de la contradiction, d'impartialité et de loyauté qui incombent à l'expert, étant précisé qu'aucun défendeur à l'expertise ne s'est opposé à son remplacement ;

- à titre subsidiaire, l'ordonnance doit être infirmée, s'agissant du rejet de la demande de condamnation sous astreinte, car les documents précités ont été demandés par courrier du 11 septembre 2023 et en vain depuis le référé expertise, en dépit de relances et de dires ; l'expert a, a minima, sollicité en vain la production des attestations d'assurance ; les éléments demandés sont indispensables à la maîtrise d'ouvrage et à la préservation de ses recours ; aucun défendeur ne s'est opposé à cette demande de communication de pièces.

Par leurs dernières conclusions datées du 30 novembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, la société AC2A, la société SMA et la société SMABTP demandent à la cour de :

- Avant dire droit : ordonner à M. [U], par écrit ou à l'oral, mais en tous cas au contradictoire de toutes les parties à l'expertise, de présenter ses observations sur la demande de remplacement ;

- A supposer que la cour ne les suivent pas sur ce point : confirmer l'ordonnance ;

- condamner in solidum la société Heluce et la société Maison 23 aux entiers dépens;

- condamner in solidum la société Heluce et la société Maison 23 à payer à la société AC2A, à la société SMA et à la société SMABTP, chacune, la somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

En soutenant, en substance :

- au soutien de leur demande avant-dire-droit, elles invoquent le principe du contradictoire et l'article 145 du code de procédure civile,

- en cas d'annulation de l'ordonnance pour violation du principe du contradictoire, en cas de l'effet dévolutif de l'appel, il appartiendra à la cour d'inviter l'expert à présenter ses observations au contradictoire de tous,

- contester que l'expert soit partial au motif, entre autres, qu'il ne défère pas à la demande de communication de pièces des appelantes ; la société AC2A a communiqué les pièces nécessaires par des dires du 24 juillet 2022 et du 6 octobre 2023 et ne peut communiquer celles dont elle ne dispose pas ; seules doivent être produites les pièces nécessaires à l'instruction du dossier ;

- contester que l'expert soit partial au motif qu'il aurait pris un café avec certaines parties pendant que la société Socotec réalisait ses mesures acoutisques ; il n'est pas démontré en quoi ce fait est de nature à démontrer qu'il a pris partie pour l'une des parties ou plus précisément pour toutes les parties défenderesses, au détriment des demanderesses à l'expertise.

Par leurs dernières conclusions datées du 6 décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, la société Saint-Gobain Vitrage Bâtiment et la CAMBTP demandent à la cour de :

- rejeter l'appel de la société Heluce et de la société Maison 23,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- condamner les appelantes aux entiers dépens,

- condamner les appelantes à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En soutenant, en substance, que :

- l'article 235 du code de procédure civile n'impose ni au juge, ni à l'expert de communiquer les explications sollicitées de l'expert, voire de provoquer un débat contradictoire,

- l'expert judiciaire, et les parties, ne pouvaient rester dans les locaux pendant les tests acoustiques, sous peine d'interférer sur les relevés effectués par le sapiteur, et devaient donc quitter les lieux,

- le fait que l'expert soit allé 'boire un café' avec les parties présentes à la procédure évite toute partialité, étant précisé qu'elles-mêmes n'étaient pas présentes, s'agissant de simples mesures techniques ;

- plusieurs éléments ont déjà été produits pendant les opérations d'expertise et la société Saint Gobain Vitrage Bâtiment ne peut être condamnée à produire sous astreinte des plans à jour, qui doivent être communiqués par la maîtrise d'oeuvre, et l'ensemble des documents pourront être communiqués à l'expert judiciaire, sur simple demande.

Par ses dernières conclusions datées du 5 décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, la société SVMJ demande à la cour de :

- in limine litis : déclarer les sociétés Heluce et Maison 23 irrecevables en leur appel,

- subsidiairement, au fond : rejeter l'appel, confirmer l'ordonnance et débouter les appelantes de leurs fins et conclusions,

- en tous les cas : les condamner solidairement à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

En soutenant, en substance, que :

- l'appel est irrecevable en application de l'article 150 du code de procédure civile, et 170 dudit code, dont il résulte que les décisions du juge chargé du contrôle de l'expertise ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement sur le fond (Civ. 1ère 3 mars 2022, n°20-16.809), sauf lorsque le juge a commis un excès de pouvoir, mais en l'espèce, aucun des griefs évoqués par les appelants ne relèvent d'un excès de pouvoir,

- l'appel est irrecevable en application de l'article 950 du code de procédure civile, car selon l'article 235 dudit code, la demande en remplacement de l'expert est de nature gracieuse et seul le technicien, qui n'est pas partie, est entendu en ses explications, de sorte que le recours formé à l'encontre de la décision doit être formé par une déclaration faite ou envoyé par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision,

- à titre subsidiaire, au fond : aucun élément ne démontre l'existence d'une faute, l'ensemble des investigations, mesures et constats l'ont été au contradictoire de tous les acteurs intervenants et les sociétés Heluce et Maison 23 ont l'opportunité de faire valoir leurs arguments et notes de l'expert judiciaire, qui a pris position sur l'ensemble des dires qui lui ont été soumis ; elles peuvent aussi tirer les conclusions du défaut de communication par les maîtres d'oeuvre des documents, dont la communication reste à l'appréciation de l'expert.

Par leurs dernières conclusions datées du 14 décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles, BPCE IARD et Maaf Assurances, demandent à la cour de

- rejeter l'appel,

- débouter les sociétés Heluce et Maison 23 de leur appel et de leurs fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- condamner les appelantes à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En soutenant, en substance, que :

- selon l'article 235, alinéa 2, du code de procédure civile, et la jurisprudence, le juge et l'expert n'ont pas à communiquer les explications de l'expert judiciaire aux parties,

- le juge pouvait refuser de remplacer l'expert s'il estimait que les reproches étaient injustes et en l'espèce, les appelantes n'ont démontré ni un non-respect du principe du contradictoire par l'expert, ni une attitude déloyale et partiale de l'expert ; la contestation de la pertinence des conclusions de l'expert et du contenu de son pré-rapport et de son rapport relèvent de l'appréciation des juges du fond,

- certaines pièces ont été communiquées à l'expert, lequel n'a pas réitéré sa demande de communication d'autres pièces ; les pièces sollicitées ne pourraient être communiquées que par la société AC2A ; en tout état de cause, en l'absence de demande spécifique de l'expert de communication des pièces, il n'y a pas lieu à infirmation ; il aurait à tout le moins appartenu aux appelantes de demander de chaque partie précisément nommée les pièces précisément listées susceptibles de la concerner.

Par ses dernières conclusions datées du 15 novembre 2023, transmises par voie électronique le 17 novembre 2023, la société Gerner demande à la cour de :

- juger l'appel irrecevable et en tous les cas infondé,

- le rejeter,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- débouter les sociétés Heluce et Maison 23 de leurs fins, moyens et prétentions,

- les condamner solidairement ou in solidum et conjointement entre elles, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens, en ce compris le timbre fiscal.

En soutenant, en substance, que :

- la demande d'annulation de l'ordonnance est irrecevable et en tous les cas non fondée, d'une part, car l'article 235, alinéa 2 du code de procédure civile n'impose ni au juge ni à l'expert de communiquer les explications requises auprès de ce dernier ou de le convoquer à un débat contradictoire (Civ. 2ème 15 déc. 2005 n°04-11.573) et, d'autre part, le juge a demandé les observations de l'expert, et non pas un 'argumentaire en réponse' à la demande de remplacement ; l'expert n'est pas une partie à la procédure et n'a pas à être convié aux débats ; le juge tient même de l'article 245 du code de procédure civile la possibilité d'entendre le technicien hors la présence des parties ; il n'existe aucune violation du principe du contradictoire ou erreur de qualification imputable au juge, qui soit susceptible de conduire à l'annulation de l'ordonnance

- sur la demande de remplacement : les reproches ne traduisent aucun manquement de l'expert à ses devoirs fondamentaux, ni aucune atteinte au principe du contradictoire, mais relèvent de la question de la régularité, voire de la pertinence du contenu du rapport d'expertise, et qui pourront être discutées devant le juge du fond s'il devait être saisi,

- c'est à l'expert de déterminer quels sont les éléments de nature à le renseigner, et à se faire communiquer les documents utiles à l'accomplissement de sa mission; s'agissant notamment des attestations d'assurance dont l'expert a suggéré la transmission, les appelantes ne peuvent se substituer à l'expert pour demander une communication de pièces sous astreinte que l'expert ne demande pas ;

- à titre subsidiaire, les appelantes ne détaillent pas les documents dont elles sollicitent la transmission, ni quelle partie devrait les produire.

Par ses dernières conclusions datées du 6 décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, la société Artere Construction et TP Sud demande à la cour de :

- dire l'appel irrecevable à son égard, et à tout le moins mal fondé,

- en débouter les sociétés Heluce et Maison 23, ainsi que de l'intégralité de leurs fins, moyens, demandes et prétentions,

- en conséquence, confirmer l'ordonnance,

- y ajoutant : condamner les sociétés Heluce et Maison 23 solidairement sinon in solidum aux dépens d'appel et à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

en soutenant que :

- le courrier adressé au juge du contrôle n'est pas clairement indiqué comme constituant une requête, de sorte qu'un doute sur la nature même du courrier existait, ce qui explique qu'aucune des parties n'a formulé d'observations,

- le juge n'a pas à se prononcer sur la régularité des opérations de l'expertise qui ne sont pas encore terminées ; les appelantes doivent assumer le fait de ne pas avoir été présentes, ni représentées lors de la réunion d'expertise du 19 juillet 2023 ; l'ensemble des constatations faites par l'expert a pu faire l'objet de dires et d'observations contradictoires postérieures;

- la carence des parties prévue par l'article 275, alinéa 2 du code de procédure civile n'est pas démontrée en l'espèce.

Par ses dernières conclusions datées du 30 novembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, la société AXA France Iard demande à la cour de :

- déclarer l'appel formé par la SCI Heluce et la SARL Maison 23 mal fondé ;

- en conséquence, le rejeter,

- débouter la SCI Heluce et la SARL Maison 23 de leur appel et de l'ensemble des leurs demandes, moyens et prétentions,

- par conséquent, confirmer l'ordonnance,

- condamner la SCI Heluce et et la SARL Maison 23 aux entiers frais et dépens de la procédure et à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en soutenant, en substance, que :

- l'article 235 du code de procédure civile impose seulement au magistrat en charge du contrôle des opérations d'expertise de recueillir les observations de l'expert judiciaire, ce qui a été effectué, de sorte que le principe du contradictoire prévu par ce texte et l'article 16 dudit code, ont été respectés,

- les griefs allégués au soutien de la demande de remplacement de l'expert ne sont pas fondés,

- l'expert a indiqué avoir obtenu l'ensemble des documents nécessaires à la poursuite de sa mission.

Par actes d'un commissaire de justice ont été signifiés le 15 novembre 2023 à la demande des appelants, la déclaration d'appel, l'avis et l'ordonnance de fixation, les conclusions et le bordereau de pièces des appelantes, notamment à la SASU AK Peinture, à la SAS Artere Construction et TP Sud, à la SA BPCE IARD, à la société CAMBTP, à la SAS Concept et Structure ING, à la SARL Electricité Laurent Eck, à

la SAS Geistel Robert, à la SAS Geodecrion, à la SAS Saint Gobain Vitrage bâtiment, et à la SASU TMR (par remise au représentant légal ou à une personne déclarant être habilitée), ainsi qu'à la SARL AR Sol, la SARL Charpentes Noeppel, à la SARL Crepi Vision et à la SAS Metallerie Franck Gerber (par dépôt de l'acte à l'étude).

L'arrêt sera dès lors rendu par défaut à l'égard de ces quatre dernières sociétés.

Lors de l'audience du 16 mai 2024, les parties ont été autorisées à déposer une note en délibéré pour répliquer si elles le souhaitaient à la communication de la nouvelle pièce mentionnée dans le bordereau de communication de pièces daté du 14 mai 2024 et transmis par voie électronique le 16 mai 2024, par la société Axa France Iard. Aucune des parties n'a déposé de note en délibéré.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité de l'appel :

1.1. Sur la fin de non-recevoir tirée de l'application des article 150 et 170 du code de procédure civile :

Les articles 150 et 170 du code de procédure civile ne sont pas applicables lorsque la mesure d'instruction a été ordonnée, comme en l'espèce, sur le fondement de l'article 145 dudit code.

1.2. Sur la fin de non-recevoir tirée de l'application de l'article 950 du code de procédure civile :

En l'espèce, l'expert ayant été désigné par ordonnance de référé rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la demande de changement d'expert a ouvert une instance incidente et indépendante de la procédure qui l'a fait naître, de sorte que l'ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises, qui a rejeté la demande, y a mis fin.

En conséquence, et en application de l'article 544 du code de procédure civile, un appel immédiat était possible.

En outre, la demande de changement d'expert a été présentée par une requête, adressée au juge chargé du contrôle d'expertise, qui l'a rejetée par une ordonnance rendue, comme elle l'indique, statuant sur requête, et suite aux observations sollicitées de l'expert judiciaire.

L'ordonnance attaquée ayant donc été rendue sur requête, s'applique le premier alinéa de l'article 496 du code de procédure civile qui prévoit que, s'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. Le point de départ du délai de quinze jours court à compter de la date de l'ordonnance, à moins qu'il ne soit démontré que la minute de cette dernière n'ait pas été délivrée lors de son prononcé.

En vertu de l'article 950 du code de procédure civile, l'appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.

Ainsi, l'appel à l'encontre de l'ordonnance entreprise, qui a rejeté la requête, devait être formé selon les règles précitées se référant à la procédure gracieuse, c'est-à-dire, selon les modalités précitées et au greffe du juge chargé du contrôle des expertises, lequel pouvait, en application de l'article 952 dudit code, modifier ou rétracter son ordonnance, sa décision devant, dans le cas contraire, être transmise au greffe de la cour d'appel.

En conséquence, le présent appel, formé devant la cour d'appel, n'est pas recevable.

2. Sur les frais et dépens :

Succombant, la SCI Heluce et la SARL Maison 23 supporteront les dépens d'appel.

Leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée et l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation à ce titre à leur encontre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile

Déclare irrecevable l'appel formé, le 25 octobre 2023, par la SCI Heluce et la SARL Maison 23 à l'encontre de l'ordonnance du juge chargé du contrôle des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Saverne du 10 octobre 2023 ;

Condamne la SCI Heluce et la SARL Maison 23 à supporter les dépens d'appel ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/03787
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.03787 ?
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