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27/06/2024 | FRANCE | N°23/02484

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 juin 2024, 23/02484


MINUTE N° 255/2024

































































Copie exécutoire

aux avocats



Le 27 juin 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 JUIN 2024





Numéro d'inscription au

répertoire général : 2 A N° RG 23/02484 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IDJM



Décision déférée à la cour : 08 Juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



La S.A.R.L. CREABOIS prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 2]



repr...

MINUTE N° 255/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 27 juin 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/02484 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IDJM

Décision déférée à la cour : 08 Juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

La S.A.R.L. CREABOIS prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 2]

représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour

plaidant : Me HEIDMANN, avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

La S.C.I. RUE DE L'INDUSTRIE prise en la personne de son gérant

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 2]

représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la cour

plaidant : Me ENGEL, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère

Monsieur Christophe LAETHIER, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat du 10 décembre 2003, la SCI Rue de l'industrie a donné en location à la SARL Creabois un hall industriel de 600 m² de plein pied et un parking de 1 000 m², comprenant deux bureaux, des toilettes et une salle d'eau, situés [Adresse 1] à [Localité 2], en contrepartie d'un loyer annuel hors taxes et hors charges de 26 400 euros.

Soutenant que le bailleur avait supprimé le raccordement des locaux au réseau d'eau depuis le 14 novembre 2022, la SARL Creabois a fait assigner la SCI Rue de l'industrie devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, par acte du 24 janvier 2023, aux fins de voir condamner la SCI Rue de l'industrie à rétablir le raccordement des locaux loués au réseau d'eau sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter du prononcé de l'ordonnance, se réserver la faculté de liquider l'astreinte, condamner la SCI Rue de l'industrie à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la condamner aux dépens.

Le raccordement au réseau d'eau ayant été rétabli en cours de procédure, la SARL Creabois a fait évoluer ses demandes, sollicitant que le bailleur soit condamné à maintenir le raccordement des locaux loués au réseau d'eau sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de toute nouvelle coupure constatée jusqu'à justification par le bailleur du rétablissement. Le demandeur a maintenu les autres demandes formées dans son acte introductif d'instance et demandé au juge des référés de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes reconventionnelles du bailleur et subsidiairement, limiter le montant de la provision à lui verser à la somme de 13 099,67 euros correspondant au montant des seuls loyers.

En réplique, la SCI Rue de l'industrie a demandé au juge des référés de :

- débouter la SARL Creabois de l'ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel,

- condamner la SARL Creabois à laisser effectuer les travaux mentionnés par le bailleur en laissant pénétrer les entreprises et en enlevant tout ce qui se trouve le long du mur à l'extérieur et à l'intérieur du local, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir,

- condamner la SARL Creabois à enlever toutes les matières inflammables qui se trouvent le long du mur à l'extérieur du local, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir,

- condamner la SARL Creabois à payer une somme de 5 000 euros à la SCI Rue de l'industrie à titre de provision sur dommages et intérêts,

- condamner la SARL Creabois à lui payer la somme de 24 118,95 euros TTC à titre de provision sur les loyers et charges impayés et pénalités de retard,

En tout état de cause,

- condamner la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Par ordonnance contradictoire du 8 juin 2023, le juge des référés a :

- Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir, mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservés ;

- rejeté la demande tendant à ce que les conclusions de la SCI Rue de l'industrie du 15 mai 2023 et ses pièces n° 26 à 30 soient écartées des débats ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Creabois au maintien du raccordement au réseau d'eau ;

- condamné la SCI Rue de l'industrie à payer à la SARL Creabois une provision de 2 500 euros à valoir sur son préjudice ;

- condamné la SARL Creabois à laisser la SCI Rue de l'industrie effectuer les travaux de bardage, de mise en place d'une porte sectionnelle et de changement de fenêtres en laissant pénétrer les entreprises mandatées par la SCI Rue de l'industrie et en enlevant tout ce qui se trouve le long du mur à l'extérieur et à l'intérieur du local, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, pendant une durée de trois mois ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'enlèvement de matières inflammables formées par la SCI Rue de l'industrie ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur dommages et intérêts formée par la SCI Rue de l'industrie ;

- condamné la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie une provision de 13 099,67 euros sur les loyers et charges impayés ;

- condamné la SARL Creabois aux dépens,

- condamné la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formulée par la SARL Creabois au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande de maintien du raccordement au réseau d'eau sous astreinte, le juge des référés a relevé que si la SARL Creabois n'avait plus été raccordée au réseau du 14 ou 18 novembre 2022, selon les déclarations parties, jusqu'au 6 février 2023, le raccordement avait été rétabli et il n'était pas justifié de ce que ce raccordement ne serait pas pérenne, de sorte que le locataire ne justifiait pas de l'urgence au sens de l'article 834 du code de procédure civile, ni d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du même code.

Sur la demande de provision formée par la SARL Creabois, le premier juge a considéré que le bailleur n'avait pas respecté son obligation de délivrance et que le locataire avait subi un préjudice en étant privé de la jouissance de l'intégralité des locaux loués, dont des toilettes et une salle d'eau, pendant deux mois et demi.

Sur la demande de la SCI Rue de l'industrie relative aux travaux, le juge des référés a considéré que le locataire avait été informé par le bailleur de la planification de travaux de rénovation du bâtiment mais que les travaux de bardage, de mise en place d'une porte sectionnelle et de changement de fenêtres n'avaient pu être réalisés du fait de la présence des installations de la SARL Creabois, notamment le long d'un mur ou des vitrages, empêchant l'intervention des entreprises.

S'agissant de la demande de provision formée par le bailleur au titre des loyers et charges, le premier juge a retenu que la demande de provision ne se heurtait à aucune contestation sérieuse à hauteur des loyers impayés (de janvier à mai 2023), soit une somme de 13 099,67 euros, et que l'exception d'inexécution soulevée par le locataire, tenant au défaut de délivrance d'un bien conforme à sa destination contractuelle, n'était pas de nature à faire obstacle au paiement du loyer dans la mesure où il ne justifiait pas que la coupure d'eau l'avait privé de la jouissance de la totalité des locaux, ni affecté son activité et qu'il existait des loyers impayés avant la coupure à l'accès du réseau d'eau.

La SARL Creabois a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 26 juin 2023.

Par ordonnance du 28 août 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai à l'audience du 16 mai 2024 en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été envoyé par le greffe le même jour.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 4 septembre 2023, la SARL Creabois demande à la cour de :

Sur l'appel principal de la société Creabois,

- dire et juger l'appel de la société Creabois recevable et bien fondé,

- infirmer l'ordonnance du 8 juin 2023 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Creabois au maintien du raccordement au réseau d'eau ;

- limité à la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 €) le montant de la condamnation prononcée contre la SCI Rue de l'industrie au paiement d'une provision à la SARL Creabois ;

- condamné la SARL Creabois à laisser la SCI Rue de l'industrie effectuer les travaux de bardage, de mise en place d'une porte sectionnelle et de changement de fenêtres en laissant pénétrer les entreprises mandatées par la SCI Rue de l'industrie et en enlevant tout ce qui se trouve le long du mur à l'extérieur et à l'intérieur du local, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, pendant une durée de trois mois ;

- condamné la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie une provision de treize mille quatre-vingt-dix-neuf euros et soixante-sept centimes (13.099,67) sur les loyers et charges impayés ;

- condamné la SARL Creabois aux dépens ;

- condamné la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie la somme de deux mille euros (2 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rejeté la demande formée par la SARL Creabois au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que l'ordonnance bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

- condamner la SCI Rue de l'industrie à maintenir le raccordement des locaux loués au réseau d'eau,

- assortir la condamnation d'une astreinte de 500 € par jour à compter de toute nouvelle coupure constatée jusqu'à justification par le bailleur du rétablissement du raccordement au réseau d'eau,

- se réserver la compétence aux fins de liquidation de l'astreinte,

- condamner la SCI Rue de l'industrie à payer à la société Creabois la somme de 5.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts,

- condamner la SCI Rue de l'industrie à payer à la société Creabois la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la première instance,

- condamner la SCI Rue de l'industrie aux entiers frais et dépens de la première instance,

En cas de confirmation de la condamnation prononcée au titre des travaux,

- condamner la SCI Rue de l'industrie à indemniser la société Creabois de l'intégralité du préjudice subi en cours de chiffrage,

- condamner la SCI Rue de l'industrie à payer à la société Creabois une somme de 40.000 euros à titre de provision sur son préjudice,

- réserver à la société Creabois de chiffrer plus amplement le préjudice subi,

- accorder à la société Creabois les plus larges délais d'exécution,

- dire n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte, plus subsidiairement, fixer celle-ci à de plus justes proportions,

Sur l'appel incident de la SCI Rue de l'industrie,

- dire et juger l'appel incident de la SCI Rue de l'industrie irrecevable et mal fondé,

En conséquence,

- l'en débouter,

En tout état de cause,

- condamner la SCI Rue de l'industrie à payer à la société Creabois la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la procédure d'appel,

- condamner la SCI Rue de l'industrie aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

- débouter la SCI Rue de l'industrie de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions.

La société Creabois fait valoir que le raccordement des locaux au réseau d'eau a été supprimé par le bailleur le 14 novembre 2022 et qu'il a été rétabli à la fin du mois de février 2023, après l'engagement de la procédure, de sorte que le bailleur a manqué pendant plusieurs mois à son obligation de délivrance. Elle soutient qu'au regard des relations entre les parties et des agissements du bailleur, qui a fait part à plusieurs reprises de son intention de supprimer l'accès au réseau, la pérennité du raccordement n'est pas garantie et qu'il est donc impératif que l'intimée soit condamnée à maintenir le raccordement des locaux au réseau d'eau.

L'appelante soutient que la faute du bailleur lui a causé un préjudice qui doit être évalué à 5 000 euros compte tenu du fait que les employés ont été privés d'accès aux toilettes et à la salle d'eau sur leur lieu de travail et que l'activité de l'entreprise a été fortement perturbée, le travail du bois nécessitant l'accès à un point d'eau et l'entretien journalier des locaux. Elle ajoute que les travaux réalisés par le bailleur ont également perturbé son activité dans la mesure où les portes et fenêtres ont été changées en période hivernale, ce qui a exposé les locaux à des températures négatives durant plusieurs jours, et que les travaux de bardage l'ont privée de son espace de stockage.

Sur la demande de la SCI Rue de l'industrie relative aux travaux, l'appelante affirme qu'elle a toujours permis aux entreprises d'accéder aux locaux dès lors que l'intervention lui était annoncée en amont et que les portes sectionnelles ont été installées ainsi que la quasi-totalité du bardage. Elle précise que le désaccord concerne la pose du bardage et des fenêtres où se trouvent des machines industrielles pesant plusieurs tonnes, une mezzanine et un silo à bois ancré à la façade de l'ensemble immobilier et relié à une machine située à l'intérieur des locaux. Elle indique que ces aménagements ont été réalisés au mois de décembre 2003 avec l'autorisation du bailleur et qu'elle ne peut être tenue à la dépose de ces constructions qui constituent des travaux d'amélioration devenus, par l'effet de l'accession, propriété du bailleur lors de la demande de renouvellement du bail par le preneur le 19 juillet 2021 et en toute hypothèse par le congé délivré par le bailleur à effet au 30 juin 2022. Elle fait valoir que ces aménagements constituent des immeubles par destination, qu'ils font partie

intégrante de l'immeuble et sont indispensables à l'exploitation des locaux et que leur déplacement entraînerait la détérioration des murs et sols de l'immeuble, impliquant d'importants frais et un arrêt total de l'activité de l'entreprise pendant plusieurs semaines, de sorte que la clause de souffrance sur laquelle s'est fondée le premier juge est inapplicable pour les travaux envisagés par le bailleur.

Subsidiairement, si la cour venait à confirmer la condamnation prononcée au titre des travaux, l'appelante soutient que l'exécution des travaux l'obligerait à déposer ses machines industrielles, son silo à bois et sa mezzanine, ce qui justifie l'octroi des plus larges délais pour s'exécuter et l'indemnisation de son préjudice financier résultant des frais de dépose et de repose et de la perte d'exploitation pendant la réalisation des travaux. Elle précise que la demande de provision à hauteur de 40 000 euros à valoir sur son préjudice n'est pas une demande nouvelle puisqu'il s'agit de l'accessoire de ses prétentions tendant au rejet des demandes du bailleur et que cette demande est directement liée aux demandes de condamnation formées et obtenues par l'intimée en première instance.

S'agissant de la demande de condamnation du bailleur au titre des loyers et charges, la société Creabois soutient qu'elle était fondée à interrompre le règlement des loyers dans l'attente du rétablissement de l'accès à l'eau, nécessaire à l'exercice de son activité. Elle ajoute que les travaux réalisés par l'intimée perturbent fortement son activité et que l'interruption du paiement du loyer est la conséquence directe du manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de l'atteinte portée à la jouissance paisible des locaux.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 7 août 2023, la SCI Rue de l'industrie demande à la cour de :

Sur l'appel principal de la SARL Creabois,

- juger irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile les prétentions de la SARL Creabois tendant à l'indemnisation de son préjudice,

- juger l'appel de la SARL Creabois mal fondé,

- débouter la SARL Creabois de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance de référé du 08 juin 2023 en qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Creabois au maintien du raccordement à l'eau,

- limité à 2500 euros le montant de la condamnation prononcée contre la SCI Rue de l'industrie au paiement d'une provision à la SARL Creabois,

- condamné la SARL Creabois à laisser la SCI Rue de l'industrie effectuer les travaux de bardage, de mise en place d'une porte sectionnelle et de changement de fenêtres en laissant pénétrer les entreprises mandatées par la SCI Rue de l'industrie et en enlevant tout ce qui se trouve le long du mur à l'extérieur et à l'intérieur du local, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance,

- condamné la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie une provision de 13 099,67 euros sur les loyers et charges impayés,

- condamné la SARL Creabois aux dépens,

- condamné la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formée par la SARL Creabois au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'Ordonnance bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile,

Sur l'appel incident de la SCI Rue de l'industrie,

- le juger recevable et bien fondé, y faire droit et en conséquence,

- infirmer partiellement l'ordonnance de référé du 08 juin 2023 en ce qu'elle a :

- condamné la SARL Creabois à laisser réaliser les travaux que le bailleur voulait exécuter et ce en enlevant tout ce qui se trouve le long du mur à l'extérieur et à l'intérieur et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'Ordonnance pendant une durée de trois mois

- supprimer le délai de 3 mois mentionné par le juge des référés en ce qui concerne l'astreinte fixée pour la réalisation des travaux, et ne pas limiter la durée de cette astreinte,

En tout état de cause,

- débouter purement et simplement la SARL Creabois de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SARL Creabois à payer à la SCI Rue de l'industrie une somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner la SARL Creabois à payer l'ensemble des frais et dépens de la procédure d'appel.

Concernant l'accès au réseau d'eau, la SCI Rue de l'industrie explique que l'eau est envoyée du réseau vers le local de l'autre locataire du hall industriel, la SARL Kappeler, qui la renvoie vers le local de la SARL Creabois et la lui refacture. Elle indique qu'à l'occasion de travaux d'aménagement de ses locaux, la SARL Kappeler a modifié les canalisations d'eau et a informé la SARL Creabois , par courrier du 25 février 2022, de la coupure définitive de l'eau à échéance de fin août 2022 et de la nécessité de prévoir une alimentation directe. Elle soutient qu'il ne peut donc être reproché au bailleur d'avoir coupé l'arrivée d'eau et qu'en tout état de cause, l'eau a été rétablie par la SARL Kappeler le 6 février 2023, de sorte qu'il n'y a ni urgence, ni trouble manifestement illicite justifiant le prononcé d'une condamnation sous astreinte.

L'intimée indique qu'elle ne conteste pas le montant de 2 500 euros accordé par le premier juge à titre de provision, soutenant que la coupure d'eau a duré 2 mois et demi et qu'elle n'a pas perturbé l'activité professionnelle de la société Creabois. Elle ajoute que l'activité de l'appelante n'a pas non plus été perturbée par les travaux de bardage et de remplacement des portes qui n'ont duré que quelques jours et pour lesquels un calendrier des travaux lui a été adressé.

S'agissant de la demande de condamnation sous astreinte du locataire à laisser effectuer les travaux dans les locaux, le bailleur fait valoir que les travaux restant à effectuer (mise en place d'une porte sectionnelle, finition bardage et changement de fenêtres) doivent durer 5 jours et que la société Creabois y fait obstacle en refusant de déplacer provisoirement, le temps des travaux, les équipements qu'elle a installés de sa propre initiative, sans autorisation du bailleur et qui ne figurent pas au contrat de bail. Elle ajoute que le refus du locataire a été constaté par un huissier de justice, que le locataire a été prévenu de la réalisation des travaux à plusieurs reprises par la communication de plannings, que le bail mentionne l'obligation pour le preneur de laisser réaliser les travaux et que les installations et machines qui font obstacle à la réalisation des travaux peuvent être enlevées en quelques heures. L'intimée indique également que l'astreinte est nécessaire pour contraindre le locataire à s'exécuter et que les délais sollicités par le locataire ne se justifient pas dans la mesure où la société Creabois est informée depuis le début de l'année 2022 des travaux envisagés.

En ce qui concerne la demande de provision à hauteur de 40 000 euros formulée par l'appelante, l'intimée soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. Sur le fond, elle indique que le coût de la dépose et de la repose des machines doit être assumé par le locataire qui a pris seul l'initiative de les installer, que les travaux vont durer entre 3 et 5 jours maximum et qu'ils peuvent être réalisés sans perte d'exploitation pendant les congés ou lorsque les salariés travaillent à l'extérieur du local, que ces travaux et que la somme réclamée est totalement démesurée.

Sur les loyers impayés, le bailleur sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée mais précise que la société Creabois est désormais redevable d'une somme de 21 175,23 euros au 3 juillet 2023 (taxe foncière incluse). La SCI Rue de l'industrie indique que le locataire n'est pas fondé à invoquer l'exception d'inexécution, la coupure d'eau de 2 mois et demi ne l'ayant pas empêché d'exploiter son local. Elle ajoute que le locataire réclame des dommages et intérêts pour le préjudice subi et qu'elle n'est pas fondée à s'opposer au paiement des loyers, ce qui aboutirait à lui octroyer une double indemnisation.

Sur l'appel incident, l'intimée soutient qu'il n'est pas pertinent de faire courir l'astreinte sur une durée limitée à trois mois car cette limitation n'est pas dissuasive et favorise les man'uvres dilatoires de la société Creabois.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de l'appelante, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Lors des débats, la cour a proposé aux parties de recourir à une mesure de médiation afin de parvenir à une solution commune et durable du litige qui les oppose.

La présidente a autorisé le dépôt d'une note en délibéré sur ce point.

Par note en délibéré du 29 mai 2024, la SARL Creabois s'est déclarée favorable au principe de la médiation.

Par note en délibéré datée du même jour, la SCI Rue de l'industrie a fait savoir qu'elle refusait la mesure de médiation car le locataire ne règle pas son loyer ou son indemnité d'occupation de manière régulière.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de condamnation de la SCI Rue de l'industrie à maintenir le raccordement des locaux loués au réseau d'eau :

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes des dispositions de l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en

référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, il est constant que le raccordement des locaux loués au réseau d'eau a été rétabli par le bailleur au mois de février 2023 et qu'aucun incident n'est survenu depuis lors.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que ce raccordement ne serait pas pérenne, les relations détériorées entre les parties étant insuffisantes à caractériser, avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'urgence ou l'imminence d'un dommage dont la réalité et la survenance sont certaines.

Un dommage purement éventuel, comme invoqué par la SARL Creabois, ne saurait être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que le locataire ne justifie pas de l'urgence au sens de l'article 834 du code de procédure civile, ni d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du même code, l'ordonnance déférée étant confirmée sur ce point.

Sur la demande de provision sur dommages et intérêts de la SARL Creabois :

Aux termes des dispositions de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut être accordée une provision au créancier.

En l'espèce, le principe de la provision sur dommages et intérêts au profit du locataire n'est plus discuté à hauteur de cour par les parties qui s'opposent uniquement sur le quantum de la provision accordée.

Il résulte des pièces produites que la société Creabois a été privé d'eau du 18 novembre 2022 au 6 février 2023 et qu'il en est résulté un préjudice pour le locataire qui n'a pu faire usage des toilettes et de la salle d'eau pendant près de deux mois et demi.

En revanche l'impact de la coupure d'eau sur l'activité de l'entreprise n'est pas démontré.

S'agissant des travaux réalisés par le bailleur, l'appelante ne démontre pas qu'elle a été privée de tout ou partie des locaux loués, ni que son activité professionnelle a été perturbée du fait de la réalisation des travaux.

En outre, contrairement à ce que soutient l'appelante, le bailleur justifie avoir communiqué au locataire un planning prévisionnel des travaux par courrier recommandé du 17 octobre 2022.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour retient que la provision à valoir sur le préjudice de la société Creabois a été justement évaluée à la somme de 2 500 euros par le premier juge, l'ordonnance déférée étant confirmée sur ce point.

Sur la demande de condamnation de la SARL Creabois à laisser effectuer les travaux sous astreinte :

Il résulte de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. L'illicéité du fait ou de l'action critiquée peut résulter d'une règle de droit mais aussi d'un simple usage. Elle doit être évidente.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

La violation des clauses d'un acte est susceptible de constituer le caractère manifestement illicite d'un tel trouble.

En l'espèce, l'article 5 du bail commercial liant les parties prévoit que le preneur accepte de laisser pénétrer dans les lieux loués le bailleur et ses mandataires, notamment les entrepreneurs et ouvriers, pour réparer et entretenir l'immeuble et qu'il doit supporter les grosses réparations et les améliorations nécessaires et utiles ainsi que les modifications que le bailleur jugera nécessaire d'apporter à l'aspect intérieur et extérieur de l'immeuble.

Il est constant que l'intégralité des travaux d'amélioration programmés par le bailleur n'a pu être réalisée.

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 15 mai 2023 que les travaux restant à accomplir (travaux de bardage isolant, mise en place du vitrage sur la façade nord et d'une porte sectionnelle rue de l'industrie) nécessitent la dépose d'un silo à bois ancré à la façade de l'immeuble et relié à une machine située à l'intérieur ainsi que d'une mezzanine d'envergure supportant des rayonnages.

Le silo à grain et la mezzanine sont des constructions financées par le preneur pendant le cours du bail qui s'incorporent à l'immeuble du bailleur.

En vertu du principe dit de l'accession, résultant de l'article 551 du code civil, ces constructions sont susceptibles de devenir la propriété du bailleur lors du premier renouvellement qui suit leur réalisation ou à la fin du bail.

Or, en l'espèce, il ressort des pièces produites que le preneur a sollicité le renouvellement du bail commercial par courrier recommandé réceptionné par le bailleur le 6 août 2021, ce dernier ayant par ailleurs fait délivrer un congé avec refus de renouvellement par acte d'huissier de justice signifié le 19 octobre 2021.

Il en résulte que le moyen soulevé par la SARL Creabois, tiré du principe de l'accession et de ses conséquences sur la détermination de la partie devant supporter la charge des travaux d'enlèvement, constitue une contestation sérieuse sur l'existence du trouble invoqué par le bailleur et sur son caractère illicite, de sorte qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande de la SCI Rue de l'industrie tendant à la condamnation de la SARL Creabois à laisser effectuer les travaux sous astreinte.

L'ordonnance déférée sera infirmée sur ce point.

Sur la demande de provision de la SCI rue de l'industrie au titre des loyers et charges impayés :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour statue sur le seul dispositif des conclusions.

En l'espèce, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Creabois à payer au bailleur la somme de 13 099,67 euros à titre de provision sur les loyers et charges impayés.

Cependant, elle ne sollicite pas, dans le dispositif de ses conclusions, le rejet des prétentions formulées par la SCI Rue de l'industrie à ce titre, auxquelles a fait droit le premier juge.

Dès lors, la cour n'est saisie d'aucune prétention de la SARL Creabois au titre de la provision sur les loyers et charges impayés, ce qui commande la confirmation du jugement déféré sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions de l'ordonnance déférée seront confirmées en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

La SCI Rue de l'industrie, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par équité, elle sera en outre condamnée à payer à la SARL Creabois la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 8 juin 2023, sauf en ce qu'il a :

- condamné la SARL Creabois à laisser la SCI Rue de l'industrie effectuer les travaux de bardage, de mise en place d'une porte sectionnelle et de changement de fenêtres en laissant pénétrer les entreprises mandatées par la SCI Rue de l'industrie et en enlevant tout ce qui se trouve le long du mur à l'extérieur et à l'intérieur du local, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, pendant une durée de trois mois,

INFIRME l'ordonnance entreprise de ce chef,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et ajoutant à l'ordonnance,

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation sous astreinte de la SARL Creabois à laisser la SCI Rue de l'industrie effectuer les travaux de bardage, de mise en place d'une porte sectionnelle et de changement de fenêtres,

CONDAMNE la SCI Rue de l'industrie aux dépens d'appel,

DÉBOUTE la SCI Rue de l'industrie de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI Rue de l'industrie à payer à la SARL Creabois une somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/02484
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.02484 ?
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