La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2024 | FRANCE | N°23/00343

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 juin 2024, 23/00343


MINUTE N° 265/2024



















































Copie exécutoire

aux avocats



Le 27 juin 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00343 -

N° Port

alis DBVW-V-B7H-H7Y3



Décision déférée à la Cour : 05 janvier 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTE :



La S.C.I. PAYS DE LOIRE

prise en la personne de son gérant Monsieur [F] [Z]

ayant siège [Adresse 1]



représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ...

MINUTE N° 265/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 27 juin 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00343 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-H7Y3

Décision déférée à la Cour : 05 janvier 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE :

La S.C.I. PAYS DE LOIRE

prise en la personne de son gérant Monsieur [F] [Z]

ayant siège [Adresse 1]

représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

plaidant : Me PARISIEN, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE :

La Société IMMORENTE, société civile de placements immobiliers représentée par son gérant statutaire, la SA SOFIDY, représentée par son Président

ayant siège [Adresse 4]

représentée par la SELARL ARTHUS, Avocats à la cour

plaidant : Me Claude RYCHERT, Avocate au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame MyriamDENORT, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation le 14 mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

Selon acte authentique signé le 29 octobre 1987, la SCI Pays de Loire a acquis auprès de M. [B] le lot n°4 situé au troisième étage de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 3], constitué de locaux à usage commercial, professionnel ou d'habitation, d'une surface de 195 m².

Selon acte authentique du 10 octobre 2006, la société civile de placements immobiliers (SCPI) Immorente a acquis dans le même immeuble plusieurs lots auprès de la société Chaussures Cendry, dont les lots n° 201 et 203 constitués respectivement d'une cage d'escalier du sous-sol au 3ème étage-niveau 5, d'un sas et de dégagements vers le lot n°1 ainsi que d'un escalier vers le lot n°3 pour le premier, ainsi que d'un dégagement vers le lot n° 4 au 3ème étage, niveau 5 pour le second.

Estimant que la SCI Pays de Loire occupait sans droit ni titre une partie des lots n° 201 et 203, la société Immorente, par lettre recommandée avec avis de réception du 22 mai 2017 reçue le 24 mai 2017, l'a mise en demeure de mettre fin à cette occupation illicite, soit en libérant lesdits lots, soit en les louant, soit en les achetant.

Par courrier adressé le 18 juin 2018 par l'intermédiaire de son notaire, la SCI Pays de Loire a indiqué être prête à racheter le lot n° 203.

Les parties n'étant pas parvenues à un accord sur le prix, la société Immorente a, par acte d'huissier du 24 mars 2022, fait assigner la SCI Pays de Loire devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'obtenir notamment sa condamnation à démolir le plancher de 12 m² construit au droit du volume du lot n° 201 au troisième étage niveau 5, libérer le lot n° 203 de toute occupation, et payer une somme au titre de l'arriéré d'indemnité d'occupation.

Par conclusions d'incident du 25 août 2022, la SCI Pays de Loire a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir, estimant que les demandes de la société Immorente étaient irrecevables pour défaut de qualité à agir, et ce en raison de ce que cette dernière ne serait pas propriétaire des lots n° 201 et 203, aux motifs notamment que le premier aurait péri au sens de l'article 1601 du code civil pour avoir été supprimé en 1987 et que le second constituerait une dépendance de son lot n° 4. La société Immorente lui a opposé qu'elle était propriétaire des lots litigieux selon l'acte de vente authentique susvisé du 10 octobre 2006.

*

Par ordonnance contradictoire du 5 janvier 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SCPI Immorente soulevée par la SCI Pays de Loire et dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile et après examen des actes de vente du 10 octobre 2006 et du 22 octobre 1987, relatifs respectivement au droit de propriété des lots de la société Immorente et au droit de propriété du lot de la SCI Pays de Loire, le juge de la mise en état a considéré que seul pouvait présenter une valeur probante suffisante le règlement de copropriété modifié par acte authentique du 18 novembre 2003 et publié au Livre Foncier. En effet, aucune modification de ce règlement, aucune esquisse modificative n'avait été publiées postérieurement.

Le juge de la mise en état a constaté :

- qu'il résultait de l'état descriptif du 18 novembre 2003 et des actes de vente susvisés que la société Immorente était bien propriétaire des lots n° 201 et 203, que la SCI Pays de Loire était quant à elle propriétaire du lot n° 4 et que ces lots étaient bien distincts les uns des autres,

- qu'il ressortait de courriers datés du 1er décembre 1987, adressés par la SCI Pays de Loire à des copropriétaires, que cette dernière manifestait sa parfaite conscience de ce qu'elle n'était pas propriétaire du lot n° 201, dès lors qu'elle sollicitait une autorisation des autres copropriétaires pour procéder à une obturation d'une partie de la cage d'escalier intégrée dans ce lot qu'elle considérait d'ailleurs à tort comme partie commune.

Il a ajouté que la SCI Pays de Loire ne pouvait non plus ignorer que les lots n°201 et n°203 ne constituaient pas des dépendances du lot n°4, dans la mesure où le règlement de copropriété du 19 septembre 1987, en vigueur lorsqu'elle avait acquis ce seul lot, les mentionnait comme des lots distincts.

Enfin, le juge de la mise en état a constaté, à propos des travaux d'obturation de la partie de cage d'escalier du lot n° 201 et de réaménagement des locaux du troisième étage, en ce compris le dégagement du lot n° 203, que les travaux entrepris par la SCI Pays de Loire s'étaient achevés le 14 décembre 1987, aux termes d'une facture de l'entreprise [R], de sorte qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de cet état de fait pour justifier de sa propriété sur les lots n° 201 et 203 dès lors que, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2017, reçue le 24 mai 2017 - soit moins de 30 ans plus tard - la société Immorente en avait revendiqué la propriété.

Le juge de la mise en état a rejeté le moyen tiré de l'article 1601 du code civil en considérant que la chose n'avait pas péri ou disparu et que seul l'acquéreur pouvait se prévaloir de telles dispositions ; il en concluait donc que la société Immorente était bien propriétaire des lots n° 201 et 203 et justifiait d'un intérêt à agir.

*

La SCI Pays de Loire a interjeté appel de cette ordonnance le 18 janvier 2023, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Immorente.

Par ordonnance du 12 décembre 2022, la présidente de la chambre a fixé l'affaire à une audience à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile, précisément à l'audience de plaidoirie du 9 novembre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 novembre 2023, la SCI Pays de Loire demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, y faisant droit, d'infirmer l'ordonnance entreprise rejetant la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Immorente et, statuant à nouveau :

- de constater que la société Immorente n'a nullement acquis le 3ème étage - niveau 5 du lot n° 201 de l'immeuble sis [Adresse 2] et ne peut en aucun cas en revendiquer la propriété ;

- pour autant que de besoin, de constater que la société Immorente n'a acquis le lot n° 201 que jusqu'au 2ème étage - niveau 4 ;

En conséquence,

- de juger que la société Immorente ne dispose pas de la qualité à agir en tant que propriétaire du lot n° 201 pour la partie située au 3ème étage ' niveau 5 de l'immeuble sis [Adresse 2] ;

- de juger en conséquence la société Immorente irrecevable en ses demandes ;

- de débouter la société Immorente de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de lui donner acte de ce que la société Immorente dispose de la qualité à agir concernant le lot n° 203 situé au 3ème étage ' niveau 5 de l'immeuble sis [Adresse 2] ;

- de condamner la société Immorente à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens.

Au soutien de son appel, elle fait valoir, au visa des articles 711, 712 et 1601 du code civil, qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société Immorente ne pouvait être propriétaire du lot n° 201, en ce qui concerne le troisième étage-niveau 5 de l'immeuble.

Elle affirme que, depuis 1987 :

- lors de son acquisition du troisième étage niveau 5, l'accès au quatrième étage-niveau 6 ne pouvait déjà plus se faire en raison de l'obturation de celui-ci réalisée par M. [R],

- l'emprise du lot n° 201 a été limitée entre le sous-sol et le deuxième étage-niveau 4 de l'immeuble, suite aux travaux qu'elle a fait réaliser lors de l'acquisition du troisième étage-niveau 5, ayant conduit à démonter l'escalier situé au 3ème étage et à mettre en place une chape de béton entre le 2ème étage niveau 4 et le 3ème étage niveau 5,

- la société Immorente ne pouvait l'ignorer lors de l'acquisition qu'elle a réalisée en 2006, au vu de l'étude approfondie de l'immeuble qu'elle a fait réaliser et des documents en sa possession.

Elle indique, s'agissant du lot n° 203, que la question de sa propriété devra être tranchée au fond par le tribunal, notamment par reconnaissance de l'usucapion trentenaire, et non pas dans le cadre du présent appel, où il s'agit simplement de trancher la question de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Immorente.

Elle soutient que le règlement de copropriété et l'état descriptif de division résultant de l'acte modificatif du 18 novembre 2003 n'ont pas de valeur probante suffisante et que, dès lors qu'ils n'ont pas modifié la situation des lots n° 4, 201 et 203, il convient pour connaître celle-ci de se référer au règlement de copropriété et à l'état descriptif précédents, soit ceux de 1987.

Elle indique par ailleurs qu'elle n'avait aucun intérêt à contester dans le délai de deux mois des résolutions adoptées à l'unanimité par l'assemblée générale du 22 novembre 2018, qui lui étaient profitables, bien qu'empreintes d'erreurs matérielles rectifiée ultérieurement par le bureau de cette assemblée générale. Elle explique que, par ces résolutions, d'une part le lot n° 4 a été transformé en un lot n° 14 et d'autre part les lots n° 201 et 203 ont été fusionnés en un lot n° 207, lui-même rattaché au lot n° 14.

Elle affirme n'avoir nullement revendiqué la propriété des lots n° 201 et 203, mais avoir simplement souligné que l'emprise du lot n° 201 de l'intimée s'étend uniquement

du sous-sol au deuxième étage et non pas au troisième étage-niveau 5, depuis 1987, ce qui ressort du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division de 1987, ainsi que de l'acte authentique de vente de 2006 et de ses annexes, évoquant à ce titre une « attestation de superficie privative d'un lot de copropriété » de M. [V] annexée à l'acte, ainsi que les plans établis par le même architecte.

L'appelante invoque également un pouvoir du 6 janvier 2021 publié au Livre foncier, donné par le représentant de la société gérante de la société Immorente pour la signature de l'acte authentique contenant modificatif de l'état descriptif dressé le 12 janvier 2021, dans lequel l'intimée a reconnu que l'emprise de son lot ne portait pas sur le troisième étage-niveau 5, mais se limitait du sous-sol au deuxième étage-niveau 4. Elle souligne en outre que cette pièce n'a pas été versée aux débats devant le juge de la mise en état.

Elle conteste qu'il s'agisse d'une erreur matérielle, soulignant qu'elle a été reproduite dans une note de son conseil du 11 octobre 2018, soulignant la qualité de professionnelle de l'immobilier de la société Immorente, qui n'a agi en rectification d'erreur matérielle auprès du notaire qu'après ses écritures niant l'étendue de l'emprise de ce lot.

Elle invoque l'autorisation des autres co-propriétaires obtenue fin 1987, pour la réalisation des travaux qu'elle a alors entrepris, précisant que leur autorisation ne portait pas sur des travaux relatifs aux parties communes. Elle déplore la carence du syndic de l'époque, qui en a été informé, mais qui n'a pas accompli les formalités requises.

Elle ne partage pas l'analyse du juge de la mise en état qui a considéré qu'aucun des lots 201 et 203 n'avait péri, et relève que plusieurs pièces attestent qu'en décembre 1987, la cage d'escalier qui rejoignait le deuxième étage-niveau 4 et le troisième étage-niveau 5 a intégralement disparu et que le vide laissé au niveau du troisième étage a été obstrué par la mise en place d'une dalle. Le juge de la mise en état ne pouvait considérer que le lot n°201 n'avait pas péri, au moins partiellement, la question de la disparition du lot n°203 n'ayant jamais été soulevée par la SCI Pays de Loire.

Elle critique le moyen adverse selon lequel la société Immorente n'aurait pris connaissance de l'empiètement par la dalle de béton qu'après réalisation de travaux dans les parties communes. Elle lui oppose l'acte de vente de 2006 qui mentionnait bien que l'intimée avait réalisé une étude approfondie de l'immeuble et de ses documents, excluant de facto qu'elle n'aurait pas été en mesure de constater préalablement à son achat que la cage d'escalier entre le deuxième étage (niveau 4) et le troisième (niveau 5) avait disparu.

Elle conclut donc que si l'intimée a bien qualité à agir en ce qui concerne le lot n° 203, elle n'a toutefois nullement qualité à agir s'agissant du lot n° 201.

*

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 novembre 2023, la société Immorente conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Elle demande à la cour :

- de donner acte à la SCI Pays de Loire que celle-ci reconnaît sa qualité à agir pour le lot 203 ;

- pour le surplus, de déclarer la SCI Pays de Loire mal fondée en son appel et de l'en débouter, ainsi que de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et notamment de son « exception d'irrecevabilité » ;

- en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit recevables ses demandes tendant à :

* faire juger sans droit ni titre la SCI Pays de Loire et la SAS Cabinet Kleber Avocats à occuper les lots n° 203 au troisième étage niveau 5 « dégagement » et le volume du lot n° 201 devenu 205 au droit du troisième étage niveau 5 et mansarde,

* la condamnation de la SCI Pays de Loire à démolir le plancher de 12 m² construit au droit du volume du lot n° 201 devenu 205 au troisième étage niveau 5 et mansarde sous astreinte de 1 000 euros par jour « pendant un délai de 1 mois à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours de la date de signification du jugement à intervenir »,

* ce que soit ordonnée l'expulsion, au besoin avec l'assistance de la force publique, de la SCI Pays de Loire et de la SAS Cabinet Kleber Avocats du lot n° 201 au troisième étage niveau 5 et mansarde, volume de l'escalier du bâtiment C,

* la condamnation de la SCI Pays de Loire et la SAS Cabinet Kleber Avocats à libérer le lot n° 203 de 7 m² de toute occupation sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai de 1 mois à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir,

* ce que soit ordonnée l'expulsion, au besoin avec l'assistance de la force publique, de la SCI Pays de Loire et de la SAS Cabinet Kleber Avocats du lot n° 203,

* la condamnation in solidum la SCI Pays de Loire et de la SAS Cabinet Kleber Avocats à lui payer l'arriéré d'indemnité d'occupation actualisé à la somme de 121 500 euros avec intérêts à compter du 24 mars 2022, date de signification de l'assignation, une indemnité d'occupation de 1 500 euros par mois, outre les charges de copropriété à compter du 24 mars 2022, date de signification de l'assignation,

- de condamner la SCI Pays de Loire à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Invoquant les dispositions des articles 544 et 545 du code civil, la société Immorente fait valoir qu'il ressort de l'acte authentique du 10 octobre 2006 qu'elle est bien propriétaire des lots n° 201 (devenu le lot n°205) et 203 du bâtiment C et que les diverses esquisses dont se prévaut l'appelante ne constituent pas un titre de propriété, comme le prévoit l'article 4 du décret du 17 mars 1967, de même que les assemblées générales évoquées par l'appelante, de sorte qu'elle est bien propriétaire de la partie située au troisième étage - niveau 5. D'ailleurs, d'après l'acte authentique du 27 octobre 1987, la SCI Pays de Loire ne l'a pas acquise.

L'intimée indique en outre que, dans la lettre du 18 juin 2018 adressée par le notaire de l'appelante en vue d'une éventuelle vente des lots litigieux, cette dernière reconnaissait sa propriété sur ces lots, dès lors qu'elle se proposait de les lui racheter.

Elle affirme que l'appelante ne justifie nullement être propriétaire du lot n° 201 et que l'occupation de celui-ci par cette dernière ne saurait valoir droit de propriété au sens de l'article 544 du code civil, de sorte qu'elle-même en est bien le propriétaire.

Elle ajoute que l'appelante a réalisé des travaux d'empiètement dès le 9 décembre 1987, et qu'elle n'a demandé l'autorisation que de l'un des copropriétaires de l'époque, la société Chaussures Cendry, qui possédait alors les lots n°201 et 203, sans préciser que les travaux porteraient sur ces lots, se contentant d'évoquer les parties communes, et sans respecter les conditions posées par ce copropriétaire, mais aussi sans faire convoquer une assemblée générale, dans la mesure où ces travaux pouvaient concerner les parties communes, pour autoriser les travaux litigieux.

De plus, elle souligne que la réalisation des travaux était soumise à la condition d'une modification dudit règlement de copropriété qui n'a pas été obtenue et que la société Chaussures Cendry est donc resté propriétaire des lots n° 201 et 203 jusqu'à la vente du 10 octobre 2006. Elle ajoute qu'elle-même s'est toujours acquittée des charges afférentes à ces lots, taxe foncière et charges de copropriété comprises.

Elle critique l'appelante en ce qu'elle se prévaut d'une erreur matérielle dans la procuration notariée du 6 janvier 2011, alors qu'une telle procuration, établie à l'occasion de la vente d'un autre lot, ne saurait constituer une preuve d'un droit de propriété ou affecter ce droit de propriété.

Elle ajoute que le modificatif de l'état descriptif de division du 12 janvier 2021 a été publié avec un rectificatif faisant clairement mention du lot n°205 composé notamment d'une cage d'escalier, du niveau -1 au sous-sol, au 3ème étage niveau 5.

Par ailleurs, l'usufruitière des lots n°201 devenu 205 et 203 n'a formé aucun « incident de recevabilité » contre elle, alors qu'elle a dû être également attraite à la procédure.

Enfin, l'acte de vente de 2006 n'a pu mentionner la portion afférente au troisième étage-niveau 5, dès lors qu'en application des dispositions de l'article 4-1 du Décret du 17 mars 1967, une cage d'escalier n'est jamais métrée, sa superficie étant exclue du certificat dit « Carrez » de surface privative. Au surplus, l'empiètement irrégulier de cette partie par la SCI Pays de Loire empêchait une telle mesure.

L'intimée soutient donc que chaque niveau de la cage d'escalier constitue son lot n° 201 et conclut, au visa de l'article 31 du code de procédure civile qu'elle dispose donc d'un intérêt légitime et de la qualité à agir en tant que propriétaire du troisième étage-niveau 5 mansarde du lot n° 201, de sorte que son action est recevable le concernant. Elle souligne par ailleurs que l'appelante ne conteste plus la recevabilité de son action relative au lot n°3 et que l'ordonnance déférée doit donc également être confirmée sur ce chef.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la recevabilité des demandes de la société Immorente

Tout d'abord, il convient de souligner que la qualité pour agir de la société Immorente relative au lot n°203 n'est plus contestée par la SCI Pays de Loire et que seule demeure en débats la qualité pour agir de l'intimée concernant le lot n°201 devenu n°205, en sa partie située au 3ème étage, niveau 5 de l'immeuble situé [Adresse 2].

Le lot n°4 acquis par la SCI Pays de Loire, selon l'acte de vente du 22 octobre 1987, au niveau 5 de cet immeuble, était composé de locaux à usage commercial, professionnel ou d'habitation d'une surface de 195 m² comprenant une entrée, deux salles, trois bureaux, deux dégagements, une toilette et un WC, ainsi qu'un certain nombre de millièmes des parties communes générales PC 1, PC 2, PC 3 et PC 3a.

La SCI Pays de Loire, qui soutient qu'aucun plan ne lui a été fourni lors de cette acquisition, fait valoir que le dégagement constituant le lot n°203, contigu au lot n°4 et situé entre ce dernier et la cage d'escalier constituant le lot n°201, de même que la partie de cette cage d'escalier de ce lot située au 3ème étage (niveau 5) lui ont été présentés comme étant intégrés au bien acquis, censé selon elle constituer la totalité du 3ème étage de l'immeuble. Elle affirme qu'ils constituaient avec évidence des dépendances du lot n°4, telles que mentionnées dans l'acte de vente. Cependant, la formule de l'acte de vente relative aux dépendances est purement générale et aucun élément ne permet de qualifier ce dégagement et cette cage d'escalier comme étant des dépendances du lot n°4, faisant à ce titre partie intégrante du bien acquis par elle le 22 octobre 1987, et ce d'autant plus que, selon l'état descriptif du règlement de copropriété, cette cage d'escalier faisait clairement partie d'un lot distinct, le lot n°201, le dégagement constituant pour sa part le lot n°203.

Lorsque la SCI Pays de Loire a projeté, dans les semaines qui ont suivi cette acquisition, d'effectuer des travaux afin d'aménager le dégagement constituant le lot n°203 et surtout condamner l'escalier montant vers le 4ème étage, lui-même déjà obstrué par une dalle, en faisant poser une dalle comparable au niveau du 3ème étage, elle a consulté les autres copropriétaires, mais en présentant ces travaux comme portant sur une partie commune. Aucun des autres copropriétaires, consultés, ne s'y est opposé, pas même la société Bonusage, propriétaire des lots 201 et 203, lesquels allaient être cédés 19 ans plus tard à la société Immorente. La société Bonusage a toutefois posé comme conditions que le règlement de copropriété soit modifié et que les autres copropriétaires donnent leur accord en ce sens.

Si les autres copropriétaires ont donné leur accord pour effectuer les travaux, réalisés par l'entreprise de M. [R], copropriétaire du 4ème étage, le seul acte modificatif du règlement de copropriété versé aux débats, daté du 18 novembre 2003, ne porte pas sur les lots en cause.

La société Immorente a, pour sa part, acquis notamment le lot n°201, tel que décrit au règlement de copropriété et incluant donc, pour ce lot, une cage d'escalier C du sous-sol au 3ème étage, niveau 5, selon les termes de l'acte de vente du 10 octobre 2006, auxquels il convient de se référer expressément. Les diagnostics et autres documents annexés ne permettent pas en effet d'infirmer les termes de cet acte, eux-mêmes parfaitement conformes au règlement de copropriété quant à la description du lot n°201.

Comme l'a exactement retenu le premier juge, la SCI Pays de Loire ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1601 du code civil relatives à la vente d'une chose qui a péri, dans la mesure où c'est elle qui est à l'origine des travaux ayant conduit à l'obstruction partielle de la cage d'escalier C, et ce en méconnaissance du règlement de copropriété, selon lequel cette cage d'escalier constitue un lot privatif qui n'a pas été supprimé, mais aussi des limites de son propre titre de propriété.

Par ailleurs, les termes du pouvoir donné au notaire le 6 janvier 2021 par le représentant de la société Immorente ne peuvent remettre en cause le titre de propriété lui-même, et ce d'autant moins que ce pouvoir a été donné en vue de l'approbation de l'état descriptif modificatif du 12 janvier 2021, qui a fait l'objet d'un rectificatif du 6 octobre 2022, dont il résulte que la cage d'escalier C jusqu'au 3ème étage-5ème niveau relève toujours du lot n°205 nouvellement créé.

Cet acte a été dressé conformément à l'esquisse d'étage modificative de l'esquisse 2004c établie par M. [J] [M], géomètre expert, le 17 décembre 2020, enregistrée au cadastre sous le n°2004d, à laquelle l'acte du 12 janvier 2021, tel que rectifié le 6 octobre 2022, est conforme.

Différentes esquisses modificatives sont intervenues successivement et, à ce titre, la note du conseil de la société Immorente du 11 octobre 2018 est sans emport, au vu des esquisses et votes d'assemblée générale ultérieurs.

Par ailleurs, si, parmi les esquisses modificatives successives effectuées, certaines ont donné lieu à des votes d'assemblée générale, aucune modification du règlement de copropriété n'a été régulièrement publiée et, selon une attestation notariée de propriété du 6 octobre 2022, la société Immorente est bien propriétaire du lot n°205 (qui était antérieurement le lot n°201) incluant, dans le bâtiment C, une cage d'escalier du sous-sol (niveau -2) au 3ème étage (niveau 5). Or, aucun document plus récent ne remet en cause cette attestation de propriété, établie à partir de la consultation du Livre foncier.

Dès lors, il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent qu'aucun élément ne remet en cause le droit de propriété de la société Immorente sur la cage d'escalier du bâtiment C jusqu'au 3ème étage -niveau 5 et que, dès lors, cette dernière a bien qualité pour agir contre la SCI Pays de Loire au titre de son lot n°201 devenu 205 dans l'immeuble en cause.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la société Immorente soulevée par la SCI Pays de Loire.

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

L'ordonnance déférée étant confirmée en ses dispositions principales, dans les limites de l'appel, elle le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance, étant observé que l'instance se poursuit devant le premier juge.

Dans la mesure où l'appel de la SCI Pays de Loire est rejeté, cette dernière assumera les dépens d'appel et réglera, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme totale de 2 000 euros à l'intimée au titre des frais exclus des dépens engagés par cette dernière en appel. Pour les mêmes motifs, elle sera elle-même déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue entre les parties le 5 janvier 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Ajoutant à ladite ordonnance,

CONDAMNE la SCI Pays de Loire aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SCI Pays de Loire à payer à la SCPI Immorente la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par cette dernière en appel,

REJETTE la demande présentée par la SCI Pays de Loire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/00343
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.00343 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award