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27/06/2024 | FRANCE | N°22/01903

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 juin 2024, 22/01903


MINUTE N° 258/2024



























































Copie exécutoire

aux avocats



Le 27 juin 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A NÂ

° RG 22/01903 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2YU



Décision déférée à la cour : 12 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Colmar





APPELANT :



Monsieur [F] [V]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 4]



représenté par Me Valérie PRIEUR, Avocat à la cour





INTIMÉES :



L'Association TEGO prise en la personne de son r...

MINUTE N° 258/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 27 juin 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01903 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2YU

Décision déférée à la cour : 12 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Colmar

APPELANT :

Monsieur [F] [V]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 4]

représenté par Me Valérie PRIEUR, Avocat à la cour

INTIMÉES :

L'Association TEGO prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 2] à [Localité 5]

La SA ALLIANZ VIE prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 6]

représentées par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

plaidant : Me QUESNEL, Avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Monsieur Christophe LAETHIER, Vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [F] [V], alors gendarme au sein d'une brigade motorisée, a adhéré le 18 mars 2015 à la convention d'assurance de groupe n° 60-400 (police n° 10.008.076) souscrite par le Groupement militaire de prévoyance des armées (GMPA), devenu l'association Tego, auprès de la Sa Allianz Vie et choisissait le régime dit « CAPIC JUNIOR ».

Ce contrat répondait au souhait de M. [V] de s'assurer contre les risques « décès-invalidité » liés à l'exercice de sa profession et recouvrait les options « invalidité permanente pour maladie », « perte de solde et d'indemnité » et « garantie indemnité hospitalisation ».

Diagnostiqué diabétique de type 1, M. [V] a été radié des cadres de la gendarmerie à compter du 15 mars 2019 pour inaptitude médicale définitive.

M. [V] a sollicité la mise en 'uvre des garanties « perte de solde et d'indemnité » et « capital réforme » auprès de la société Allianz qui lui a opposé un refus de prise en charge, par courrier du 18 mars 2019, au motif que la perte de traitement de base n'est pas prévue au contrat et que le versement du capital réforme est subordonné à l'existence d'une maladie ou d'un accident reconnus comme imputables au service par le service des pensions des armées.

Par courrier du 12 août 2019, M. [V] a mis en demeure la société Allianz de lui régler la somme de 2 280 euros au titre de la « garantie perte de solde et indemnité » et 25 000 euros au titre de la garantie « capital réforme ».

Par un courrier en réponse non daté, la société Allianz a réitéré son refus de prise en charge.

Après saisine de la médiation de l'assurance par M. [V] le 30 avril 2020, la société Allianz a procédé à un réexamen du dossier et maintenu sa position de refus par courrier du 28 mai 2020.

Par actes d'huissier des 14 et 22 janvier 2021, M. [V] a fait assigner la société Allianz Vie et l'association Tego devant le tribunal judiciaire de Colmar afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes de 23 574,37 euros au titre de la perte de solde, 16 416 euros au titre de la perte d'indemnités, 25 000 euros au titre du  « capital dépens », outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 12 août 2019 et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Allianz Vie et l'association Tego ont conclu au rejet de l'ensemble des prétentions de M. [V], au rejet de toute demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de l'association Tego, simple souscripteur du contrat, au titre de la mise en 'uvre des garanties « perte d'indemnités » et « capital réforme » et à sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- déclaré irrecevables les demandes de M. [V] tendant à voir condamner l'association GMPA, devenue l'association Tego à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts à compter du 12 août 2019, faute d'intérêt et de qualité à défendre de ces chefs :

- 16 416 euros au titre de la perte d'indemnité

- 25 000 euros au titre du « capital dépens »

- débouté M. [V] de sa demande tendant à voir condamner solidairement l'association GMPA devenue l'association Tego, et la Sa Allianz Vie à lui payer la somme de 23 574,37 euros au titre de la perte de solde, outre intérêts à compter du 12 août 2019,

- débouté M. [V] de ses demandes tendant à voir condamner la Sa Allianz Vie à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts à compter du 12 août 2019 :

- 16 416 euros au titre de la perte d'indemnité

- 25 000 euros au titre du « capital dépens »

- débouté M. [V] de ses prétentions indemnitaires fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] à payer à l'association GMPA devenue l'association Tego d'une part et à la société Allianz Vie d'autre part la somme de 1 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles,

- condamné M. [V] aux entiers dépens,

- rejeté toutes autres prétentions,

- dit n'y a avoir lieu à assortir le jugement de l'exécution provisoire.

Sur la demande au titre de la perte de solde, le tribunal a retenu que M. [V] avait formellement reconnu lors de son adhésion à l'association Tego le 18 mars 2015 et lors de son entretien d'expression de besoin daté du même jour avoir pris connaissance des garanties du contrat, des éventuelles limitations et exclusions de garantie figurant dans les notices d'information et leurs annexes remises à l'adhérent, de sorte que la « notice d'information dispositions générales Edition juin 2014 » et « l'annexe garantie optionnelle PSI » propres à la convention souscrite n° 60-400 étaient entrées dans le champ contractuel et lui étaient parfaitement opposables.

Le premier juge a considéré que la fiche résumant l'expression de besoin de M. [V] mentionnait la perte de solde et d'indemnité sans autre précision mais que l'option souscrite à ce titre dans le formulaire d'adhésion du 18 mars 2015 (« PSI (perte de solde et d'indemnité) : PSI-BASE 00 ' SPEC 36 ' Rente : 450 £ N° Spécialité : SPE 4 »), appréhendée à la lumière des précisions apportées par « l'annexe garantie optionnelle PSI », permettait à un assuré même profane de comprendre que la garantie souscrite ne comprenait pas de couverture au titre de la perte de solde / traitement de base.

Le tribunal en conclut qu'aucun manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil ne pouvait être reproché à l'association Tego et à la société Allianz Vie et que M. [V] ne pouvait prétendre à une quelconque couverture au titre de la perte de solde.

S'agissant des demandes au titre de la perte d'indemnités et du « capital dépens », le tribunal a retenu que les demandes dirigées contre l'association Tego, qui a la qualité de souscripteur et non d'assureur, étaient irrecevables.

En ce qui concerne le bien-fondé de ces demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz Vie, le tribunal a jugé que la garantie au titre de la perte d'indemnités n'était pas mobilisable en cas de décision de réforme définitive et que M. [V] ne rapportait pas la preuve de la perte d'indemnités qu'il aurait subie et, concernant le « capital dépens », qu'il n'était pas démontré que sa maladie, à l'origine de sa réforme définitive, avait été reconnue comme étant imputable au service par le service des pensions des armées.

M. [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 12 mai 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 4 décembre 2023, M. [V] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- condamner la Sa Allianz Vie à verser à M. [V] les sommes de :

- 23 574,37 euros au titre de la perte de traitement,

- 16 416 euros au titre de la perte d'indemnités,

- 25 000 euros au titre du capital réforme,

- condamner solidairement la Sa Allianz Vie et l'association Tego à payer à M. [V] la somme de 64 990,37 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à leur obligation d'information et de conseil,

- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter du 12 août 2019,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- débouter les intimées de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, ainsi que de tout éventuel appel incident

En tout état de cause,

- condamner solidairement la Sa Allianz Vie et l'association Tego à payer à M. [V] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la Sa Allianz Vie et l'association Tego aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de l'arrêt à intervenir par voie d'huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement visés par le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice.

M. [V] fait valoir que les conditions particulières du contrat, la notice et son annexe, qu'il n'a pas signées ni paraphées et qui lui ont été envoyées après la souscription du contrat, lui sont inopposables et qu'il est bien fondé à solliciter la mise en 'uvre des garanties souhaitées aux termes de l'expression de besoins signée le 18 mars 2015, à savoir le versement d'indemnités en cas d'hospitalisation, en cas d'invalidité permanente par maladie et en cas de perte de traitement (perte de solde) et d'indemnités.

Il ajoute que les mentions du contrat sont totalement absconses en l'absence d'éclairage de la notice d'information qui vient limiter les garanties souscrites.

L'appelant soutient que le capital réforme n'a pas vocation à couvrir d'office la perte de solde et d'indemnités et que son bénéfice ne saurait lui être refusé au motif que la cause de sa réforme est une maladie non imputable au service.

Dans l'hypothèse où la notice et son annexe lui seraient déclarées opposables, M. [V] indique que les garanties ont été modifiées par application d'un avenant n° 2 ayant pris effet le 1er avril 2017 et que la garantie « perte d'indemnités » seule n'existe plus. Il précise qu'il n'a jamais été informé du maintien de sa couverture en l'état qui résulterait de la dernière lettre avenant émise par Tego le 21 novembre 2019 et que le montant des cotisations appelées en 2017-2018 et 2018-2019 correspond à l'application des nouvelles conditions particulières intégrant la garantie « perte de solde » dans la garantie de base qui couvre à compter de 2017 la perte de solde et d'indemnités. Il ajoute que la notice applicable à compter de 2017 ne limite plus l'attribution du capital réforme aux réformes résultant d'une maladie imputable au service.

L'appelant affirme également que l'association Tego et la société Allianz Vie ont manqué à leur devoir d'information et de conseil, de sorte qu'il est bien fondé à solliciter leur condamnation à lui verser des dommages et intérêts correspondant aux sommes qu'il aurait dû percevoir en souscrivant un contrat d'assurance adapté à sa situation, soit la somme totale de 64 990,37 euros.

Il indique que l'obligation d'information ne se limite pas à la remise des conditions générales et de la notice d'information, l'assureur et le souscripteur devant attirer l'attention de l'assuré sur la réduction des garanties pratiquées et l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts par le contrat à sa situation personnelle, ce qui n'a pas été fait.

A cet égard, M. [V] précise qu'il aurait demandé à bénéficier d'une couverture complète en prenant la garantie « perte de traitement et d'indemnités » s'il avait été informé du choix « peu courant », selon l'expression de l'assureur, et de ce fait inadapté consistant à exclure la garantie « la perte de traitement ». Il explique qu'il a rencontré M. [U], commercial pour l'assurance GMPA, à l'occasion d'une réunion d'information organisée à la gendarmerie et qu'il a signé en toute confiance le contrat litigieux sur une petite tablette informatique en pensant être couvert pour les trois garanties inscrites sur l'expression de besoins. Il ajoute que ses problèmes de santé ont été diagnostiqués en novembre 2017 dans un contexte professionnel difficile, deux décès brutaux ayant fortement impacté l'unité, qui l'a contraint à assumer une forte charge de travail pendant 9 mois avant d'être contraint à se reconvertir.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 1er février 2024, la société Allianz Vie et l'association Tego demandent à la cour de :

- déclarer l'appel de M. [V] mal fondé,

- le rejeter,

- confirmer le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions,

Partant,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [V] au paiement à Allianz Vie et Tego de la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les intimées font valoir que M. [V] a expressément reconnu, au stade de l'expression de ses besoins, avoir pris connaissance des éventuelles limitations de

garantie et exclusions dans les notices d'informations et leurs annexes qui lui ont été remises, et lors de sa déclaration d'adhésion au contrat, avoir pris connaissance des garanties du contrat et avoir reçu la notice d'information correspondante, de sorte que ces documents contractuels lui sont opposables. Elles ajoutent que M. [V] produit lui-même l'annexe litigieuse dans sa version éditée en 2014 et qu'en tout état de cause, la notice d'information et ses annexes ont pour objet de détailler le fonctionnement des garanties proposées et que leur inopposabilité, à la supposer établie, ne saurait conduire à une prise en charge de garantie pour laquelle l'appelant n'a jamais opté, ni cotisé.

S'agissant de la garantie « perte de solde et d'indemnités », les intimées soutiennent que M. [V] a choisi de n'opter, parmi les trois options qui lui ont été proposées, que pour la perte éventuelle « d'indemnités de spécialités ou de fonction », de sorte qu'aucune couverture au titre d'une perte de solde n'a été souscrite par l'appelant, qui n'est jamais revenu sur son choix.

Elles indiquent que les garanties souscrites n'ont nullement été modifiées unilatéralement par Allianz Vie et que si l'option « perte d'indemnités de spécialité » seule, telle que sélectionnée par M. [V], n'est plus proposée à la souscription depuis mars 2016, l'assureur ne lui a pas imposé de revenir sur ses choix et a accepté de maintenir sa couverture en l'état comme le démontre la dernière lettre avenant émise par Tego le 21 novembre 2019.

La société Allianz Vie et l'association Tego ajoutent que la simple édition d'une notice d'information actualisée est sans incidence dès lors que les garanties souscrites n'ont pas été modifiées et que la réédition des conditions générales d'un contrat d'assurance, communes à l'ensemble des adhérents, ne saurait prévaloir sur les conditions particulières, spécifiques à chaque assuré, et aboutir à la mise en 'uvre d'une garantie non souscrite par l'assuré.

Elles précisent que les augmentations des cotisations de M. [V] sont uniquement liées à un plan de redressement de la garantie « perte de solde et d'indemnités » et ne sont pas la contrepartie d'une couverture complémentaire que lui aurait accordée Allianz Vie au titre de la perte de solde.

En ce qui concerne la demande de M. [V] au titre de la perte d'indemnités de spécialités, les intimées affirment que la garantie n'est pas mobilisable en cas de décision de réforme définitive comme en l'espèce et que l'appelant ne rapporte pas la preuve d'une perte d'indemnités de spécialité en amont de sa réforme définitive.

S'agissant de la demande au titre du capital réforme, les intimées expliquent que son versement est conditionné à l'imputabilité au service du sinistre à l'origine de la réforme, aux termes de dispositions contractuelles parfaitement claires et qui ne sont pas sujettes à interprétation

D'une façon générale, la société Allianz Vie et l'association Tego font valoir qu'aucun manquement à leurs obligations d'information et de conseil ne sauraient leur être reproché, M. [V] ayant choisi en connaissance de cause de souscrire à certaines des différentes garanties qui lui ont été proposées par le conseiller Tego.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de l'appelante, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 6 février 2024.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 18 avril 2024.

Lors des débats, la cour a invité les parties à s'expliquer sur l'existence d'un préjudice lié à la perte de chance de souscrire une garantie plus favorable, consécutive au manquement allégué de l'association Tego et la Sa Allianz Vie à une obligation d'information ou de conseil.

La présidente a autorisé le dépôt d'une note en délibéré sur ce point.

Par note en délibéré du 24 mai 2024, l'appelant fait valoir que s'il avait été bien conseillé, il aurait effectivement souscrit un contrat prévoyant le versement d'indemnités pour compenser la perte de solde/traitement de base et la perte des indemnités de spécialité ainsi que la perte de revenus liée à une mise en invalidité pour cause de maladie, quelle qu'en soit l'origine, de sorte que le préjudice lié à la perte de chance de souscrire des garanties adaptées à ses besoins est caractérisé.

Par note en délibéré du 22 mai 2024, les intimées indiquent que M. [V] a reconnu que la solution qui lui a été présentée correspondait bien au besoin qu'il a exprimé et qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice lié à la perte de chance invoquée. S'agissant de l'option perte de solde, les intimées soutiennent que M. [V] était couvert par un autre contrat d'assurance et qu'en tout état de cause, elle est habituellement maintenue en cas d'arrêt de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'opposabilité des conditions particulières, de la notice et de son annexe :

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Aux termes de l'article L. 141-4 du code des assurances en vigueur depuis le 1er janvier 2006 :

« Le souscripteur est tenu :

- de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre ;

- d'informer par écrit les adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations, trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur.

La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur ('). »

Une telle preuve peut résulter de l'insertion dans un document signé par l'assuré d'une clause de renvoi à des documents non signés, à la condition que ces documents soient suffisamment identifiés, que l'assuré soit informé qu'ils font partie du contrat et qu'ils lui aient été remis avant sa conclusion ou à tout le moins, antérieurement à la réalisation du risque.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. [F] [V] a apposé sa signature sur un document daté du 18 mars 2015 intitulé « résumé de l'expression de besoin » dans lequel il déclare que la solution qui lui a été présentée, au travers des contrats d'assurance conclus par l'association GMPA sous les conventions n° 60.400/Allianz et n° 4/MAA, correspond au besoin qu'il a exprimé et qu'il a pris connaissance des éventuelles limitations de garanties et exclusions dans les notices d'information et leurs annexes qui lui ont été remises.

La convention d'adhésion qu'il a signé le même jour détaille les caractéristiques du contrat et mentionne expressément en page 3 que « l'adhérent reconnaît avoir pris connaissance des garanties du contrat et avoir reçu la (les) notice(s) d'information correspondante(s) ».

Enfin, par courrier du 19 mars 2015, l'association GMPA a fait part à M. [V] de « l'acceptation définitive des garanties souscrites figurant sur le certificat de garantie signé récemment » et l'a informé des conditions particulières de son contrat avec prise d'effet au 1er avril 2015.

La cour relève que les conditions particulières mentionnées dans le courrier du 19 mars 2015 résultent des garanties souscrites par l'assuré aux termes de la convention d'adhésion, de la notice d'information et son annexe.

Au vu de ces éléments, il est démontré que les conditions particulières du contrat, la notice et son annexe ont été portés à la connaissance de l'assuré et acceptés par lui au moment de la conclusion du contrat ou, à tout le moins, avant sa prise d'effet, de sorte qu'ils sont entrés dans le champ contractuel et lui sont opposables.

Par ailleurs, M. [V] ne démontre pas que les garanties qu'il a souscrites ont été modifiées en cours d'exécution du contrat, l'édition d'une notice d'information actualisée dans son espace en ligne et l'évolution des conditions générales étant sans incidence dès lors qu'aucune modification n'a été apportée aux conditions particulières de son contrat qui seules déterminent les risques garantis.

De même, il n'est pas démontré par l'appelant que l'augmentation de ses cotisations serait en lien avec l'application de nouvelles dispositions contractuelles.

A cet égard, les intimés produisent un courrier du 21 novembre 2019 dont il résulte que les garanties de M. [V] n'ont pas évolué depuis leur souscription mais qu'elles ont subi une hausse de prime.

Par conséquent, les demandes formées par M. [V] à l'encontre de la société Allianz Vie seront examinées à la lumière des garanties qu'il a souscrites le 18 mars 2015 résultant des conditions particulières du contrat, de la notice et de son annexe.

Sur la mise en 'uvre des garanties contractuelles :

Sur la demande au titre de la perte de solde :

La convention d'adhésion signée par M. [V] le 18 mars 2015 détaille les caractéristiques du contrat conclu de la façon suivante :

« Régime : Capic Junior ' Capital de base : 13 800 euros

Options :

IPPM (invalidité permanente par maladie) : Oui

PSI (perte de solde et d'indemnité) : PSI-BASE 00 ' SPEC 36 ' RENTE 450 euros

N° Spécialité : SPE 4

GIH (garantie indemnité hospitalisation) : 20 euros »

Il résulte de « l'annexe garantie optionnelle PSI » que la garantie perte de solde et d'indemnité a pour objet de compenser le préjudice financier définitif ou temporaire, dû soit à la perte de solde, soit à la perte d'indemnités de spécialités ou de fonction, soit à la perte des deux, solde et indemnités.

L'annexe précise que trois options sont possibles : l'option perte de traitement, l'option perte d'indemnités et l'option perte de traitement et d'indemnités, l'assuré pouvant choisir entre sept possibilités en fonction de la durée maximum du service de la rente. Il peut également choisir les indemnités faisant l'objet de la garantie parmi une liste composée de neuf indemnités.

A la lumière des explications fournies par l'annexe, il apparaît que M. [V] a souscrit à l'option perte d'indemnités pendant 36 mois (« SPEC 36 ») avec une rente mensuelle de 450 euros (« RENTE 450 euros ») et que les indemnités faisant l'objet de la garantie sont les indemnités de sujétions spéciales de police et perte de logement de fonction (gendarmerie) (« N° Spécialité : SPE 4 »).

En revanche, aucune garantie n'a été souscrite pour la perte de solde/traitement de base (« BASE 00 »).

A cet égard, le courrier adressé à M. [V] le 19 mars 2015, ayant pour objet l'acceptation définitive des garanties souscrites, est dépourvu d'ambiguïté puisqu'il mentionne expressément, au titre de la garantie « perte de solde et d'indemnités (PSI) » : la perte d'indemnités (spécialité) : 36 mensualités (450 euros) et la capital réforme (25 000 euros).

Par conséquent, M. [V] n'est pas fondé à revendiquer le bénéfice de la garantie perte de solde/traitement et sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de la perte d'indemnités :

Il résulte de l'article 6 intitulé « versement des prestations » de « l'annexe garantie optionnelle PSI » que l'assuré qui atteint les limites d'âge de la garantie ou quitte le service actif par décision de réforme définitive continue à percevoir la rente pour les seules prestations venant en réparation de la perte de solde jusqu'à expiration de la durée choisie lors de la souscription de la garantie.

En l'espèce, il est constant que M. [V] a fait l'objet d'une décision de réforme définitive à compter du 15 mars 2019, de sorte qu'il n'est pas fondé à revendiquer le versement de prestations au titre de la perte d'indemnités.

Par ailleurs, l'appelant ne justifie pas de la perte d'indemnités de spécialité justifiant la mobilisation de la garantie souscrite pour la période antérieure à la réforme définitive.

Par conséquent, il sera débouté de sa demande, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre du capital réforme :

Il résulte de l'article 1 de « l'annexe garantie optionnelle PSI » que le versement à l'assuré d'un capital est subordonné au fait que la perte de solde et/ou d'indemnités résulte de la réforme définitive de l'assuré pour une maladie ou un accident imputable au service et reconnu comme tel par le service des armées.

L'article 3 mentionne également que le versement du capital intervient suite à une réforme définitive imputable au service de l'assuré.

Ces dispositions contractuelles sont claires et non sujettes à interprétation, l'imputabilité au service et sa reconnaissance comme telle par le service des armées ouvrant droit au versement du capital réforme se rapportant à la maladie comme à l'accident.

En l'espèce, M [V] justifie, par la production d'un arrêté ministériel du 31 janvier 2019, qu'il a été radié des cadres de la gendarmerie par mise en réforme définitive pour infirmités à compter du 15 mars 2019.

Cependant, il n'est pas démontré que la maladie de M. [V] soit imputable au service, ni qu'elle ait été reconnue comme telle par le service des armées.

Par conséquent, l'appelant n'est pas fondé à revendiquer le bénéfice du capital réforme et sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil :

Sur la demande formée à l'encontre de la société Allianz Vie :

Il résulte de l'article L. 141-4 du code des assurances que le souscripteur d'une assurance de groupe est tenu de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre et que la preuve de cette remise incombe au souscripteur.

L'obligation d'informer l'adhérent sur les garanties souscrites et les conditions de leur mise en oeuvre et d'éclairer ce dernier sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, incombe au seul souscripteur du contrat d'assurance de groupe et non à l'assureur (Cass. 2ème Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n 19-20.369).

Il en résulte qu'aucune faute contractuelle n'est établie à l'encontre de la société Allianz Vie au titre d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil, M. [V] sera débouté de sa demande à titre.

Sur la demande formée à l'encontre de l'association Tego :

Il est constant que l'obligation d'information et de conseil incombant au souscripteur ne se limite pas à la remise de la notice, ce dernier devant éclairer l'adhérent sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.

En l'espèce, l'association Tego ne justifie pas avoir éclairé M. [V] sur l'adéquation du contrat à sa situation personnelle au regard des besoins qu'il a exprimés dans le document « résumé de l'expression de besoin » du 18 mars 2015 dont il résulte qu'il a souhaité retenir l'option « indemnités en cas de perte de solde et d'indemnité ».

La formule préimprimée contenue dans ce document, selon laquelle M. [V] déclare que la solution présentée correspond bien au besoin qu'il a exprimé, ne démontre d'aucune manière qu'un conseil personnalisé lui a été délivré alors que le choix de ne retenir que l'option perte de spécialité et non l'option perte de traitement de base a été qualifié de « peu courant » par la société Allianz dans une réponse apportée à la réclamation de l'adhérent.

Par conséquent, le manquement de l'association Tego est établi et sa responsabilité contractuelle engagée.

Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que toute perte de chance ouvre droit à réparation.

En l'espèce, le préjudice subi par M. [V] en relation causale avec la faute de l'association Tego est constitué par la perte de chance d'avoir pu souscrire l'option perte de solde/traitement dont il n'est pas démontré qu'elle serait couverte par un autre contrat d'assurance comme le soutiennent les intimés.

Cette perte de chance sera évaluée à 30 % compte tenu de l'augmentation du coût de la prime liée à la souscription de cette garantie et de l'utilité limitée pour M. [V] d'y souscrire du fait du maintien statutaire de son salaire.

Il sera donc alloué à M. [V] une indemnité correspondant à 30 % du montant qu'il réclame au titre du maintien de la solde, soit une somme de 7 072,31 euros correspondant à 30 % de 23 574,37 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, s'agissant d'une créance indemnitaire.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière étant de droit lorsqu'elle est demandée en justice, sera ordonnée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées sauf en ce que M. [V] a été condamné à payer à la société Allianz Vie la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de M. [V] et de l'association Tego, chacun en supportant la moitié.

L'association Tego sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et sera condamnée à ce titre au paiement d'une somme de 2 000 euros au bénéfice de M. [V].

Enfin, l'équité commande de débouter la société Allianz Vie de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Colmar en date du 12 avril 2022, sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [F] [V] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'association Tego,

- condamné M. [F] [V] à payer à l'association Tego la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] [V] aux dépens,

INFIRME le jugement entrepris de ces chefs,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Sa Allianz Vie,

DIT que l'association Tego a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. [F] [V] pour manquement à son obligation d'information et de conseil,

CONDAMNE l'association Tego à payer à M. [F] [V] la somme de 7 072,31 euros (sept mille soixante-douze euros et trente-et-un centimes) à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

CONDAMNE M. [F] [V] à supporter la moitié des dépens d'appel et l'association Tego l'autre moitié,

DÉBOUTE la Sa Allianz Vie de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE l'association Tego de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

CONDAMNE l'association Tego à verser à M. [F] [V] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01903
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.01903 ?
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