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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01324

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 25 juin 2024, 22/01324


GLQ/KG





MINUTE N° 24/532







































































Copie exécutoire

aux avocats



le 25 juin 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 25 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01324

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZYX



Décision déférée à la Cour : 24 Février 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Mulhouse





APPELANT :



Monsieur [R] [L]

demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Emmanuelle RALLET, avocat au barreau de Mulhouse





INTIMÉE :
...

GLQ/KG

MINUTE N° 24/532

Copie exécutoire

aux avocats

le 25 juin 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 25 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01324

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZYX

Décision déférée à la Cour : 24 Février 2022 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Mulhouse

APPELANT :

Monsieur [R] [L]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Emmanuelle RALLET, avocat au barreau de Mulhouse

INTIMÉE :

La S.A.R.L. ISOGER

prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A.R.L. ISOGER exerce une activité de commercialisation de stores, fenêtres, volets, portes, rideaux métalliques, vérandas, fermetures industrielles et autres. A compter du 22 janvier 2018, elle a embauché M. [R] [L] en qualité de V.R.P. exclusif.

Par courrier du 25 juin 2018, la société ISOGER a notifié à M. [R] [L] un avertissement.

Par courrier du 11 septembre 2018, la société ISOGER a notifié à M. [R] [L] une mise à pied disciplinaire de quatre jours.

Par courrier du 03 octobre 2018, la société ISOGER a convoqué M. [R] [L] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 23 octobre 2018, la société ISOGER a notifié à M. [R] [L] son licenciement pour faute grave.

Le 05 avril 2019, M. [R] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse pour contester les sanctions disciplinaires et le licenciement.

Par jugement du 24 février 2022, le conseil de prud'hommes a :

- annulé la mise à pied disciplinaire prononcée le '11 septembre 2019',

- dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société ISOGER au paiement des sommes suivantes :

* 1 498,60 euros bruts au titre du préavis,

* 149,86 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

* 214,08 euros bruts au titre de la mise à pied disciplinaire,

* 21,41 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 1 048,92 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

* 846,95 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire,

* 84,69 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- dit que les montants ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation,

- débouté M. [R] [L] du surplus de ses prétentions,

- débouté la société ISOGER de ses demandes,

- condamné la société ISOGER aux dépens comprenant les frais de l'exécution ainsi qu'au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] [L] a interjeté appel le 30 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 décembre 2022, M. [R] [L] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- annulé la mise à pied disciplinaire prononcée le 11 septembre 2019,

- condamné la société ISOGER au paiement des sommes suivantes :

* 1 498,60 euros bruts au titre du préavis,

* 149,86 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

* 214,08 euros bruts au titre de la mise à pied disciplinaire,

* 21,41 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 1 048,92 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

* 846,95 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire,

* 84,69 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement pour le surplus et de :

- dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société ISOGER au paiement des sommes suivantes :

* 12 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

* 1 245,92 euros bruts à titre d'un reliquat de rémunération, en application de la rémunération minimum garantie conventionnellement, outre 124,59 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- annuler l'avertissement du 25 juin 2018,

- condamner la société ISOGER au paiement de la somme de 5 000 euros nets pour les sanctions abusivement prononcées,

- débouter la société ISOGER de son appel incident,

- condamner la société ISOGER au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces montants porteront intérêts à compter de la demande,

- condamner la société ISOGER aux dépens, y compris ceux exposés pour l'exécution de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2023, la société ISOGER demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, de :

- dire que le licenciement est fondé sur une faute grave,

- débouter M. [R] [L] de ses demandes au titre du préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] [L] aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2024. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 26 mars 2024 et mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS

Sur les sanctions disciplinaires

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il résulte par ailleurs des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Sur l'avertissement du 25 juin 2018

Par un courrier du 25 juin 2018, la société ISOGER a notifié à M. [R] [L] un avertissement en reprochant au salarié un manque de compétence ayant pour conséquence une insuffisance de résultat. L'employeur reproche au salarié d'être loin de l'objectif fixé lors de l'embauche, à savoir un chiffre d'affaire de 30 000 euros HT sur trois mois, et de n'avoir apporté aucune amélioration pour atteindre un chiffre d'affaire de 50 000 euros sur six mois. Elle constate également que les connaissances du salarié sont très faibles et qu'elles ne correspondent pas aux promesses faites lors de l'entretien d'embauche.

Dans ce courrier, la société ISOGER reproche uniquement au salarié une insuffisance de résultat trouvant son origine dans un manque de compétence professionnelle. Elle ne fait en revanche mention d'aucun comportement fautif imputable au salarié et susceptible de justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire; la référence aux promesses faites lors de l'entretien d'embauche ne permettant pas de caractériser une quelconque faute qui serait à l'origine de l'insuffisance de résultat alléguée.

Il en résulte que l'avertissement prononcé n'est justifié par aucun grief, peu important la réalité de l'insuffisance de résultat reprochée par l'employeur. Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de l'avertissement, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté M. [R] [L] de cette demande.

Sur la mise à pied disciplinaire du 11 septembre 2018

Dans le courrier du 11 septembre 2018, la société ISOGER reproche au salarié de ne pas respecter ses obligations et les instructions données. Elle formule les griefs suivants :

- un manque d'activité et d'implication révélé par un chiffre d'affaires qui reste dérisoire,

- l'application de tarifs inférieurs aux barèmes en vigueur au sein de la société pour décrocher une affaire et se faire attribuer une rémunération indue,

- l'absence de rapport d'activité mensuel et de participation aux dernières réunions commerciales hebdomadaires,

- l'utilisation du temps pour des activités autres que professionnelles,

- un comportement et des propos inadmissibles à l'égard de certains clients.

La société ISOGER ne conteste pas qu'elle est soumise à l'obligation d'établir un règlement intérieur. Elle produit un exemplaire de ce document qui fixe notamment la liste des sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées, parmi lesquelles figure la mise à pied disciplinaire, sans précision de durée. L'employeur ne justifie pas en revanche du respect des obligations de dépôt de ce règlement intérieur auprès du greffe du conseil de prud'hommes ni de communication à l'inspection du travail en application des articles R. 1321-2 et R. 1321-4 du code du travail et ne démontre pas qu'il est opposable au salarié.

Ce motif justifie à lui seul l'annulation de la mise à pied disciplinaire, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la réalité des griefs invoqués par l'employeur. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de cette sanction et condamné l'employeur au paiement de la somme de 214,08 euros bruts au titre du salaire retenu pendant la mise à pied, outre la somme de 21,41 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d'en rapporter la preuve.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail.

L'article L. 1332-4 dispose par ailleurs qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

En l'espèce, dans la lettre de licenciement du 23 octobre 2018, la société ISOGER formule les griefs suivants :

- absence de compte-rendu de l'activité des mois de septembre et octobre 2018 et de rapport d'activité hebdomadaire :

Il résulte du courrier du 11 septembre 2018 qu'à l'occasion de la notification de la mise à pied disciplinaire, l'employeur a demandé à M. [R] [L] de rendre compte de son activité dans un délai de trois jours à compter du 1er septembre 2018, plus particulièrement depuis le 03 septembre 2018, et d'établir un rapport d'activité hebdomadaire retraçant son activité jour par jour.

M. [R] [L] ne soutient pas qu'il aurait établi ces rapports d'activité hebdomadaires. Il fait valoir qu'il n'a pas travaillé entre le 13 et le 17 septembre 2018, suite à la mise à pied disciplinaire. Son bulletin de paie permet en outre de constater qu'il était également absent les 18 et 19 septembre 2018 et qu'il a ensuite fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire dès le 04 octobre 2018.

Le salarié ne soutient pas cependant qu'il aurait respecté la demande de l'employeur en adressant un compte-rendu de son activité entre le 20 septembre et le 03 octobre 2018, période qui correspond à plus d'une semaine complète de travail effectif. Il précise uniquement qu'il avait du travail à rattraper et qu'il a dû choisir ses priorités. Il ne produit toutefois aucun élément dans le cadre de la présente procédure susceptible de démontrer une charge de travail qui ne lui aurait pas permis de rendre compte de son activité pendant cette période. Il apparaît en outre qu'à cette date, M. [R] [L] ne pouvait ignorer que l'établissement d'un compte-rendu d'activité hebdomadaire était manifestement un objectif prioritaire pour l'employeur compte tenu des interrogations exprimées à plusieurs reprises sur la réalité du travail et de l'investissement professionnel du salarié. Au vu de ces éléments, il convient de constater que l'employeur établit la réalité de ce grief.

- absence à la totalité des réunions commerciales hebdomadaires :

Dans le courrier du 11 septembre 2018, l'employeur reprochait déjà à M. [R] [L] le fait qu'il ne participait plus depuis plusieurs semaines aux réunions commerciales hebdomadaires pourtant obligatoires.

Dans le courrier de réponse adressé à l'employeur le 18 septembre 2018, M. [R] [L] reconnaît qu'il ne participe plus à ces réunions hebdomadaires depuis le 22 juin 2018, réunions qu'il qualifie de « rapides débriefings oraux faits au restaurant le vendredi ». Il justifie de son absence à ces réunions par le comportement du gérant de la société ISOGER qui, selon lui, ne cesserait de l'invectiver et de l'humilier publiquement lors de ces réunions et qui l'aurait menacé avec un couteau à steak lors de la réunion du 22 juin 2018. Cet élément ne résulte toutefois que des propres déclarations du salarié dans le cadre d'une plainte déposée le 06 juillet 2018 et n'est démontré par aucun autre élément.

Si le salarié fait valoir que l'exigence de présence aux réunions commerciales n'a jamais été formalisée, une telle exigence résultait explicitement du courrier du 11 septembre 2018 et a été de nouveau rappelée dans un courrier du 28 septembre 2018. Il ne soutient pas non plus qu'il ignorait l'heure et le lieu de ces réunions et ne peut opposer à l'employeur le fait que celui-ci ne lui aurait pas adressé de convocation.

Dès lors que l'exigence de présence lors de ces réunions avait été rappelée par l'employeur, M. [R] [L] ne peut valablement soutenir que son absence aux deux réunions qui se sont tenues entre le 20 septembre et le 04 octobre 2018 n'avait pas un caractère fautif et la réalité de ce grief apparaît démontrée.

- chiffre d'affaire dérisoire et activité quasi inexistante au mois de septembre 2018,

Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche à M. [R] [L] de n'avoir réalisé qu'un chiffre d'affaire de 3 018 euros et ajoute qu'il en est de même au mois d'octobre 2018, faisant état d'une activité quasi-inexistante.

L'employeur fait valoir qu'un autre commercial a réalisé un chiffre d'affaire quatre fois supérieur au mois de septembre 2018 et qu'au mois de juillet précédant, il avait réalisé un chiffre d'affaire dix fois supérieur à celui de M. [R] [L].

Il sera toutefois relevé que ce grief concerne des mois incomplets puisque le salarié n'a pas travaillé entre le 13 et le 20 septembre 2018 et a été mis à pied à compter du 04 octobre 2018. Dès lors la comparaison avec le résultat réalisé par un autre commercial sur la totalité du mois de septembre apparaît insuffisante pour démontrer l'insuffisance de résultat alléguée. L'employeur ne produit en outre aucun élément pour démontrer que l'insuffisance de résultat serait la conséquence d'une faute imputable au salarié. Enfin, s'agissant des résultats du mois de juillet 2018, ceux-ci avaient déjà été sanctionnés par l'employeur le 11 septembre 2018 et ne peuvent dès lors justifier le licenciement, peu important l'annulation de la mise à pied disciplinaire. Ce grief doit donc être écarté.

- refus obstiné des formations organisées et menaces à l'encontre du formateur :

Cet élément résulte d'une attestation établie par un fournisseur dispensant des formations aux salariés de la société ISOGER. Le formateur en question déclare que, lors d'une formation destinée aux nouveaux commerciaux qui s'est tenue le 03 mai 2018, M. [R] [L] n'aurait pas été toujours réceptif et qu'il ne semblait pas intéressé par le sujet. Il ajoute qu'il a proposé deux autres formations qui ont été annulées par M. [R] [L] et que ce dernier lui aurait fait part de son mécontentement le 10 octobre 2018, menaçant le formateur d'une plainte pour diffamation et fausse déclaration pour avoir déclaré au gérant de la société ISOGER que le salarié savait déjà tout, n'écoutait rien et que ce serait très compliqué.

Ces éléments sont contestés par M. [R] [L] et la seule attestation produite apparaît insuffisamment précise et probante pour caractériser un comportement fautif de la part du salarié. Le grief doit donc être écarté.

- non respect de la mise à pied disciplinaire :

L'annulation de la mise à pied disciplinaire interdit à l'employeur d'invoquer un quelconque grief à ce titre.

- présence au travail et en clientèle en tongues et bermuda :

Ce grief résulte d'une attestation d'une salariée qui déclare qu'en juin et en juillet 2018, M. [R] [L] se rendait au bureau et en clientèle dans une telle tenue. Pour écarter la prescription opposée par M. [R] [L], l'employeur soutient qu'il n'aurait été informé de cet élément qu'au cours du mois de septembre 2018. Il ne produit toutefois aucun élément pour en justifier et ne démontre pas que ces faits ne sont pas couverts par la prescription ni qu'il en aurait eu connaissance après avoir épuisé son pouvoir disciplinaire par la notification d'une mise à pied disciplinaire du 11 septembre 2018. Ce grief doit donc être écarté.

Il résulte de ces éléments que l'employeur démontre la réalité des griefs relatifs au compte-rendu d'activité et à l'absence aux réunions. Ces manquements, qui sont intervenus alors que le salarié avait fait l'objet de rappels à l'ordre et d'une sanction disciplinaire notamment pour ces motifs, caractérisent une volonté délibérée de sa part de ne pas respecter les consignes de l'employeur. Le conseil de prud'hommes a toutefois retenu à juste titre que ces manquements ne présentaient pas une gravité telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il sera également relevé que, contrairement aux affirmations de la société ISOGER, l'activité de M. [R] [L] au mois de septembre 2018 n'était pas inexistante puisqu'il a réalisé un chiffre d'affaire sur une période de travail réduite. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières

Sur les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail

M. [R] [L] sollicite la confirmation du jugement sur les montants alloués au titre de la période de mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement. La société ISOGER conteste ces sommes sur leur principe mais ne conteste pas les modalités de calcul retenues. Dès lors qu'il a été jugé que le licenciement ne reposait pas sur

une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, il convient en conséquence de confirmer le jugement sur les montants alloués à ces différents titres. Pour le même motif, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [R] [L] ne fait par ailleurs état d'aucun élément permettant de démontrer que le licenciement présentait un caractère vexatoire. Il ne justifie pas non plus d'un préjudice résultant des sanctions disciplinaires annulées. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] [L] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du caractère vexatoire du licenciement et au titre des sanctions abusivement prononcées.

Sur la demande au titre du reliquat de rémunération

Vu l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers,

M. [R] [L] soutient ne pas avoir perçu la rémunération minimale trimestrielle conventionnelle pour la période d'août à octobre 2018. Il n'est pas contesté que la rémunération perçue au cours de la période s'élève à 3 127,64 euros, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 846,95 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire, et la période de préavis correspondant au mois d'octobre, soit 390,96 euros. Il convient également d'ajouter la somme de 214,08 euros au titre de la période de mise à pied disciplinaire annulée, ce qui porte la rémunération perçue au cours du trimestre à 4 579,63 euros. Pour calculer le montant que M. [R] [L] aurait dû percevoir au cours du trimestre, le conseil de prud'hommes a, à juste titre, déduit les congés sans solde dont M. [R] [L] a bénéficié au mois d'août, ce qui permet de constater que M. [R] [L] pouvait prétendre à une rémunération de 4 160,34 euros et qu'il a perçu au cours de la période un montant supérieur à ce minimum conventionnel. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] [L] de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ISOGER aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner la société ISOGER aux dépens de l'appel. Il n'appartient en revanche pas à la cour d'appel de statuer par avance sur la charge des frais liés à une éventuelle exécution forcée du présent arrêt, comme demandé par M. [R] [L], ces frais étant régis par les dispositions d'ordre public de l'article L. 111-8 du code des procédures d'exécution et relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution en cas de litige.

Par équité, la société ISOGER sera en outre condamnée à payer à M. [R] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 24 février 2022 SAUF en ce qu'il a débouté M. [R] [L] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 25 juin 2018 ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

ANNULE l'avertissement prononcé le 25 juin 2018 ;

Y ajoutant

CONDAMNE la S.A.R.L. ISOGER aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la S.A.R.L. ISOGER à payer à M. [R] [L] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. ISOGER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024, et signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/01324
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01324 ?
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