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21/06/2024 | FRANCE | N°22/01680

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 21 juin 2024, 22/01680


MINUTE N° 247/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 21 juin 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 21 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01680 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2ME



Décision déférée à la cour : 22 Mars 2022 par le tribun

al judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS et intimés sur appel incident :



Monsieur [J] [U]

Madame [P] [S]

demeurant ensemble [Adresse 1]



représentés par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me FAURE, avocat à [Localité 5].

...

MINUTE N° 247/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 21 juin 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01680 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2ME

Décision déférée à la cour : 22 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS et intimés sur appel incident :

Monsieur [J] [U]

Madame [P] [S]

demeurant ensemble [Adresse 1]

représentés par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me FAURE, avocat à [Localité 5].

INTIMÉS et appelants sur appel incident :

1/ Madame [G] [N]

2/ Monsieur [I] [Y]

demeurant ensemble [Adresse 3]

1 & 2/ représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTE, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me LAURENT, avocat à [Localité 5].

3/ La S.A.R.L. TECHNOLOGIS, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

4/ La Compagnie d'assurance XL INSURANCE COMPAGNY SE Compagnie d'assurance de droit irlandais, opérant en France sous le nom AXA XL, au sein du groupe AXA

ayant son siège social [Adresse 4]

3 & 4/ représentées par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me DE GEORGI, avocat à Paris.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère faisant fonction de présidente et M. Christophe LAETHIER, Vice-Président placé, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère,

M. Christophe LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié du 22 janvier 2019, M. [J] [U] et Mme [P] [S] ont vendu à M. [I] [Y] et Mme [G] [N] un appartement et une cave situés [Adresse 3] moyennant le prix de 331 411 euros, hors mobilier évalué à 8 589 euros.

M. [U] et Mme [S] avaient précédemment acquis le bien immobilier à l'état de combles qu'ils ont intégralement aménagés en appartement avec création d'une mezzanine.

L'acte de vente du 22 janvier 2019 mentionne une superficie de 62,09 m2 résultant d'un certificat de superficie établi par la Sarl Technologis exerçant sous l'enseigne EX'IM.

Le 8 mars 2019, M. [Y] et Mme [N] ont fait mesurer leur appartement par la société Impact Expertise qui a conclu à une superficie « loi Carrez » de 46,15 m2.

Par acte d'huissier du 4 juin 2019, les acquéreurs ont fait assigner les vendeurs devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg pour faire désigner un expert afin de faire procéder au mesurage de l'appartement.

Le rapport d'expertise du 6 février 2020 fait état d'une surface totale de 44,30 m2.

Par acte du 6 mars 2020, M. [Y] et Mme [N] ont fait assigner M. [U] et Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 94 669,22 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 avril 2019, au titre de la diminution proportionnelle du prix de vente de l'appartement, de la somme de 38 498 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le remboursement des frais d'expertise.

Par acte du 16 juin 2020, M. [U] et Mme [S] ont appelé en intervention forcée la société Technologis et son assureur, la société XL Insurance Compagny SE.

Sur la demande principale, les vendeurs ont conclu que la réduction de prix sollicitée par les acheteurs ne saurait excéder 66 566,96 euros.

Sur l'appel en intervention forcée, ils ont sollicité la condamnation in solidum de la société Technologis et de la société XL Insurance Compagny SE au paiement d'une somme équivalente à 90% des sommes mises à leur charge en principal et intérêts au titre de l'action en réduction de prix exercée par les acheteurs, en réparation de leur perte de chance de vendre le bien au même prix, outre la somme de 27 921 euros au titre de leur préjudice matériel lié au coût d'un crédit de refinancement, la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral et la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont également demandé à être garantis par la société Technologis et la société XL Insurance Compagny SE de toute condamnation au titre des frais et dépens.

La société Technologis et la société XL Insurance Compagny SE ont conclu au rejet de la demande principale excédant la somme de 66 561,11 euros correspondant à la diminution proportionnelle du prix de vente ainsi qu'au rejet des demandes des consorts [U]-[S], outre leur condamnation au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elles ont demandé au tribunal de faire une juste appréciation du pourcentage de chance perdue de vendre au même prix avec une surface moindre, au regard des prix du marché à l'époque de la vente pour des biens comparables, et de dire que toute condamnation à leur encontre ne pourra être prononcée qu'après déduction de la franchise contractuelle d'un montant de 750 euros.

Par jugement contradictoire du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- condamné Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 81 775,84 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2019,

- condamné Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 21 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- condamné la Sarl Technologis et la société XL Insurance SE à payer à Mme [S] et M. [U] la somme de 69 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- dit que la société XL Insurance SE peut opposer à la Sarl Technologis la franchise de 750 euros,

- condamné la Sarl Technologis et la société XL Insurance SE à payer à Mme [S] et M. [U] la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- condamné Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 1 981,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- condamné la Sarl Technologis et la société XL Insurance SE à garantir Mme [S] et M. [U] de la condamnation à payer la somme de 1981,92 euros,

- condamné Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [S] et M. [U] aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la différence entre la surface indiquée dans l'acte de vente et la surface réelle était de 17,79 m2 et qu'elle dépassait largement les 5% requis pour obtenir une diminution du prix. Le premier juge a évalué la différence de prix à 81 775,84 euros en tenant compte du fait que le prix de l'appartement ne résultait pas seulement des surfaces de plancher dont la hauteur dépasse 1,80 m, mais aussi de la valeur des sous-pentes (estimée à 25 000 euros), de la mezzanine (estimée à 20 000 euros) et de la cave (estimée à 1 000 euros).

Le tribunal a également considéré que le dol pratiqué par les vendeurs était démontré, ces derniers ayant acquis un comble aménageable d'une surface de 56,75 m2 pour revendre le bien un peu plus tard à 62,09 m2 sans ajout ni agrandissement, ce qui justifiait d'indemniser les acquéreurs de leur préjudice au titre du surcoût du crédit à hauteur de 20 000 euros et au titre de leur préjudice moral à hauteur de 1 000 euros.

En revanche, le tribunal n'a pas retenu l'existence d'un préjudice résultant de la différence des droits d'enregistrement, les acquéreurs pouvant s'adresser à l'administration fiscale pour obtenir le remboursement de la différence des droits.

S'agissant de la perte de chance de vendre l'appartement au prix annoncé, le tribunal a considéré que les courriels produits par les vendeurs démontraient que deux personnes s'étaient montrées intéressées par l'acquisition du bien immobilier et a évalué la perte de chance à 85%, soit une somme de 69 500 euros, compte tenu d'un prix qui était dans la partie haute de la fourchette des prix du quartier.

Le premier juge a également retenu que les vendeurs savaient que le diagnostic était faux et qu'ils l'avaient produit à leurs risques et périls, de sorte qu'ils ne justifiaient d'aucun préjudice moral.

Enfin, le tribunal a évalué le préjudice matériel des vendeurs, résultant du coût d'un crédit de refinancement de la réclamation des acquéreurs, à la somme de 1 000 euros.

Mme [S] et M. [U] ont interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 25 avril 2022.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 31 octobre 2023, M. [U] et Mme [S] demandent à la cour de :

Sur appel principal,

- déclarer l'appel interjeté par Mme [S] et M. [U] recevable et bien fondé,

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle :

- condamne Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 81.775,84 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2019,

- condamne Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 21.000,00 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamne la Sarl Technologis et XL Insurance SE à payer à Mme [S] et M. [U] la somme de 69.500,00 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamne la Sarl Technologis et XL Insurance SE à payer à Mme [S] et M. [U] la somme de 1 000,00 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- déboute Mme [S] et M. [U] de leurs conclusions plus amples ou contraires,

- condamne Mme [S] et M. [U] aux dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau,

- limiter et réduire la condamnation de Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 66 566,96 € au titre de la réduction proportionnelle du prix,

- débouter Mme [N] et M. [Y] du surplus de leur demande,

- condamner in solidum la Sarl Technologis et la compagnie XL Insurance SE à payer à Mme [S] et M. [U] la somme de 76 000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum la Sarl Technologis et la compagnie XL Insurance SE à payer à Mme [S] et M. [U] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral occasionné,

- condamner in solidum la Sarl Technologis et la compagnie XL Insurance SE aux frais et dépens de première instance,

- condamner in solidum la Sarl Technologis et la compagnie XL Insurance SE à garantir Mme [S] et M. [U] de leur condamnation à payer 4000 € à Mme [N] et M. [Y] au titre de la procédure de première instance,

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

- condamner in solidum Mme [N], M. [Y], la Sarl Technologis et la compagnie XL Insurance SE, à verser aux appelants la somme de 4 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner in solidum Mme [N], M. [Y], la Sarl Technologis et la compagnie XL Insurance SE aux entiers frais et dépens d'appel,

Sur l'appel incident des sociétés Technologis et XL Insurance Company SE :

- déclarer l'appel incident mal fondé,

- débouter les sociétés Technologis et XL Insurance Company SE de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Sur l'appel incident des consorts [Y]-[N] :

- déclarer irrecevable l'appel incident relatif à l'octroi de dommages et intérêts de 28 000 € en réparation d'un préjudice lié à la perte de valeur du bien immobilier en raison du caractère prétendument illicite des ouvertures,

- déclarer l'appel incident mal fondé pour le surplus,

- débouter Mme [N] et M. [Y] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire s'agissant de la demande de dommages et intérêts de Mme [N] et M. [Y] au titre du surcoût du crédit souscrit,

- limiter la condamnation de Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] la somme de 658 € au titre du préjudice lié aux intérêts d'emprunt acquittés,

A titre subsidiaire dans l'hypothèse où la Cour viendrait à modifier le montant de la réduction proportionnelle de prix,

- condamner in solidum les sociétés Technologis et XL Insurance Company SE à payer à Mme [S] et M. [U] des dommages et intérêts équivalents à 85 % du montant alloués aux acquéreurs au titre de la réduction de prix et des intérêts arrêtés au jour de l'arrêt à intervenir.

Les appelants font valoir, s'agissant de la demande de diminution du prix, que seul le prix correspondant à la valorisation de la surface Carrez vendue peut être diminué à proportion des mètres carrés manquants, soit une superficie de 17,79 euros selon le mesurage effectué par l'expert judiciaire. Ils soutiennent que les superficies de l'appartement qui ne correspondent pas à un mesurage de surface Carrez doivent être valorisées à un prix de 98 089,02 euros sur la base d'un coefficient de pondération de 0,6 afin de tenir compte de l'aspect particulièrement attrayant de l'appartement, la valorisation retenue par le premier juge à hauteur de 25 000 euros étant insuffisante. Ils retiennent un prix de vente effectivement acquitté correspondant à un prix de m2 pondéré de 3 741,82 euros (330 441 euros / 88,31 m2), un prix de vente de la surface Carrez valorisé à 232 329,60 euros (62,09 X 3 741,82 euros) et une réduction proportionnelle du prix de 66 566,96 euros ((17,79 m2 / 62,09 m2) X 232 329,60 euros).

En ce qui concerne le dol allégué relatif au mesurage, M. [U] et Mme [S] indiquent qu'il n'est pas caractérisé dans la mesure où ils se sont conformés aux prescriptions légales en faisant établir un mesurage « loi Carrez » après aménagement et avant la vente et qu'il n'est nullement démontré qu'ils avaient connaissance du caractère erroné du diagnostic réalisé par Technologis, cette information ne pouvant se déduire d'une simple comparaison avec le mesurage réalisé avant leur propre acquisition. Ils ajoutent qu'ils ont réalisé la vente en leur nom personnel, qu'ils ne sont pas des professionnels du mesurage et qu'ils se sont légitimement fiés au certificat établi par la société Technologis.

S'agissant du dol relatif aux ouvertures, les appelants affirment qu'il s'agit d'une prétention nouvelle irrecevable car elle est demandée au titre d'un préjudice distinct de celui réclamé en première instance, à savoir une perte de valeur du bien. Ils ajoutent que cette demande est également irrecevable en tant qu'elle a été formulée pour la première fois après l'expiration des délais impartis aux intimés par l'article 910 du code de procédure civile en violation de la règle de concentration édictée par l'article 910-4 du même code. Sur le fond, ils indiquent avoir rénové et modernisé les ouvertures préexistantes et contestent avoir réalisé des travaux de création d'ouverture.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où le dol serait retenu, les appelants soutiennent que l'indemnisation du surcoût du crédit doit être limitée à la fraction du surplus d'intérêt acquitté pour la période du 5 janvier 2019 au mois d'avril 2019, soit la somme de 1805,94 euros, ce qui correspond à un préjudice de 658 euros sur la base d'une réduction proportionnelle de prix de 66 566,96 euros.

M. [U] et Mme [S] font valoir qu'ils ont perdu une chance de vendre leur bien au même prix à un autre acquéreur du fait de l'erreur de mesurage de la société Technologis dans la mesure où d'autres candidats étaient très intéressés par l'appartement au même prix et que la perte de chance doit être évaluée à 85%, ce qui correspond à un préjudice de 76 000 euros en tenant compte des intérêts légaux acquis pour la période du 30 avril 2019 au 8 avril 2022.

Ils soutiennent que leur probité a été gravement mise en cause à travers la procédure qui a pour origine l'erreur de diagnostic de la société Technologis, ce qui justifie l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 3 novembre 2023, M. [Y] et Mme [N] demandent à la cour de :

Sur appel principal,

- déclarer Mme [S] et M. [U] mal fondés en leur appel,

- le rejeter,

En conséquence,

- débouter Mme [S] et M. [U] de leurs demandes,

- confirmer le jugement rendu le 22 mars 2022 par la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions exceptées celles visées par l'appel incident ci-dessous,

Sur appel incident de la Sarl Technologis et de la société XL Insurance Company SE,

- déclarer la Sarl Technologis et la société XL Insurance Company SE mal fondées en leur appel incident,

- le rejeter,

En conséquence,

- débouter la Sarl Technologis et la société XL Insurance Company SE de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 22 mars 2022 par la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions exceptées celles visées par l'appel incident ci-dessous,

Sur appel incident de M. [I] [Y] et Mme [G] [N],

- déclarer l'appel incident formé par Mme [N] et M. [Y] recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 22 mars 2022 par la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qui concerne le montant de la réduction de prix et le montant des dommages et intérêts alloués à Mme [N] et M. [Y],

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner solidairement Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] une somme de 94.669,22 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 avril 2019,

- condamner solidairement Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] une somme de 33.000 € à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner solidairement Mme [S] et M. [U] à payer à Mme [N] et M. [Y] une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Technologis et la société XL Insurance Company SE à payer à Mme [N] et M. [Y] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Mme [S] et M. [U] aux dépens de l'instance d'appel.

Sur la demande en diminution du prix de vente, les intimés font valoir qu'ils ont droit à une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure d'un montant de 94 669,22 euros qui résulte de la différence entre le prix payé (330 411 euros) et le prix qui aurait dû être payé (235 741,78 euros) calculé sur la base d'un prix au m2 de 5 321,485 euros et une superficie carrez de 44,30 m2. Ils précisent que les surfaces d'une hauteur inférieure à 1,80 m ne sont pas mentionnées à l'article 46 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'elles ne peuvent pas être valorisées et déduites du prix d'acquisition pour l'application de la diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure. Ils se réfèrent également à l'article 4-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pour soutenir que les parties de lots inférieures à 1,80 m de hauteur ne peuvent être valorisées pour venir diminuer la valeur d'un lot soumis au calcul de la loi Carrez et partant être intégrées dans le calcul de la diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.

A titre subsidiaire, ils soulignent le caractère exagéré de la valorisation des sous-pentes et de la mezzanine, à hauteur de 98 081 euros, faite par les vendeurs alors que les sous-pentes d'une superficie de 31,1 m2 ne peuvent être utilisées qu'à usage d'espaces de rangement et que la mezzanine d'une surface de 12,6 m2 ne peut servir que d'espace de stockage dont la valorisation ne saurait être supérieure à 13 000 euros sur la base d'un coefficient de pondération de 0,2. Ils indiquent également que les calculs présentés par les appelants sont erronés puisqu'ils ajoutent à la superficie Carrez mesurée par la société Technologis (62,09 m2) une superficie pondérée des surfaces hors Carrez mesurées par l'expert judiciaire, de sorte que la superficie pondérée qui résulte de leur calcul (88,31 m2) est finalement supérieure à la surface au sol réelle de l'appartement (88 m2).

S'agissant du dol, ils soutiennent que les vendeurs ne sont pas victimes de leur diagnostiqueur mais qu'ils ont commis différentes fraudes concernant la superficie carrez de l'appartement, la création de trois velux en toiture sans autorisation d'urbanisme alors que l'immeuble se situe en secteur sauvegardé et la déclaration faite à l'administration fiscale de ce que l'appartement constituait leur résidence principale alors qu'ils n'y ont jamais résidé.

M. [Y] et Mme [N] indiquent que les vendeurs ont volontairement omis de leur déclarer que le certificat Carrez réalisé lors de la vente était erroné, puisque le bien a été préalablement acquis par M. [U] et Mme [S] le 31 juillet 2017 sous forme d'un comble à l'état brut d'une superficie de 56,75 m2 et qu'ils l'ont revendu après travaux d'aménagement, ayant eu pour effet de réduire la surface habitable du logement, sur la base d'une surface de 62,09 m2. Ils ajoutent que M. [U] exerce la profession de maître d''uvre et de marchand de biens et qu'il ne pouvait ignorer que la superficie était erronée.

Ils font également valoir que le dol commis par les vendeurs concernant l'implantation illégale des fenêtres de toit a une incidence sur la valeur de l'appartement, cette illégalité devant être déclarée aux acquéreurs potentiels. Ils précisent qu'il s'agit d'un moyen nouveau, qui peut être invoqué pour la première fois à hauteur de cour, et non d'une prétention nouvelle.

Ils exposent que la faute des vendeurs est caractérisée, ce qui justifie l'indemnisation de leur préjudice matériel à hauteur de 28 000 euros, résultant du surcoût du crédit souscrit, et de leur préjudice moral à hauteur de 5 000 euros, résultant du sentiment d'avoir été escroqué et des soucis et tracas causés par cette affaire.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 5 septembre 2022, la société Technologis et la société XL Insurance Company SE demandent à la cour de :

Recevoir l'appel,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné les vendeurs à restituer 81.775,84 € aux acquéreurs, avec intérêts au taux légal, au titre de la diminution de prix proportionnelle à la moindre mesure,

- condamné les vendeurs à verser 21.000 € de dommages et intérêts aux acquéreurs, avec intérêts au taux légal, au titre du surcoût de l'emprunt souscrit pour l'acquisition et du préjudice moral,

- condamné la société Technologis et son assureur à verser 69 500 € aux consorts [U] et [S] au titre du préjudice de perte de chance de vendre au même prix avec une surface moindre,

- condamné la société Technologis et son assureur à verser 1.000 € aux consorts [U] et [S] au titre du coût du crédit qu'ils prétendaient devoir souscrire pour remboursement le prix des m² manquants,

- condamné la société Technologis et son assureur à garantir les consorts [U] et [S] de la condamnation à remboursement les frais d'expertise judiciaire,

- débouté la société Technologis et son assureur de leurs demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau sur ces points,

- limiter la diminution de prix proportionnelle à la moindre mesure à la somme de 66.561,11 €,

- débouter les consorts [Y] et [N] de toutes leurs demandes excédant cette somme,

Notamment, les débouter de leurs demandes au titre du surcoût de l'emprunt souscrit pour l'acquisition, ou subsidiairement, les débouter de toutes leurs demandes au titre de l'emprunt excédant la proportion des intérêts versés sur la somme empruntée en trop depuis la vente jusqu'à l'exécution de la décision de première instance par les consorts [U] et [S],

- débouter les consorts [U] et [S] de leurs demandes formées contre la société Technologis et son assureur à défaut de rapporter la preuve de l'existence et du quantum d'un préjudice de perte de chance de vendre au même prix avec une surface moindre, pas plus que d'un préjudice de surcoût de l'emprunt qu'ils auraient prétendument souscrit pour régler les condamnations, étant de surcroît eux-mêmes à l'origine de ces préjudices consécutifs au dol qu'ils ont commis,

En conséquence, les débouter de toutes leurs formées contre la société Technologis et son assureur, la société XL Insurance Company SE,

- condamner tout succombant à verser aux sociétés Technologis et XL Insurance Compay SE la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant au paiement des entiers dépens incluant les frais de l'expertise,

Subsidiairement,

- Faire une juste appréciation du pourcentage de chance perdu de vendre au même prix avec une surface moindre au regard des prix du marchés à l'époque de la vente pour des biens comparables, et débouter les consorts [U]-[S] de toutes leurs demandes excédant ce juste pourcentage.

Les intimés font valoir que les surfaces hors Carrez doivent être valorisées afin de réduire l'assiette de calcul avant diminution proportionnelle à la moindre mesure. Ils indiquent qu'il convient d'appliquer un coefficient de pondération de 0,60 pour la surface dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80, ce qui conduit à retenir 26,22 m2 pondérés (43,70 X 0,60), de sorte que l'appartement aurait coûté 232 309,13 euros s'il n'y avait eu que les 62m2 annoncés et aucune surface hors Carrez et que la réduction du prix proportionnelle au 17,79 m2 manquants s'élève à 66 561,11 euros (232 309,13 / 62,09 X 17,79).

Sur la demande au titre du surcoût du crédit souscrit pour l'acquisition de l'appartement, les intimés soutiennent que les acheteurs pouvaient procéder au remboursement anticipé partiel de leur crédit à hauteur de la somme dont ils ont obtenu la restitution en première instance et que leur préjudice est limité aux intérêts d'emprunt versés sur cette somme depuis la date de la vente jusqu'à la date à laquelle le jugement a été exécuté.

Sur la demande des consorts [U] et [S] au titre de la perte de chance de vendre au même prix avec une surface moindre, ils font valoir qu'il est parfaitement normal de vendre un bien moins cher s'il contient finalement moins de m2 qu'annoncé et que le prix de vente fixé entre les parties dépend exclusivement de la superficie du bien puisqu'il n'est qu'une multiplication du rapport prix/m2 par la surface vendue. Ils indiquent que les vendeurs ne justifient pas d'éléments pour justifier des prix du marché à l'époque de la vente dans le quartier concerné et ne démontrent pas qu'ils auraient disposé d'une marge d'augmentation de leur prix au m2 pour compenser le déficit de surface et maintenir le prix global de vente. Ils ajoutent que les consorts [U] et [S] ont commis une faute à l'origine du préjudice qu'ils invoquent et que la société Technologis est victime du dol qui leur est imputable, de sorte qu'il convient de les débouter de leur demande.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 7 novembre 2023.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 12 avril 2024.

Lors des débats, la cour a invité les parties à s'expliquer sur la demande des appelants tendant à voir « déclarer irrecevable l'appel incident des consorts [Y]-[N] relatif à l'octroi de dommages et intérêts de 28 000 euros en réparation d'un préjudice lié à la perte de valeur du bien immobilier en raison du caractère prétendument illicite des ouvertures ».

La présidente a autorisé le dépôt d'une note en délibéré sur ce point.

Par note en délibéré du 26 avril 2024, les appelants font valoir que l'objet du litige a été modifié en cours de procédure et que la question du respect des règles d'urbanisme n'a pas été discutée en première instance. Ils indiquent qu'ils ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel incident en tant qu'il porterait sur la question de la perte de valeur en lien avec la modification des fenêtres, cette demande devant être formée dans le délai de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Par note en délibéré du 29 avril 2014, M. [Y] et Mme [N] indiquent que leur appel incident est recevable, car formé dans les délais prescrits, et que seul le conseiller de la mise en état, qui n'a pas été saisi d'une demande en ce sens, a le pouvoir de déclarer irrecevable l'appel incident. Subsidiairement, ils soutiennent que leur demande de dommages et intérêts formée sur le fondement du dol n'est pas nouvelle et qu'ils sont recevables à invoquer des moyens nouveaux, tirés de l'illégalité des ouvertures, à l'appui de leur prétention.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel incident de Mme [N] et M. [Y] portant sur le chef du jugement n'ayant que partiellement fait droit à leur demande de dommages et intérêts d'un montant de 28 000 euros :

L'article 914 du code de procédure civile donne compétence au conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité d'un appel, qu'il soit formé à titre principal ou à titre incident.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour statue sur le seul dispositif des conclusions.

En l'espèce, M. [U] et Mme [S] demandent à la cour, dans le dispositif de leurs conclusions, de déclarer irrecevable l'appel incident des consorts [Y]-[N] relatif à l'octroi de dommages et intérêts de 28 000 euros en réparation d'un préjudice lié à la perte de valeur du bien immobilier en raison du caractère prétendument illicite des ouvertures.

Cependant, l'irrecevabilité de l'appel incident relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état qui n'a pas été saisi d'une demande en ce sens par les appelants.

Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée devant la cour par M. [U] et Mme [S] sera déclarée irrecevable.

Sur la réduction proportionnelle du prix de vente :

L'action en réduction du prix de vente d'un lot de copropriété est régie, à l'exclusion de tout autre fondement, par l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

En application de ces dispositions, si la superficie de la partie privative est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.

L'article 4-1 du décret n 67-223 du 17 mars 1967 dans sa rédaction issue du décret n 97-532 du 23 mai 1997 prévoit que : « La superficie de la partie privative d'un lot ou d'une fraction de lot mentionnée à l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est la superficie des planchers des locaux clos et couverts après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escalier, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Il n'est pas tenu compte des planchers des parties des locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre ».

La connaissance par l'acquéreur du métrage réel lors de la vente ne fait pas obstacle à l'action en diminution du prix, et le succès de la prétention de ce dernier n'est pas subordonné à la preuve d'un préjudice.

La diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure correspond à la différence entre le prix effectivement payé et le prix réduit.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que :

- l'acte notarié du 22 janvier 2019 mentionne une surface Carrez de 62,09 m² pour le lot n° 16 comprenant un appartement aux quatrième et cinquième étages avec une entrée, trois chambres, une buanderie, une cuisine, une salle d'eau-WC, une mezzanine.

- le certificat de superficie du 13 septembre 2018 retient une surface Carrez de 62,09 m², outre 15,31 m² de surface hors Carrez (2,53 m² pour la cave et 12,78 m² pour la mezzanine).

- l'expertise du 6 février 2020, dont la teneur n'est pas contestée par les parties, fixe à 44,30 m² la surface Carrez totale de l'appartement et à 43,70 m² (dont 12,6 m² pour la mezzanine) la surface hors Carrez, dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m².

Il existe donc une différence de 17,79 m² entre la surface Carrez portée dans l'acte de vente et la surface Carrez réelle de l'appartement.

Une telle différence correspond à plus d'un vingtième de la superficie figurant à l'acte de vente, de sorte que le prix de cession doit en être proportionnellement réduit.

Sur le montant de la diminution, il est constant que dans le cas d'un prix comprenant indistinctement des surfaces dépendant ou non des prescriptions de la loi Carrez, la réduction correspondant à la moindre mesure se calcule sur le prix de cession diminué de la valeur des biens et lots exclus du champ d'application de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965.

Il convient donc de reconstituer la valeur de l'appartement avec application d'un coefficient de pondération fixé à 0,60 pour les surfaces dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m qui peuvent servir de rangement ou de chambre occasionnelle pour la mezzanine, afin d'obtenir un prix au m² de l'appartement en son entier.

Le prix de l'appartement sans la cave, dont la valeur est évaluée à 1 000 euros par les parties, est de 330 411 euros et la surface dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m représente 43,70 m² selon l'expert judiciaire.

L'application du coefficient de pondération à la surface hors Carrez conduit à retenir une surface de 26,22 m² (43,70 m² X 0,60).

Ainsi, le prix de 330 411 euros payé par les acheteurs comprenait 62,09 m² correspondant à la surface Carrez annoncée, outre 26,22 m² hors carrez pondérés, soit un total de 88,31 m².

Le prix de la surface Carrez est évalué à 232 309,13 euros (330 411 / 88,31 X 62,09) tandis que le prix de la surface hors Carrez est évalué à 98 101,87 euros (330 411 / 88,31 X 26,22).

La somme de 232 309,13 euros, correspondant au prix de la surface Carrez de l'appartement, doit être réduite proportionnellement aux 17,79 m² manquants.

Il en résulte une réduction du prix proportionnelle de 66 561,11 euros (232 309,13 / 62,09 X 17,79).

Les vendeurs seront condamnés à verser aux acquéreurs la somme de 66 561,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2019, date de la mise en demeure, au titre de la réduction proportionnelle de prix, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Sur le dol :

Il résulte des termes de l'article 1137 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que le dol se définit comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Le dol, fût-il par réticence, suppose toujours un élément intentionnel. Il repose sur une faute intentionnelle, l'auteur des manoeuvres, mensonges ou réticences, doit avoir agi intentionnellement pour tromper le contractant.

En l'espèce, les acquéreurs invoquent le dol des vendeurs au titre de la superficie Carrez de l'appartement, de la création de trois velux en toiture et de la fraude fiscale.

En ce qui concerne la superficie de l'appartement, il est établi que M. [U] et Mme [S] avaient acquis, le 31 juillet 2017, le bien immobilier à l'état de combles qu'ils ont ensuite aménagés en appartement avec création d'une mezzanine. L'acte de vente du 31 juillet 2017 mentionne une superficie de 56,75 m².

Il est également établi que l'acte de vente du 22 janvier 2019 mentionne une superficie erronée de 62,09 m² résultant d'un certificat de superficie établi par la Sarl Technologis exerçant sous l'enseigne EX'IM.

Le simple constat de l'augmentation de la superficie de l'appartement entre les deux transactions ne suffit pas à caractériser que les vendeurs aient eu conscience de ce que le mesurage effectué par la société Technologis, en vue de la vente litigieuse, était erroné.

Par ailleurs, si M. [U] exerce une activité de marchand de biens depuis 2018 et qu'il dispose d'une expertise dans les travaux de rénovation et l'aménagement d'appartements, il n'est pas un professionnel du mesurage, et le fait qu'il ait mentionné dans l'acte de vente la superficie arrêtée par le mesureur et non celle antérieure aux travaux figurant dans son propre acte d'achat ne permet pas de conclure qu'il avait connaissance du caractère erroné du diagnostic.

Aucun élément du dossier ne permet d'établir cette connaissance, la seule différence entre la superficie figurant dans l'acte de vente et celle résultant du diagnostic n'étant pas suffisante pour caractériser le dol au regard des travaux d'envergure effectués par les vendeurs, notamment la réalisation d'une mezzanine.

Par conséquent, les acquéreurs échouent à démontrer l'existence d'un dol imputable aux vendeurs résultant du caractère erroné de la superficie Carrez de l'appartement.

S'agissant du dol allégué résultant de la création des velux en toiture, les intimés se réfèrent à l'acte de vente qui mentionne en page 17 que « le vendeur déclare ne pas avoir effectué des travaux d'ouverture sans autorisation, il n'a effectué que des travaux de rénovation des ouvertures déjà existantes » et soutiennent qu'il s'agit d'une déclaration mensongère dans la mesure où trois fenêtres de toit servant de puits de lumière ont été créé sans autorisation d'urbanisme

Cependant, au vu des pièces produites, le caractère mensonger de la déclaration faite par les vendeurs dans l'acte de vente n'est pas démontré.

En effet, il résulte des photographies des combles avant travaux (pièce n°17) que des ouvertures existaient et il n'est pas établi que leur rénovation était soumise à autorisation administrative préalable.

L'attestation de Mme [C] [K], ancienne voisine de pallier, qui fait état de la création de 'velux' en toiture sans demande préalable de permis de construire, n'est pas suffisamment probante pour établir le caractère illégal des travaux de rénovation entrepris, Mme [K] ne justifiant d'aucune expertise en matière d'urbanisme.

A cet égard, la cour relève qu'il n'est produit aucune pièce émanant des autorités administratives compétentes qui viendraient mettre en évidence une situation d'illégalité alors que la vente a été conclue il y a plus de cinq années.

Dans ces conditions, les acquéreurs échouent à démontrer l'existence d'un dol résultant de la création de velux en toiture.

Enfin, s'agissant de la fraude fiscale reprochée aux vendeurs, liée au fait que l'appartement vendu a été déclaré à tort comme étant leur résidence principale, les acquéreurs n'expliquent pas en quoi cet élément, s'il avait été connu, les aurait empêchés de contracter.

Au vu des développements qui précèdent, le dol reproché aux vendeurs n'est pas caractérisé et M. [Y] et Mme [N] seront déboutés de leurs demandes indemnitaires au titre du surcoût du crédit immobilier et au titre du préjudice moral, ce qui commande l'infirmation du jugement déféré.

Sur la perte de chance du vendeur de vendre au même prix une surface moindre :

Le professionnel dont la faute a contribué à ce que l'acte de vente mentionne une mesure de superficie erronée est tenu, non de restituer la différence proportionnelle de prix à l'acquéreur ou de garantir le vendeur de cette restitution, mais de réparer le préjudice subi par le vendeur résultant d'une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre.

Les juges du fond apprécient souverainement l'étendue du préjudice, à la condition toutefois que l'évaluation qu'ils en font ne se confonde pas avec le montant de la restitution partielle du prix.

Le mesureur est tenu à une obligation de résultat de sorte que la faute est constituée au simple constat d'un écart entre la mesure effectuée et la surface réelle.

En l'espèce, cet écart est caractérisé, l'expertise ayant mis en évidence une erreur de mesure de 17,79 m² de la part de la Sarl Technologis qui a fixé la superficie Carrez de l'appartement à 62,09 m² alors qu'il mesure 44,30 m².

La faute du mesureur est donc établie, la Sarl Technologis ayant concouru à ce que l'acte de vente comporte une superficie erronée à l'origine d'une perte de chance pour M. [U] et Mme [S] de vendre leur bien au même prix sans erreur de superficie.

D'un point de vue économique, la fixation du prix d'un appartement ne dépend pas de sa seule surface mais également de son emplacement, de la configuration des lieux et du caractère attractif du bien, de sorte qu'en fonction de ces éléments, même si l'acquéreur avait eu connaissance de la différence de surface, il aurait vraisemblablement proposé un prix inférieur mais pas nécessairement une diminution de 66 561,11 euros.

En l'espèce, l'appartement apparaît particulièrement attractif, du fait de sa situation géographique dans le c'ur historique de [Localité 5] et de sa rénovation intégrale qui lui offrait un aspect moderne et élégant.

A cet égard, les vendeurs justifient avoir reçu deux propositions d'achat datées du 30 septembre 2018 aux prix de 330 000 euros et 340 000 euros, l'une des personnes intéressées évoquant dans son courriel un véritable « coup de c'ur » à la suite d'une visite effectuée le même jour.

Dès lors, la cour retient que M. [U] et Mme [S] ont perdu une chance importante de vendre au même prix sans erreur, chance que le tribunal a justement évaluée à 85 % du montant de la restitution partielle du prix, à l'exclusion des intérêts au taux légal pour la période du 30 avril 2019 au 8 avril 2022 qui n'ont pas à être supportés par la société Technologis.

La Sarl Technologis et son assureur, la société XL Insurance Company SE seront en conséquence condamnés in solidum à payer à M. [U] et Mme [S] la somme de 56 576, 94 euros (66 561,11 euros x 85 %) en réparation de leur préjudice de perte de chance.

Le jugement sera infirmé sur le quantum de la condamnation prononcée.

Sur l'indemnisation du préjudice subi par les vendeurs au titre du coût d'un crédit de refinancement de la réclamation des acquéreurs :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour statue sur le seul dispositif des conclusions.

En l'espèce, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Sarl Technologis et XL Insurance SE à leur payer la somme de 1 000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement. La société Technologis et la société XL Insurance Company SE demandent également l'infirmation du jugement sur ce point.

Il résulte des motifs du jugement que cette somme de 1 000 euros vise à indemniser les vendeurs du préjudice lié au coût d'un crédit de refinancement de la réclamation des acquéreurs.

A hauteur de cour, les appelants sollicitent la condamnation in solidum de la Sarl Technologis et de la société XL Insurance SE à leur payer la somme de 76 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il ressort des explications fournies dans le corps de leurs écritures que cette somme de 76 000 euros correspond au préjudice allégué d'un montant de 69 500 euros résultant de la perte de chance de 85% de vendre au même prix et au préjudice allégué d'un montant de 6 500 euros résultant de la perte de chance de 85% appliquée au montant des intérêts légaux alloués aux acquéreurs pour la période du 30 avril 2019 au 8 avril 2022.

Ces demandes ont été examinées au paragraphe précédent.

Dès lors, la cour n'est saisie d'aucune demande d'indemnisation des appelants au titre de leur préjudice résultant du coût d'un crédit de refinancement de la réclamation des acquéreurs.

Sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros au titre du préjudice moral, formée par les vendeurs à l'encontre de la société Technologis et de son assureur :

Les appelants sollicitent la condamnation de la société Technologis et de son assureur au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la mise en cause de leur probité à travers la procédure judiciaire qui a pour origine l'erreur de diagnostic de la société du mesureur.

Cependant, la mise en cause de leur probité émane des acheteurs et non du mesureur et ils ne justifient pas de la réalité du préjudice moral qu'ils déclarent avoir subi, de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les frais d'expertise :

Les dispositions du jugement déféré seront confirmées s'agissant des frais d'expertise.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

En considération de la solution du litige, il convient de laisser à la charge de chacune des parties les dépens et frais exclus des dépens qu'elle a exposés et donc de rejeter les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

DECLARE irrecevable la fin de non-recevoir relative à l'appel incident soulevée par M. [J] [U] et Mme [P] [S],

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 22 mars 2022 en ce qu'il a :

- condamné M. [U] et Mme [S] à payer à M. [Y] et Mme [N] la somme de 81 775,84 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2019,

- condamné M. [U] et Mme [S] à payer à M. [Y] et Mme [N] la somme de 21 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- condamné la Sarl Technologis et la société XL Insurance SE à payer à M. [U] et Mme [S] la somme de 69 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- condamné la Sarl Technologis et la société XL Insurance SE à payer à M. [U] et Mme [S] la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE M. [U] et Mme [S] à payer à M. [Y] et Mme [N] la somme de 66 561,11 euros (soixante six mille cinq cent soixante et un euros onze centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2019 au titre de la diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure,

CONDAMNE la Sarl Technologis et la société XL Insurance SE à payer à M. [U] et Mme [S] la somme de 56 576,94 euros (cinquante six mille cinq cent soixante seize euros quatre vingt quatorze centimes) avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt au titre de la perte de chance de vendre leur bien immobilier au même prix pour une surface moindre,

DEBOUTE M. [U] et Mme [S] de leur demande de dommages et intérêts au titre du surcoût du crédit immobilier,

DEBOUTE M. [U] et Mme [S] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus dans les limites de l'appel,

Y ajoutant,

CONDAMNE chacune des parties à supporter ses propres dépens d'appel,

REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens exposés en appel.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01680
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;22.01680 ?
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