La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2024 | FRANCE | N°22/01351

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 21 juin 2024, 22/01351


MINUTE N° 248/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 21 juin 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT MIXTE DU 21 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01351 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ2N



Décision déférée à la cour : 22 Février 2022 par

le tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANTE et intimée sur appel incident :



Madame [L] [F]

demeurant [Adresse 5] à [Localité 7]



représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.



INTIMÉ et appelant sur appel incident :



Le S...

MINUTE N° 248/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 21 juin 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT MIXTE DU 21 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01351 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ2N

Décision déférée à la cour : 22 Février 2022 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE et intimée sur appel incident :

Madame [L] [F]

demeurant [Adresse 5] à [Localité 7]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur appel incident :

Le Syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11], représenté par son syndic, la SAS FONCIA ALSACE HAUT RHIN ayant son siège [Adresse 6] à [Localité 8], prise en son établissement sis [Adresse 3] à [Localité 9] demeurant [Adresse 2]

sis [Adresse 3] à [Localité 9]

représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère faisant fonction de présidente, et M. Christophe LAETHIER, Vice-Président placé, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère

M. Christophe LAETHIER, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié du 21 mai 2010, Mme [L] [F] a acquis des locaux commerciaux situés [Adresse 3] à [Localité 9], constituant les lots n° 73, 143 et 149 de la copropriété de l'immeuble [Adresse 11].

Les locaux acquis par Mme [F] avaient été déconnectés du système de chauffage central à l'initiative d'un précédent locataire, le journal l'Alsace, qui avait installé un système de chauffage individuel tout en s'acquittant des charges afférentes au chauffage collectif jusqu'au 17 mai 2010, date de son départ des locaux.

Lors de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] du 3 septembre 2014, les copropriétaires ont adopté une résolution n° 18 autorisant l'individualisation du lot n° 73 de Mme [F] et sa dispense de participation aux charges de chauffage.

Par jugement du 9 juillet 2018, rectifié le 24 janvier 2019, le tribunal d'instance de Colmar, saisi par Mme [F], a condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] à lui remettre les décomptes de charges extournés des frais de chauffage pour les années 2010 à 2017 dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 avril 2019, les copropriétaires ont adopté une résolution n° 17 annulant le vote de la résolution n° 18 de l'assemblée générale du 3 septembre 2014, cette résolution étant considérée comme nulle et non avenue.

Par acte d'huissier du 24 juin 2019, Mme [F] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] devant le tribunal de grande instance de Colmar afin d'obtenir l'annulation de l'ensemble des résolutions prises par l'assemblée générale du 11 avril 2019, subsidiairement et en tout état de cause la résolution n° 17, outre la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] a conclu au rejet des prétentions de Mme [F] et a sollicité l'annulation de la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 à compter du 11 avril 2019, la voir déclarer nulle et non avenue, outre qu'il soit dit que Mme [F] est redevable depuis l'acquisition des lots n° 73,143 et 149 de sa quote-part de participation aux frais de chauffage collectif, subsidiairement depuis le 11 avril 2019, et sa condamnation au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 22 février 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- prononcé la nullité de la résolution n° 17 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] du 11 avril 2019,

- dit que la résolution n° 18 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] du 3 septembre 2014 est réputée non écrite,

- dit que la répartition des charges relatives aux frais de chauffage collectif qui doit s'appliquer demeure celle prévue par le règlement de copropriété ' non modifié par des décisions d'assemblées générales postérieures ' de l'immeuble [Adresse 11] situé [Adresse 2] à [Localité 9] (date du règlement de copropriété non fournie au tribunal),

- dit que Mme [F] est redevable de sa quote-part de participation aux frais de chauffage collectif de la date d'acquisition de ses biens au 3 septembre 2014 (dans la limite de la prescription) et à compter de la présente décision,

- débouté Mme [F] du surplus de ses demandes, notamment de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [F] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11], situé [Adresse 2] à [Localité 9], représenté par son syndic, au paiement, chacun, de la moitié des dépens,

- dit que Mme [F] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure engagés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11], représenté par son syndic, dans la présente instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les irrégularités invoquées par Mme [F] (abus de majorité du fait qu'une décision postérieure ne pouvant annuler une décision antérieure créatrice de droits et absence de prise en compte de sa demande d'ajout de précisions dans la résolution n° 17 et son inscription à l'ordre du jour) n'étaient pas de nature à justifier l'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires dans son intégralité mais uniquement de la résolution n° 17 litigieuse.

Pour prononcer la nullité de la résolution n° 17 adoptée par l'assemblée générale du 11 avril 2019, le premier juge a considéré que cette résolution était contraire à la résolution antérieure n° 18 adoptée le 3 septembre 2014, qui était créatrice de droits pour Mme [F] et qui avait été exécutée par le syndicat des copropriétaires suite au jugement du 9 juillet 2018, et que la résolution n° 18 devait recevoir application le 11 avril 2019 dès lors qu'elle n'avait pas été déclarée non écrite par un juge, de sorte que le syndicat des copropriétaires avait commis un abus de droit en faisant voter la résolution n° 17.

Pour déclarer non écrite la résolution n° 18 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 3 septembre 2014, le tribunal a retenu que cette résolution prise à l'unanimité des copropriétaires présents ou représentés consistait en une modification de la répartition des charges, ce qui supposait l'unanimité des copropriétaires présents, représentés ou absents conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi du 10 juillet 1965.

Le tribunal a également jugé que la résolution n° 18 était contraire aux dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi qu'au règlement de copropriété puisque les copropriétaires étaient tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs et que le fait que le lot n° 73 dispose d'un mode de chauffage propre ne le dispensait pas de payer sa quote-part de chauffage tel que prévu par l'état de répartition des charges.

Le tribunal a considéré que la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 devait recevoir application tant qu'elle n'avait pas été déclarée non écrite par le juge, de sorte que Mme [F] était redevable de sa quote-part de participation aux frais de chauffage collectif de la date d'acquisition de ses biens au 3 septembre 2014 (dans la limite de la prescription) et à compter du jugement.

Mme [F] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 1er avril 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 31 mai 2023, Mme [F] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de Mme [F] recevable et bien fondé,

- déclarer l'appel incident du syndicat mal fondé,

- le rejeter,

- déclarer irrecevable la demande nouvellement formée par le syndicat tendant à voir dire et juger réputée non écrite la délibération n°18 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] en date du 3 septembre 2014,

Faisant droit au seul appel principal,

- annuler le jugement entrepris en tant qu'il dit que la résolution n°18 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] situé [Adresse 2] à [Localité 9] du 3 septembre 2014, est réputée non écrite,

Subsidiairement, l'infirmer de ce chef,

- infirmer la décision entreprise s'agissant de la répartition des charges dont le premier juge indique qu'elle doit se faire sur la base du règlement non modifié,

Avant dire droit,

- ordonner une expertise judiciaire des installations de chauffage desservant le lot de Mme [F] après avoir pris connaissance des pièces des parties et de les avoir convoquées sur place,

- dire si ces installations peuvent être reliées au chauffage collectif et dans quelles conditions,

- dire si la coupure des installations du chauffage telle qu'elle a été opérée est irréversible,

Au besoin, faire toutes observations utiles sur l'état des installations collectives et la possibilité d'opérer un comptage individuel,

- déclarer la partie adverse irrecevable, subsidiairement mal fondée en l'ensemble de ses demandes

- l'en débouter

- confirmer le jugement entrepris en tant qu'il prononce la nullité de la résolution n° 17 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] situé [Adresse 2] à [Localité 9] du 11 avril 2019 et déboute le syndicat des copropriétaires de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que Mme [F] sera dispensée de toute participation aux dépenses communes des frais engagés par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic dans la présente procédure,

- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes,

- le condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'a une indemnité de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [F] fait valoir que le premier juge a déclaré non écrite la résolution n° 18 de l'assemblée générale du 3 septembre 2014 alors que cette demande n'avait pas été formulée par le syndicat des copropriétaires, de sorte que le jugement déféré doit être annulé, subsidiairement infirmé, pour non-respect du contradictoire.

L'appelante soutient que la demande formée par le syndicat à hauteur de cour tendant à voir dire et jugée réputée non écrite la délibération n° 18 adoptée par l'assemblée générale le 3 septembre 2014 n'a pas été formulée dans ses premières conclusions, de sorte que cette prétention doit être déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Mme [F] affirme également qu'il appartenait au syndicat des copropriétaires, en vertu du principe de concentration des moyens, de faire valoir tout moyen de droit dans le cadre de la procédure engagée devant le tribunal d'instance de Colmar, ayant abouti au jugement du 9 juillet 2018 rectifié le 24 janvier 2019, et qu'à défaut, ses demandes formulées à hauteur de cour tendant à la nullité ou au caractère non avenu de la résolution n° 18 sont irrecevables.

Sur le fond, l'appelante indique que la résolution n° 18 n'est pas contraire au principe d'utilité érigé par l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 puisque cette résolution était motivée par le fait que le local était doté d'une installation de chauffage autonome et par une impossibilité technique de procéder au raccordement et que par ailleurs, il n'existe aucun moyen de répartition des frais de chauffage en fonction des consommations. Elle ajoute que le syndicat cherche à remettre en cause une décision d'assemblée générale créatrice de droits et une décision de justice revêtue de l'autorité de chose jugée.

En ce qui concerne la résolution n° 17 de l'assemblée générale du 11 février 2019, Mme [F] expose qu'elle porte atteinte aux droits créés par la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 qui a été exécutée puisque le syndicat a produit les relevés expurgés des charges de chauffage en exécution du jugement rendu le 9 juillet 2018.

L'appelante explique qu'elle a fait réaliser une expertise privée confiée à M. [I] [B], expert inscrit sur la liste des experts judiciaires, dont il résulte que les travaux engagés par le journal l'Alsace ont détruit de façon irréversible l'installation de chauffage du local commercial de Mme [F] qui ne pouvait plus être chauffé par le chauffage collectif de la copropriété, ce qui explique la solution d'une installation de chauffage autonome pour le lot n° 73 et la suppression des charges de chauffages de ce lot en 2014. Elle ajoute que son lot n'étant plus desservi par une installation commune de chauffage, le syndicat n'est pas fondé à invoquer la contrariété de la résolution n° 18 avec l'article 39 du règlement de copropriété qui prévoit que les charges de chauffage seront acquittées par les copropriétaires des locaux desservis par l'installation commune.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 15 avril 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] demande à la cour de :

Sur l'appel principal,

- déclarer l'appel principal de l'appelante mal fondé,

- déclarer les demandes de l'appelante mal fondées, les rejeter,

- débouter l'appelante l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- juger le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] recevable et bien fondé en ses demandes,

- faire droit aux demandes, fins et prétentions du concluant,

Subsidiairement,

- dire et juger réputée non écrite la délibération n°18 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] en date du 3 septembre 2014,

Sur l'appel incident,

- déclarer l'appel incident recevable et bien fondé,

- faire droit aux demandes, fins et prétentions du concluant,

- juger l'appelante mal fondée et la débouter de ses entiers fins, moyens et conclusions,

Corrélativement,

- infirmer partiellement le jugement entrepris,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en tant qu'il prononce la nullité de la résolution n°17 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] situé [Adresse 2] à [Localité 9] du 11 avril 2019 et déboute le syndicat des copropriétaires de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que Mme [F] sera dispensée de toute participation aux dépenses communes des frais engagés par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic dans la présente procédure,

- dire et juger que ladite résolution n°17 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] est régulière,

- confirmer le jugement entrepris en tant qu'il dit que la résolution n°18 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] situé [Adresse 2] à [Localité 9] du 3 septembre 2014, est réputée non écrite,

- subsidiairement, juger que la résolution n°17 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] en date du 11 avril 2019 a valablement annulé, subsidiairement a réputé non écrite, la délibération n°18 illégale adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] en date du 3 septembre 2014,

- confirmer la décision entreprise s'agissant de la répartition des charges dont le premier juge a indiqué qu'elle doit se faire sur la base du règlement non modifié,

- infirmer le jugement entrepris en tant qu'il a dit que Mme [F] est redevable de sa quote-part de participation aux frais de chauffage collectif de la date d'acquisition de ses biens au 3 septembre 2014 (dans la limite de la prescription) et à compter de la présente décision,

- juger que Mme [F] est redevable depuis l'acquisition des lots n°73, 143 et 149 de la copropriété [Adresse 11] de sa quote-part de participation aux frais de chauffage collectif,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En tout état de cause,

- condamner l'appelante aux entiers frais et dépens de 1ère instance et d'appel et à verser au concluant une indemnité de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que le premier juge n'a pas statué ultra petita puisqu'il sollicitait dans ses dernières conclusions du 4 septembre 2020 que la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 soit déclarée non avenue.

L'intimé soutient que la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 doit être déclarée nulle ou réputée non écrite car elle ne respecte pas l'obligation impérative d'unanimité de tous les copropriétaires (présents ou absents) de l'article 11 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'elle est contraire à l'article 39 du règlement de copropriété qui prévoit que les charges de chauffage seront acquittées par les copropriétaires des locaux desservis par l'installation commune, ce qui est le cas du lot de Mme [F].

Le syndicat affirme que Mme [F] est redevable de sa quote-part de participation aux frais de chauffage collectif sur la base du règlement de copropriété non modifié et ce, depuis l'acquisition des lots n° 73, 143 et 149 de la copropriété [Adresse 11] et que la valeur probante du rapport d'expertise privé non contradictoire dont se prévaut l'appelante est nulle et sans incidence sur la solution du litige dans la mesure où la destruction du chauffage collectif dans le lot de Mme [F] est imputable à cette dernière ou à son vendeur, sans autorisation de la copropriété.

Le syndicat expose que la résolution n° 17 de l'assemblée générale du 11 avril 2019 constate que le syndic avait fait voter le 3 septembre 2014 une résolution n° 18 avec une majorité erronée et en prononce l'annulation, ce qui ne constitue pas un abus de majorité. Il ajoute que si le procès-verbal mentionne que la résolution a été adoptée à l'unanimité des copropriétaires présents ou représentés alors que Mme [F] a voté contre, il s'agit d'une simple erreur matérielle qui n'affecte pas la validité de l'assemblée générale.

Le syndicat indique qu'il a bien exécuté le jugement du 9 juillet 2018 en remettant à Mme [F] des décomptes rectifiés de charges et qu'il s'agit d'une question d'exécution du jugement qui ne relève pas de la compétence de la cour.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 3 octobre 2023.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 12 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d'annulation du jugement pour violation du principe du contradictoire :

Conformément à l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. La violation du principe de la contradiction par le juge est susceptible de constituer un motif d'annulation de la décision.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que les demandes et moyens de droit du syndicat des copropriétaires ont été soumis au débat contradictoire et qu'aucun moyen n'a été relevé d'office par le juge.

Le fait que le premier juge ait restitué une exacte qualification à la demande du syndicat des copropriétaires, comme exposé ci-après, ne constitue pas une atteinte au principe du contradictoire.

Au vu de ces éléments, aucune violation du principe du contradictoire n'est caractérisée, de sorte qu'il convient de rejeter la demande d'annulation du jugement.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande formée par le syndicat des copropriétaires tendant à voir dire et juger réputée non écrite la délibération n°18 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires le 3 septembre 2014 :

En application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre de nouvelles prétentions à la cour d'appel, excepté dans les limites prévues aux articles 564 et 567 dudit code.

Selon l'article 565 du même code, la prétention n'est pas nouvelle si elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge. Il est admis que la faculté de soumettre aux juges d'appel des demandes tendant aux mêmes fins que celles portées devant les premiers juges implique qu'une demande ait été formée devant ces derniers.

En l'espèce, il résulte des conclusions récapitulatives du syndicat des copropriétaires datées du 4 septembre 2020, auxquelles se réfère le jugement déféré, que l'intimé a formulé la demande suivante devant le premier juge : « Dire et juger l'exception de nullité de la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] recevable et bien fondée et déclarer ladite résolution nulle et non avenue à compter du 11 avril 2019 ».

A l'appui de sa demande, il a notamment soutenu que la résolution litigieuse a eu pour effet de modifier les modalités de répartition des charges de chauffage et qu'elle ne pouvait être adoptée qu'à l'unanimité des copropriétaires.

Le premier juge a considéré que la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 était réputée non-écrite sur le fondement des articles 10 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 au motif qu'elle modifiait irrégulièrement la répartition des charges.

Il en résulte que le juge n'a fait que restituer une exacte qualification à la demande du syndicat des copropriétaires au regard du moyen de droit qui lui était soumis et des textes applicables au litige.

Par conséquent, la demande formulée par le syndicat des copropriétaires à hauteur de cour n'est pas nouvelle.

En ce qui concerne l'irrecevabilité soulevée par Mme [F] sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, les premières conclusions notifiées par le syndicat des copropriétaires le 14 septembre 2022 contenait la demande suivante : « confirmer le jugement entrepris en tant qu'il dit que la résolution n°18 de l'Assemblée Générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] situé [Adresse 2] à [Localité 9] du 3 septembre 2014, est réputée non écrite ».

Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la demande formée par le syndicat n'a pas été formulée dans ses premières conclusions.

S'agissant du principe de concentration des moyens également invoqué par l'appelante, il résulte de l'article 1355 du code civil que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de formuler dans cette même instance toutes les prétentions fondées sur les mêmes faits.

Or, les prétentions présentées par les parties dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal d'instance de Colmar sont distinctes de celles présentées devant le tribunal judiciaire de Colmar, et n'ont ni le même objet, ni la même cause.

Il s'agissait, dans le cadre de la première instance, d'obtenir la remise de décomptes de charges extournés des frais de chauffage, tandis que la seconde instance vise à obtenir l'annulation de résolutions votées par l'assemblée générale des copropriétaires.

Dès lors, le principe de concentration des moyens invoqué est également inopérant.

Par conséquent, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Mme [F].

Sur la résolution n° 17 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] du 11 avril 2019 :

Il est constant que le caractère définitif d'une résolution adoptée en assemblée générale de copropriétaires n'a pas pour corollaire son irrévocabilité et que l'assemblée générale des copropriétaires, organe souverain de la copropriété, peut revenir sur une décision devenue définitive à défaut d'avoir été contestée dans le délai de deux mois, dès lors que cette décision n'a pas été exécutée et que son annulation ne porte pas atteinte aux droits acquis des copropriétaires ni à l'intérêt collectif de la copropriété.

En l'espèce, les copropriétaires ont adopté lors de l'assemblée générale du 3 septembre 2014 une résolution n° 18 autorisant l'individualisation du lot n° 73 de Mme [F] et sa dispense de participation aux charges de chauffage.

Cette décision est devenue définitive à défaut d'avoir été contestée dans le délai de deux mois prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Elle a également été exécutée à la suite d'un jugement rendu le 9 juillet 2018 par le tribunal d'instance de Colmar qui a condamné le syndicat des copropriétaires à remettre à Mme [F] les décomptes de charges extournés des frais de chauffage pour les années 2010 à 2017 dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement.

L'appelante justifie, par la production d'un courrier officiel de l'avocat du syndicat daté 16 octobre 2018, qu'un relevé a été établi aux termes duquel les frais de chauffage pour les années 2010 à 2016 ont été extournés à hauteur de 8 039,45 euros.

Il est donc incontestable que l'annulation, rétroactive, de la résolution n° 18 du 3 septembre 2014 par la résolution ultérieure n° 17 du 11 avril 2019, qui la considère comme nulle et non avenue, porte atteinte aux droits acquis de Mme [F]

Il résulte de ce qui précède que l'assemblée générale ne pouvait revenir sur une résolution antérieure exécutée ayant conféré des droits à Mme [F], de sorte que cette dernière est bien fondée à solliciter l'annulation de la résolution n° 18 de l'assemblée générale du 11 avril 2019.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé ladite résolution.

Sur la résolution n° 18 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] du 3 septembre 2014 :

L'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 répute non écrite toute clause contraire aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et aux dispositions du décret du 17 mars 1967 prises pour son application.

Selon l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

Le syndicat des copropriétaires peut agir en constatation du caractère non écrit de la clause de répartition des charges qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires invoque la contrariété de la résolution n° 18 adoptée lors de l'assemblée générale du 3 septembre 2014, qui autorise l'individualisation du lot n° 73 de Mme [F] et sa dispense de participation aux charges de chauffage, avec l'article 39 II du règlement de copropriété qui prévoit :

« les charges de chauffage seront acquittés par les copropriétaires des locaux desservis par l'installation commune, même s'il se chauffent par leurs propres moyens ou s'ils déclarent ne pas vouloir être chauffés, ou encore s'ils sont temporairement absents au cours d'une campagne de chauffe ».

Le syndicat des copropriétaires affirme que le lot de Mme [F] est desservi par une installation commune de chauffage, ce qu'elle conteste sur la base d'un avis de M. [I] [B], ingénieur expert, qui déclare, après une visite sur les lieux en date du 29 juin 2022, que les travaux engagés par le journal l'Alsace ont détruit de manière irréversible l'installation de chauffage du local commercial de Mme [F] qui ne peut plus être chauffé par le chauffage collectif de la copropriété.

Cette expertise privée non contradictoire n'est pas corroborée par d'autre élément de preuve, de sorte que la cour ne dispose pas d'élément suffisamment probant pour déterminer si les locaux sont effectivement desservis par l'installation commune de chauffage et caractériser « l'utilité objective », au sens de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, que le chauffage collectif présente à l'égard des lots de Mme [F].

Dans ces conditions, la cour s'estime insuffisamment informée par les pièces produites et ordonne avant dire-droit une expertise selon les modalités précisées au dispositif afin de déterminer si les installations de chauffage desservant les locaux de Mme [F] peuvent être reliées au chauffage collectif.

Dans l'attente du résultat de cette expertise, il sera sursis à statuer sur les demandes des parties concernant la résolution n° 18 de l'assemblée générale du 3 septembre 2014 et la répartition des charges qui en découle.

De même, les dépens seront réservés, ainsi que l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt avant-dire droit,

REJETTE la demande d'annulation du jugement déféré,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande formée par le syndicat des copropriétaires tendant à voir dire et juger réputée non écrite la délibération n°18 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires le 3 septembre 2014,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de la résolution n° 17 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] du 11 avril 2019,

SURSEOIT à statuer pour le surplus,

Avant dire-droit,

ORDONNE une mesure d'expertise,

COMMET pour y procéder M. [H] [M]

Adresse : [Adresse 4]

Portable : [XXXXXXXX01] Mèl : [Courriel 10]

avec faculté de s'adjoindre, en cas de besoin, tout spécialiste de son choix, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et avec mission de se faire communiquer, par les parties ou les tiers, tous documents utiles, de recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs nom, prénoms, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles, à l'effet de :

1 - prendre connaissance des conclusions et des pièces des parties,

2 - se rendre sur les lieux [Adresse 3] à [Localité 9],

3 - dire si les installations de chauffage desservant les locaux de Mme [L] [F] peuvent être reliées au chauffage collectif et dans quelles conditions,

4 - dire si la déconnexion du système de chauffage collectif est irréversible,

5 - s'expliquer techniquement, dans le cadre des chefs de mission ci-dessus, sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après leur avoir communiqué son avis définitif lors d'une dernière réunion ou par simple note,

DIT qu'il sera procédé aux opérations d'expertise en présence des parties ou celles-ci convoquées par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception, et leurs conseils avisés par lettres simples,

DIT que l'expert devra entendre les parties en leurs observations, ainsi que, le cas échéant, consigner leurs dires et y répondre dans son rapport,

DIT que l'expert devra déposer son rapport en 3 exemplaires au greffe dans le délai de 4 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé du versement de la consignation, date de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l'expert à cet effet,

DIT qu'en cas de refus de sa mission par l'expert, d'empêchement ou de retard injustifié, il sera pourvu d'office à son remplacement,

FIXE à 3 000 € (trois mille euros) le montant à valoir sur la rémunération de l'expert que Mme [L] [F] devra consigner sur la plate-forme numérique de la Caisse des dépôts et consignations accessible au lien suivant : www.consignations.fr, avant le 21 juillet 2024, sous peine de caducité de la désignation de l'expert,

DIT que Mme [L] [F] devra transmettre au greffe, dès sa réception, le récépissé de consignation,

DIT qu'à l'issue de la première réunion d'expertise, l'expert devra communiquer aux parties et au conseiller de la mise en état un état prévisionnel de ses frais et honoraires, et devra, en cas d'insuffisance de la provision consignée, demander la consignation d'une provision supplémentaire,

DIT qu'à l'issue de sa mission l'expert adressera aux parties sa demande de rémunération par lettre recommandée avec accusé de réception,

DIT que les parties pourront adresser à l'expert et à la juridiction leurs observations écrites sur la demande de rémunération dans un délai de quinze jours à compter de sa réception,

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 3 septembre 2024 pour vérification du paiement de l'avance sur les frais d'expertise,

RÉSERVE les dépens de première instance et d'appel et l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01351
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;22.01351 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award