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21/06/2024 | FRANCE | N°22/01310

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 21 juin 2024, 22/01310


MINUTE N° 249/2024















































Copie exécutoire

aux avocats



Le 21 juin 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 21 JUIN 2024







Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01310 -

N° Portalis DB

VW-V-B7G-HZX6



Décision déférée à la cour : 14 Décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse



APPELANTS :



Madame [F] [Z]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 2] (SUISSE)



Monsieur [Y] [Z]

demeurant Maison d'Accueil Spécialisé - [11] -

[Adresse 16] à [Localité 4]

représenté par sa tut...

MINUTE N° 249/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 21 juin 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01310 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZX6

Décision déférée à la cour : 14 Décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTS :

Madame [F] [Z]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 2] (SUISSE)

Monsieur [Y] [Z]

demeurant Maison d'Accueil Spécialisé - [11] -

[Adresse 16] à [Localité 4]

représenté par sa tutrice, Madame [A] [V] épouse [Z] demeurant [Adresse 8] à [Localité 5]

Monsieur [O] [Z]

demeurant [Adresse 12] à [Localité 9] (SUISSE)

représentés par la SELARL ARTHUS, Avocats à la cour.

INTIMÉE :

Madame [N] [Z] épouse [W]

demeurant [Adresse 7] à [Localité 6]

représentée par la SCP CAHN ET ASSOCIES, Avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [P] [T], épouse [Z] et son époux, M. [R] [Z], sont décédés respectivement le [Date décès 1] 2014 et le 2 janvier 2017, laissant pour leur succéder leurs deux enfants, Mme [N] [Z], épouse [W] et M. [I] [Z].

Ce dernier est lui-même décédé le [Date décès 10] 2017, laissant pour lui succéder ses trois enfants, M. [Y] [Z], représenté par sa mère, Mme [A] [V], épouse [Z] en qualité de tutrice, Mme [F] [Z], épouse [J] et M. [O] [Z], (ci-après les consorts [Z]).

Par ordonnance du 11 avril 2008, le tribunal d'instance de Mulhouse, sur requête des consorts [Z], a ouvert une procédure de partage judiciaire des successions d'[P] [T] et de [R] [Z], ainsi que de la communauté de biens ayant existé entre eux, et a désigné Maître [X] [E], notaire à [Localité 13], pour procéder aux opérations de partage.

Le 9 janvier 2020, Maître [E] a dressé un procès-verbal de difficultés, en suite duquel, par acte introductif d'instance du 6 juillet 2020, signifié le 18 juillet 2020 à Mme [N] [Z], épouse [W], les consorts [Z] ont saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse.

Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal a condamné Mme [N] [W] a rapporter à la succession une somme de 3 000 euros, et aux dépens, rejeté toutes les autres demandes des consorts [Z], la demande de dommages et intérêts de Mme [W] et les demandes réciproques sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [Z] ont interjeté appel de ce jugement le 29 mars 2023, en toutes ses dispositions à l'exception du rejet des demandes de Mme [W].

La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 février 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 février 2024, Mme [A] [V], épouse [Z] en qualité de tutrice de M. [Y] [Z], Mme [F] [Z] et M. [O] [Z] demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté leurs demandes principale et subsidiaire visant à voir condamner Mme [W] à leur verser la somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2011, subsidiairement à rapporter ladite somme à la succession de M. [R] [Z]

- rejeté leur demande principale visant à voir condamner Mme [W] à leur verser, la somme de 41 226 euros, outre intérêts légaux à compter du 15 novembre 2011 ;

- condamné Mme [W] à rapporter à la succession de M. [R] [Z], la somme de 3 000 euros.

- rejeté pour le surplus la demande subsidiaire de rapport à la succession,

- rejeté leur demande de dommages et intérêts,

- rejeté leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de,

- dire que la prime de 30 000 euros versée par M. [R] [Z] sur le contrat d'assurance vie PLAN ASSURVIE n°OY897867 est manifestement excessive au regard de ses revenus et de son patrimoine,

En conséquence,

- condamner Mme [W] à rapporter à la succession de M. [R] [Z] la somme de 30 000 euros, outre les intérêts et fruits perçus à compter du 15 novembre 2011,

- condamner Mme [W] à rapporter à la succession de M. [R] [Z] la somme de 43 351 euros,

- déclarer Mme [W] coupable de recel successoral,

En conséquence

- dire qu'elle ne pourra prétendre à aucune part sur les sommes de 30 000 euros et 43 351 euros qu'elle a sciemment recelées,

- condamner Mme [W] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi;

- condamner Mme [W] à leur payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement déféré pour le surplus,

- condamner Mme [W] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er décembre 2023, Mme [W] conclut au débouté des appelants, à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation solidaire des appelants aux entiers frais et dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1- Sur le contrat d'assurance-vie Plan assur vie

Le tribunal a rejeté la demande des consorts [Z], aux motifs qu'ils ne produisaient pas ledit contrat dont les conditions ne pouvaient être appréciées par le tribunal, et qu'ils ne démontraient pas en quoi l'abondement de ce contrat aurait été manifestement exagéré, soulignant qu'il avait été souscrit par [R] [Z] en 2011, alors qu'il était âgé de 87 ans, et abondé à hauteur de 30 000 euros au moyen de fonds provenant du dénouement d'un contrat d'assurance-vie qui avait été souscrit par un tiers à son profit, au titre duquel il avait perçu une somme de 43 844,39 euros.

Le tribunal a retenu que :

- le changement de clause bénéficiaire en 2013 était sans emport,

- en 2011, [R] [Z] disposait de ressources supérieures à ses charges qui incluaient les frais d'hébergement en Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de son épouse, et disposait mensuellement d'un reste à vivre de 800 euros,

- les consorts [Z] ne justifiaient pas de ce que ce contrat ne présentait aucune utilité pour lui, alors qu'il lui permettait de se ménager des fonds de secours en cas de difficultés de trésorerie, notamment lors de la survenue de sa propre dépendance.

Au soutien de leur appel, les consorts [Z] font valoir que :

- la prime de 30 000 euros versée par [R] [Z] sur le contrat d'assurance Vie Plan Assur vie était manifestement excessive et n'avait pour but que de porter atteinte à l'égalité entre les héritiers et ainsi de privilégier Mme [W], en portant atteinte à la réserve héréditaire,

-le contrat ne présentait, compte tenu de son âge, aucune utilité pour lui, autre que celle de faire sortir des fonds de la succession,

- à l'époque le couple [Z] disposait d'un revenu annuel global de 33 334 euros, ne possédait aucun bien immobilier, et devait faire face aux frais d'hébergement en Ehpad d'[P] [Z],

- [R] [Z] disposait d'un reste à vivre de 465,60 euros et non de 800 euros comme retenu par le tribunal, et pour toute épargne, possédait un Livret bleu d'un montant de 10 503,09 euros,

- la prime qui a été versée sur le contrat d'assurance vie [Adresse 14] représentait plus d'une année de revenus de [R] [Z] alors qu'il était âgé de 87 ans, et était donc manifestement excessive au regard des revenus et du patrimoine de celui-ci.

Mme [W] approuve les motifs du jugement et souligne que la prime versée provenait de la perception de fonds provenant d'un contrat d'assurance-vie souscrit au bénéfice de [R] [Z] par son amie, et soutient qu'il était libre d'en disposer. Elle estime le reste à vivre de son père à plus de 1 200 euros par mois. Elle indique que sa fille et elle étaient seules à rendre visite à [R] [Z], et insiste sur le fait que celui-ci avait conservé toutes ses facultés cognitives.

Sur ce :

Conformément à l'article L.132-13 du code des assurances, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Comme l'a exactement rappelé le tribunal dont la cour approuve les motifs, le caractère manifestement exagéré des primes versées doit s'apprécier au jour de leur versement en considération de l'âge, de l'état de santé, des revenus et du patrimoine du souscripteur, et de l'utilité que présentait le contrat pour lui.

En l'espèce, il est constant que les fonds versés par [R] [Z] sur ce contrat à hauteur de 30 000 euros ne provenaient pas de ses économies personnelles, mais du dénouement d'un contrat d'assurance-vie qui avait été souscrit à son profit par une tierce personne, de sorte que le versement de cette prime n'a pas conduit à un appauvrissement de son patrimoine personnel, ni à le priver d'une part importante des liquidités dont il disposait, comme le soutiennent les appelants, la comparaison qu'ils opèrent avec le montant du revenu annuel du couple [Z], soit 33 334 euros, étant inopérante dans ce contexte.

En outre, si [R] [Z] ne possédait certes aucun patrimoine immobilier, il disposait cependant, à la date de ce versement, le 15 novembre 2011, d'un revenu lui permettant de faire face à ses charges et aux lourdes dépenses liées à la dépendance de son épouse qui était accueillie en Ehpad, quand bien même 'le reste à vivre' dont il bénéficiait serait inférieur au montant de 800 euros retenu par le tribunal. Il possédait par ailleurs des économies, étant titulaire d'un Livret bleu présentant un solde créditeur de 10 530,09 euros au 3 janvier 2011, et de 10 611,74 euros au 2 janvier 2012, et le capital perçu dans le cadre du contrat d'assurance-vie dont il était le bénéficiaire, d'un montant de 43 844,39 euros, n'ayant au surplus pas été versé en totalité sur ce Plan assur vie.

Enfin, la cour fait sienne l'appréciation du premier juge selon laquelle, bien que [R] [Z] soit âgé de 87 ans au moment de la souscription, ce contrat n'était pas pour autant dénué d'utilité pour lui, dans la mesure où il lui permettait de se constituer une épargne rémunérée au cas où son état de santé se dégraderait, et où il se retrouverait dans une situation de dépendance générant des dépenses supplémentaires.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté la demande de ce chef.

2 - Sur les mouvements sur les comptes de [R] [Z] pour 41 226 euros

Le tribunal a relevé que les procurations bancaires invoquées n'étaient pas produites et a retenu que :

- s'agissant d'un virement bancaire de 6 000 euros fait au profit de M. [W] et du versement d'une somme de 15 000 euros à ce dernier, qu'il n'y avait pas lieu à rapport car il n'était pas dans la cause, et seul le 'mandant' devait rendre compte du bon usage du mandat,

- s'agissant du virement d'un montant de 3 000 euros le 1er juin 2012 au couple [W], qui équivalait à 3 fois le reste à vivre dont disposait le défunt, il ne pouvait correspondre à un présent d'usage et devait être rapporté à la succession ;

- s'agissant des chèques tirés sur le compte du défunt, qu'il n'était pas démontré qu'ils aient bénéficié à Mme [W].

Les consorts [Z] soutiennent que Mme [W] a appréhendé toutes ces sommes, son époux ayant convaincu [R] [Z] de lui donner procuration sur ses comptes. Ils répertorient tous les virements faits au profit de comptes ouverts au nom de M. [L] [W], notamment un montant de 15 000 euros alors que [R] [Z] était hospitalisé, ainsi que nombreux chèques inexpliqués lorsqu'il était en Ehpad. Ils reprochent à Mme [W] et à son époux, mariés sous le régime de la communauté universelle, d'avoir capté tous les avoirs de leur père et beau-père.

Ils soutiennent encore qu'il n'est pas justifié que les sommes de 6 000 et 3 000 euros seraient des cadeaux, lesquels au surplus seraient excessifs, ni que les chèques auraient servi à régler des factures de [R] [Z] ou lui auraient profité, les frais d'obsèques ayant été avancés par Mme [W] qui s'est fait rembourser.

Ils estiment que M. [W], qui était titulaire d'une procuration, doit rendre compte par le truchement de son épouse. Enfin, le fait que [I] [Z] ait fait des prélèvements sur le compte de sa mère en '2016" au moyen de la carte bancaire de celle-ci n'est pas démontré.

Mme [W] indique que jusqu'en juillet 2013, date de son admission en Ehpad, [R] [Z] gérait seul ses comptes, et que de 2013 à 2017, son mari, M. [L] [W], l'a assisté dans cette gestion, soulignant que [R] [Z], qui ne parlait plus à son fils, avait conservé toutes ses facultés cognitives et la mainmise sur ses comptes bancaires dont les relevés lui étaient adressés à l'Ehpad. Elle indique que les chèques émis l'ont été pour les besoins de son père ou à titre de remboursements de sommes avancées pour son compte ainsi qu'elle en justifie, soulignant que trois chèques ont été émis en 2016 au profit de [I] [Z] qui avait par ailleurs opéré des retraits sur le compte de leur mère sur lequel il disposait d'une procuration.

Elle explique le versement de la somme de 6 000 comme des cadeaux du défunt à ses petits-enfants et arrières-petits enfants, celui de 3 000 euros comme un cadeau, et conteste leur caractère excessif. Elle indique que le virement de la somme de 15 000 euros correspond à une donation faite par [R] [Z] à sa petite-fille qui était en instance de divorce.

Enfin, elle indique a avoir réglé les frais d'obsèques d'[P] [Z] pour un montant total de plus de 10 000 euros, qui lui a certes été remboursé, à l'exception toutefois du coût du monument funéraire.

Sur ce :

Il est établi par un courrier de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 15] et environs du 7 mars 2019, que M. [L] [W], époux de l'intimée, bénéficiait d'une procuration sur les comptes de son beau-père ouverts au sein de cet établissement, mise en place le 28 juillet 2011.

Il n'est par ailleurs pas contesté que jusqu'à son admission en Ehpad le 9 juillet 2013, [R] [Z] gérait seul ses comptes. Il est en outre établi par un certificat médical qu'il avait conservé ses capacités cognitives.

Comme l'a rappelé le tribunal, seul le mandataire étant tenu de rendre compte de l'exécution du mandat à son mandant, ou aux héritiers de celui-ci, Mme [W] ne peut être tenue de rendre compte des opérations effectuées par son mari au moyen de la procuration, fussent-ils mariés sous le régime de la communauté universelle.

En revanche, selon l'article 843, alinéa 1er du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

En vertu de ce texte, Mme [W] devra rapporter à la succession toutes les sommes qu'elle a reçues du défunt, à l'exception des présents d'usage, en ce compris les sommes versées sur un compte ouvert au nom de son époux, M. [L] [W], dès lors qu'au regard de leur régime matrimonial, elle a bénéficié de ces sommes qui sont entrées en communauté.

Toutefois, en application de l'article 847 du code civil, Mme [W] ne doit pas rapport des sommes reçues par sa fille.

A cet égard, si [R] [Z] a effectué, le 9 avril 2013, un virement de 15 000 euros sur un compte ouvert au nom de son gendre, M. [L] [W], il résulte toutefois d'un document dactylographié établi le 17 mars 2013, revêtu de la signature du défunt, qui n'est pas contestée, que cette somme était destinée à sa petite-fille, Mme [D] [W], épouse [B], ce que celle-ci confirme en indiquant que cette somme devait constituer une provision pour lui permettre de faire face aux frais de la procédure de divorce, ainsi qu'au remboursement de mensualités de prêts et à différentes dépenses, ajoutant que son grand-père souhaitait 'équilibrer' les dons entre ses petites-filles, Mme [F] [Z] ayant reçu en cadeau pour ses 18 ans une Citroën C3.

Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a considéré que Mme [W] ne devait pas rapport de cette somme.

Mme [W] qui demande la confirmation du jugement ne conteste donc pas devoir rapport de la somme de 3 000 euros ayant fait l'objet d'un virement sur le compte de son mari le 1er juin 2012.

S'agissant du virement de la somme de 6 000 euros effectué le 8 décembre 2011 sur le compte de M. [L] [W], l'intimée évoque des cadeaux de fin d'année aux petits-enfants et petits-enfants. Elle ne produit toutefois aucun élément de preuve confirmant cette allégation.

L'importance de ce montant au regard des revenus et charges supportés par [R] [Z], tels que rappelés par le tribunal, ne permet pas de le retenir comme constituant un cadeau d'usage, étant au surplus observé qu'il ne ressort pas des relevés de compte versés aux débats que le défunt aurait eu pour habitude de verser une telle somme à ses petits-enfants et arrières-petits-enfants à l'occasion des fêtes de fin d'année.

Il sera donc fait droit à la demande de rapport de cette somme, le jugement étant infirmé sur ce point.

Il en sera de même s'agissant du virement des sommes de 1 000 euros et 350 euros effectués le 1er septembre 2012 et le 18 février 2013 sur le compte de M. [L] [W], Mme [W] ne fournissant aucune explication à ce sujet, ni justificatif de ce qu'il s'agirait du remboursement de frais avancés pour le compte de son père.

En revanche, s'agissant du montant des chèques dont les bénéficiaires ne sont pas connus, ou retraits d'espèces effectués sur le compte de [R] [Z] de 2013 jusqu'à son décès, il n'est pas démontré que Mme [W], qui le conteste, en ait bénéficié. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, celle-ci n'étant pas tenue de rendre compte de l'exercice du mandat dont était investi son époux, le jugement doit être confirmé en tant qu'il a rejeté la demande à ce titre.

Mme [W] devra donc rapporter à la succession de son père la somme de 7 350 euros, en sus de celle de 3 000 euros retenue par le tribunal, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande subsidiaire de rapport pour le surplus.

3 - sur le recel successoral

Pour rejeter la demande, le tribunal a considéré que la preuve d'une intention de Mme [W] de dissimuler la modification de la clause bénéficiaire à son seul profit, ou d'une intention frauduleuse de sa part s'agissant de la perception de la somme de 3 000 euros, alors que son père gérait seul son patrimoine, n'était pas rapportée.

Les consorts [Z] soutiennent que le recel est constitué dans la mesure où Mme [W] et son époux ont organisé ensemble la captation de l'ensemble des avoirs de [R] [Z] au préjudice de [I] [Z]. Ainsi, Mme [W] a sciemment caché à son frère, puis aux enfants de celui-ci, les sommes dont elle avait été bénéficiaire, ces derniers ayant été contraints de solliciter la production de l'ensemble des relevés bancaires du défunt.

Mme [W] approuve quant à elle les motifs du jugement.

Sur ce :

La cour fait sienne l'appréciation du premier juge quant à l'absence de preuve d'une volonté de dissimulation par Mme [W] des sommes qu'elle avait reçues du défunt, alors que ces versements ressortent des relevés de compte qui ont été remis au notaire par son conseil, dès avant les premiers débats qui se sont tenus le 18 février 2019.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

4 - sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Les consorts [Z] demandent des dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par leur tante qui s'est appropriée les avoirs de [R] [Z].

Le tribunal a rejeté cette demande en considérant que le préjudice allégué n'était pas caractérisé.

La cour relève également que la preuve d'une appropriation par Mme [W] des avoirs de [R] [Z] n'est nullement rapportée, l'intimée étant seulement tenue au rapport de sommes qu'elle a reçues du défunt, et le recel successoral n'ayant pas été retenu. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

5- sur les dépens et frais exclus des dépens

En considération de la solution du litige, la demande des consorts [Z] étant rejetée pour une part importante, le jugement sera infirmé en tant qu'il a condamné Mme [W] aux dépens, et confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties supportera les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés, et les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile présentées en appel seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 14 décembre 2021, en ce qu'il a rejeté pour le surplus la demande subsidiaire en rapport à la succession, ainsi qu'en ce qu'il a condamné Mme [W] aux dépens ;

CONFIRME le jugement entrepris, dans les limites de l'appel, pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,

DIT que Mme [N] [Z], épouse [W] devra rapporter à la succession de [R] [Z] la somme de 7 350 euros (sept mille trois cent cinquante euros) ;

DEBOUTE Mme [A] [V], épouse [Z] en qualité de tutrice de M. [Y] [Z], Mme [F] [Z] et M. [O] [Z] du surplus de leur demande de rapport à la succession ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés ;

REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01310
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;22.01310 ?
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