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18/06/2024 | FRANCE | N°22/01614

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 18 juin 2024, 22/01614


MINUTE N° 24/515





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 18 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire géné

ral : 4 A N° RG 22/01614

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2IR



Décision déférée à la Cour : 10 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG



APPELANTE :



S.A.S. TEL AND COM

prise en la personne de son représentant légal ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté...

MINUTE N° 24/515

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01614

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2IR

Décision déférée à la Cour : 10 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. TEL AND COM

prise en la personne de son représentant légal ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [I] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Saïda BOUCHTI, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame [I]

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,

- signé par M. ROBIN, Président de chambre et Mme SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Tel and Com a embauché M. [I] [B] à compter du 2 mai 2011, en qualité d'employé de vente ; durant l'exécution du contrat de travail, elle a fait application de la convention collective nationale du commerce de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie. Le 18 mai 2015, l'administration a homologué un plan de sauvegarde de l'emploi proposé par la société Tel and Com ; le contrat de travail a pris fin le 5 août 2015, pour motif économique.

Cependant, par jugement du 14 octobre 2015, confirmé par arrêt du 11 février 2016, le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel ont annulé la décision homologuant le plan de sauvegarde de l'emploi ; par arrêt du 24 octobre 2018, le Conseil d'État a confirmé l'annulation de cette décision, au motif pris d'une erreur de l'administration qui, lors de l'appréciation des moyens mis en 'uvre, avait omis de prendre en compte la société mère du groupe auquel l'employeur appartient.

Le 16 décembre 2015, M. [I] [B] avait saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg en réclamant des rappels de salaire, en application de la convention collective nationale des télécommunications, des dommages et intérêts, en reprochant à la société Tel and Com de lui avoir proposé de manière déloyale plusieurs mutations géographiques à compter de la fin de l'année 2014, et la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la suite de l'annulation de la décision administrative approuvant le plan de sauvegarde de l'emploi

Par jugement du 10 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Strasbourg, après avoir dit que la convention collective applicable était celle des télécommunications, a condamné la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] la somme de 7 000,83 euros à titre de rappel de salaires pour les années 2013 à 2015, celle de 700 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés, celles de 174,32 et 17,43 euros à titre de complément d'indemnité de préavis, et celle de 365,84 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ; par ailleurs, il a alloué au salarié une indemnité de 14 206,66 euros en application de l'article L. 1235-16 du code du travail ; enfin, il lui a accordé une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, le conseil de prud'hommes a considéré que l'activité principale de l'employeur relevait de la distribution indépendante d'offres de différents opérateurs téléphoniques, essentiellement en sous-traitance de deux sociétés de téléphonie, alors que la vente de matériel ne constituait que le support, et que le salarié était donc fondé à réclamer le bénéfice des dispositions de la convention collective des télécommunications en ce qui concerne la classification et la fixation du salaire ; en revanche, il a rejeté une demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail dans le cadre de propositions de mutation faites au premier semestre de l'année 2015, en relevant que le salarié ne démontrait ni la mauvaise foi de l'employeur ni le préjudice qu'il aurait subi ; au titre du licenciement, il a tiré les conséquences légales de l'annulation de l'autorisation administrative après avoir relevé que la conformité à la constitution de l'article L. 1235-16 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, n'était pas sérieusement contestable, ni sa conformité aux engagements internationaux de la France, et que si la cause de l'annulation de l'autorisation résidait principalement dans une erreur de l'administration, l'employeur avait cependant participé à cette erreur.

Le 20 avril 2022, la société Tel and Com a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 3 avril 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 9 avril 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions déposées le 15 janvier 2024, la société Tel and Com demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il fait droit aux prétentions de M. [I] [B] et de débouter celui-ci de toutes ses demandes, en rejetant son appel incident concernant le rejet de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail comme pour résistance abusive ; à titre subsidiaire, elle sollicite la limitation à 9 450 euros de l'indemnité allouée au titre du licenciement ; enfin elle réclame une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Tel and Com expose qu'elle était une société du groupe Squadra et que son activité était la commercialisation « des offres de différents opérateurs en matière de services d'assurance, d'offres d'accès internet et de téléphonie, des mobiles et accessoires, dans des boutiques du même nom » ; à compter de l'année 2012, à la suite de l'arrivée d'un quatrième opérateur, la reconfiguration du marché et l'augmentation de l'intensité concurrentielle aurait fortement impacté les distributeurs indépendants, entraînant leur cessation d'activité.

La société Tel and Com conteste l'application de la convention collective nationale des télécommunications en soutenant que son activité principale était la commercialisation d'appareils de télécommunication ; elle conteste également tout comportement déloyal lors des propositions de mutation faites au salarié, ainsi que l'existence d'un préjudice pour celui-ci.

En ce qui concerne la rupture du contrat de travail, elle fait valoir que, compte tenu du motif d'annulation de la décision administrative, seul l'article L. 1235-16 du code du travail est susceptible de s'appliquer au litige ; elle critique l'existence d'une indemnisation forfaitaire, sans lien avec une éventuelle faute de l'employeur ni un préjudice du salarié, en soutenant qu'à défaut d'inconstitutionnalité ce texte est, à tout le moins, contraire à l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, à l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail sur le licenciement, au protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ainsi qu'à l'article 6§1 de cette convention.

Par conclusions déposées le 14 octobre 2022, M. [I] [B] demande à la cour, au titre d'un appel incident, de condamner la société Tel and Com à lui payer une indemnité de 49 440 euros par application de l'article L. 1235-16 du code du travail, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, celle de 15 263 euros à titre de rappel de salaire, celle de 1 526,30 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés, celles de 174,32 et 17,43 euros, à titre de complément d'indemnité de préavis, celle de 1 858,60 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, celle de 1 200 euros au titre d'une augmentation de salaire à compter du 1er janvier 2015, et celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; à titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement déféré ; en tout état de cause, il réclame une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [I] [B] reproche à la société Tel and Com d'être de mauvaise foi, de ne pas avoir rencontré les difficultés économiques qu'elle allègue et d'avoir élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi sans prendre en compte les moyens financiers de la société mère du groupe auquel elle appartient ; M. [I] [B] conteste l'absence de faute alléguée par la société Tel and Com et fait valoir que celle-ci pourrait, le cas échéant, obtenir une indemnisation de la part de l'État.

Au soutien de son appel incident, M. [I] [B] reproche à la société Tel and Com de lui avoir proposé des mutations géographiques abusives à une époque où elle s'apprêtait à le licencier pour motif économique et sollicite l'indemnisation d'un préjudice moral ; il sollicite une revalorisation de l'indemnité allouée en application de l'article L. 1235-16 du code du travail en invoquant l'absence de retour à un emploi stable. M. [I] [B] réaffirme que la convention collective applicable est celle des télécommunications et sollicite une revalorisation des rappels de salaire alloués en première instance. Pour caractériser la résistance abusive de l'employeur, il fait valoir que celui-ci cherche à échapper à ses responsabilités par tout moyen.

SUR QUOI

Sur le rappel de salaire

Conformément à l'article L. 2222-1 alinéa 1 du code du travail, les conventions et accords collectifs déterminent leur champ d'application territorial et professionnel ; le champ d'application professionnel est défini en termes d'activités économiques.

Le champ d'application de la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000, tel que défini par l'accord du 2 décembre 1998, concerne l'ensemble des salariés de droit privé des entreprises situées sur le territoire national ou les départements d'outre-mer dont l'activité principale est la mise à disposition de tiers de services de transmission d'information ou d'accès à l'information (voix, sons, images, données), par tout moyen électrique, radioélectrique, optique ou électromagnétique ; sont notamment comprises dans ce champ, au titre de leur activité principale, les sociétés de commercialisation de services de télécommunication ; en sont en revanche exclues les sociétés ayant pour activité principale la distribution d'équipements et de terminaux de télécommunication auprès du grand public.

Selon les explications de la société Tel and Com, celle-ci exerçait, à travers un réseau de 125 magasins présents sur le territoire français, le commerce des offres des différents opérateurs de téléphonie (offres d'accès à internet et téléphonie), outre la vente de téléphones mobiles et de leurs accessoires.

Le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, rédigé par ses soins et approuvé par l'administration, dont il résulte que la mission de société Tel and Com était de mettre, dans le cadre de relations de partenariat étroites, ses ressources et ses compétences au service d'opérateurs de téléphonie mobile dans un marché naissant afin d'aider ces derniers à acquérir de nouveaux abonnés, à fidéliser et à rentabiliser leur base d'abonnés, que la stratégie de partenariat et le positionnement de conseil de la société Tel and Com se sont révélés particulièrement pertinents et que le modèle était ainsi solidement établi sur des partenariats étroits avec les opérateurs fournisseurs de services et une image de conseil indépendant auprès des clients, démontre que la commercialisation de services de télécommunications était l'activité principale de cette société, sur laquelle avait été bâti son modèle économique.

En outre, la société Tel and Com précise que l'origine de ses difficultés économiques réside dans l'arrivée d'un quatrième opérateur de téléphonie en 2012 ainsi que la diffusion, initiée dès l'année 2011, d'offres de téléphonie par internet, outre l'arrivée de nouveaux acteurs « low cost » et d'opérateurs virtuels ; ces bouleversements auraient impacté le réseau de distribution indépendant, habitué à vendre, en magasins, des offres subventionnées dans le cadre du contrat de distribution qui le liait aux opérateurs ; par ricochet, cette situation aurait également impacté les relations entre les opérateurs et les distributeurs puisque les opérateurs se seraient désengagés de leurs relations commerciales avec les distributeurs indépendants ; elle invoque notamment un rapport de la commission affaires économiques de l'Assemblée nationale soulignant que « le modèle économique des distributeurs les rend fortement dépendant des opérateurs dans la mesure où les revenus qui proviennent des opérateurs représentent 60% à 70% de la marge brute » ; elle ajoute que, compte tenu de la brutalité de la remise en cause de ce secteur d'activité, et après avoir tenté de prolonger ses relations commerciales avec les opérateurs, elle n'a eu d'autre choix que de cesser l'activité de distribution en magasin, que suite à la perte du contrat avec Bouygues Telecom fin 2013 et compte tenu de la rupture avec la société Orange, consommée à l'été 2015 après une prolongation du préavis jusqu'au 30 juin de cette année, ses ventes ont baissé de 33% au cours de l'exercice 2013-2014 puis de 65% sur la période d'octobre 2014 à fin février 2015.

Ces explications sont corroborées par le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, rédigé par ses soins et homologué par l'administration, dont il ressort qu'à la fin du mois d'août 2015 la société Tel and Com n'exploitait plus aucun magasin, ceux-ci ayant été fermés en raison « du montant excessif des pertes que ces magasins auraient engendré sans la contribution des opérateurs » et qui précise, en se référant à un rapport d'expertise, du 13 novembre 2014, que la rupture des relations commerciales avec la société Bouygues Telecom devait causer la disparition de plus de 50% de la marge brute de la société ainsi que la destruction du modèle d'entreprise.

Les propres explications et pièces de la société Tel and Com démontrent ainsi que son activité principale était la commercialisation des services de télécommunications proposés par les opérateurs de téléphonie et que la vente de matériel de téléphonie était seulement l'accessoire de cette activité.

En conséquence le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que les salariés de la société Tel and Com étaient fondés à se prévaloir de la convention collective nationale des télécommunications.

Selon son contrat de travail, les avenants à celui-ci et les fiches de poste, M. [I] [B], embauché en qualité d'« employé de vente », avait été promu, à compter du 1er avril 2013, au poste d'adjoint au responsable de magasin consistant notamment, sous l'autorité directe du responsable de magasin, à animer une équipe de vente et à s'assurer de la bonne gestion administrative du point de vente ; ce poste imposait de maîtriser toutes les compétences d'un employé de vente et nécessitait deux années d'expérience pour maîtriser la fonction. Il s'agissait donc d'un emploi impliquant de l'organisation et de la coordination, voire de l'encadrement, à partir de directives constituant un cadre d'ensemble de l'activité et définissant l'objectif de travail ; il nécessitait une initiative significative dans le cadre de procédures définies selon des techniques éprouvées ; il impliquait des actions et des décisions dont les effets se constataient au niveau d'une équipe et comprenait notamment l'animation d'une équipe. Cet emploi était donc de ceux du groupe D défini par la convention collective et la circonstance que la convention collective inclut les postes de ce niveau dans la catégorie de cadre n'est pas de nature à priver le salarié du bénéfice de la rémunération minimum correspondant à son travail effectif.

Dès lors, M. [I] [B] est fondé à demander que sa rémunération ne soit pas inférieure au seuil 1bis de ce groupe,.

Le montant salarial minimum correspondant à ce seuil était défini annuellement par voie d'accords collectifs ; compte tenu de la durée de la relation de travail, s'étendant sur les années 2013 à 2015, le montant de la rémunération dont M. [I] [B] a été privé ne peut être calculé en fonction d'une moyenne mensuelle ainsi que l'a fait le conseil de prud'hommes mais doit prendre en compte le minimum applicable à chaque année civile durant laquelle il a travaillé pour le compte de la société Tel and Com, en tenant compte de la promotion accordée à compter d'avril 2013. Dès lors, compte tenu des minima définis pour les années 2013, 2014 et 2015 par les accords collectifs conclus au début de chacune de ces années, il convient de lui allouer les sommes qu'il réclame, lesquelles ne sont pas inférieures à celles auxquelles il peut légitimement prétendre.

Ainsi, la société Tel and Com sera condamnée à lui payer la somme de 15 263 euros à titre de rappel de salaire et celle de 1 526,30 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés.

M. [I] [B] est également fondé à solliciter un complément d'indemnité de licenciement consécutivement à la revalorisation du salaire de référence, et la société Tel and Com sera condamnée à lui payer la somme de 1 858,60 euros à ce titre.

Le contrat de travail a été rompu par l'effet de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle proposé par l'employeur ; de ce fait, le salarié se trouve privé du droit à l'indemnité compensatrice de préavis. En outre, l'annulation de la décision homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi est sans incidence sur le contrat de sécurisation professionnelle. Dès lors, M. [I] [B] est mal fondé à réclamer des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il lui a alloué les sommes de 174,32 euros et de 17,43 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et M. [I] [B] sera débouté de sa demande à ce titre.

Les sommes allouées à titre de rappel de salaire et de complément d'indemnité de licenciement seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2015, date de la demande en justice.

Nonobstant le contenu de ses écritures, le dispositif des conclusions de M. [I] [B] ne saisit la cour d'aucune demande d'astreinte. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

M. [I] [B] sollicite également une somme de 1 200 euros au titre d'une augmentation de salaire à compter du 1er janvier 2015. Cette demande ne repose cependant sur aucun motif de fait ou de droit. Il convient donc de confirmer le jugement qui l'en a débouté.

Sur la déloyauté dans l'exécution du contrat de travail

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, M. [I] [B] reproche à la société Tel and Com de lui avoir proposé des mutations géographiques abusives, en ce que l'employeur n'ignorait pas que le licenciement pour motif économique était inéluctable, et sans lui indiquer que des difficultés économiques étaient à l'origine de ces propositions, tout en soutenant également qu'il n'existait pas de réelles difficultés économiques dans l'entreprise.

Cependant, le fait de proposer une mutation géographique ne suffit pas à caractériser un abus, ni la réitération de telles propositions lorsque le salarié n'a pas accepté les premières mutations proposées ; M. [I] [B] ne produit aucun élément permettant de caractériser l'utilisation d'un procédé déloyal par l'employeur ou une intention malicieuse. Notamment, il ne démontre nullement que ce procédé avait pour but de « le pousser à la démission ».

Par ailleurs, il ne précise à aucun moment la nature du préjudice qu'il aurait subi du fait de ces propositions.

Il a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le licenciement

La recevabilité de la demande

M. [I] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'une action en contestation de la rupture du contrat de travail dans les douze mois de celle-ci ; son action n'est donc pas prescrite.

En outre, aucune action ne pouvant se prescrire avant le fait qui lui donne naissance, il ne peut être reproché à M. [I] [B] de ne pas avoir invoqué un moyen tiré de l'article L. 1235-16 du code du travail avant que les conditions de mise en 'uvre de cet article aient été réunies. La société Tel and Com fait donc valoir en vain que son salarié a invoqué cette disposition légale seulement après l'arrêt du Conseil d'État du 24 octobre 2018.

Le principe de l'indemnisation

Selon l'article L. 1235-16 du code du travail, l'annulation de la décision d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 1235-10 donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; à défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et qui est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

En l'espèce, la décision administrative homologuant le plan unilatéral de sauvegarde de l'emploi n'a pas été annulée en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 1233-61, ainsi que le prévoit l'article L. 1235-10, mais en raison d'une erreur de l'administration qui, lors de l'appréciation des moyens mis en 'uvre, avait omis de prendre en compte la société mère du groupe auquel l'employeur appartient.

Cependant les parties ne s'accordent pas sur la réintégration de M. [I] [B] dans l'entreprise, avec maintien des avantages acquis.

Pour s'opposer au paiement de l'indemnité prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 1235-16 du code du travail, la société Tel and Com fait valoir en premier lieu que, l'erreur commise par l'administration ne lui étant pas imputable, la sanction prévue par cette disposition légale contrevient aux règles les plus élémentaires de la responsabilité civile telles qu'elles sont reprises par l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 et à l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail.

Cependant, ces dispositions tendent exclusivement à assurer l'effectivité de la protection du travailleur en cas de licenciement en reconnaissant à celui-ci un droit à réparation dans le cas d'un licenciement sans motif valable ; en l'espèce, du fait de l'annulation de la décision homologuant la décision unilatérale de l'employeur, qui justifiait le licenciement des salariés, M. [I] [B] a été licencié sans motif valable ; la disposition critiquée par la société Tel and Com assure le respect du droit à indemnisation garanti par les textes internationaux qu'elle invoque, sans que ceux-ci exigent de caractériser une faute particulière de l'employeur. En aucun cas ces dispositions n'ont pour objet ou pour effet de protéger l'employeur contre l'action en indemnisation de ses salariés licenciés sans motif valable. La société Tel and Com est dès lors mal fondée à soutenir que l'indemnisation mise à sa charge en application de l'article L. 1235-16 du code du travail contrevient à ces conventions internationales

La société Tel and Com invoque en second lieu le protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.

Toutefois, l'obligation faite à l'employeur d'indemniser les salariés licenciés lorsque la décision qu'il a prise unilatéralement de mettre fin au contrat de travail était injustifiée et leur a causé un préjudice ne porte en elle-même aucune atteinte injustifiée à sa propriété ; il appartient, le cas échéant, à l'employeur qui estime qu'un tiers est à l'origine de cette situation de faire valoir ses droits à son encontre.

L'existence d'un minimum d'indemnisation, défini par la loi et connu de l'employeur à la date de mise en 'uvre du licenciement injustifié, qui tend non seulement à garantir une indemnisation minimum aux salariés licenciés mais poursuit également un but d'intérêt général de protection de l'emploi, ne constitue pas davantage une atteinte injustifiée à la propriété de l'employeur ; ce minimum, fixé à six mois de salaire n'a en outre aucun caractère excessif.

Enfin, la société Tel and Com est mal fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'accès à un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, alors qu'elle a été en mesure de s'expliquer devant le juge administratif sur la légalité de la décision administrative obtenue à son profit, qu'elle dispose également de la possibilité d'agir en responsabilité contre l'administration si elle estime que celle-ci lui a causé un préjudice, et qu'elle a pu se défendre contre les revendications de son salarié devant la juridiction du travail. Elle ne saurait, au titre du droit reconnu par l'article 6 1. de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, critiquer devant la juridiction du travail les décisions prises à son égard par le juge administratif à la seule fin de priver de son droit à indemnisation un salarié licencié de manière injustifiée.

Le montant de l'indemnisation

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice subi par M. [I] [B], le conseil de prud'hommes a relevé à juste titre que la relation de travail avait duré quatre années et demie, que le salarié était âgé de près de 30 ans à la date de la rupture et qu'il avait ensuite été privé d'emploi durant deux ans. M. [I] [B] ne produit aucun élément permettant d'évaluer son préjudice à une somme supérieure à celle allouée par le conseil de prud'hommes ; en effet, les pièces n°28 à 31 auxquelles il se réfère concernent uniquement l'indemnisation qu'il a reçue de Pôle emploi jusqu'au 9 août 2017 et, si la pièce n°32 démontre qu'il a de nouveau connu une période de chômage à compter du début de l'année 2019, rien ne démontre un lien avec son licenciement par la société Tel and Com.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il lui a alloué une indemnité de 14 206,66 euros. Il sera également confirmé en ce qu'il a assorti cette somme d'intérêts de retard au taux légal à compter de la date du jugement, qui est celle d'évaluation du préjudice subi.

Sur la résistance abusive

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, M. [I] [B] se contente de soutenir que la société Tel and Com cherche à échapper à ses responsabilités par tout moyen et que les différents recours visent simplement à retarder une décision de justice.

Cependant, l'exercice d'une voie de droit ne peut suffire à caractériser un abus.

M. [I] [B] a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts de ce chef en ce qui concerne les voies de droit exercées en première instance et la cour le déboutera également en ce qui concerne un éventuel abus dans l'exercice de l'appel.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Tel and Com, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a :

1) condamné la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] la somme de 7 000,83 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2013, 2014 et 2015,

2) condamné la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] la somme de 700 euros au titre des congés payés afférents,

3) condamné la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] la somme de 365,84 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement

4) condamné la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] les sommes de 174,32 et 17,43 euros à titre de complément d'indemnité de préavis ;

L'INFIRME de ces chefs ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Tel and Com à payer à M. [I] [B] la somme de 15 263 euros (quinze mille deux cent soixante trois euros) à titre de rappel de salaire, celle de 1 526,30 euros (mille cinq cent vingt six euros et trente centimes) à titre de complément d'indemnité de congés payés et celle de 1 858,60 euros (mille huit cent cinquante huit euros et soixante centimes) à titre de complément d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2016 ;

DÉBOUTE M. [I] [B] de ses demandes au titre d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

Ajoutant au jugement déféré,

DÉBOUTE M. [I] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un appel abusif ;

CONDAMNE la société Tel and Com aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [I] [B] une indemnité de 3 000 euros (trois mille euros), par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024, signé par M. Emmanuel Robin, Président de Chambre et Mme Sylvie Schirmann, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/01614
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.01614 ?
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