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14/06/2024 | FRANCE | N°21/03559

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 14 juin 2024, 21/03559


MINUTE N° 242/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 14 juin 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 14 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03559 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUVX



Décision déférée à la cour : 09 Juin 2021 par

le Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS :



Monsieur [H] [S]

Madame [D] [C]

demeurant ensemble [Adresse 6]



représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.



INTIMÉS :



Monsieur [U] [A]

Madame [X] [R] épouse [A]

demeurant...

MINUTE N° 242/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 14 juin 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03559 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUVX

Décision déférée à la cour : 09 Juin 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [H] [S]

Madame [D] [C]

demeurant ensemble [Adresse 6]

représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [U] [A]

Madame [X] [R] épouse [A]

demeurant ensemble [Adresse 1]

représentés par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

INTIMÉES ET APPELÉES EN GARANTIE :

La S.A.R.L. SY LOCA TP prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Dominique BERGMANN, avocat à la cour.

La S.A.S. ALSAMAISON prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 5]

représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et madame Nathalie HERY, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, conseiller,

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 17 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de construction de maison individuelle (CCMI) du 30 avril 2010, M. [H] [S] et Mme [D] [C] (les consorts [S]-[C]) ont confié à la SAS Alsamaison la construction avec fourniture de plan de leur maison sise [Adresse 6], cadastrée section [Cadastre 4], ledit contrat prévoyant que les travaux de terrassement étaient confiés à la SARL Sy Loca TP.

Le 13 août 2011, les travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception et de remise des clés sans réserve.

Les époux [U] [A] et [X] [R] sont propriétaires d'une parcelle contiguë, située [Adresse 1] cadastrée section [Cadastre 3], la propriété des consorts [S]-[C] surplombant la leur.

Se plaignant d'éboulements sur leur parcelle de terres provenant du fonds appartenant aux consorts [S]-[C], les époux [A]-[R], par courrier recommandé du 29 février 2016, ont mis en demeure leurs voisins d'accepter la construction d'un mur de soutènement moyennant le partage de son coût.

A défaut d'accord des consorts [S]-[C], les époux [A]-[R] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande d'expertise aux fins de déterminer la solution la plus adaptée au litige ainsi que le chiffrage des travaux nécessaires.

Par ordonnance du 25 janvier 2017, le juge des référés a fait droit à leur demande.

A la requête des consorts [S]-[C], le juge des référés, par ordonnances des 21 septembre 2017 et 15 février 2018 a étendu les opérations d'expertise respectivement à la société Alsamaison et à la société Sy Loca TP.

L'expert désigné, M. [Z] a déposé son rapport le 21 novembre 2018 aux termes duquel il a conclu que l'ouvrage à construire devait être d'environ 8 à 10 mètres et qu'un drainage adéquat devrait être disposé à l'arrière de cet ouvrage.

Le 24 janvier 2019, les époux [A]-[R] ont assigné les consorts [S]-[C] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de faire exécuter sous astreinte les travaux préconisés par l'expert, à savoir l'édification d'un mur de soutènement ou l'aménagement d'empierrement comportant en pied un système de drainage ainsi que le déblaiement des terres qui se sont déversées sur leur parcelle.

Les 6 et 9 décembre 2019, les consorts [S]-[C] ont assigné en garantie les sociétés Alsamaison et Sy Loca TP.

Le 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné la jonction des deux procédures.

Par jugement du 9 juin 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance, sous le bénéfice de l'exécution provisoire a :

sur la demande principale des époux [A]-[R],

- condamné in solidum M. [H] [S] et Mme [D] [C] :

* à faire réaliser, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement, les travaux préconisés par l'expert [Z] à savoir l'érection d'un mur de soutènement ou d'aménagement d'empierrement comportant en pied un système de drainage et d'en justifier,

* à verser à M. [U] [A] et Mme [X] [R] la somme de 1 408 euros en indemnisation de leur préjudice matériel,

* à verser M. [U] [A] et Mme [X] [R] la somme de 2 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral ;

- rejeté la demande reconventionnelle des consorts [S]-[C] ;

- rejeté les appels en garantie des sociétés Alsamaison et Sy Loca TP ;

- sur le surplus, condamné in solidum M. [H] [S] et Mme [D] [C] :

*aux dépens comprenant ceux des procédures 17/00500, 17/00072 et 18/00077 dont le coût de l'expertise [Z],

* à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 600 euros aux époux [A]-[R] , celle de 2 400 euros à la société Alsamaison et celle de 2 000 euros à la société Sy Loca TP.

Le tribunal a indiqué que, selon l'expert, les deux voisins avaient tous deux effectué des remblais sur leurs terrains principalement au fond des parcelles, en violation des prescriptions de leurs permis de construire respectifs mais dans une moindre mesure pour les époux [A]-[R] (80 cm) et considérablement pour les consorts [S]-[C] (3m70).

Il a ensuite précisé que le fonds des consorts [S]-[C], à l'inverse des autres limites, ne « contenait » pas de dispositif de soutènement en frontière avec le fonds des époux [A]-[R] et que le remblai du fonds des consorts [S]-[C] avait été soutenu provisoirement par un remblai du fonds des époux [A]-[R] lequel, par la suite, avait été déblayé, sans que l'expert ne retienne d'action fautive imputable aux époux [A]-[R], dès lors que ce remblaiement était contraire au permis de construire qui leur avait été accordé.

Il a souligné que la situation d'éboulement des terres sur le fonds des époux [A]-[R] était reconnue et a exclu toute faute de ces derniers dans la réalisation du dommage dès lors que le retrait du remblai provisoire s'imposait à eux pour se conformer à leur permis de construire.

Il a retenu que l'anormalité du trouble était caractérisée par le choix des consorts [S]-[C] de surélever leur terrain dans des proportions considérables (exhaussement de 3,70m) sans avoir érigé au préalable un mur de soutènement afin de retenir leur terre, de sorte que cette situation justifiait l'action des époux [A]-[R] dirigée à leur encontre et la fondait.

Après avoir constaté que les consorts [S]-[C] ne justifiaient pas de la conformité des travaux entrepris (mur de 7 m de long ne disposant pas d'un système de drainage) à ceux préconisés par l'expert judiciaire, ni que la facture acquittée de la société A&B Terrassement soit l'exécution conforme nécessaire, notamment par inclusion d'un système de drainage, il a fait droit à la demande formulée par les époux [A]-[R] d'obtenir la condamnation des consorts [S]-[C] à faire réaliser sous astreinte, les travaux préconisés par l'expert judiciaire, à savoir l'érection d'un mur de soutènement de 8 à 10 m de long ou l'aménagement d'un empierrement comportant en système de drainage adéquat.

Il a alloué la somme de 1 408 euros aux époux [A]-[R] en réparation de leur préjudice matériel après avoir fixé le début des nuisances subies par eux au 29 février 2016 correspondant à leur courrier, aucun élément ne permettant de faire remonter le trouble à 2015.

S'agissant des appels en garanties formés par les consorts [S]-[C], le tribunal a relevé l'absence de fondement juridique à l'appui de ces demandes, en l'absence de référence à un texte quelconque ou d'exposé relativement à ce qui est reproché à la société Alsamaison et à la société Sy Loca TP, conduisant à leurs rejets.

Les consorts [S]-[C] ont interjeté appel de ce jugement par voie électronique le 27 juillet 2021 intimant toutes les parties, aux fins d'annulation, de réformation voire d'infirmation du jugement entrepris.

L'instruction a été clôturée le 5 septembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 21 août 2023, les consorts [S]-[C] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et biens fondés en leur appel ;

- infirmer le jugement du 9 juin 2021en ce que :

sur la demande principale des époux [A]-[R]

il les a condamnés in solidum à faire réaliser sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement, les travaux préconisés par l'expert [Z], à savoir l'érection d'un mur de soutènement ou d'aménagement d'empierrement comportant en pied un système de drainage non justifié,

il les a condamnés in solidum à verser aux époux [A]-[R] la somme de 1 408 euros en indemnisation du préjudice matériel,

il les a condamnés in solidum à verser aux époux [A]-[R] la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice moral ;

sur les appel en garantie contre les sociétés Alsamaison et Sy Loca TP

les a rejetés ;

les a condamnés in solidum aux dépens comprenant ceux des procédures en référé 17/00050, 17/00072 et 18/00077 dont le coût de l'expertise [Z] ;

les a condamnés in solidum à verser au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

* la somme de 3 600 euros aux époux [A]-[R],

* la somme de 2 400 euros à la SAS Alsamaison,

* la somme de 2 000 euros à la SARL Sy Loca TP ;

statuant à nouveau :

- dire n'y avoir lieu à leur condamnation à réaliser des travaux sous astreinte ;

avant dire droit :

- ordonner le retour du dossier à l'expert pour examiner la qualité des travaux réalisés et se prononcer sur les éventuels travaux complémentaires nécessaires s'il y a lieu, en chiffrer le coût en tenant compte de la configuration actuelle du terrain des époux [A]-[R], au besoin inviter l'expert à préciser s'il est possible au regard de cette configuration, sans dommage pour les travaux réalisés par les consorts [A]-[R] d'intégrer le drainage,

dire que l'expert devra examiner le mur en enrochement situé à l'arrière du terrain côté champs et vérifier sa conformité aux règles de l'art et sa stabilité, préconiser les éventuels travaux de réfection, au besoin, chiffrer le coût des travaux de réfection complémentaires et préciser si un éventuel surcoût résulte de la configuration actuelle du terrain des époux [A]-[R],

inviter l'expert à se prononcer sur la responsabilité de la société Alsamaison et de la société Sy Loca TP en décrivant les travaux réalisés en se prononçant sur l'altimétrie du terrain avant réalisation des bâtiments une fois la réalisation du gros 'uvre réalisée et après intervention de la société Sy Loca TP, dire si les travaux ont été réalisés conformément aux règles de l'art, faire toutes observations utiles quant aux responsabilités et qui pourraient éclairer la Cour quant à la solution du litige ;

sur appel en garantie :

- condamner la SARL Sy Loca TP et la SAS Alsamaison in solidum à les garantir de toute condamnation pouvant intervenir en principal, frais, intérêts et accessoires, y compris à les garantir du coût des travaux de réalisation du mur de soutènement avec drainage et toute sujétion qu'ils sont amenés à supporter aux fins de faire cesser le trouble anormal de voisinage ;

- condamner la SARL Sy Loca TP et la SAS Alsamaison in solidum à les garantir des dommages et intérêts de toute nature qu'ils seraient amenés à verser aux époux [A]-[R] ainsi que des frais et dépens, intérêts et accessoires et article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Sy Loca TP à supporter le coût de réfection du mur d'enrochement situé à l'arrière de la parcelle côté champs,

- réserver le chiffrage du préjudice au regard des conclusions expertales et de tout devis qui pourra être recueilli ;

- débouter les autres parties de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

- Si la Cour devait confirmer leur condamnation sous astreinte à réaliser les travaux concernant le mur de soutènement tel que préconisé par l'expert judiciaire, dire et juger que l'astreinte, s'agissant des éventuels travaux non encore réalisés à la date du jugement débutera passé un délai de trois mois suivants la signification de l'arrêt à intervenir ;

- débouter les parties adverses de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

- condamner la SARL Sy Loca TP et la SARL Alsamaison in solidum aux entiers frais et dépens des procédures en référé 17/00050, 17/00072 et 18/00077 et frais d'expertises, les frais et dépens d'instance et d'appel ;

- condamner les mêmes in solidum à une indemnité de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à leur profit.

Les consorts [S]-[C] font valoir que l'article 1244 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer puisqu'il vise la responsabilité du propriétaire d'un bâtiment en ruine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Ils soutiennent que le déversement des terres sur le fonds des époux [A]-[R] est lié à la suppression du remblai de 80 cm sans qu'ils aient été prévenus, ce qui les a empêchés de prendre toutes mesures de précaution pour éviter la réalisation du dommage alors même qu'ils n'étaient pas opposés à la réalisation d'un mur de soutènement.

Ils considèrent donc que ce retrait par les époux [A]-[R] est fautif et engage leur responsabilité sur le fondement de l'article 1241du code civil et constitue, pour le moins, une cause d'exonération partielle de leur responsabilité.

Faisant état de ce que les préjudices matériel et moral des époux [A]-[R] sont consécutifs à la suppression de ce remblai de 80 cm, ils sollicitent l'infirmation du jugement quant aux dommages et intérêts alloués à ces derniers et subsidiairement, la réduction de leur montant.

Ils indiquent verser aux débats différentes photographies prises, notamment, en cours de chantier démontrant que le niveau du terrain n'a aucunement été remblayé par eux-mêmes mais par le constructeur tel qu'en atteste par écrit le père de M. [S] qui déclare que le niveau de terrain n'a pas été modifié après réception du chantier en 2011 et que les travaux de remblaiement avaient été réalisés par le constructeur.

Ils ne contestent pas le fait qu'ils doivent répondre eux-mêmes du trouble anormal de voisinage subi par leurs voisins mais soutiennent qu'ils n'ont jamais été informés de la nécessité d'édifier un mur de soutènement à la limite séparative de leur fonds et de celui appartenant aux époux [A]-[R] par les sociétés Alsamaison et Sy Loca TP, celle-ci ayant été sollicitée pour évacuer l'ensemble des terres entreposées à l'arrière de leur parcelle et correspondant aux déblais de construction.

Ils font valoir que les travaux ne peuvent être exécutés exactement dans les conditions préconisées par l'expert judiciaire en raison de la configuration du mur en enrochement réalisé à l'arrière de leur terrain par la société Sy Loca TP, comme le confirme l'attestation écrite établie par M. [J] [N], gérant de la société A&B Terrassement lequel déclare que les travaux du mur de soutènement de devant séparant les deux fonds voisins litigieux ont été réalisés au mois d'août 2020 par une préparation du terrain avec la pose des éléments en L qui n'ont pu être réalisés sur toute la longueur en raison de cet enrochement.

Ils ajoutent qu'ils ont eu recours à une expertise privée qui a révélé que la réalisation des travaux demandés est subordonnée à la nécessité de réaliser d'autres travaux importants tels que le démantèlement du mur d'enrochement, manifestement érigé de manière non conforme aux règles de l'art par la société Sy Loca TP puisque l'expert mandaté dans le cadre de cette expertise a noté que les roches étaient posées de façon aléatoire et en équilibre instable.

Ils prétendent qu'ils n'ont jamais été en possession du devis daté de 2015 produit en première instance par la société Sy Loca TP et demandent qu'il soit tenu compte de la configuration actuelle du terrain des époux [A]-[R] lesquels ont remblayé leur terrain en s'appuyant sur le mur de soutènement qu'ils ont réalisé.

Les consorts [S]-[C] s'estiment bien fondés à former un appel en garantie contre le constructeur sur le terrain contractuel en raison de son manquement à son devoir de conseil à leur égard et de la violation de ses obligations contractuelles liées, d'une part, à la construction et, d'autre part, aux conditions de rédaction du CCMI.

Ils prétendent qu'il ressort des constatations expertales que l'implantation de leur maison n'est pas conforme au permis de construire et que le remblaiement de 3,70m relevé par l'expert, existait en cours de chantier comme en atteste les photographies versées aux débats, alors qu'ils n'ont effectué aucun apport de terre.

Ils soulignent que l'expert n'a pas procédé à un relevé altimétrique des parcelles litigieuses au motif que les parties l'en auraient dispensé et que, de ce fait, l'expert n'a pas répondu au chef de sa mission consistant à comparer l'altimétrie actuelle des fonds litigieux contigus avec l'altimétrie lors de la mise en lotissement et au regard des prévisions des permis de construire accordés à chacun. Ils font valoir que la recherche par l'expert de l'altimétrie lors de la mise en lotissement au regard des prévisions du permis de construire aurait permis d'appréhender sur des bases chiffrées les responsabilités respectives des intervenants dans l'opération de construire. Selon eux, l'ensemble du terrain présente une altimétrie supérieure à celle du permis de construire imputable au constructeur, de sorte que la responsabilité du constructeur de la maison doit être engagée.

Ensuite, ils exposent qu'eu égard à la configuration des terrains que le constructeur ne pouvait ignorer, il incombait à ce dernier de prévoir dans le cadre du CCMI la prestation visant à la réalisation du mur de soutènement, dès lors que tous les travaux d'adaptation du sol doivent être prévus audit contrat d'après l'article L.231-2 du code de la construction et de l'habitation et que l'absence de la mention de ces travaux par le constructeur est constitutive d'une faute, de sorte que le coût de ce mur de soutènement préconisé par l'expert judiciaire doit être supporté par le constructeur.

Ils sollicitent au besoin le retour du dossier à l'expert pour que soit vérifiée l'implantation en termes d'altimétrie des bâtiments au moment de la réalisation du lotissement.

Ils invoquent également les dispositions de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation au soutien de leurs prétentions dirigées contre le constructeur.

Ils indiquent que la notice descriptive que cite la société Alsamaison dans ses conclusions prévoyait que : « les terres seront remblayées sommairement autour de la construction. Fouilles en excavation sur l'emprise de la construction. Stockage des terres sur le terrains » et que cette société a fait réaliser un remblaiement sommaire et un nivellement des terres autour de la maison, la société Sy Loca TP s'étant vue sous-traiter le poste excavation des fondations et du vide sanitaire et ayant affirmé que le remblai en fond de parcelle s'est effectué au fil des excavations de la maison pour la construction du sous-sol et du vide sanitaire de la maison. Ils ajoutent que les photographies produites démontrent que l'ensemble de la construction était entouré de terre résultant précisément des déblais.

En outre, ils ajoutent que le mur d'enrochement réalisé par la société Sy Loca TP, suivant facture en date du 19 avril 2011, soit avant la réception de leur maison, a été édifié pour retenir ces terres.

Ils précisent que le mur de soutènement réalisé au niveau de la limite séparant leur fonds de celui des consorts [M] avait pour finalité de sécuriser leur terrain suite au déblaiement important entrepris par ces derniers pour créer un accès à la cave et non, comme le prétendent les sociétés Sy Loca TP et Alsamaison, de la conscience qu'ils avaient de la nécessité de réaliser un mur de soutènement entre fonds voisins.

Ils contestent que les travaux de construction de la piscine sur leur propriété puissent être à l'origine du désordre puisqu'ils ont été réalisés en 2015 et en 2016 suite à l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable en date de 2015 produit aux débats.

S'agissant de l'appel en garantie dirigé contre la société Sy Loca TP sur le fondement contractuel, ils soutiennent qu'en sa qualité de professionnel de la construction intervenu à de nombreuses reprises sur leur terrain, notamment pour effectuer les travaux de terrassement et d'aménagement, celle-ci a manqué à son devoir de conseil et à son obligation de résultat en s'abstenant de les aviser de la nécessité de réaliser un mur de soutènement au regard de la configuration en pente de leur terrain.

Ils ajoutent que si la société Sy Loca TP soutient qu'il est impossible que les travaux qu'elle a réalisés aient pu provoquer un afflux de terre dans la mesure où la terre a toujours été évacuée chez M. [V] [E] lequel en atteste, cela ne l'exonère pas de son devoir de conseil et d'obligation de résultat.

Par ailleurs, ils affirment que rien ne permet d'établir que les terres évacuées chez M. [E] provenaient bien de leur propriété et que l'absence d'un apport de terre de leur part après la construction de leur maison est également démontrée par la pose du Delta MS et de l'enduit bitumeux sur toute la périphérie de la maison.

En outre, ils font valoir que la société Sy Loca TP engage aussi sa responsabilité contractuelle pour avoir réalisé des travaux non conformes aux règles de l'art s'agissant du mur en rocher et doit être condamnée au titre de la réfection des travaux de ce mur, dès lors que l'expertise privée leur a permis d'avoir connaissance des malfaçons l'affectant. Partant, ils estiment que l'évolution du litige est bien avérée et que leur demande avant dire droit de retour du dossier à l'expert pour examiner le mur d'enrochement, au besoin, de préconiser les éventuels travaux de réfection et chiffrer le coût de ces travaux, présente bien un lien avec la présente instance et les demandes en garanties qu'ils ont formulées en première instance puisqu'il résulte de l'expertise privée qu'il est vain de réaliser des travaux sur toute la longueur de la propriété des époux [A]-[R], dès lors que ces travaux se heurtent au mur.

De plus, ils indiquent que l'expert privé a aussi révélé qu'aucune attestation d'assurance décennale ne leur a été remise, laquelle est pourtant requise pour ce type d'ouvrage d'où la nécessité qu'une expertise contradictoire puisse être organisée s'agissant des travaux à réaliser.

Ils somment la partie adverse de justifier de l'existence d'un contrat d'assurance en cours couvrant les désordres affectant le mur d'enrochement et d'actionner son assureur au regard des manifestes désordres affectant les travaux qu'elle a réalisés.

En réponse aux prétentions des époux [A]-[R] selon lesquelles leur demande de renvoi du dossier à l'expert est nouvelle, ils soutiennent que cette demande résulte de l'évolution du litige, et qu'elle est recevable au visa des dispositions des articles 564 et 566 du code de procédure civile. Ils entendent rappeler que leur déclaration d'appel vise leur condamnation à faire réaliser, sous peine d'astreinte, les travaux préconisés par l'expert judiciaire.

Ils reconnaissent que l'expert privé et l'expert judiciaire préconisent la réalisation du drainage mais soutiennent qu'ils sont confrontés à des difficultés techniques pour y parvenir lesquelles sont imputables aux conditions de réalisation des travaux par les sociétés Sy Loca TP et A&B Terrassement, cette dernière n'ayant pas réalisé le drainage conformément aux règles de l'art. Ils estiment que, dans ces circonstances, leur condamnation à réaliser les travaux sous peine d'astreinte n'est pas justifiée.

Ils précisent que leurs appels en garantie dirigés tant contre la société Alsamaison que la Sy Loca TP peuvent être fondés sur l'action récursoire dont ils disposent sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage. Subsidiairement, ils indiquent que leurs appels en garantie contre les mêmes sont fondés sur la responsabilité civile de droit commun.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 30 janvier 2023, les époux [A]-[R] demandent à la cour de :

- dire l'appel mal fondé ;

- débouter les consorts [S]-[C] de l'ensemble de leur fins, moyens et prétentions ainsi que toute demande nouvelle en appel ;

en conséquence :

- confirmer le jugement entrepris ;

y ajoutant :

- condamner solidairement ou in solidum les consorts [S]-[C] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [A]-[R] font valoir qu'il résulte des échanges épistolaires entre les parties que les consorts [S]-[C] se sont résolus à édifier un mur dans des conditions douteuses au bout de cinq années, de sorte que ces derniers ne peuvent prétendre que le fait qu'ils aient retiré, sans les avoir prévenus, le remblai de 80 cm contraire au permis de construire serait à l'origine de l'éboulement de terres, alors même qu'ils n'établissent aucun lien de causalité entre ces deux éléments et que rien ne démontre que la nécessité de la construction d'un mur de soutènement résulterait d'une faute qui leur soit imputable.

Ils ajoutent que l'expert n'a pas conclu à un partage de responsabilité et approuvent la solution du premier juge qui a retenu que la situation d'éboulement des terres sur leur fonds est imputable aux consorts [S]-[C] et les a condamnés, de ce fait, à ériger un mur de retenue de leur terre.

Ils exposent qu'il est de jurisprudence constante que les propriétaires d'une parcelle sont responsables sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1er du code civil (anciennement article 1384, alinéa 1er) des dommages provoqués aux fonds voisins par l'éboulement de leur terre, de sorte que les consorts [S]-[C] dont le terrain surplombe leur parcelle, sont seuls tenus de retenir leur terre.

Ils ajoutent que les consorts [S]-[C] ne font toujours pas preuve à hauteur d'appel de la conformité de leurs travaux aux prescriptions techniques et de chiffrages retenus par l'expert judiciaire.

Ils soutiennent que la demande de renvoi du dossier à l'expert formée par les consorts [S]-[C], et fondée sur d'éventuels désordres qui affecteraient un mur d'enrochement érigé sous leur responsabilité il y a plusieurs années, constitue une demande nouvelle à hauteur d'appel laquelle est infondée puisqu'elle ne présente aucun lien avec le présent litige (opposant les deux fonds voisins), de sorte que cette demande est irrecevable.

Ils précisent que le mur d'enrochement n'est pas mitoyen avec leur fonds et soutient d'autres terres des consorts [S]-[C]. De plus, ils indiquent que ce mur d'enrochement n'est pas mis en cause par l'expert judiciaire et le fait qu'ils se délite en limite de la propriété des consorts [M] n'a aucun effet sur le présent litige, le terrain de ces derniers n'étant, de plus, pas contigu à leur propriété mais éloigné de plusieurs dizaines de mètres. En outre, ils allèguent qu'il ressort des pièces du dossier, que les consorts [S]-[C] n'ont en réalité pas exécuté de drain au pied du mur de soutènement de leur terre, ouvrage indispensable selon M. [Z]. Ils soulignent que la réalisation d'un drain tel que préconisé par l'expert n'est pas impossible et l'affirmation des consorts [S]-[C] que l'exécution d'un tel drainage serait difficile, ne justifie pas un renvoi du dossier à l'expert.

Contrairement aux allégations des appelants, les préjudices invoqués ne sont pas consécutifs à une suppression fautive du remblai de 80 cm, de sorte que les montants alloués par le premier juge en réparation de leurs préjudices sont justifiés.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 24 avril 2023, la société Alsamaison demande à la cour, de :

- déclarer l'appel principal irrecevable et en tout cas mal fondé ;

en conséquence :

- rejeter l'appel ;

- confirmer jugement entrepris en ce qu'il :

* rejette l'appel en garantie dirigé à son encontre,

* condamne les consorts [S]-[C] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter les consorts [S]-[C] de toutes leurs fins, moyens et prétentions ;

- condamner les consorts [S]-[C] aux entiers frais et dépens d'appel ;

- condamner les consorts [S]-[C] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société Alsamaison fait valoir qu'elle n'a pas réalisé les travaux à l'origine des désordres subis par les époux [A]-[R] et que sa responsabilité ne peut donc être retenue à ce titre. Elle expose qu'en effet, il résulte, tant de la lecture de la notice descriptive du 30 avril 2010, que des plans de projet signés par les maîtres de l'ouvrage et du plan de masse, qu'elle n'était pas en charge de l'aménagement paysager des terres et de l'extérieur, ni même de l'évacuation des terres et encore moins de la réalisation d'un mur de soutènement dans la mesure où les consorts [S]-[C] s'étaient réservés ces travaux. Elle conteste ainsi les termes de l'attestation établie par M. [B] [S].

Elle fait valoir que la nécessité d'implanter un mur de soutènement n'est pas liée à une différence d'altimétrie entre les deux parcelles contiguës qui lui serait imputable et qui plus est, n'a jamais été révélée par l'expert judiciaire, mais est due, selon ce dernier au remblaiement effectué par les maîtres de l'ouvrage sur une hauteur de 3,50m sans mur de soutènement, afin de créer une plateforme horizontale en partant de la façade nord de leur maison, plateforme qui supporte une terrasse et reçoit une piscine.

Elle expose en outre que les maîtres de l'ouvrage ne démontrent aucune relation de cause directe entre les troubles subis par leur voisin, les époux [A]-[R], et la mission qui lui a été confiée ; partant sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage.

Elle précise que, contrairement à ce que soutiennent les consorts [S]-[C], ce n'est pas l'altimétrie de la parcelle qui n'est pas conforme au permis de construire mais le remblaiement qu'ils ont fait réaliser en vue de créer cette plateforme horizontale puisque selon l'expert judiciaire cet aménagement induit évidemment un dénivelé entre les terrains protagonistes qui est maximal en fond de parcelle. Elle conclut ainsi que l'éboulement des terres sur le fonds des époux [A]-[R] trouve uniquement son origine dans l'aménagement paysagé des lieux réalisé par les consorts [S]-[C] ; aucune responsabilité ne saurait donc lui être imputée pour une quelconque erreur d'altimétrie. Elle estime qu'à hauteur d'appel la demande en garantie dirigée à son encontre par les consorts [S]-[C] n'est pas davantage fondée. Elle ajoute que les dispositions des articles L.231-2 et L.231-6 invoqués par ces derniers sont insusceptibles de fonder sa responsabilité, puisqu'ils sont étrangers à l'objet du présent litige.

Elle souligne la mauvaise foi de M. [S] qui au cours des opérations d'expertise a insinué qu'elle avait sous-traité les travaux d'aménagement à la société Sy Loca TP laquelle a réalisé le remblaiement puis a finalement reconnu, au cours de la deuxième réunion d'expertise, qu'il s'était lui-même rapproché de celle-ci pour lui confier les travaux d'aménagements extérieurs de sa propriété. Elle affirme qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les désordres consistent en un éboulement de terres de remblai provenant des aménagements instables et illicites des consorts [S]-[C]. Elle soutient que le rapport d'expertise judiciaire permet aussi d'établir que les désordres proviennent de l'absence d'un mur de soutènement des terres ayant servi à l'aménagement extérieur de la propriété des appelants par la création d'une terrasse et piscine en 2015, soit postérieurement au procès-verbal de réception et de remise des clés de la construction qui lui a été confiée.

Par ailleurs, elle précise que, contrairement à ce qu'avancent les consorts [S]-[C], le rapport d'expertise judiciaire ne mentionne pas que l'implantation de leur maison n'est pas conforme au permis de construire, seule la non-conformité au permis de construire du remblaiement effectué par chacun des voisins étant constatée par l'expert judiciaire. Elle soutient qu'elle est étrangère à la relation contractuelle unissant les appelants à la société Sy Loca TP qui s'est vue confier les travaux d'aménagement extérieurs et de nivellement, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée à ce titre.

Elle prétend que les consorts [S]-[C] ne sont pas fondés à lui reprocher un manquement à son obligation de conseil, au motif qu'elle n'aurait pas prévu la construction d'un mur de soutènement destiné à retenir les terres de remblai. Elle entend rappeler qu'elle n'était pas en charge de l'aménagement extérieur et n'avait pas connaissance du projet de remblaiement en vue de l'implantation d'une piscine. Elle précise par ailleurs que l'article 1231 du code civil invoqué par les consorts [S]-[C] est insusceptible de servir de fondement juridique pour engager sa responsabilité, puisque que ce texte dispose que « A moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 24 avril 2023, la société Sy Loca TP demande à la cour de :

- rejeter l'appel principal ;

- considérer les demandes des consorts [S]-[C] à son égard comme irrecevables ou, à tout le moins mal fondées ;

- confirmer jugement entrepris en ce qu'il :

* rejette l'appel en garantie dirigé à son encontre ;

* condamne in solidum M. [S] et Mme [C] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [S] et Mme [C] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sy loca TP fait valoir qu'elle a exécuté les ouvrages demandés par les maîtres de l'ouvrage en se basant uniquement sur les plans d'exécution confiés et sur l'altimétrie naturelle du terrain puisque le permis de construire n'a pas été mis à sa disposition. Elle soutient qu'en tout état de cause, elle a été mandatée pour des travaux ne nécessitant pas de permis de construire et qu'en tant qu'exécutante des travaux, elle n'est pas dépositaire du permis de construire.

Elle soutient que lorsqu'elle est intervenue sur le terrain des consorts [S]-[C] en 2011, le terrain jouxtant celui-ci était vierge de toute habitation et aucun éboulement n'avait été déploré s'agissant des premiers ouvrages qu'elle avait réalisés, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris en considération des éboulements qui n'avaient pas cours. Elle précise que lorsqu'elle est intervenue en 2011 pour procéder aux excavations pour la construction des fondations et du sous-sol de la maison des consorts [S]-[C], le remblai en fond de terrains de ces derniers s'est effectué au fil des excavations sans apport de terres supplémentaires et que le surplus de terres a été évacué courant mars 2011 chez M. [E] comme en atteste ce dernier par écrit le 13 avril 2018. Elle précise que les travaux qu'elle a réalisés par la suite sur la parcelle des consorts [S]-[C] ont consisté en la construction d'un mur linéaire de dix mètres ainsi que d'un radier renforcé de leur piscine, travaux exécutés en l'absence d'éboulement. Elle ajoute que l'expert le confirme en p.17 de son rapport. Partant, elle soutient que le déversement de terres sur le fonds des époux [A]-[R] n'est pas imputable aux travaux qu'elle a effectués dans les règles de l'art.

Elle ajoute que l'expert n'a relevé aucune malfaçon dans les travaux qu'elle a régulièrement effectués.

Elle prétend qu'elle a respecté son obligation de conseil en informant dès 2011 les consorts [S]-[C] que leur terrain étant en escalier, des murs de soutènement entre chaque parcelle devaient être érigés afin de maintenir leur terre en surplomb. Elle allègue que le respect de son obligation de conseil est démontré par le devis qu'elle a établi le 16 août 2015 quant à la construction d'un mur de soutènement afin de faire cesser l'éboulement que subissait les époux [A]-[R] sur le fonds en 2015, devis que les consorts [S]-[C] ont refusé de signer.

Elle souligne que la demande de renvoi du dossier à l'expert vise ni plus ni moins l'entièreté des travaux effectués sur le terrain des consorts [S]-[C] depuis 2011. A l'instar de cette demande, elle fait valoir que la demande de ces derniers visant à la voir condamner à des travaux de réfection des prétendues malfaçons qui affecteraient le mur d'enrochement qu'elle a réalisé à l'arrière de leur parcelle, ne peut être rattachée à l'instance en cours et ne constitue ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément des demandes soumises au premier juge ; partant, elle soutient que ces demandes doivent être déclarées irrecevables au motif qu'elles constituent des demande nouvelles.

Subsidiairement, elle soutient que le rapport d'expertise privée non contradictoire diligentée par les consorts [S] ne prouve pas que le mur d'enrochement n'a pas été réalisé dans les règles de l'art et ne peut suffire non plus à prouver l'existence des malfaçons invoquées par les consorts [S]-[C], dès lors qu'il repose sur une analyse visuelle. Elle conclut que sa responsabilité contractuelle ne saurait non plus être engagée pour un quelconque défaut de conformité aux règles de l'art dans l'exécution de ce mur.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

La société Alsamaison ne développant aucun moyen à l'appui de sa demande d'irrecevabilité de l'appel des consorts [S]-[C] et en l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, il y a lieu de déclarer cet appel recevable.

Sur la recevabilité des demandes des consorts [S]-[C] tendant à voir ordonner le retour du dossier à l'expert et condamner la société Sy loca TP à supporter le coût de réfection du mur d'enrochement situé à l'arrière de leur parcelle côté champs

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

- L'instance initiale ayant été portée devant le tribunal de grande instance de Strasbourg par assignation des époux [A]-[R] du 24 janvier 2019 à l'encontre des consorts [S]-[C], la demande de complément d'expertise s'analyse comme une demande reconventionnelle laquelle, ayant un lien suffisant avec les demandes originaires, est recevable à hauteur d'appel tel que le prévoit l'article 567 du même code.

Il y a donc lieu de déclarer la demande de complément d'expertise recevable

- Le mur d'enrochement dont l'existence est évoquée par les appelants ayant été réalisé avant l'expertise judiciaire, ces derniers en connaissaient déjà la configuration.

Aux termes de son rapport, l'expert judiciaire avait indiqué que l'aménagement de l'ouvrage de soutènement et le déblaiement des terres effondrées pouvaient aller de pair, l'ouvrage pouvant consister en l'érection d'un mur de soutènement ou l'aménagement d'un empierrement et devant être capable de soutenir les aménagements illicites effectués par les consorts [S]-[C], sa longueur devant être d'environ huit à dix mètres.

Au cours des opérations d'expertise, les consorts [S]-[C] n'ont pas fait état de ce que le mur d'enrochement réalisé par la société Sy Loca TP ne rendait pas envisageable la solution préconisée par l'expert, étant souligné qu'ils avaient eux-mêmes produit un devis de l'entreprise A&B Terrassement qu'ils ne reproduisent pas à hauteur d'appel mais que l'expert analyse consistant en la fourniture et la mise en 'uvre d'un mur de soutènement constitué d'éléments préfabriqués en « L », l'expert ayant relevé qu'il fallait en plus prévoir un système de drainage.

L'expert n'a pas relevé que cette solution était à écarter du fait de l'existence du mur d'enrochement que les consorts [S]-[C] évoquent aujourd'hui.

Ces derniers ont d'ailleurs fait le choix, après l'expertise, de recourir à cette société pour faire procéder aux travaux préconisés par l'expert, laquelle a établi une facture le 4 septembre 2019 qui fait apparaître que la longueur de l'ouvrage mesure sept mètres et non au moins huit mètres comme préconisé par l'expert.

Les consorts [S]-[C] produisent un rapport d'expertise privée établi le 30 mai 2022 par M. [Y] [W], expert en bâtiment, lequel fait état de l'existence de désordres importants sur la mise en 'uvre du mur d'enrochement réalisé par la société Sy Loca TP selon devis du 27 février 2011 ; il n'y est pas fait mention du mur de soutènement préconisé par l'expert ni de son ineffectivité au regard des solutions retenues par ce dernier ; il n'y est pas fait de lien entre le mètre manquant du mur réalisé par la société A&B Terrassement et le mur d'enrochement évoqué.

Ils ne justifient donc pas de ce que le mur tel que préconisé par l'expert judiciaire était impossible à mettre en oeuvre, du fait de l'existence du mur d'enrochement réalisé par la société Sy Loca TP

Considération prise de ce que la demande des consorts [S]-[C] tendant à voir condamner la société Sy loca TP à supporter le coût de réfection du mur d'enrochement situé à l'arrière de leur parcelle est nouvelle et ne résulte pas de la révélation d'un fait nouveau, il y a lieu de la déclarer irrecevable.

Sur le fond

Sur la réalisation de travaux

Au regard de la pertinence de la motivation du jugement entrepris, il y a lieu de le confirmer étant souligné, d'une part, qu'aucune faute des époux [A]-[R] susceptible d'exonérer, même partiellement les consorts [S]-[C] de la responsabilité pesant sur eux en application de l'article 1384, alinéa 1er devenu 1242, alinéa 1er du code civil n'est caractérisée, et, d'autre part, que ces derniers admettent qu'ils n'ont pas procédé à la réalisation des travaux dans les conditions exactes préconisées par l'expert, le complément d'expertise sollicité devant être rejeté, dès lors que le mur d'enrochement évoqué par ces derniers existait à la date de l'expertise, les consorts [S]-[C] n'en ayant pas fait état, pas plus que l'expert comme faisant obstacle à la solution qu'il a préconisée.

Sur les préjudices et leur indemnisation

Ainsi que l'a exactement retenu le premier juge, aucune faute ne peut être reprochée aux époux [A]-[R] par le retrait provisoire du remblai de 80 centimètres, l'éboulement des terres sur leur fonds résultant du seul choix des consorts [S]-[C] de procéder un exhaussement de leur terrain dans des proportions importantes sans ériger un mur de soutènement à la limite séparative de leur fonds avec celui des époux [A]-[R].

C'est en vain qu'ils opposent un obstacle technique tiré de l'absence de conformité de l'enrochement réalisé par la société Sy Loca TP aux règles de l'art laquelle n'est pas établie, et une absence de conformité des travaux entrepris par la société A&B Terrassement dans la réalisation des travaux tels que préconisés par l'expert judiciaire laquelle n'est pas justifiée.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les appels en garantie dirigés contre les sociétés Alsamaison et Sy Loca TP

Sur l'appel en garantie dirigé contre la société Alsamaison

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle

L'expert judiciaire a indiqué que la problématique à résoudre était celle de la stabilisation des terres constituant le plateau réalisé sur une longueur de huit mètres à compter de l'extrémité nord de la limite commune.

Il ressort clairement du rapport d'expertise en page 17 que l'éboulement subi par les époux [A]-[R] sur leur fonds trouve son origine dans le déblaiement non fautif du remblai de 80 centimètres situé sur leur fonds lequel soutenait le remblai de 3m70 érigé au fond de la parcelle des consorts [S]-[C] sans qu'ait été prévu un mur de soutènement.

A cet égard, l'expert a procédé à la comparaison des plans issus du permis de construire accordés aux appelants aux réalisations effectives démontrant que les consorts [S]-[C] avaient sensiblement rehaussé leur terrain en fond de parcelle dans le cadre de l'aménagement paysagé qu'ils ont entrepris et consistant à créer une plateforme horizontale destinée à accueillir une terrasse et une piscine, en partant de la façade nord de leur maison, de sorte que cet aménagement induisait évidemment un dénivelé entre les terrains protagonistes lequel s'avère maximal en fond de parcelle.

L'expert a ensuite constaté que, sur la limite séparative commune, les terres des aménagements non conformes de chaque fonds se soutenaient mutuellement sur les deux premiers tiers ce qui n'était plus le cas sur le dernier tiers où les terres du fonds appartenant aux consorts [S]-[C] se déversaient sur celui des époux [A]-[R].

Estimant avoir suffisamment d'éléments sur la situation suite aux deux précédentes réunions d'expertise et être en possession des permis de construire respectifs et d'un plan topographique de juillet 2008, avec l'accord des parties, l'expert a décidé de se dispenser de réaliser un relevé altimétrique, de sorte que les consorts [S]-[C] sont malvenus d'en tirer argument.

De surcroît, il apparaît que la nécessité d'implanter un mur de soutènement ne résulte pas d'une erreur d'altimétrie entre les parcelles contiguës imputable au constructeur mais du remblaiement que les consorts [S]-[C] ont effectué sur leur terrain dans le cadre de leur aménagement paysagé dont la société Alsamaison n'avait pas la charge, la notice descriptive des travaux du contrat liant cette dernière aux appelants et les plans de projets signés par les parties établissant que les travaux d'aménagement paysager n'ont pas été sous-traités par le constructeur à la société Sy Loca TP, de sorte qu'aucun manquement de la société Alsamaison à son obligation contractuelle ne peut lui être reproché.

De plus, s'il est mentionné en page 10 de la notice descriptive que la société Alsamaison a la charge du remblaiement sommaire des terres autour de la construction, les fouilles en excavation sur l'emprise de la construction et le stockage des terres sur le terrain, les photographies versées aux débats par les appelants ne démontrent en rien que cette société a fait réaliser, en cours de chantier, un remblaiement autour de leur maison avec les terres stockées.

Dans ces conditions, la société Alsamaison n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil, et ce, même au regard des dispositions de l'article L.231-2 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que le contrat de construction a expressément prévu qu'elle n'avait pas la charge de la réalisation de l'aménagement paysager extérieur de la propriété des appelants.

Aucun manquement de la société Alsamaison à ses obligations contractuelles n'est donc établi par les maîtres de l'ouvrage.

Sur le fondement du trouble anormal du voisinage

En l'absence de la démonstration d'un lien direct entre les nuisances subies par les époux [A]-[R] avec les missions confiées à la société Alsamaison, les consorts [S]-[C] sont déboutés de leur action récursoire sur le fondement de la théorie du trouble anormal du voisinage.

*

Dès lors, les appelants sont déboutés de leur action en garantie dirigée contre la société Alsamaison tant sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle que sur le fondement du trouble anormal de voisinage, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l'appel en garantie dirigé contre la société Sy Loca TP

Les appelants invoquent le non-respect par la société Sy Loca TP de son devoir de conseil et de son obligation de résultat, au motif qu'ils n'ont pas été avisés, au regard de la configuration de leur terrain et du dénivelé à l'égard du terrain des époux [A]-[R], de la nécessité d'implanter un mur de soutènement pour retenir la terre.

S'agissant du non-respect de son devoir de conseil, la société Sy Loca TP a réalisé les travaux d'aménagements extérieurs que les consorts [S]-[C] n'avaient pas intégrés dans le cadre du CCMI.

Elle soutient que lorsque les travaux correspondant à la facture du 27 mars 2011 ont été entrepris, elle a prévenu les consorts [S]-[C] de ce que ce genre de terrain en escalier devait comporter des murs de soutènement entre chaque parcelle afin de maintenir les terres en surplomb et que ces derniers ont ignoré cette information, ce qu'elle ne démontre cependant pas.

Elle admet ainsi la nécessité de la réalisation d'un mur de soutènement, et il ne peut être reproché aux consorts [S]-[C], non professionnels de la construction, de ne pas avoir eux-mêmes pensé à cet impératif, peu importe qu'un mur ait été construit entre leur fonds et un fonds voisin par la société Sy Loca TP pour des nécessités qui sont autres.

La société Sy Loca TP a donc procédé à l'aménagement du terrain des consorts [S]-[C] sans y prévoir la construction d'un mur de soutènement indispensable à la stabilité du terrain au vu de sa configuration.

Elle indique avoir soumis aux consorts [S]-[C] qui ont refusé de le signer un devis pour pallier à cette absence de mur de soutènement ; elle précise, cependant, que ce devis a été établi alors que les éboulements avaient déjà eu lieu, sa proposition étant tardive même si elle a été faite avant la procédure en cours.

Considérant que la société Sy Loca TP a manqué à son obligation de conseil et a commis une faute contractuelle, il y a lieu de faire droit à l'appel en garantie sollicité.

La société Sy Loca TP est donc condamnée à garantir les consorts [S]-[C] de leur condamnation à l'égard des époux [A]-[R] en principal, frais, accessoires et dépens, y compris le coût des travaux de réalisation du mur de soutènement avec drainage.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais de procédure non compris dans les dépens

Le jugement entrepris est confirmé sur les dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a condamné in solidum les consorts [S]-[C] à payer à la société Sy Loca TP la somme de 2 000 euros à ce titre laquelle est déboutée de sa demande en paiement des consorts [S]-[C] d'une indemnité par application du même article.

A hauteur d'appel, les consorts [S]-[C] sont condamnés in solidum aux entiers dépens. Ils sont déboutés de leur demande d'indemnité formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Alsamaison et sont condamnés, sur ce même fondement, à payer aux époux [A]-[R] la somme totale de 3 000 euros et à la société Alsamaison celle de 2 500 euros.

La société Sy Loca TP est déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer aux consorts [S]-[C] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe :

DECLARE l'appel recevable ;

DECLARE recevable la demande de complément d'expertise

DECLARE irrecevable la demande de M. [H] [S] et Mme [D] [C] tendant à la condamnation de la SARL Sy Loca TP à supporter le coût de réfection du mur d'enrochement situé à l'arrière de leur parcelle côté champs ;

INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 9 juin 2021 en ce qu'il a :

- rejeté l'appel en garantie dirigé contre la SARL Sy Loca TP ;

- condamné in solidum M. [H] [S] et Mme [D] [C] à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à la SARL Sy Loca TP ;

CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 9 juin 2021 ;

Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

REJETTE la demande de complément d'expertise ;

CONDAMNE la SARL Sy Loca TP à garantir M. [H] [S] et Mme [D] [C] de toute condamnation à l'égard de M. [U] [A] et de Mme [X] [R] en principal, frais, accessoires et dépens, y compris le coût des travaux de réalisation du mur de soutènement avec drainage ;

CONDAMNE in solidum Mme [D] [C] et M. [H] [S] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- à M. [U] [A] et Mme [X] [R] la somme totale de 3 000 (trois mille) euros,

- à la SAS Alsamaison la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros ;

CONDAMNE la SARL Sy Loca TP à payer à M. [H] [S] et Mme [D] [C] la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [H] [S] et Mme [D] [C] de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel formulée à l'encontre de la SAS Alsamaison ;

CONDAMNE in solidum M. [H] [S] et Mme [D] [C] aux entiers dépens de l'appel.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03559
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;21.03559 ?
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