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11/06/2024 | FRANCE | N°23/02259

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 11 juin 2024, 23/02259


MINUTE N° 24/415



















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 11 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 4

A N° RG 23/02259

N° Portalis DBVW-V-B7H-IC5I



Décision déférée à la Cour : 09 Mai 2023 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANTE :



S.A.S. GROUPEMENT AMBULANCIER DU GRAND EST

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 337 611

[Adresse 2]

[Localité 4...

MINUTE N° 24/415

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 11 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 23/02259

N° Portalis DBVW-V-B7H-IC5I

Décision déférée à la Cour : 09 Mai 2023 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S. GROUPEMENT AMBULANCIER DU GRAND EST

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 337 611

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie BETTINGER, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIME :

Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Salli YILDIZ, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROBIN, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,

- signé par M. ROBIN, Président de chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Groupement ambulancier du grand est (la société Gagest) a embauché M. [S] [G] en qualité d'auxiliaire ambulancier à compter du 4 mars 2019 ; le salarié occupait en dernier lieu le poste d'ambulancier 2ème degré ; l'employeur l'a licencié par lettre du 19 mai 2021 en lui reprochant un comportement inadapté lors de la prise en charge d'une patiente le 17 avril 2021.

M. [S] [G] a contesté ce licenciement.

Par jugement du 9 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Mulhouse, après avoir dit que le licenciement de M. [S] [G] était sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société Gagest à lui payer la somme de 9 618 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; le conseil de prud'hommes a débouté M. [S] [G] de sa demande au titre d'un préjudice moral.

Pour l'essentiel, le conseil de prud'hommes a considéré que l'existence d'une mésentente entre M. [S] [G] et son binôme le 17 avril 2021 était démontrée mais qu'il ne disposait pas de suffisamment d'éléments permettant de l'éclairer sur la responsabilité du premier, lequel n'avait pas la qualité de soignant.

Le 12 juin 2023, la société Gagest a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de ce chef et d'une indemnité de procédure.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 décembre 2023, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 5 avril 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions déposées le 13 juillet 2023, la société Gagest demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré, de débouter M. [S] [G] de toutes ses demandes et de le condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Gagest expose que M. [S] [G] avait la responsabilité de la prise en charge de la patiente et que l'autre salarié était placé sous son autorité ; elle reproche à M. [S] [G] d'avoir manqué à ses obligations professionnelles d'ambulancier diplômé d'État à plusieurs reprises lors d'une même intervention et d'avoir, par son comportement, rendu nécessaire l'intervention d'une autre équipe d'ambulanciers accompagnée de gendarmes. À titre subsidiaire, la société Gagest conteste le montant des demandes de M. [S] [G].

Par conclusions déposées le 21 septembre 2023, M. [S] [G] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a limité l'indemnisation des conséquences du licenciement et en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre d'un préjudice moral, de condamner la société Gagest à lui payer la somme de 16 996,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 8 498,96 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de débouter la société Gagest de ses demandes.

M. [S] [G] conteste les griefs formulés à son encontre en soutenant qu'il a rempli ses obligations professionnelles, conformément au protocole applicable, malgré la perturbation provoquée par le fils de la patiente à transporter et l'insubordination de son collègue ; il ajoute qu'il n'avait jamais été sanctionné auparavant et qu'il a d'ailleurs continué de travailler entre le 17 avril et la date de son licenciement.

Au soutien de ses demandes d'indemnisation, outre sa situation financière, M. [S] [G] fait valoir qu'il était âgé de 59 ans à la date de son licenciement et qu'il est père de quatre enfants ; il invoque également l'existence d'un suivi psychologique ; il s'oppose à la limitation légale de l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en invoquant la convention n°159 de l'Organisation internationale du travail et la Charte sociale européenne du 3 mai 1996. Par ailleurs, il sollicite l'indemnisation d'un préjudice moral causé par les circonstances vexatoires du licenciement.

SUR QUOI

Sur la cause du licenciement

La lettre de licenciement reproche à M. [S] [G] divers manquements à ses obligations d'ambulancier, qualifiés de « dysfonctionnements ».

En ce qui concerne la prise des constantes faite dans l'ambulance plutôt qu'au domicile de la patiente à transporter, l'utilisation d'une chaise portoire plutôt qu'un brancard pour déplacer l'intéressée jusqu'au véhicule et le fait d'avoir laissé l'auxiliaire seul avec une patiente ayant des difficultés respiratoires, l'employeur ne produit aucun élément médical permettant de démontrer que ces comportements étaient inadaptés à la situation, ainsi qu'il l'affirme.

De même, aucun élément médical ne démontre qu'au moment où les ambulanciers ont constaté la nécessité d'administrer de l'oxygène à la patiente le choix d'un masque normal était manifestement inadapté.

Ainsi, aucune faute commise par M. [S] [G] n'est démontrée en ce qui concerne la prise en charge médicale.

Les pièces produites par l'employeur et le salarié démontrent en revanche, que la mesure de la tension de la patiente a été l'occasion d'une altercation entre M. [S] [G] et l'auxiliaire ambulancier qui l'accompagnait, relative au bon usage du tensiomètre. M. [S] [G] a reconnu qu'il avait pris, voire « arraché », l'appareil des mains de son collègue, en affirmant que celui-ci, malgré des instructions précises, l'avait positionné par erreur au niveau de l'avant-bras ; l'auxiliaire ambulancier confirme l'existence d'un incident en expliquant avoir utilisé « le tensiomètre électrique personnel de [son] collègue », mais en affirmant toutefois que lui-même avait correctement positionné l'appareil, que M. [S] [G] l'avait alors repris pour le placer sur l'avant-bras, que lui-même avait de nouveau saisi l'appareil pour le mettre au-dessus du coude ce qui avait entraîné une nouvelle réaction de M. [S] [G] pour descendre « la manche ainsi que le brassard fermement ».

Les déclarations recueillies auprès du fils de la patiente mentionnent que l'auxiliaire ambulancier avait « retroussé la manche du gilet afin de positionner le brassard sur le bras de la patiente », que l'ambulancier diplômé d'État a arraché le brassard du bras de la patiente alors que l'auxiliaire était en plein soin et « en difficulté pour prendre la tension artérielle à travers à cause du gilet trop épais », que l'auxiliaire a demandé à M. [S] [G] d'arrêter et qu'il lui a donné « un coup d'épaule de façon protectrice » auquel il a été répondu par un coup d'épaule réciproque à l'auxiliaire « le faisant pratiquement tomber sur la patiente ». Ces déclarations ne permettent pas de faire la lumière sur l'utilisation réelle du tensiomètre à l'origine de l'incident ; elles démontrent un comportement brusque et inadapté de M. [S] [G], mais également qu'il s'est heurté à l'attitude du coéquipier placé sous son autorité.

Ces déclarations démontrent également que M. [S] [G] a eu une attitude inadaptée à l'égard du fils de la patiente en se prévalant de sa qualité d'ambulancier diplômé d'État et en lui demandant si lui-même savait prendre une tension et à quoi servent les appareils.

Toutefois, si l'existence de fautes est démontrée, celles-ci ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement alors que, d'une part, le comportement professionnel de M. [S] [G] n'avait jusqu'alors donné lieu à aucune sanction ni à aucune remarque de la part de l'employeur et que, d'autre part, il n'est pas démontré que ces fautes reflétaient le comportement habituel du salarié.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

Au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et des conséquences du licenciement, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de l'indemnité due à M. [S] [G] au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse à ce licenciement.

Par ailleurs, M. [S] [G], qui sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que lui auraient causé « les circonstances brutales de la rupture » ou « les circonstances vexatoires du licenciement », n'invoque cependant aucun élément de fait permettant de caractériser la brutalité du licenciement ou son caractère vexatoire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Enfin, rien ne justifie d'ordonner la remise à M. [S] [G] de documents de fin de contrat rectifiés.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Gagest, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Gagest à payer à M. [S] [G] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Ajoutant au jugement déféré,

DÉBOUTE M. [S] [G] de sa demande de remise de documents de fin de contrat rectifiés ;

CONDAMNE la société Gagest aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [S] [G] une indemnité de 2 000 euros (deux mille euros), par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024, signé par Monsieur Emmanuel Robin, Président de chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 23/02259
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;23.02259 ?
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