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11/06/2024 | FRANCE | N°22/01036

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 11 juin 2024, 22/01036


MINUTE N° 24/416



















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 11 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 4

A N° RG 22/01036

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZJC



Décision déférée à la Cour : 08 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANT :



Me [P] [D] (SAS [5]) - Mandataire liquidateur de S.A.S.U. [7]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]...

MINUTE N° 24/416

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 11 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01036

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZJC

Décision déférée à la Cour : 08 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANT :

Me [P] [D] (SAS [5]) - Mandataire liquidateur de S.A.S.U. [7]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [M] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Emmanuel BERGER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROBIN, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,

- signé par M. ROBIN, Président de chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société [6] a embauché M. [M] [J] le 5 juin 2016 en qualité de monteur raccordeur ; le 1er mai 2018, le contrat de travail a été transféré à la société [7] ; à compter du 1er janvier 2019, M. [M] [J] a été promu au poste de responsable bureau d'études ; la société [7] l'a licencié pour faute grave par lettre recommandée du 5 février 2020.

M. [M] [J] a contesté ce licenciement et a réclamé le paiement de rémunérations complémentaires.

Par jugement du 8 février 2022, le conseil de prud'hommes de Strasbourg, après avoir dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 5 février 2020 s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société [7] à payer à M. [M] [J] la somme de 3 474,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, celles de 11 372,46 et de 1 137,25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 2 653 euros au titre de la rémunération de la mise à pied conservatoire, celle de 265,30 euros au titre des congés payés afférents, celle de 15 160 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 6 468,06 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2019, outre 646,81 euros au titre des congés payés afférents, celle de 25 794,05 euros au titre des heures supplémentaires, outre 2 579,40 euros au titre des congés payés afférents, et une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; la société [7] a été déboutée de ses propres demandes.

Pour l'essentiel, le conseil de prud'hommes a considéré, d'une part, que la faute reprochée à M. [M] [J] au soutien de son licenciement n'était pas démontrée, d'autre part, que l'employeur n'avait pas tenu compte de l'augmentation du salaire horaire accordée par avenant du 31 décembre 2018, et, enfin, que la réalité du temps de travail allégué par le salarié était démontrée par les relevés GPS de son véhicule de service et par de nombreux témoignages ; il a rejeté la demande reconventionnelle de la société [7] en remboursement d'un acompte en relevant l'absence de justification d'un tel acompte.

Le 14 mars 2022, la société [7] a interjeté appel de ce jugement.

Le 20 juin 2022, la société [7] a été placée en liquidation judiciaire ; le liquidateur est intervenu à l'instance.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 16 janvier 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 5 avril 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions déposées le 29 septembre 2023, le liquidateur judiciaire de la société [7] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter M. [M] [J] de toutes ses demandes, de le condamner à rembourser la somme de 2 875,54 euros et de le condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ce qui concerne le licenciement, le liquidateur de la société [7] soutient que M. [M] [J] a commis une faute grave en demandant au magasinier de la société de lui procurer du matériel de la société pour son usage personnel ; en outre, M. [M] [J] aurait délibérément caché à son employeur le contenu des échanges de messages téléphoniques entre lui-même et le magasinier, avant de les produire en justice ; il aurait créé une société concurrente immédiatement après son départ de l'entreprise et aurait embauché d'anciens salariés de la société [7].

S'agissant des heures supplémentaires, le liquidateur de la société [7] conteste la loyauté de la production de relevés de géolocalisation par M. [M] [J] ainsi que le bien fondé des décomptes établis par ses soins ; elle ajoute que les témoignages qu'il invoque ne sont pas suffisamment précis.

Le liquidateur de la société [7] ajoute que cette société a versé à M. [M] [J] un acompte de 5 000 euros par virement et que cette somme devait être remboursée par mensualités de 500 euros. Le salarié resterait devoir un solde de 2 875,54 euros.

Par conclusions déposées le 26 mai 2023, M. [M] [J] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de fixer sa créance sur la liquidation judiciaire de la société [7] aux sommes allouées par le conseil de prud'hommes.

M. [M] [J] affirme que la société [7] avait décidé de se séparer de lui avant même les faits invoqués au soutien du licenciement et qu'elle l'avait ainsi privé d'accès à internet et ne l'avait pas convié à une réunion du 5 janvier 2020. Les éléments produits par la société [7] au soutien du licenciement ne démontreraient aucun comportement fautif.

Il réitère ses demandes de rappel de salaire et s'oppose à la demande reconventionnelle de la société [7].

L'A.G.S.-CGEA de [Localité 8], assignée à personne le 23 août 2022, n'a pas constitué avocat.

SUR QUOI

Sur l'exécution du contrat de travail

La rémunération horaire

Par un avenant du 31 décembre 2018, la société [7] et M. [M] [J] sont convenus de fixer à 21,87 euros la rémunération horaire brute de celui-ci, à compter du 1er janvier 2019.

Ainsi que l'a constaté le conseil de prud'hommes, l'employeur n'a pas fait application de cet avenant, lequel avait pour effet de porter le salaire mensuel à 3 790,82 euros pour 169 heures de travail.

En appel, le liquidateur judiciaire de la société [7] ne développe aucun moyen au soutien de sa contestation du rappel de salaire réclamé au titre de la rémunération de base.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point, sauf à fixer la somme due à M. [M] [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société [7].

Le temps de travail

Conformément aux deux premiers alinéas de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ayant excédé les quatre heures hebdomadaires prévues par le contrat de travail, M. [M] [J] verse aux débats un tableau établi par ses soins mentionnant, jour par jour depuis le début de l'année 2017 et jusqu'au 16 janvier 2020, les horaires de travail dont il se prévaut, en précisant, pour chaque demie journée, l'heure de début et l'heure de fin, ainsi que le nombre d'heures journalier et le total hebdomadaire, outre le nombre d'heures supplémentaires revendiqué par semaine et le montant réclamé à ce titre.

Ce tableau met l'employeur en mesure de discuter utilement la demande de M. [M] [J].

Néanmoins la société [7] n'a jamais produit les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Elle n'a jamais précisé comment elle comptabilisait le temps de travail de ses salariés, ce qui ne met pas la cour en mesure d'ordonner une mesure d'instruction utile destinée à vérifier la réalité des horaires de travail de M. [M] [J] au cours de la période visée par sa demande.

Il importe peu que M. [M] [J] a attendu d'être libéré de son lien de subordination pour réclamer le paiement de salaires et, au titre de son action en paiement d'heures supplémentaires, il n'incombe pas au salarié de justifier de leur nécessité au regard des tâches qui lui étaient confiées.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande de M. [M] [J] au titre du temps de travail, sauf à fixer sa créance sur la liquidation judiciaire de la société [7].

Sur le licenciement

Par lettre recommandée expédiée le 5 février 2020, ainsi qu'en fait foi le cachet de la poste apposé sur le justificatif de dépôt, et remise à M. [M] [J] le 6 février 2020, ainsi que cela résulte de l'avis de réception, la société [7] a licencié son salarié pour faute grave en lui reprochant d'avoir, les 11 et 12 janvier 2020, demandé au magasinier de l'entreprise de lui procurer du matériel de la société à des fins personnelles, d'avoir également demandé à son interlocuteur de ne pas aviser l'employeur de cette démarche et de n'avoir précisé ni la raison ni la destination de ce matériel ; la société [7] précisait que le matériel mis à la disposition du salarié par l'employeur était uniquement destiné aux missions qui lui étaient confiées et qu'elle considérait que tout autre usage était constitutif d'un vol.

Ainsi que l'a constaté exactement le conseil de prud'hommes, il s'agit du seul grief invoqué par l'employeur pour rompre unilatéralement le contrat de travail et l'affirmation de la société [7] selon laquelle M. [M] [J] aurait demandé au magasinier de lui fournir « du matériel de la société » est contredite par les termes mêmes de l'échange entre les deux salariés dont il ressort que, pour ce qui concerne ses besoins personnels, M. [M] [J] s'est renseigné sur le matériel et les prix que le magasinier était susceptible d'obtenir mais qu'il a toujours refusé de se faire remettre des objets appartenant à la société [7] ou commandés pour celle-ci.

Dès lors, le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation des sommes dues à M. [M] [J] au titre des conséquences de ce licenciement. Il convient toutefois de rectifier une erreur matérielle affectant le dispositif du jugement qui a mentionné, au titre de la compensation de l'indemnité de congés payés pour la période de préavis, une somme de 137,25 euros au lieu de celle de 1 137,25 euros exactement prévue par les motifs de ce jugement.

Enfin, eu égard à la procédure collective ouverte à l'égard de la société [7] il convient de fixer la créance de M. [M] [J] au passif de cette société, conformément à la demande de l'intimé.

Sur la demande reconventionnelle

Le liquidateur judiciaire de la société [7] démontre par la production d'un avis de virement que, le 28 octobre 2019, la société [7] a viré une somme de 5 000 euros sur le compte bancaire de M. [M] [J] à titre d'« acompte [J] ».

M. [M] [J] ne conteste ni la réalité de ce versement, ni son caractère d'acompte, et il importe peu que l'existence de celui-ci n'ait pas été mentionnée sur les bulletins de paie ; par ailleurs, le liquidateur judiciaire de la société [7] fait valoir à juste titre que, lors d'une conversation téléphonique du 15 janvier 2020, enregistrée par M. [M] [J] lui-même, celui-ci a reconnu avoir emprunté une somme à son employeur.

Dès lors, la preuve de l'obligation de rembourser la somme de 5 000 euros prêtée le 28 octobre 2019 est suffisamment rapportée, peu important les modalités convenues pour son remboursement.

M. [M] [J] ne démontre pas avoir payé d'autres sommes que celles que la société [7] a reconnu avoir reçues.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la société [7] de sa demande de remboursement du solde d'un acompte versé le 28 octobre 2019 et M. [M] [J] sera condamné au paiement du solde qui lui est réclamé, soit la somme de 2 875,54 euros.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société [7], qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Ces dépens seront fixés au passif de la liquidation judiciaire, de même que les dépens d'appel.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; le liquidateur judiciaire de la société [7] sera débouté de sa demande d'indemnité.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire,

RECTIFIE une erreur matérielle affectant le dispositif du jugement déféré en ce que la somme allouée au titre des congés payés sur préavis s'élève à 1 137,25 euros et non à 137,25 euros ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société [7] de sa demande de remboursement de l'acompte versé le 28 octobre 2019 et en ce qu'il a prononcé des condamnations contre cette société ;

L'INFIRME de ces chefs ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [M] [J] à payer au liquidateur judiciaire de la société [7] la somme de 2 875,54 euros (deux mille huit cent soixante quinze euros et cinquante quatre centimes) ;

FIXE la créance de M. [M] [J] sur la liquidation judiciaire de la société [7] aux sommes suivantes :

1) 3 474,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

2) 11 372,46 euros et 1 137,25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

3) 2 653 euros au titre de la rémunération de la période de mise à pied conservatoire,

4) 265,30 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés,

5) 15 160 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

6) 6 468,06 euros à titre de rappel de salaire de base,

7) 646,81 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés,

8) 25 794,05 euros au titre des heures supplémentaires,

9) 2 579,45 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société [7] les dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE le liquidateur judiciaire de la société [7] de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024, signé par Monsieur Emmanuel Robin, Président de chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/01036
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;22.01036 ?
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