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10/06/2024 | FRANCE | N°23/01794

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 10 juin 2024, 23/01794


MINUTE N° 24/310

























Copie exécutoire à :



- Me David FRANCK

- Me Maria-Stella ROTOLO

- Me Benoît NICOLAS



Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 10 Juin 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01794 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICES



Décisi

on déférée à la cour : jugement rendu le 14 avril 2023 par le Juge des contentieux de la protection de COLMAR





APPELANTE :



Madame [A] [T]

[Adresse 9]

Représentée par Me David FRANCK, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me Georges-...

MINUTE N° 24/310

Copie exécutoire à :

- Me David FRANCK

- Me Maria-Stella ROTOLO

- Me Benoît NICOLAS

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 10 Juin 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01794 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICES

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 avril 2023 par le Juge des contentieux de la protection de COLMAR

APPELANTE :

Madame [A] [T]

[Adresse 9]

Représentée par Me David FRANCK, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me Georges-Frédéric MAILLARD, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉS :

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 19]

Représenté par Me Maria-Stella ROTOLO, avocat au barreau de MULHOUSE, substituée par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 18]

[Localité 15]

Représenté par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me Céline RICHARD, avocat à la cour

Monsieur [H] [D]

[Adresse 22]

[Localité 14]

Non comparant, régulièrement représenté par sa mère

Monsieur [F] [N]

[Adresse 20]

[Localité 8]

Non comparant, non représenté

[26]

Chez [35]

[Adresse 2]

Non comparant, non représenté

[27]

Chez [35]

[Adresse 2]

[Localité 23]

Non comparant, non représenté

COFIDIS

Chez CONCILIAN

[Adresse 16]

[Localité 11]

Non comparant, non représenté

MAGASIN BOULANGER

Pôle 430

[Adresse 36]

[Localité 12]

Non comparant, non représenté

CENTRE LECLERC

[Adresse 7]

Non comparant, non représenté

ORANGE CONTENTIEUX

Chez [34] - [Adresse 37]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Non comparant, non représenté

[27]

Chez [31] - [Adresse 1]

[Adresse 30]

[Localité 10]

Non comparant, non représenté

[38]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 13]

Non comparant, non représenté

[28]

[33]

[Adresse 29]

[Localité 21]

Non comparant, non représenté

[24]

Chez [32] - [Adresse 37]

[Adresse 37]

[Localité 6]

Non comparant, non représenté

ACM ASSURANCES

[Adresse 37]

[Adresse 37]

[Localité 17]

Non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DESHAYES, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN

ARRET :

- défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Dans sa séance du 21 juin 2021, la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin a constaté la situation de surendettement de Madame [A] [T] et l'a déclarée recevable au bénéfice d'une procédure de surendettement.

A l'issue de sa séance du 16 septembre 2021, elle a préconisé un rééchelonnement de ses dettes sur la base de mensualités de 135,08 euros sur une durée maximale de 84 mois au taux de 0% avec effacement partiel ou total des dettes à l'issue de cette période.

Sur contestations formées par Monsieur [I] [Z] et Monsieur [Y] [U], créanciers, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Colmar a, par jugement réputé contradictoire en date du 14 avril 2023 :

déclaré recevables les contestations formées par Monsieur [I] [Z] et Monsieur [Y] [U],

dit que Madame [A] [T] était de mauvaise foi,

dit que cette dernière était déchue du droit de bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers,

débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

rejeté les demandes de Messieurs [I] [Z] et [Y] [U] fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que celle présentée par Madame [A] [T] sur ce même fondement,

laissé à chaque partie la charge des éventuels dépens qu'elle a engagés.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a rappelé que le juge dispose, dans le cadre d'une contestation des mesures imposées, de la plénitude de pouvoir juridictionnel et peut ainsi vérifier la bonne foi du débiteur. Il a par ailleurs retenu que, au vu des revenus et charges de la débitrice, et de la somme mensuelle qu'elle devrait verser pour apurer ses dettes dans un délai de 84 mois, laquelle excédait ses revenus mensuels, elle avait aggravé son insolvabilité, en fraude des droits de ses créanciers, par des dépenses liées aux jeux d'argent dans une telle proportion qu'elle prenait consciemment le risque de ne pouvoir respecter ses engagements.

Madame [A] [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 27 avril 2023.

A l'audience du 15 avril 2024, Madame [A] [T], représentée par son conseil, reprend les termes de ses conclusions récapitulatives du 10 avril 2024 tendant à voir déclarer son appel recevable et bien fondé et infirmer le jugement déféré. Elle sollicite de la cour, statuant à nouveau, de :

Sur les contestations de Messieurs [Z] et [U] :

à titre liminaire :

constater, dire et juger que leurs contestations tendent en réalité à remettre en cause la recevabilité de son dossier de surendettement et les déclarer irrecevables comme tardives,

à titre subsidiaire :

constater, dire et juger qu'elle est de bonne foi,

rejeter l'intégralité des contestations, fins, demandes et prétentions de Messieurs [I] [Z] et [Y] [U],

sur la situation de Madame [A] [T] :

à titre principal :

constater, dire et juger que sa situation est irrémédiablement compromise,

prononcer l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,

à titre subsidiaire :

confirmer les mesures imposées par la commission de surendettement du Haut-Rhin dans sa décision du 17 septembre 2021,

en tout état de cause :

condamner solidairement ou in solidum Messieurs [I] [Z] et [Y] [U] à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers frais et dépens.

A l'appui de son appel, Madame [A] [T] soulève en premier lieu l'irrecevabilité des contestations formées par Messieurs [Z] et [U] aux motifs que :

la contestation de la décision de recevabilité doit être formée dans les 15 jours de sa notification, conformément aux dispositions de l'article R722-1 du code de la consommation,

la décision de recevabilité la concernant a été rendue le 21 juin 2021,

Monsieur [Y] [U] et Monsieur [I] [Z] ne prouvent pas que cette décision leur aurait été adressée par lettre simple et que le délai précité ne leur serait pas opposable,

le recours formé par Monsieur [Y] [U] ne respecte pas les formes prescrites par l'article R733-6 du code de la consommation faute d'être signé.

Elle se prévaut en second lieu de sa bonne foi dès lors qu'elle souffre d'une pathologie dénommée ludomanie, correspondant à une addiction aux jeux et fait valoir les nombreuses démarches menées pour y remédier (demande d'interdiction de jeux sollicitée et obtenue de l'Autorité Nationale des Jeux le 25 mars 2021, thérapie suivie auprès d'un médecin spécialisé, recherche d'un emploi stable), rappelant que l'appréciation de la bonne foi doit se faire au jour où il est statué. Elle souligne en outre que son endettement trouve sa cause exclusive dans cette dépendance.

Elle conclut au rejet des contestations adverses en faisant valoir que Monsieur [I] [Z] n'apporte aucun élément de nature à renverser la présomption légale de bonne foi ; qu'aucun abus de faiblesse ne lui a été pénalement reproché ; que, contrairement aux allégations de ce dernier, sa situation de revenus et l'importance de ses dettes ne permet pas d'envisager un apurement sans procédure de surendettement ; que Monsieur [I] [Z] ne prouve pas que sa dette serait d'un montant différent de celui fixé par la commission de surendettement auprès de laquelle il lui appartenait de déclarer le montant exact le cas échéant ; que la reconnaissance de dette qu'elle a signée est intervenue en l'absence de lucidité suffisante compte tenu de sa pathologie ; que le nombre de dettes et de reconnaissances de dettes s'inscrit dans ce contexte et ne suffit pas à lui refuser le bénéfice de la procédure de surendettement ; qu'elle n'a jamais tenté d'organiser son insolvabilité alors même qu'elle a mené une reconversion afin d'avoir un métier plus stable et rémunérateur et a sollicité son interdiction de jeux.

Elle s'oppose pour les mêmes motifs à la contestation présentée par Monsieur [Y] [U] soulignant que celui-ci ne saurait se prétendre victime d'escroquerie ou vol alors que la remise des fonds a été volontaire et accompagnée d'une reconnaissance de dette et qu'il ne justifie pas des suites données à sa plainte et ne fournit aucune preuve utile à l'appui de ses déclarations.

S'agissant enfin de l'orientation du dossier, elle précise sa situation financière qui caractérise, selon elle, une situation irrémédiablement compromise.

Monsieur [I] [Z], représenté par son conseil, reprend ses conclusions du 29 septembre 2023 tendant à voir déclarer l'appel mal fondé, débouter Madame [A] [T] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions et confirmer le jugement déféré, ou subsidiairement, fixer sa créance à la somme de 42 049,32 euros et intégrer cette dette dans les mesures de surendettement sans effacement. Il sollicite en tout état de cause condamnation de Madame [A] [T] aux entiers frais et dépens.

Monsieur [I] [Z] soutient que la contestation formée le 8 octobre 2021 est recevable puisqu'il n'a été informé de la faculté de contester les décisions de la commission de surendettement

qu'à l'occasion du courrier du 17 septembre 2021 présentant les mesures imposées et que le courrier du 21 juin 2021 l'informant de la procédure en cours se contentait pour sa part de lui accorder un délai de 30 jours pour « actualiser sa créance ». Il ajoute qu'il n'a en tout état de cause pas reçu de notification recommandée de la décision de recevabilité de sorte que le délai de recours n'a pas commencé à courir et que la bonne foi étant une condition d'éligibilité au traitement du surendettement, elle peut être contestée à tout stade de la procédure ou examinée d'office par le juge.

Sur le fond, il argue de la mauvaise foi de la débitrice qui a profité de son caractère influençable et lui a fait croire à des sentiments pour obtenir de l'argent, comme elle l'a fait avec plusieurs autres jeunes hommes, la nature délictueuse de ses agissements suffisants à caractériser la mauvaise foi même sans condamnation pénale.

Il estime que la prétendue ludomanie de l'intéressée n'excuse ni ne justifie son comportement, au contraire, et que l'intéressée soutirait de l'argent à ses « victimes » pour assouvir cette passion et vivre au-dessus de ses moyens dans l'espoir d'être déchargée de ses dettes grâce à un surendettement.

A titre subsidiaire, il s'oppose à tout effacement des dettes compte tenu de l'âge de la débitrice, de son emploi et de sa situation personnelle et professionnelle.

Il se prévaut enfin d'une dette s'établissant à la somme de 42 049,32 euros au 7 décembre 2021 compte tenu des frais afférents à l'exécution forcée mise en 'uvre.

Par conclusions notifiées le 24 janvier 2024, reprises à l'audience, Monsieur [Y] [U] conclut au mal-fondé de l'appel de Madame [A] [T], au débouté de l'intégraIité de ses demandes, fins, moyens et conclusions et à la confirmation du jugement. Il sollicite subsidiairement de voir fixer sa créance à la somme de 41 000 euros, la voir intégrer dans les mesures de surendettement sans effacement et en tout état de cause, voir condamner Madame [A] [T] aux entiers frais et dépens et à lui payer un montant de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle les circonstances de versement des fonds à Madame [A] [T] et le titre exécutoire dont il dispose.

Il souligne qu'en l'absence de preuve de ce que la décision de recevabilité lui aurait été notifiée par lettre recommandée, preuve négative qu'il ne lui appartient pas d'apporter, les délais de recours ne peuvent avoir commencé à courir ; qu'en outre, sa contestation qui portait sur l'absence de palier le concernant entrait dans les délai et champ des contestations des mesures imposées prévus à l'article L733-10 du code de la consommation ; qu'enfin, le juge avait la faculté de vérifier d'office la bonne foi comme il y a procédé.

S'agissant du défaut de validité formel de son acte de contestation soulevé par la partie appelante, il rappelle que l'article R733-6 du code de la consommation énonce les mentions utiles sans les ériger en conditions de recevabilité et que le cas visé n'entre dans les fins de non-recevoir énumérées à l'article 122 du code de procédure civile. Si l'appelante entendait en fait soutenir la nullité de l'acte, elle devait le faire in limine litis et a couvert cette nullité en concluant au fond, notamment en première instance avant de la soulever en appel. Le cas échéant, il s'agirait d'une demande nouvelle irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile. Il justifie en tout état de cause de la copie de l'acte reçu par les services de la [25] et sur lequel figure la signature de son conseil.

Sur le bien-fondé de ses contestations, il soutient la mauvaise foi de Madame [A] [T] qui était parfaitement consciente qu'elle ne rembourserait pas les sommes empruntées. Il souligne la concomitance entre le dépôt du dossier de surendettement et l'assignation en paiement à son encontre.

Subsidiairement, il demande à voir fixer sa créance à la somme de 41 000 euros sans effacement de cette dette qui n'est pas justifiée compte tenu de l'âge et la situation financière et personnelle de la débitrice.

Monsieur [H] [D], régulièrement représenté par sa mère, sollicite confirmation du jugement déféré et conteste que la cause du surendettement de Madame [A] [T] résulte de sa seule addiction aux jeux, l'intéressée ayant adopté un train de vie bien supérieur à ses moyens.

Les autres créanciers, régulièrement convoqués par lettre recommandée avec accusé de réception signé à l'exception de la trésorerie de Masevaux dont la lettre recommandée est revenue avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse, n'ont pas comparu ni formulé d'observations particulières.

La décision a été mise en délibéré pour être rendue le 10 juin 2024.

MOTIFS

Vu les écritures des parties auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces produites ;

La cour rappelle au préalable que :

- aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à « dire et juger » ou « constater », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra pas sauf à ce qu'ils viennent au soutien d'une prétention formulée dans le dispositif des conclusions ou si elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention.

Sur la recevabilité de l'appel de Madame [A] [T]

Le jugement querellé ayant été notifié à Madame [A] [T] le 21 avril 2023, son appel, enregistré le 27 avril 2023, est recevable.

Sur la recevabilité des contestations de Monsieur [I] [Z] et de Monsieur [Y] [U]

Conformément aux dispositions de l'article R722-1 du code de la consommation, la décision de recevabilité du dossier de surendettement est notifiée au débiteur, aux créanciers, aux établissements de paiement et aux établissements de crédit teneurs de comptes du déposant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui indique qu'elle peut faire l'objet d'un recours, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au secrétariat de la commission.

Conformément aux dispositions de l'article R733-6 du code de la consommation, les créanciers disposent d'un délai de trente jours à compter de la notification, pour former recours contre les mesures qu'entend imposer la commission de surendettement. Le courrier de notification indique que la contestation à l'encontre des mesures imposées indique notamment les nom, prénoms et adresse de son auteur, les mesures contestées ainsi que les motifs de la contestation, et est signée par ce dernier.

En l'espèce, Monsieur [I] [Z] et Monsieur [Y] [U] ont tous deux accusé réception du courrier de notification des mesures imposées le 22 septembre 2021. Monsieur [I] [Z] les a contestées par lettre postée le 8 octobre 2021 et Monsieur [Y] [U] par lettre recommandée postée le 12 octobre 2021, soit dans le délai de trente jours précité.

L'article L733-12 du code de la consommation prévoit que le juge, saisi d'une contestation des mesures imposées, peut vérifier, même d'office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi

que le montant des sommes réclamées et s'assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation définie à l'article L711-1, à savoir un débiteur de bonne foi se trouvant dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes professionnelles et non-professionnelles, exigibles et à échoir.

Le fait que la procédure permette aux créanciers de former une contestation aux précédents stades de la procédure, que constituent la recevabilité à la procédure de surendettement et l'état détaillé des dettes, ne les prive pas de former un recours ultérieur et qu'y soient examinées, à cette occasion, les conditions d'admission à la procédure de surendettement, soit d'office soit à la suite des arguments développés par le créancier contestant.

Il n'existe dès lors aucune forclusion ou irrecevabilité tirée du fait que les créanciers n'ont pas contesté la bonne foi de la débitrice au stade de la recevabilité du surendettement.

Comme retenu par le premier juge, les contestations formées par Messieurs [Z] et [U] étaient donc effectivement recevables tant en leur délai qu'en leur objet, peu importent dès lors les modalités selon lesquelles a pu être notifiée la décision de recevabilité et les mentions y figurant.

Le moyen tiré d'un prétendu défaut de signature de la contestation déposée au nom de Monsieur [Y] [U], soulevé devant la présente juridiction, sera écarté puisqu'il résulte du courrier de contestation transmis par la commission de surendettement dont copie est à nouveau produite par l'intéressé à hauteur d'appel que sa contestation était bien signé de la main de son conseil, toutes considérations quant à la recevabilité ou non de ce moyen d'irrecevabilité étant donc sans objet et sans emport.

Sur la bonne ou mauvaise foi de Madame [A] [T]

En vertu des dispositions de l'article L711-1 du code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.

La bonne foi est présumée et s'apprécie non seulement à la date des faits à l'origine du surendettement mais aussi au moment de la déclaration de situation lors du dépôt de la demande de surendettement et tout au long de la procédure de surendettement.

La mauvaise foi, qui doit être établie par le créancier qui s'en prévaut, ne se confond pas avec l'imprudence ni même avec la négligence du débiteur. Elle doit présenter un lien avec la situation

de surendettement du débiteur et se rapporter, soit directement et immédiatement aux conditions de l'endettement, soit aux conditions entourant le dépôt de sa demande ou présidant à l'exécution par lui, de la procédure de désendettement.

La seule accumulation de crédits ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi, laquelle implique un élément intentionnel marqué par la connaissance que le débiteur ne pouvait pas manquer d'avoir de sa situation et sa volonté de l'aggraver sachant qu'il ne pourrait faire face à ses engagements et qu'il déposerait ensuite un dossier de surendettement pour tenter d'échapper à ses obligations.

En l'espèce, il résulte du dossier et notamment de l'état détaillé des dettes que Madame [A] [T] a cumulé un endettement total de 132 970,64 euros correspondant pour l'essentiel à 9 crédits à la consommation souscrits en 2016 et 2018 et 4 emprunts souscrits auprès de proches ou connaissances courant 2019 à hauteur d'au moins 102 500 euros, pour lesquelles elle a signé des reconnaissances de dettes sous seing privé ou notariée, à savoir :

dette déclarée souscrite en avril 2019 auprès de Monsieur [F] [N] et attestation de ce dernier du 6 septembre 2019, contresignée par l'intéressé, faisant état d'un remboursement de 1 000 euros laissant subsister une dette de 12 000 euros ;

reconnaissance de dette sous seing privé du 14 juin 2019 au profit de Monsieur [H] [O] ([D]) pour une somme de 5 000 euros, « à rembourser par virement bancaire avant le 30 juin 2019 » pour laquelle l'intéressée a été condamnée par jugement du 6 mars 2020 rendu par le tribunal de proximité de Thann à lui verser la somme réclamée de 5000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019, outre 400 euros au titre des frais irrépétibles ;

reconnaissance de dette notariée du 20 juin 2019 au profit de Monsieur [I] [Z] pour une somme de 44 500 euros remboursable en 95 mensualités de 495 euros chacune entre le 5 juillet 2019 et le 5 juin 2025 au taux de 1,39% ;

reconnaissance de dette du 16 octobre 2019 au profit de Monsieur [Y] [U] à hauteur de 40 000 euros «  à rendre au plus vite » pour laquelle elle a été condamnée par jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 13 octobre 2021 au paiement de la somme de 40 000 euros avec intérêts légaux à compter du jugement, outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La proximité des dates précitées ainsi que les sommes importantes réclamées et prêtées impliquent qu'à la date où Madame [A] [T] a signé ces reconnaissances de dette, elle se savait déjà dans l'incapacité de rembourser les sommes dues et ce d'autant qu'au vu de son avis d'imposition de l'année 2019, son revenu s'établissait alors autour de 1 250 euros et qu'elle était déjà poursuivie courant 2019 pour des impayés sur certains des crédits à la consommation souscrits précédemment et des chèques impayés.

Les sommes empruntées paraissent en outre sans commune mesure avec sa capacité contributive et elle était nécessairement consciente de son incapacité à les rembourser.

L'intéressée justifie son comportement par une prétendue addiction aux jeux.

Aucune pièce relative à la période concernée, tels que des extraits de compte de 2019 faisant apparaître la réalité de mouvements sur des sites de jeux ou attestations, ne vient corroborer cette allégation.

Le fait que Madame [A] [T] ait saisi l'Autorité nationale des jeux d'une demande d'interdiction de jeux, qui a été acceptée par cette dernière et est devenue effective le 30 mars 2021, n'est pas probant alors qu'aux termes de l'article L320-9-1 du code de la sécurité intérieure, cette interdiction peut être prononcée sur demande volontaire de toute personne, sans qu'il soit nécessaire de justifier de la réalité d'une quelconque addiction ni effectué aucune vérification en ce sens.

Les certificats de consultation de l'intéressée auprès d'un médecin présenté comme « docteur en médecine, capacité d'addictologie, DU de micronutrition et thérapie familiale systémique » en date des 20 décembre 2021, 7 janvier 2022 et 17 janvier 2022 ne sont pas davantage pertinents s'agissant de consultations ponctuelles dont la cause n'est pas connue.

Madame [A] [T] n'établit donc ni la réalité de sa ludomanie ni la réalité des soins dont elle se prévaut, étant en tout état de cause observé que le caractère évolutif de la notion de bonne foi ne s'entend pas comme permettant à un débiteur d'une mauvaise foi avérée lors de la constitution de son endettement d'être ultérieurement déclaré de bonne foi mais comme imposant que la bonne foi du débiteur persiste tout au long de la procédure de surendettement.

Il sera à cet égard observé que Madame [A] [T] a déposé son dossier de surendettement le 8 juin 2021 alors qu'elle venait d'être assignée en paiement par Monsieur [Y] [U] le 14 mai 2021 et de faire l'objet d'une saisie sur rémunérations en avril 2021 dans le cadre des mesures d'exécution menées par Monsieur [H] [O] ([D]).

Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a constaté la mauvaise foi de Madame [A] [T], sous la seule précision qu'en indiquant que celle-ci était déchue du droit de bénéficier de la procédure de surendettement, il entendait dire que cette dernière était irrecevable au bénéfice de ces mesures.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé, les demandes subsidiaires étant par suite sans objet.

Sur les frais et dépens

Madame [A] [T] succombant en son appel, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à supporter les dépens et payer à Monsieur [I] [Z] et Monsieur [Y] [U] une somme de 1 000 euros à chacun.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,

DECLARE l'appel formé par Madame [A] [T] recevable en la forme ;

CONFIRME le jugement rendu le 14 avril 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Colmar sous la précision que le fait que celle-ci soit déchue du droit de bénéficier de la procédure de surendettement s'entend comme le fait qu'elle est irrecevable au bénéfice de ces mesures.

DIT n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires ;

Y ajoutant :

DEBOUTE Madame [A] [T] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [A] [T] à verser à Monsieur [I] [Z] et Monsieur [Y] [U] une somme de 1 000 euros à chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [A] [T] aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/01794
Date de la décision : 10/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-10;23.01794 ?
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