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03/06/2024 | FRANCE | N°23/01790

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 03 juin 2024, 23/01790


MINUTE N° 24/295





























Copie exécutoire à :



- Me Alexandre DIETRICH

- Me Guillaume HARTER





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 03 Juin 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01790 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICEK



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 décembre 2022 par la 11ème chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTE :



S.A.S. GRENKE LOCATION

[Adresse 2]



Représentée par Me Alexandre ...

MINUTE N° 24/295

Copie exécutoire à :

- Me Alexandre DIETRICH

- Me Guillaume HARTER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 03 Juin 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01790 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICEK

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 décembre 2022 par la 11ème chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

[Adresse 2]

Représentée par Me Alexandre DIETRICH, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. AB DIFFUSION société prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège,

[Adresse 1]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, président et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Se fondant sur un contrat numéro n°107-17197 daté des 20 septembre et 2 octobre 2018 portant location de longue durée d'un dispositif de tiroir-caisse dénommé « pack pro easy resto 200918 » fourni par la société Solumag, moyennant le versement de 48 loyers de 114,76 euros HT payables trimestriellement, et se prévalant d'impayés, la Sas Grenke location a, par courrier du 18 avril 2019 réceptionné par la société AB Diffusion le 3 mai 2019, procédé à la résiliation anticipée dudit contrat et sollicité restitution du matériel et paiement de la somme de 5 474,31 euros correspondant aux loyers impayés et à l'indemnité de résiliation.

Par assignation délivrée le 30 juin 2021, la Sas Grenke location a fait citer la Sarl AB Diffusion devant la chambre des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg afin de voir condamner cette dernière à lui verser les sommes de 948,19 euros au titre des loyers échus, 4 923,20 euros au titre de l'indemnité de résiliation, 3 914,62 euros au titre de l'indemnité de non-restitution, avec capitalisation des intérêts, outre 800 euros d'indemnité de procédure ainsi que les frais et dépens.

La Sarl AB Diffusion a contesté l'existence de tout contrat conclu avec la société Grenke location et soutenu avoir restitué le matériel à la société Solumag dès lors que cette dernière avait manqué à son engagement d'installer ledit matériel.

Par jugement contradictoire rendu le 9 décembre 2022, la chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg a déclaré la Sas Grenke location mal fondée en ses demandes, l'en a déboutée et l'a condamnée aux dépens de l'instance.

Pour ce faire, le premier juge a constaté que la société Grenke location rapportait la preuve du recours à un procédé de signature électronique qualifié via Docusign et pouvait se prévaloir de la présomption de fiabilité découlant de l'article 1367 du code civil mais que la confrontation des signatures figurant sur les contrats ouverts au nom de la bailleresse et sur les documents officiels produits par le gérant de la société AB Diffusion à l'audience excluait qu'il ait signé le contrat de location de longue durée,

d'autant qu'il existait une étonnante ressemblance entre l'écriture du salarié du fournisseur et celle prêtée au gérant de la société AB Diffusion. Il retenait donc que Monsieur [H] [L], gérant de la Sarl AB Diffusion, n'avait pas signé le contrat de location longue durée et n'avait donc pas engagé la société AB Diffusion auprès de la société Grenke location, même s'il était certain que la société AB Diffusion avait contracté avec son fournisseur, Solumag.

Par acte du 2 mai 2023, la Sas Grenke location a formé appel de ces dispositions.

Par conclusions du 4 octobre 2023 notifiées électroniquement le lendemain, la Sas Grenke location demande à la cour, sur le fondement des articles 1103 du code civil et des conditions générales du contrat, d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- débouter la Sarl AB Diffusion de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions ;

- condamner la Sarl AB Diffusion à lui payer les sommes de :

' 948,19 euros TTC au titre des arriérés de loyers du contrat n° 107-17197, augmentée des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 16 novembre 2018 sur la somme de 24,38 euros, du 03 janvier 2019 sur la somme de 97,53 euros, du 03 janvier 2019 sur la somme de 413,14 euros et du 01 avril 2019 sur la somme de 413,14 euros,

' 4 923,20 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 18 avril 2019 ;

' 3 914,62 euros au titre de l'indemnité de non resti- tution augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 18 avril 2019 ;

' 40 euros TTC au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- ordonner la capitalisation des intérêts au titre des dispositions de l'article 1343-2 du code civil;

- en tout état de cause, condamner la Sarl AB Diffusion à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la Sarl AB Diffusion en tous les frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, la Sas Grenke location critique l'interprétation faite par le premier juge de la notion de signature électronique et se prévaut de la présomption légale de fiabilité du procédé de signature électronique Docusign utilisé en l'espèce, conforme aux exigences textuelles et jurisprudentielles car permettant de déterminer de manière exacte l'identité des différents contractants et de vérifier l'intégrité des actes signés. Elle insiste sur le fait que la signature est sécurisée grâce à l'horodatage et aux adresses IP des parties, distinctes pour la Sarl AB Diffusion et son fournisseur, et précise que l'écriture apposée sur les documents correspond à une police d'écriture proposée par le site internet.

La Sas Grenke location conclut au débouté des demandes subsidiaires adverses tendant à voir prononcer la nullité ou la résolution du contrat alors que :

- s'agissant de la nullité : la Sarl AB Diffusion ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L221-3 du code de la consommation alors que la location d'un matériel de caisse enregistreuse entre bien dans le champ de son activité principale de restauration et que le silence de l'intimée sur le nombre de ses salariés ne permet pas de vérifier l'application du texte qui le limite aux personnes morales ayant 5 ou moins de 5 salariés ;

- s'agissant de la résolution du contrat de location en raison de l'inexécution par le fournisseur de ses obligations : la Sarl AB Diffusion ne justifie d'aucun contrat de prestation de service faisant naître des obligations de la société Solumag à son égard et, au surplus, aucune résolution du contrat de location ne pourrait être prononcée ou caducité constatée en l'absence de mise en cause du prestataire et de résiliation judiciaire du contrat de prestation de service.

Par conclusions notifiées le 19 septembre 2023, la Sarl AB Diffusion sollicite de :

- déclarer l'appelante irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter en l'absence de contrat de location liant les parties,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Grenke location de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens de l'instance,

subsidiairement, en cas d'infirmation :

- prononcer la nullité du contrat de location invoqué par la société Grenke location,

- prononcer la résolution dudit contrat,

en tout état de cause :

- condamner la société Grenke location à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la Sarl AB Diffusion fait essentiellement valoir que le document intitulé « certificat de réalisation Docusign » produit par la société Grenke location n'indique pas qu'il est délivré à titre de certificat électronique qualifié ni ne mentionne l'Etat dans lequel le prestataire de service est établi ; qu'il n'est pas non plus établi que Docusign est prestataire de services de confiance qualifié et propose un dispositif de création de signatures électroniques qualifié permettant l'émission de certificats qualifiés, faute de comporter les mentions exigées par l'annexe I du règlement européen du 23 juillet 2014 ; que la société Grenke location ne peut donc invoquer une présomption de fiabilité alors que la signature de la Sarl AB Diffusion est contestée.

A titre subsidiaire, la Sarl AB Diffusion soulève le manquement de la société Grenke location à son obligation d'information précontractuelle telle que définie à l'article L221-5 du code de la consommation, au bénéfice duquel elle peut prétendre dès lors que le contrat litigieux de louage d'une solution matérielle et logicielle de prise de commande n'entre pas dans son champ d'expertise et que le contrat a été conclu hors établissement.

Subsidiairement, l'intimée argue enfin des manquements de la société Solumag dans l'exécution de sa prestation en précisant que le devis du 18 septembre 2018, non signé, prévoyait la livraison, l'installation, la configuration et la formation sur le matériel mais que, seule la livraison étant intervenue, elle avait dénoncé les manquements adverses par plusieurs courriers et courriels entre le 14 novembre 2018 et le 2 avril 2019, sans réponse utile, ce qui justifie la résolution du contrat de fourniture et par suite de location.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2024.

MOTIFS

Aux termes de l'article 287 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. (') Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électronique, le juge vérifie si les conditions mises par les articles 1366 et 1367 du code civil relatifs à la validité de l'écrit ou de la signature électronique sont satisfaites.

En vertu des dispositions de l'article 1367 du code civil, la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'article 1366 dispose que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

L'article 1 du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 énonce que la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en 'uvre une signature électronique qualifiée.

Est une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement européen sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché (dit règlement eIDAS) en date du 23 juillet 2014 et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement.

Il résulte des dispositions de l'article 26 dudit règlement qu'une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes :

- être liée au signataire de manière univoque,

- permettre d'identifier le signataire,

- avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif,

- être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.

En l'espèce, la Sas Grenke Location verse aux débats :

' le contrat de location n° 107-17197 en date des 20 septembre et 2 octobre 2018, comportant la signature électronique de Monsieur [H] [L],

' la confirmation de livraison,

' un document d'identification du locataire dans le cadre de l'utilisation de la signature électronique,

' un « certificat de réalisation » émanant de la société DocuSign portant mention des « événements de signataire », mention de la signature concernée avec précision du style et de l'adresse IP et mention de l'horodatage de chaque événement.

La société AB Diffusion conteste sa signature ainsi que la présomption de fiabilité attachée au procédé électronique utilisé pour le contrat litigieux, faute notamment pour la société Grenke location de prouver que le certificat produit est délivré à titre de certificat électronique qualifié et de prouver que la société Docusign est prestataire de services de confiance qualifié.

Il est constant que le « certificat de réalisation » produit ne précise pas qu'il constitue un certificat qualifié de signature électronique ni que son auteur, la société Docusign, est reconnu comme prestataire de service de confiance qualifié au sens du règlement eIDAS.

En outre, ledit document porte mention d'un identifiant d'enveloppe et de ce que l'enveloppe source est un document de 7 pages avec 4 signatures et le certificat un document de 2 pages avec 2 paraphes. Il semble ainsi renvoyer à un fichier de preuve qui n'est pas produit.

Cette pièce paraît donc insuffisante pour permettre à la cour d'apprécier si la signature électronique contestée s'analyse en une signature électronique qualifiée, faute de disposer de documents suffisants pour vérifier si elle respecte les conditions nécessaires à cette dénomination.

Il convient donc d'inviter la Sas Grenke location à verser aux débats tout document utile permettant de vérifier si la signature du contrat litigieux a suivi le procédé imposé par la règlementation européenne et notamment un certificat qualifié de signature électronique conforme aux normes des annexes du règlement eDIAS et la preuve de la reconnaissance de la société Docusign comme prestataire de service de confiance qualifié à la date de la signature litigieuse, notamment par le biais d'un certificat de conformité délivré par l'organisme ANSSI.

Les demandes et dépens seront réservés dans l'attente.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt avant dire-droit :

ORDONNE la réouverture des débats,

INVITE la Sas Grenke Location à verser aux débats tout document utile permettant de vérifier si la signature du contrat litigieux a suivi le procédé imposé par la règlementation européenne et notamment un certificat qualifié de signature électronique conforme aux normes des annexes du règlement eDIAS et la preuve de la reconnaissance de la société Docusign comme prestataire de service de confiance qualifié à la date de la signature litigieuse, notamment par le biais d'un certificat de conformité délivré par l'organisme ANSSI,

RENVOIE l'affaire à l'audience du lundi 16 septembre 2024 à 09h,

RESERVE les demandes et dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/01790
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;23.01790 ?
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